Le présent rapport d’étude s’appuie sur une recherche menée en 2020-2021 par Éric Brun (CURAPPESS) au moyen d’un financement de l’Ires-CGT. L’objet de cette recherche est d’interroger à nouveaux frais l’évolution de la présence territoriale des services publics. En effet, à partir des décennies 1980 et surtout 1990 en France, suivant une redéfinition du rôle de l’État selon un modèle néolibéral, les services publics ont connu de profonds bouleversements justifiés aussi bien par la recherche d’économies budgétaires que par des mots d’ordre de « modernisation » et « d’efficacité » de l’action publique. Peu à peu, se sont alors imposés un discours et un diagnostic a priori critiques de ces mutations, déplorant à ce propos une « fracture territoriale » au détriment des « territoires ruraux ».
Au moyen d’une étude localisée sur une partie de l’ex-région Picardie, il s’agit ainsi d’interroger les traductions socio-spatiales des réformes dites de « modernisation » de l’État et des services publics.
Pour se faire, l’étude s’attache premièrement à objectiver les processus de relocalisation des services publics en zones rurales et périurbaines depuis les années 1980 ; deuxièmement à interroger les effets de ces mutations sur les habitants ruraux, en particulier les catégories populaires. L’enquête de terrain combine ainsi deux volets : un premier volet, « quantitatif », consistant dans le recueil, le traitement et l’analyse de données informant notamment sur l’implantation des équipements publics sur le territoire depuis les années 1980 (dont la principale source est l’Inventaire communal, devenu Base permanente des équipements) ; un second volet, « qualitatif », consistant en la réalisation d’une quarantaine d’entretiens semi-directifs avec des agents publics, des représentants politiques, syndicaux ou associatifs actifs d’un territoire rural situé dans la Somme, enfin des ménages ou individus habitant dans ce dernier et représentant eux-mêmes différentes fractions des catégories populaires.