La promotion de politiques visant à favoriser la conciliation emploi-famille est sur l’agenda européen depuis le milieu des années 1970, dans un contexte de participation croissante et continue des femmes au marché du travail. L’objectif de « concilier les responsabilités familiales de tous les intéressés avec leurs aspirations professionnelles » apparaît initialement dans le premier programme d’action sociale de la Commission européenne en 1974, au service de la « réalisation du plein et du meilleur emploi dans la communauté 2 », sans produire de résultats concrets (Hantrais, 2000:15). Il réapparaît 15 ans plus tard et conjointement, dans une communication de la Commission sur la politique familiale et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Dans sa communication, la Commission reconnaît l’évolution des comportements d’activité des femmes comme bénéfique à l’échelle individuelle et collective, mais souligne qu’elle « pose le problème de la double journée de travail pour les femmes et dès lors, celui du partage des responsabilités familiales, et pose en termes plus aigus celui de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale 3 ». La communication s’interroge également sur l’incidence de la flexibilisation du travail sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale 4. Dans la Charte 5 (§ 16), c’est au nom de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes qu’est affirmée la nécessité de « développer des mesures permettant aux hommes et aux femmes de concilier leurs obligations professionnelles et familiales ».
Cet objectif est repris de façon récurrente et croissante, tout au long des années 1990, dans divers textes produits à l’échelle européenne (Hantrais,
2000:15-19). Mêlant, suivant une géométrie variable, des enjeux en termes d’égalité, d’emploi et de démographie, ces textes engagent les États membres et les partenaires sociaux à agir. Cet engagement est cependant assorti de peu de mesures contraignantes, laissant à ces acteurs nationaux le choix des modalités d’action et des instruments à mettre en œuvre. En réponse à cette invitation européenne, différentes stratégies en faveur de la conciliation emploi-famille ont été déployées à l’échelle nationale, mettant plus ou moins l’accent sur l’emploi, la natalité ou l’égalité entre hommes et femmes (Jönnson, Morel, 2006). Ces politiques de conciliation ont en effet été conçues dans une « dépendance au chemin » déjà tracé et notamment aux conventions de genre existantes, c’est-à-dire aux normes et représentations collectives relatives aux rapports sociaux entre les sexes (Letablier, 2009).
Si l’analyse des choix opérés en termes de politique publique a fait l’objet d’une vaste littérature essentiellement comparative, l’incidence en termes de négociation collective au niveau des branches ou des entreprises a été beaucoup moins étudiée. Tel est l’enjeu de cet article, qui vise à interroger la matérialisation de cet objet nouveau de négociation sociale à travers une approche comparative France-Luxembourg. Ces deux pays, proches par leur régime de protection sociale, présentent des caractéristiques différenciées en termes de convention de genre et de système de relations professionnelles. Bien qu’en évolution, la convention luxembourgeoise de genre favorise plus qu’en France le modèle de « Monsieur Gagnepain », ce qui se traduit par un écart plus important en termes de taux d’emploi des hommes et des femmes, et un recours plus fréquent au travail à temps partiel pour ces dernières 6 (Valentova 2008). Sur le plan des relations professionnelles, le Luxembourg relève d’un régime de partenariat social dans lequel la recherche du consensus est privilégiée et la participation des partenaires sociaux à la politique publique est régulière et institutionnalisée. La reconnaissance mutuelle des partenaires sociaux est ainsi mieux établie qu’en France, les relations sociales moins conflictuelles et l’intervention de l’État plus indirecte (Ebbinghaus, 1998 ; Rey, 2010). Ces caractéristiques se traduisent par la mise en place dans les deux pays de dispositifs différents d’incitation à la négociation sur la question de la conciliation emploi-famille. Dans le cas de la France, la législation en a fait un objet explicite de négociation dans le cadre de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes. Au Luxembourg, en revanche, les partenaires sociaux ont été laissés libres de se saisir, ou pas, de cet enjeu, dans le cadre des négociations obligatoires sur l’organisation du temps de travail et sur l’égalité entre femmes et hommes, lesquelles ont été conçues dans un objectif de stimulation de l’emploi.
Partant de cette diversité des dispositifs institutionnels existants, l’article cherche à apprécier la portée relative de la négociation sur la conciliation
emploi-famille qu’ils encadrent, en étudiant la forme et le contenu pris par cette négociation aux niveaux de la branche et de l’entreprise. L’article se décompose en trois parties. Les deux premières explicitent la nature de l’incitation européenne et ses déclinaisons institutionnelles en France et au Luxembourg. La troisième partie étudie la réponse des partenaires sociaux par l’analyse exploratoire du produit de la négociation collective sur un échantillon de 12 entreprises implantées en France et au Luxembourg, et y déployant des activités similaires, ainsi qu’au niveau d’une branche d’activité.
I. La conciliation vie professionnelle-vie familiale :
une invitation de l’Union européenne à agir
Si l’Union européenne est souvent perçue comme une contrainte limitant les marges de manœuvre nationales, elle est aussi source d’opportunités nouvelles et de ressources (d’ordre politique, légal, budgétaire ou cognitif et normatif) que les acteurs nationaux peuvent mobiliser pour construire leur propre stratégie (Jacquot, Ledoux, Palier, 2010:7). Dès lors, étudier l’influence communautaire sur les systèmes nationaux impose d’éclaircir la nature exacte de ces contraintes et ressources, avant de s’interroger sur l’usage que les acteurs en font à l’échelle nationale. En matière de conciliation vie professionnelle-vie familiale, l’incitation européenne à agir a été déployée sous une forme peu contraignante et constitue avant tout une ressource cognitive et normative. Cette ressource est cependant instable, distillant une approche de la conciliation tiraillée entre un objectif social d’égalité entre femmes et hommes et un objectif économique d’emploi et de croissance.
I.1. Un objectif à la confluence des politiques d’égalité et d’emploi
L’engagement des instances politiques européennes en faveur de la conciliation travail-famille, et par suite ses implications cognitives et normatives, ouvre à des interprétations divergentes, et ce d’autant plus que son contenu a été mouvant (Jacquot, Ledoux, Palier, 2010). L’élan initial est communément imputé à l’activisme des féministes, qui ont attiré l’attention sur l’impact de la sphère domestique sur la vie professionnelle des femmes (Stratigaki, 2004:14 ; Jönsson, Morel, 2006:124-125 ; Jacquot, 2009a). Suivant cette approche, la promotion d’une égalité réelle entre femmes et hommes impose non seulement de permettre aux femmes de participer au marché du travail, afin qu’elles soient indépendantes économiquement, en leur accordant les aménagements et services nécessaires, mais également d’inciter les hommes à investir la sphère domestique pour permettre un meilleur partage des tâches et ainsi faciliter l’investissement des femmes dans la sphère professionnelle (Jacquot 2009b:7;9). Cette ambition anime les deux premiers programmes d’action communautaire pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (1982-1985 et 1986-1990) – soutenus chacun par une résolution du Conseil de l’Union européenne 7 – qui insistent sur la nécessité de promouvoir un partage équitable des responsabilités familiales et appelle à la mise en œuvre, dans cette perspective, de congés, d’infrastructures pour la garde des enfants et d’organisation du temps de travail favorables.
Quand, au tournant des années 1990, l’objectif de conciliation s’impose comme un leitmotiv de la politique européenne, certains y voient une expression atténuée, voire « corrompue » de cette ambition initiale. Comme le remarque Maria Stratigaki, l’objectif de conciliation, en incluant de façon indifférenciée les hommes et les femmes, est pensé à l’échelle de l’individu sans prise en compte des interactions au sein de la sphère familiale : « Même si hommes et femmes réussissent individuellement leur conciliation [emploi-famille], rien ne suggère dans cette expression que cela doit être fait sur une base égalitaire, de sorte que cet objectif n’implique plus de remise en cause de la division conventionnellement genrée du travail 8 » (Stratigaki,
2004:14). Parce qu’il demeure compatible avec l’inégal partage des responsabilités familiales, cet objectif est ainsi dénoncé comme porteur d’une approche étroite de l’égalité de genre. Pour d’autres, moins critiques, il demeure le signe d’un tournant des politiques européennes d’égalité vers le traitement des inégalités socialement construites au travail comme à la maison (Hantrais,
2000:2). On peut en effet penser que la mise en œuvre de politiques de conciliation ouvertes aux hommes favorise leur investissement dans la sphère familiale. Encore faut-il qu’elles soient effectives.
Si les interprétations divergent sur le sens que revêt le terme de « conciliation » dans la rhétorique européenne (Lewis, 2008:39), il y a consensus sur le fait que l’intérêt croissant pour cette thématique engendre peu de mesures contraignantes. Cet objectif est en effet principalement déployé dans le registre de la soft law (Jönnson, Morel, 2006:7), les instances européennes « invitant » les États membres et les partenaires sociaux à agir dans ce domaine. La première recommandation adoptée par le Conseil de l’UE dans le champ de la conciliation date de 1992 9 et appelle au développement d’un large spectre d’initiatives autour du thème de la garde des enfants (Hantrais, 2000:16 ; Lewis, 2008:48). Les États membres y sont invités à mettre en œuvre ou à soutenir des initiatives visant à promouvoir non seulement des services de garde mais également des congés spéciaux, des organisations et des conditions et de travail tenant compte des besoins et responsabilités des parents salariés, ainsi qu’un partage plus égal des responsabilités familiales entre femmes et hommes 10. Au sein de ce vaste programme, seuls quelques domaines d’action sont par la suite assortis de mesures prescriptives. D’abord, les congés liés à la parentalité qui font l’objet d’une directive européenne en 1996 11 qui vient compléter la directive de 1992 sur la grossesse et la maternité au travail 12. Ensuite, l’accès au travail à temps partiel, via la directive 97/81/CE 13. Enfin, l’offre de garde des jeunes enfants qui est soumise à des objectifs quantifiés au sommet de Barcelone en 2002 (au moins 33 % des enfants âgés de moins de 3 ans accueillis dans des structures d’accueil et au moins 90 % des enfants ayant entre 3 ans et l’âge de la scolarité obligatoire).
Les analyses de l’engagement européen en faveur de la conciliation emploi-famille convergent également pour souligner qu’entre la première et la dernière de ces mesures, les enjeux légitimant l’intervention dans ce champ évoluent singulièrement : les enjeux en termes d’emploi et plus généralement de croissance prennent progressivement le pas sur la promotion de l’égalité entre femmes et hommes (Lewis, 2008:51). Si la première moitié des années 1990 met en avant de façon prédominante un enjeu en termes d’égalité entre les sexes (affirmé comme un but en soi), le référentiel évolue à partir à partir de 1997, alors que les mesures de conciliation sont intégrées dans les lignes directrices de la Stratégie européenne pour l’emploi (encadré 1) entérinée par une résolution du Conseil de l’UE 14 (Lewis, 2008:48-49 ; Jacquot, 2009b:10). Dans un contexte où les politiques sociales sont réinterprétées comme un facteur productif (Lewis, 2008:52), la « conciliation du travail et de la vie familiale » figure alors comme un axe du « renforcement des politiques d’égalité des chances », ce renforcement étant lui-même une des quatre lignes d’action principales visant à l’augmentation durable du taux d’emploi en Europe 15.
Cette instrumentalisation des politiques de conciliation (Lewis, 2008:53), et plus généralement des politiques d’égalité entre femmes et hommes, conduit les instances européennes à privilégier les mesures permettant d’accroître la participation des femmes au marché du travail, sans véritable action sur la forme prise par cette participation (seul le taux d’emploi des femmes est visé par un objectif quantifié). Outre les recommandations portant sur la garde extra-familiale des enfants, l’accent est mis sur la promotion de formes « souples » de travail et d’organisation du travail, soit des formes qui permettent aux femmes d’accomplir leur double journée de travail tout en servant les intérêts des employeurs (Stratigaki, 2004:17). La nécessité de promouvoir un partage des responsabilités familiales, sans être abandonnée, n’est plus évoquée que marginalement (Lewis, 2008:53). Cette inflexion des recommandations conduit à mettre en tension les enjeux d’emploi et d’égalité, notamment en raison des effets pervers d’un usage sexué des dispositifs de conciliation. Comme l’admet la Commission européenne en 2008, dans son rapport annuel sur l’égalité entre femmes et hommes, « il apparaît que les efforts importants fournis dans le cadre de la Stratégie européenne pour la croissance et l’emploi afin de parvenir à une augmentation tant quantitative que qualitative [“more and better jobs”] de l’emploi des femmes semblent avoir porté leurs fruits davantage sous l’aspect quantitatif que qualitatif » (Commission européenne, 2008).
Cette relative impasse de l’engagement européen en faveur de la conciliation vie professionnelle-vie familiale n’est sans doute pas étrangère à la substitution opérée dans les deux derniers « Pactes européens pour l’égalité entre les hommes et les femmes » (signés en 2006 et 2011), ainsi que dans la dernière Stratégie européenne pour l’emploi (établie en 2010), abandonnant la référence à la « conciliation » au profit de la mise en avant d’un « meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». Au-delà du changement terminologique, le contenu même de l’incitation européenne semble aujourd’hui évoluer, opérant un déplacement du curseur vers l’objectif d’égalité. La Commission européenne a en effet engagé en novembre 2015 une procédure de consultation des partenaires sociaux en vue de moderniser et d’adapter le cadre juridique et politique actuel de l’Union européenne, afin de contribuer notamment à « une utilisation plus équitable des politiques de conciliation entre travail et vie privée pour les femmes et les hommes, et au renforcement de l’égalité des sexes sur le marché du travail 16 ».
I.2. Un objectif relayé par les partenaires sociaux européens
Cette implication des partenaires sociaux n’est pas nouvelle. Si les instances européennes ont fait de la conciliation emploi-famille un objectif de politique publique, elles l’ont aussi promu comme objet de dialogue social. À l’échelle européenne, comme à l’échelle nationale, les partenaires sociaux ont en effet été fortement associés aux politiques de conciliation, tant dans leur volet égalité que dans leur volet emploi, contribuant à en forger le contenu. Ainsi le Programme d’action communautaire pour l’égalité des chances entre hommes et femmes appelle, dès 1991, les partenaires sociaux à « poursuivre et renforcer le dialogue social sur les thèmes de la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales 17 ». De même, dès la deuxième version des lignes directrices pour l’emploi, les partenaires sociaux sont appelés à mettre en place des politiques favorables à la famille 18.
Cette mobilisation du dialogue social comme vecteur privilégié de la conception et de la mise en œuvre des politiques de conciliation se traduit d’abord, à l’échelle européenne, par l’engagement de procédures de consultation aboutissant à la signature de deux accords-cadres, l’un sur le congé parental et l’autre sur le travail à temps partiel. Ces accords, incorporés dans des directives européennes 19, offrent la première occurrence d’une participation active des partenaires sociaux à l’élaboration de la législation européenne (encadré 2). Le premier, signé en 1995, vise, selon son préambule, à « mettre en place des prescriptions minimales sur le congé parental et l’absence au travail pour raisons de force majeure, en tant que moyen important de concilier la vie professionnelle et familiale et de promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes », laissant aux États membres et aux partenaires sociaux nationaux le soin d’en définir les conditions d’accès et les modalités d’application. Plus précisément, l’accord prévoit qu’un droit individuel à un congé parental soit accordé aux travailleurs, hommes et femmes, « en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans ». Afin de promouvoir l’égalité hommes-femmes, ce droit est pensé dans son principe comme non transférable, mais cela est laissé dans les faits à la discrétion des États membres. L’exercice de ce droit doit également être assorti d’une protection contre le licenciement, d’une garantie de retrouver son poste ou un travail équivalent et d’un maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition. L’accord vise aussi à instaurer une autorisation à s’absenter du travail « pour cause de force majeure liée à des raisons familiales urgentes en cas de maladie ou d’accident rendant indispensable la présence immédiate du travailleur 20 ».
Si ce premier accord est placé sous le double signe de la conciliation emploi-famille et de l’égalité entre femmes et hommes, le deuxième
accord-cadre, portant sur le travail à temps partiel, s’inscrit lui explicitement, selon son préambule, dans « une contribution à la stratégie européenne générale pour l’emploi » et n’évoque la conciliation que comme l’une de ses motivations. Cet accord vise à établir les principes généraux et prescriptions minimales en vue « d’assurer la suppression des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et d’améliorer la qualité du travail à temps partiel », d’une part, et « de faciliter le développement du travail à temps partiel sur une base volontaire et de contribuer à l’organisation flexible du temps de travail d’une manière qui tienne compte des besoins des employeurs et des travailleurs », d’autre part. Il appelle notamment les employeurs à faciliter le passage entre temps plein et temps partiel et sa réversibilité, ainsi que « les mesures visant à faciliter l’accès au travail à temps partiel à tous les niveaux de l’entreprise, y compris les postes qualifiés et les postes de direction, et, dans les cas appropriés, les mesures visant à faciliter l’accès des travailleurs à temps partiel à la formation professionnelle pour favoriser la progression et la mobilité professionnelles 21 ».
Cet accord fait suite à une consultation organisée par la Commission entérinant un changement d’approche sur la flexibilité du temps de travail : alors que les directives des années 1980 et du début des années 1990 visaient à réguler et à restreindre le recours par les employeurs aux formes atypiques d’emploi, le traité de Maastricht et la Stratégie pour l’emploi établi lors du Conseil européen d’Essen, conduisent à mettre en avant ces formes atypiques comme un moyen de répondre conjointement aux besoins de flexibilité des employeurs et aux désirs des salariés de concilier emploi et vie de famille, tout en préservant la sécurité de l’emploi (Demetriades, Meixner, Barry, 2006:3). Cette recherche d’un « équilibre nécessaire entre la flexibilité et la sécurité » est au cœur d’un troisième accord-cadre signé en 2002 et portant sur le télétravail. Dans les considérations générales, le télétravail est ainsi mis en avant comme « un moyen pour les entreprises et les organisations de services publics de moderniser l’organisation du travail, et comme un moyen pour les travailleurs de réconcilier vie professionnelle et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches ». Cet accord, qui vise à réguler les conditions d’emploi et de travail des télétravailleurs, est, contrairement aux deux accords précédents, un accord « autonome », c’est-à-dire que sa mise en œuvre revient aux partenaires sociaux nationaux. Cette approche, qui fait de la conciliation un domaine où les intérêts des employeurs et des employés peuvent converger, est reprise dans le « Cadre d’actions sur l’égalité hommes-femmes » élaboré en 2005 (encadré 3). Produit du premier programme de travail pluriannuel établi par les partenaires sociaux européens (2003-2005), ce cadre d’actions vise, comme l’ensemble du programme, à contribuer à la réalisation de la Stratégie européenne pour l’emploi.
Par ces différents accords et ce programme d’actions, les partenaires sociaux européens ont relayé l’incitation à négocier sur le thème de la conciliation, tout en contribuant à en forger le cadre cognitif et normatif. Si l’engagement en faveur de l’emploi et de la croissance domine leur traitement de la conciliation, émerge aussi, en mode mineur, une vision plus favorable à l’égalité entre femmes et hommes. Cette approche est présente dans le premier accord sur le congé parental qui, dans ses considérations générales, évoque la nécessité d’encourager les hommes à assumer une part égale des responsabilités familiales, et appelle à mettre en place des programmes de sensibilisation les encourageant à prendre un congé parental. Elle est reprise dans le Cadre d’actions élaboré en 2005 (encadré 3) et inspire la révision de l’accord sur le congé parental signé en 2009, qui fait évoluer, dans ce sens, plusieurs dispositions 22. Outre l’allongement de la durée du congé parental de trois à quatre mois, ce nouvel accord instaure en effet (en droit et non plus seulement en principe) la non-transférabilité de ce congé pour au moins un quart de sa durée et autorise les travailleurs à demander un assouplissement des conditions de travail au retour du congé. Il fait également référence à l’importance de sa rémunération pour inciter les pères à faire valoir leur droit en la matière. Il n’instaure cependant aucune obligation dans ce domaine, laissant cette question à la discrétion des États membres.
II. La France et le Luxembourg : deux déclinaisons
nationales entre convention de genre et système
de relations professionnelles
Si le contenu mouvant qu’elle reçoit à l’échelle européenne fait de la conciliation vie professionnelle-vie familiale une catégorie polysémique (Jacquot, Ledoux, Parlier, 2010), l’empreinte de ce concept sur les stratégies nationales est elle-même variable, d’autant que ces stratégies sont mises en place dans le cadre de ce qui existait déjà (Jönnson, Morel, 2006). La France et le Luxembourg sont emblématiques de cette convergence dans la diversité. Dans les deux pays, l’engagement européen en faveur de la conciliation vie familiale-vie professionnelle va avoir un effet aussi bien au niveau de l’action de l’État que de celle des partenaires sociaux, mais suivant des modalités très différentes, notamment du fait de conventions de genre bien différenciées et des spécificités de leur système de relations professionnelles.
II.1. Une conciliation repensée en France au prisme de l’égalité
professionnelle et du dialogue social
En France, les recommandations européennes en faveur de la conciliation vie professionnelle-vie familiale se sont traduites moins par la mise en œuvre de nouvelles politiques que par l’inflexion des politiques existantes, aussi bien au niveau de l’État que des entreprises. Du côté des politiques publiques, il existe une longue tradition de traitement de la question des interférences entre emploi et famille, que l’on peut faire remonter à la fin du XIXe siècle (Hantrais, Letablier, 1996:128). Ce traitement a d’abord été placé sous le double signe de la politique familiale et de la protection de la mère au travail, donnant lieu à la mise en place d’un socle étendu de droits sociaux à visée essentiellement nataliste. Cette orientation a été conjuguée, au tournant des années 1970, à un soutien à l’activité féminine générant une politique publique hybride, promouvant, tout à la fois, les fonctions productive et reproductive des femmes, la femme qui travaille et la femme au foyer. Ce compromis instable, penchant alternativement d’un côté et de l’autre, au gré des alternances politiques et de la situation du marché du travail, est consacré au milieu des années 1980 par l’adoption de la rhétorique du « libre choix ». Il s’agit alors de rendre possible, pour ceux qui le souhaitent, la juxtaposition de l’emploi et de la vie de famille, en combinant, grâce à l’implication de l’État et des entreprises, des aides à la garde des enfants, un congé parental rémunéré et des aménagements du temps de travail (Hantrais, Letablier, 1996:128). Dans les faits, loin d’être neutre et non prescriptive en autorisant un accès universel (en termes de ressources et de sexes) aux dispositifs de conciliation, cette politique publique, poursuivie dans les années 1990, a, par ses « lacunes, contradictions et incohérences », renforcé l’asymétrie des trajectoires professionnelles au sein du couple et la ségrégation de l’emploi féminin dans des segments peu valorisés du marché du travail (Fagnani, 1998).
Pour certains, ces effet pervers sont imputables à l’influence de l’agenda européen qui, en faisant de la conciliation emploi-famille un objectif explicite, conduit la France, au début des années 1990, à faire des dispositifs et instruments de la politique familiale « de véritables adjuvants de la politique d’emploi » (Martin, 2010:6). On peut, à l’inverse, penser qu’étant donné l’ampleur des dispositifs de conciliation préexistants en France, les engagements demandés à l’échelle européenne n’ont nécessité que de faibles ajustements et, qu’entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, le cadre cognitif et normatif européen a plutôt pour effet, peut-être paradoxalement, de réorienter ces dispositifs publics dans un sens plus soucieux et plus favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes (Jönnson, Morel, 2006 ; Fusulier, Nicole-Drancourt, 2015). Ainsi, le premier plan d’action établi par la France en réponse aux lignes directrices de la Stratégie européenne pour l’emploi évoque-t-il comme objectif, dans la partie réservée à la conciliation vie professionnelle-vie familiale, le développement des politiques d’égalité des chances « notamment, par une diversification des modes de garde et d’accueil des enfants (garde au domicile des parents et modes d’accueil collectifs), par une meilleure répartition entre hommes et femmes des congés parentaux et familiaux et par le développement des dispositifs d’aménagement et de réduction du temps de travail selon le principe de non-discrimination » (Plan national d’action pour l’emploi, France, 1998).
Un second effet de l’influence européenne est d’avoir placé les partenaires sociaux au cœur de cet objectif explicite, renouvelant ainsi l’implication traditionnelle des entreprises dans le champ de la politique familiale. Si les entreprises sont de longue date parties prenantes de la politique familiale française, les modalités de leur implication reposaient jusqu’alors plus sur la contrainte que sur leur propre initiative. Outre leur participation, aujourd’hui contestée, au financement de la branche famille de la protection sociale, les entreprises ont été en effet soumises, via le Code du travail, à un ensemble de dispositions légales protégeant le rôle familial des salariés. Ces dispositions recouvrent non seulement les mesures protectrices liées à la grossesse et au congé de maternité, mais également un ensemble étendu de congés et d’aménagement du temps de travail lié à la parentalité. Certaines branches et grandes entreprises, marquées par une tradition « sociale » ou « paternaliste », ont été au-delà de ce cadre légal et institutionnel prescriptif, mettant en place des dispositifs conventionnels assurant une extension des droits existants en matière de congé de maternité ou de congés pour évènements familiaux (en termes de durée ou de rémunération) ou de soutien financier aux familles (sous forme de primes ou d’aides occasionnelles). Plus généralement, les comités d’entreprise ont initié des actions en direction des familles. Mais ces dispositifs d’entreprise ont été très inégalement développés et principalement tournés vers l’aide ponctuelle aux salariés parents (Pailhé, Solaz, 2009). C’est donc sous une modalité renouvelée que les entreprises sont, au tournant des années 2000, mobilisées par la puissance publique. Il s’agit désormais, et conformément aux recommandations européennes, d’inciter les entreprises à investir le champ de la conciliation vie professionnelle-vie familiale en développant des dispositifs au-delà de leurs obligations légales, pour en faire un enjeu de négociation et de stratégie. Différents mécanismes sont mis en place à cet effet, combinant incitation fiscale, incitation au partage des bonnes pratiques et incitation à la négociation.
Ce renouvellement est d’abord initié par la Conférence de la famille, instance dans laquelle sont représentées toutes les parties prenantes de la politique familiale (dont l’État, les partenaires sociaux et les associations familiales), et qui est chargée à la fin des années 1990 de repenser cette politique. Réunie pour la première fois en 1996, elle met en place des groupes de travail sur différents thèmes, dont « la famille et le travail ». Cette réflexion conduit, l’année suivante, à faire de la conciliation vie familiale-vie professionnelle une priorité de la politique familiale en ouvrant la concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux. Le gouvernement annonce alors le lancement de cette concertation dans le but d’élaborer un projet de loi visant à favoriser cette conciliation, ainsi que l’institution d’un compte épargne-temps pour faciliter notamment les congés pour motifs familiaux. Ces mesures ne verront pas le jour du fait d’un changement impromptu de majorité politique. Le rôle de la Conférence est néanmoins réaffirmé dans les deux premiers Plans français d’action sur l’emploi de 1998 et 1999, qui en font la cheville ouvrière de la mise en œuvre de la ligne directrice relative à la conciliation vie professionnelle-vie familiale. Si l’approche de la conciliation déclinée par cette instance est moins dominée par la promotion de l’égalité entre femmes et hommes que par le paradigme du libre choix, notamment sous l’influence des associations familiales, c’est à son initiative qu’est mis en place en 2001 le congé de paternité, puis, en 2004, un « crédit d’impôt famille » (plafonné à 500 000 euros par an) visant à compenser partiellement le financement de mesures en faveur de la conciliation par les entreprises.
Ce renouvellement de l’implication des entreprises est aussi le fait des partenaires sociaux eux-mêmes qui, dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, invitent les entreprises à agir. Ainsi, le premier accord national interprofessionnel (ANI) signé en 1989 appelant les branches à négocier sur l’égalité professionnelle (notamment en application de la directive 76/207 23) fixe parmi les objectifs de cette négociation le « développement de solutions de nature à faciliter la conciliation de la vie professionnelle et familiale, dans le respect de l’égalité professionnelle 24 ». Plus précisément, cet accord invite les branches à s’intéresser « aux dispositions permettant d’assurer la garde des enfants malades » et « aux conditions d’accès à la formation à l’issue d’un congé parental 25 ». Cette attention portée à la conciliation est réaffirmée dans l’ANI de 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle. La conciliation y est évoquée plus explicitement comme un frein à l’égalité entre femmes et hommes. Dans une partie consacrée à la promotion et à la mobilité, l’accord attire en effet l’attention sur les obstacles que peut induire l’organisation du travail vis-à-vis de la mobilité professionnelle des femmes, mais aussi sur le caractère stigmatisant de certains dispositifs de conciliation, tels que les aménagements d’horaires et le temps partiel, et appelle à la mise en place de solutions innovantes par le biais des services au personnel (encadré 4).
Cette approche de la conciliation comme élément déterminant de l’égalité professionnelle et objet de négociation sociale va être institutionnalisée par la loi en 2006. Élaborée dans le sillage de l’accord interprofessionnel, cette troisième loi sur l’égalité professionnelle inscrit la question de « l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales » parmi les thèmes à aborder dans le rapport de situation comparée et dans la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle 26. Cette invitation à la négociation est renforcée en 2010 par une nouvelle loi 27 disposant que les entreprises de 50 salariés et plus ne peuvent se contenter de négocier sur l’égalité professionnelle mais doivent désormais signer un accord collectif ou, à défaut, élaborer un plan d’action, sous peine de sanctions financières. Cet accord ou ce plan doit, pour chacun des domaines d’action qu’elles auront choisi de traiter (quatre au minimum pour les entreprises de 300 salariés et plus et trois au minimum pour les entreprises de moins de 300 salariés), déterminer très précisément les objectifs à atteindre, les actions qui seront menées et les moyens qui seront mobilisés. Parallèlement à cette mobilisation de la négociation collective, la conciliation emploi-
famille est mise en avant comme un enjeu de la responsabilité sociale des entreprises, à travers la création de différents labels, chartes et observatoires soutenus par les pouvoirs publics et destinés au conseil, au partage d’expériences et à la valorisation des bonnes pratiques. L’ensemble de ces mesures convergent pour former une structure d’opportunité nouvelle visant à faire des entreprises un acteur central de la conciliation.
II.2. Une attention nouvelle portée à la conciliation au Luxembourg mais sans caractère contraignant
L’invitation européenne visant à la mise en place de mesures favorisant la conciliation vie familiale-vie professionnelle a été déclinée au Luxembourg comme en France mais suivant des modalités très différentes, notamment du fait des spécificités de la convention de genre et du système de relations professionnelles luxembourgeois. Elle se traduit d’abord par une sensibilité nouvelle à cette problématique dans la mesure où ne préexistait pas dans ce pays de politique de soutien à l’activité féminine. Le modèle luxembourgeois était ainsi caractérisé, au milieu des années 1990, comme opérant un mode séquentiel de régulation entre la vie professionnelle et la vie familiale 28, soutenu par l’État : les aides publiques encouragent un modèle où la mère reste à la maison pour prendre soin des enfants et retourne sur le marché du travail, souvent à temps partiel, lorsque ceux-ci entrent à l’école (Hantrais, Letablier, 1996:130). L’« allocation d’éducation », introduite à la fin des années 1980, est de ce point de vue emblématique. Cette allocation, qui n’a été supprimée que très récemment, offrait au parent qui souhaitait se consacrer à l’éducation de son enfant une indemnité courant de la fin du congé maternité aux 2 ans de l’enfant. Cette allocation avait été conçue comme la garantie du droit fondamental de l’enfant à « pouvoir grandir dans son milieu naturel 29 » , dans un contexte de pénurie de places de garde. L’indemnité, de l’ordre d’un tiers du salaire minimum, était dans les faits très peu incitative pour « Monsieur Gagnepain », d’autant qu’elle n’était assortie d’aucune garantie de réemploi pour le bénéficiaire ayant interrompu son activité (Valentova, 2008:84).
En l’absence de dispositions favorables à la conciliation emploi-
famille, l’incitation européenne a opéré au Luxembourg un véritable « effet levier ». Cet effet prend corps à travers la loi du 12 février 1999, dite « loi PAN » 30, qui met en œuvre le premier plan d’action national en faveur de l’emploi, transposant les lignes directrices établies par le Conseil européen dans le cadre de sa Stratégie pour l’emploi. Cette loi instaure les premières mesures favorables à la conciliation dans un contexte où le taux d’inactivité des femmes âgées entre 25 et 54 ans est, au Luxembourg, le plus élevé de l’Union européenne, soit plus de 37 % (contre 21 % en France, selon Eurostat). Ces mesures, comme l’ensemble du PAN, sont le fruit d’une négociation au sein du Comité de coordination tripartite, instance de concertation réunissant l’État, les organisations patronales et syndicales. Cette instance, à vocation initialement consultative, a été mise en place à la fin des années 1970 et constitue un des piliers du régime de partenariat social qui caractérise les relations professionnelles au Luxembourg
(Clément, 2008). Instituée dans le sillage de la crise de la sidérurgie, elle a été conçue comme une « plateforme permanente pour le dialogue » qui doit permettre d’« aplanir les différends […] pour arriver à un consensus dans l’intérêt du bien-être économique et social du pays » (Putz, 2014:468;118).
En réponse à la ligne directrice relative à la conciliation vie
professionnelle-vie familiale, la principale disposition mise en avant par le PAN luxembourgeois réside dans la transposition de la directive de 1996 sur le congé parental. Cette transposition, qui vise tout à la fois un effet positif sur le marché du travail, la conciliation et l’égalité entre hommes et femmes (Borsenberger, 2001:3), instaure un congé parental non transférable et rémunéré d’une durée maximale de 12 mois 31, ainsi qu’un « congé pour raisons familiales » de deux journées par enfant et par an, en cas de maladie ou d’accident de l’enfant nécessitant la présence d’un parent 32. Parallèlement à ces nouveaux droits garantis aux salariés parents, le PAN met en avant des mesures incitatives à destination des entreprises, en vue de lutter contre la discrimination hommes-femmes et de favoriser la participation de ces dernières au marché du travail. Cette incitation vise plus précisément la mise en œuvre d’actions positives dans le secteur privé, c’est-à-dire, suivant les termes retenus par la loi, des « mesures concrètes prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle » (art. 27). Sept domaines d’action sont visés : la mise en œuvre d’une nouvelle organisation du travail ; les mesures concrètes en matière de recrutement se situant avant ou/et après l’embauche ; les actions de formation spéciales ; les mesures relatives à des changements de métier ; les actions de promotion ; les actions favorisant l’accès du sexe sous-représenté aux postes de responsabilité et de décision ; les mesures tendant à une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle.
Ce dispositif relatif aux actions positives offre l’unique référence explicite à la conciliation vie familiale et vie professionnelle au sein du Code du travail en vigueur au Luxembourg. Ces actions doivent s’inscrire dans le cadre d’un projet d’entreprise, pouvant être généralisé à un secteur ou une branche, et leur mise en œuvre est conditionnée à l’approbation des représentants des salariés et du ministère concerné en vue d’une subvention 33. Quatre ans après l’entrée en vigueur de cette loi, le ministère de la Promotion féminine annonçait qu’une vingtaine d’entreprises avaient participé à ce programme 34. Pour accroître l’effectivité de cette disposition, la procédure a été formalisée en 2006 par le ministère, rebaptisé ministère de l’Égalité des chances, pour accompagner les entreprises dans l’élaboration d’un « plan d’actions positives », comportant trois volets : l’égalité de traitement, l’égalité dans la prise de décision (lutte contre le plafond de verre) et l’égalité dans la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. En ce qui concerne ce dernier thème, les actions privilégiées par le ministère sont : l’organisation du travail, les mesures de réintégration professionnelle, la conciliation d’une fonction dirigeante et de la vie privée et, enfin, l’offre de garde d’enfants et de services de conciergerie 35. Après une mise en œuvre réussie de ce plan, les entreprises se voient délivrer un label « Actions positives » par le ministère. À ce jour, 13 entreprises ont obtenu ce label.
Un autre registre d’incitation introduit par la loi PAN concerne la négociation des conventions collectives de travail (encadré 5) qui régissent les conditions d’emploi des salariés. L’article 5 de cette loi instaure en effet une obligation de négocier sur quatre thématiques : l’organisation du travail, la formation, l’emploi et l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Si la question de la conciliation vie professionnelle-vie familiale n’apparaît pas explicitement, elle est néanmoins potentiellement présente dans deux de ces thèmes de négociation. La première obligation vise en effet « l’organisation du travail, y compris des formules souples de travail, afin de rendre les entreprises productives et compétitives et d’atteindre l’équilibre nécessaire entre souplesse et sécurité ». La loi précise que cette négociation portera notamment « sur des périodes de référence pour le calcul de la durée du travail, sur la réduction du temps de travail, sur la réduction des heures supplémentaires, sur le développement du travail à temps partiel et sur les interruptions de carrière 36 ». Cette négociation s’inscrit dans la droite ligne de la Stratégie européenne pour l’emploi visant à « moderniser l’organisation du travail ». Dans l’esprit du Comité de coordination tripartite, qui est à l’origine de sa transposition, il s’agit plus précisément « d’introduire les éléments nécessaires de flexibilité positive », celle-ci devant permettre à l’entreprise « d’ajuster son fonctionnement aux contraintes de l’économie moderne globalisée tout en servant les intérêts des salariés, de plus en plus intéressés à une plus grande souplesse dans l’organisation de leur temps 37 ». Si cette disposition promeut une approche « non sexuée » de l’articulation des temps sociaux, et par suite ignore la question de l’égalité entre femmes et hommes, celle-ci est prise en charge par une négociation dédiée, qui, selon la loi PAN, doit porter notamment sur « l’établissement d’un plan d’égalité en matière d’emploi et de rémunérations et sur les moyens de rendre l’entreprise et la formation continue y offerte accessibles aux personnes désirant réintégrer le marché de l’emploi après une interruption de carrière 38 ».
Comparativement au dispositif français, ces deux dispositions sur l’organisation du travail et l’égalité de traitement entre hommes et femmes n’offrent donc qu’une incitation indirecte à négocier sur la conciliation vie professionnelle-vie familiale. La portée de cette incitation est également moindre, dans la mesure où aucune régularité n’est imposée dans la négociation, la loi ne précisant pas la périodicité à laquelle celles-ci doivent se dérouler. Il n’y a pas non plus d’indication sur le niveau de la négociation, ni d’obligation de résultat. Les partenaires sociaux ont pour seule obligation de consigner le résultat des négociations dans les conventions collectives de travail, que ce résultat soit positif ou négatif. Ainsi, une fois mentionnée dans la convention collective, si celle-ci continue à s’appliquer, il n’y a aucune obligation pour les partenaires sociaux de renégocier sur ces thématiques.
III. Quel impact sur le contenu de la négociation collective
de branche et d’entreprise ?
L’invitation européenne à agir en faveur de la conciliation emploi-
famille s’est ainsi traduite, dans les deux pays, par une incitation nouvelle à la négociation collective pour les branches et les entreprises. Comment les partenaires sociaux se saisissent-ils de cette opportunité ouverte par la loi ? Quelles mesures sont négociées, avec quels effets pour les salariés ? Afin d’apprécier la portée relative des dispositifs institutionnels français et luxembourgeois à l’échelle de la branche et de l’entreprise, cette dernière partie opère une analyse comparée des résultats de la négociation collective qu’ils encadrent. Cette analyse s’appuie sur une mise en regard des mesures négociées en matière de conciliation vie professionnelle-vie familiale au sein d’un échantillon comparable dans les deux pays. Pour ce faire, ont été sélectionnées des entreprises appartenant à des firmes multinationales, déployant des activités similaires des deux côtés de la frontière et pour lesquels les accords collectifs sur l’égalité professionnelle signés en France et les conventions collectives d’entreprise signées au Luxembourg étaient accessibles. Ces critères restrictifs ont permis d’identifier six paires d’entreprises, dont trois (Distrib1, 2 et 3) relèvent du secteur du commerce et trois autres du secteur de l’industrie (Indust1, 2 et 3) (encadré 6). À cet échantillon d’entreprises s’ajoute la branche des activités bancaires.
Si d’autres facteurs peuvent intervenir pour expliquer les différences de résultats observés entreprise par entreprise de part et d’autre de la frontière, comme la politique de ressources humaines, la présence syndicale ou l’état du dialogue social, la comparaison réalisée sur l’ensemble de l’échantillon offre des indications sur l’effectivité du dispositif institutionnel dans la mesure où elle s’attache à des activités, des profils de main-d’œuvre et des contraintes économiques comparables. Cette mise en regard du produit de la négociation collective sur un échantillon homogène dans les deux pays fait apparaître tout à la fois des tendances communes et des divergences, qui éclairent sur les limites de cette négociation mais aussi l’influence des contextes nationaux.
III.1. Du côté français, plus de bonnes intentions
que d’engagements concrets
La France présente la particularité d’avoir instauré une incitation directe à la négociation de dispositifs visant à favoriser la conciliation emploi-
famille dans le cadre de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle (EP). Au sein de l’échantillon étudié pour cet article, tous les accords conclus sur ce thème font de « l’articulation entre la vie professionnelle et l’exercice des responsabilités familiales » un domaine d’action. Une étude précédente avait déjà montré que la négociation de ces accords était citée par les partenaires sociaux comme l’occasion la plus fréquente d’aborder le sujet (Brochard, Letablier, 2013). L’incitation légale joue donc bien un rôle moteur dans la mise à l’agenda de ce thème. L’analyse du contenu des accords révèle cependant que le lien entre conciliation et égalité professionnelle y est plutôt flou et les bonnes intentions plus nombreuses que les engagements concrets. Trois grands registres d’action se dégagent plus précisément qui concernent respectivement : le temps alloué à la vie familiale (sous la forme de congés ou d’autorisations d’absence), l’organisation du temps de travail et, enfin, le soutien logistique apporté au salarié chargé de famille, via des aides à la garde des enfants et à la mobilité géographique.
Une négociation aux enjeux mouvants
L’analyse des préambules des accords EP et des motivations ouvrant la partie consacrée à la conciliation au sein de ces accords révèle tout d’abord que peu nombreux sont les accords qui établissent un lien explicite entre articulation vie professionnelle/responsabilités familiales et égalité professionnelle, la plupart opérant une simple juxtaposition des deux thématiques. La promotion de mesures en faveur de cette articulation est alors posée comme un but en soi (Banque, Distrib2, Indust2 et 3), ou bien justifiée de manière diverse, comme un facteur d’efficacité économique
(Distrib1), de bien-être au travail (Distrib3) ou d’épanouissement et de performance (Indust1). Aucun de ces accords ne souligne donc que les difficultés de conciliation, qui s’imposent avant tout aux femmes, freinent leur carrière et expliquent pour une part les inégalités persistantes entre les sexes, comme le faisait l’ANI de 2004.
L’engagement en faveur de la conciliation vie professionnelle-vie familiale se résume ainsi le plus souvent à un énoncé de droits ou de prestations, dont certains préexistent à l’accord, sans objectifs clairement identifiés. D’ailleurs certaines mesures, bien que relevant du thème de la conciliation, figurent dans d’autres parties de l’accord. C’est le cas de l’accord EP-
Distrib1 de 2013, qui fait figurer la rémunération du congé de paternité et celle de congés liés à la maladie ou à l’hospitalisation d’un enfant dans la partie consacrée à la « rémunération effective » (alors même que ces derniers étaient inscrits dans la partie conciliation de l’accord précédent). De même, au sein de l’accord EP-Indust3, les aménagements relatifs à la grossesse ainsi que le droit à un entretien visant à préparer le départ et le retour des congés liés à la parentalité sont inscrits dans un chapitre consacré aux « conditions de travail ». Plus généralement, les mesures portant sur la prise en compte des responsabilités familiales dans l’accès à la formation ou la mobilité ne sont pas inscrites dans les rubriques relatives à la conciliation. Cette ventilation incertaine des dispositifs de conciliation fait écho aux flottements des motivations relatives à ces dispositifs et laisse penser qu’il s’est agi pour les négociateurs de « remplir des cases » plutôt que de mener une véritable réflexion sur le thème de la conciliation emploi-famille. Ce traitement n’est pas sans rapport avec la nature de l’incitation qui l’encadre. En incorporant la question de la conciliation à la liste des thèmes à traiter durant la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle, le dispositif légal favorise en effet une approche en silo qui isole chaque thème plutôt qu’il ne favorise une réflexion globale sur les enjeux (Caser, Jolivet, 2014).
Le temps alloué à la vie familiale : une extension plus ou moins généreuse des droits sociaux
Si l’on s’attache plus précisément au contenu des mesures négociées, une première série de mesures concerne les congés et autorisations d’absence liés à la parentalité. C’est dans ce registre du temps alloué à la vie familiale que le cadre légal, via les dispositions du Code du travail, est le plus prescriptif. Ce faisant, l’essentiel des mesures négociées ici, à l’échelle de l’entreprise ou de la branche, relèvent d’une extension des droits sociaux. Cette extension est d’abord le fait des conventions collectives de branche ou d’entreprises qui peuvent être plus ou moins généreuses en la matière. L’apport de la négociation sur l’égalité professionnelle, quand il existe, réside principalement dans la prise en considération de la paternité et des absences liées à la maladie des enfants. Ces nouveaux droits sont acquis plus fréquemment dans les entreprises et branches déjà sensibles au fait familial. De ce point de vue, les accords EP paraissent conduire à un renforcement des avantages existants, plutôt que de permettre leur universalisation.
Ce renforcement est visible dans la branche Banque, dont la convention collective donne accès à des congés rémunérés liés à la maternité, à l’allaitement, aux évènements familiaux et à la maladie des enfants, qui vont bien au-delà des congés légaux et sont sans équivalent dans les autres branches. L’accord EP-Banque (2013) complète ces avantages en faveur des salariés-parents en invitant les entreprises de la branche à prendre des dispositions permettant aux pères d’assurer pleinement leur rôle dans l’éducation des enfants, notamment via le maintien du salaire durant le congé légal de paternité (dans la limite du plafond de la Sécurité sociale). Ce renforcement est également visible à l’échelle des entreprises. Ainsi, dans le secteur du commerce, les dispositions offertes par Distrib1 sont plus généreuses que celles prévues par la convention collective de branche et sont le fruit d’un processus cumulatif, dans lequel s’inscrivent les accords EP (2010 et 2013). Ces accords offrent quelques facilitations aux femmes enceintes (doublement de la réduction du temps de travail quotidien offert par la convention collective de branche et possibilité de cumul dans un crédit temps ; aménagements d’horaires pour se rendre aux séances de préparation à l’accouchement). Ils permettent surtout l’inclusion des pères via le maintien du salaire net pendant le congé de paternité, puis l’accès à des aménagements d’horaires afin d’assister aux examens prénataux (avant que la loi ne l’impose), et étendent les possibilités de congés rémunérés liés à la maladie et à l’hospitalisation des enfants. En comparaison, les avantages proposés par les accords EP des deux autres enseignes sont beaucoup plus minces. L’accord EP-Distrib2 (2013) offre ainsi la possibilité de cumuler le quart d’heure de réduction quotidienne du temps de travail autorisé par la convention collective pour les femmes enceintes, afin de limiter le nombre de jours travaillés. Quant à l’accord EP-Distrib3 (2012), il renvoie à un précédent accord d’entreprise (de 2001) prévoyant des modalités d’attribution de congés rémunérés en cas d’enfants malades, en transposition (sans extension) d’une disposition prévue par la convention collective de branche datant de la même période.
En ce qui concerne les entreprises du secteur industriel, l’hétérogénéité est également importante en matière d’avantages négociés mais les tendances sont similaires. L’accord EP-Indust1 apparaît le mieux fourni et vient compléter des dispositions sur les congés pour évènements familiaux, produits d’un accord d’entreprise déjà plus favorable que la convention de branche. Ces avantages nouveaux sont liés là encore à la grossesse (extension de l’autorisation légale d’absence pour les examens prénataux aux examens non obligatoires, pour les femmes), à la rémunération du congé de paternité et du congé enfant malade (un jour de congé rémunéré par an, trois si l’enfant est handicapé). L’accord rend également plus flexible le recours au congé de présence parentale prévu par la loi (en cas de maladie, accident ou handicap grave de l’enfant). Pour Indust2 et Indust3, les avantages sont plus partiels. L’accord EP-Indust2 offre pour seul avantage la rémunération d’un jour de congé pour l’hospitalisation d’un conjoint ou d’un enfant à charge. Quant à Indust3, un accord national de groupe (2009) permet aux pères de bénéficier du maintien de leur rémunération durant leur congé de paternité mais ce dispositif n’est pas mentionné dans l’accord EP.
Au total, si la négociation des accords sur l’égalité professionnelle paraît, en ce qui concerne le temps dédié à la vie familiale, renforcer les disparités de droits offerts conventionnellement au salarié, l’accent mis sur la rémunération du congé de paternité ou du congé enfant malade fait néanmoins signe vers une ouverture nouvelle aux hommes des dispositifs de conciliation.
L’organisation du temps de travail : peu de nouveaux droits
Le deuxième registre d’action a trait à l’organisation du temps de travail, à travers les aménagements ponctuels ou quotidiens d’horaires, le recours au temps partiel, le télétravail ou encore l’encadrement des temps de réunion, de déplacement et de formation. Le cadre légal est ici beaucoup moins prescriptif, laissant une large place à l’initiative des entreprises. L’ANI sur l’égalité professionnelle signé en 2004 invitait les branches et les entreprises à mettre en œuvre des organisations du travail permettant aux femmes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, tout en veillant à ce que ces dispositifs, en particulier le travail à temps partiel, ne freinent pas leur carrière. On trouve trace de cette recommandation dans beaucoup des accords analysés, mais sous une forme partielle et peu contraignante pour les entreprises.
Les organisations plus ou moins modulables du travail sont, quand elles existent, avant tout le fruit des accords sur le temps de travail, négociés dans le sillage de la réduction de la durée légale du temps hebdomadaire de travail. Dans ce cadre, certaines formules de modulation font référence aux besoins des salariés en matière de conciliation des temps sociaux
(Fagnani, Letablier, 2004). Si ces formules peuvent, par suite, être citées dans les articles dédiés au sein des accords sur l’égalité professionnelle, elles ne sont pas pour autant renégociées dans ce cadre. Elles alimentent alors la liste des dispositions par lesquelles l’entreprise ou la branche s’engage, le plus souvent « dans la mesure du possible », à prendre en considération les impératifs familiaux auxquels les salariés font face.
Ainsi, l’accord de branche EP-Banque (2006) stipule que l’entretien d’évaluation prévu par la convention collective « peut être l’occasion » d’évoquer les questions liées à la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, notamment en recherchant des solutions adaptées telles que des aménagements du temps de travail et que, dans ce cadre, une attention particulière sera apportée aux familles monoparentales. De façon plus indirecte, un autre article consacré à la promotion et mobilité professionnelle précise que « les femmes et les hommes doivent pouvoir bénéficier d’une affectation sans discrimination. Pour cela, la définition du contenu des tâches attribuées et de l’organisation du travail ne doit pas conduire à une discrimination de fait. » Dans la branche du commerce de détail dont relèvent les entreprises Distrib1, 2 et 3, un avenant à la convention collective relatif à l’égalité professionnelle (2008) conduit à ajouter, en introduction aux articles dédiés à la durée et l’organisation du travail au sein de cette convention, la mention « les dispositions du présent titre intègrent l’attention à la prise en compte des obligations familiales des salariés », sans modifier le contenu de ces articles. Cette prise en compte n’est pas retranscrite dans les accords EP négociés dans les trois entreprises concernées. Pourtant Distrib1 a mis en place un dispositif de travail en îlot et de construction de calendrier individuel d’activité, permettant une prise en compte des contraintes personnelles des salariés, dans le cadre d’un accord précédent sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail. Mais aucune référence n’y est faite dans les accords EP. Dans les entreprises relevant de l’industrie, les engagements pris sont également peu contraignants. Ainsi, l’accord EP-Indust1 engage à « étudier toute demande visant à développer des aménagements d’horaires individuels et/ou d’organisation du travail » et pose que « les salariés en situation de monoparentalité auront, dans la mesure du possible, le choix des équipes (choix des horaires de travail en conformité avec l’organisation du travail de l’établissement) ». Pour Indust2, il s’agit plus de développements futurs que de mesures concrètes, l’accord EP prévoyant la mise en place à titre expérimental d’horaires flexibles pour les salariés soumis aux horaires collectifs, sans en expliciter les modalités.
Les engagements sont plus précis pour les situations de travail les plus à risque en termes de conciliation emploi-famille, comme le travail nocturne ou dominical. La convention collective de la branche Distrib rappelle que le salarié est fondé à refuser son affectation à un poste de nuit s’il justifie que cette affectation est incompatible avec des obligations familiales impérieuses telles que la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante. De même, le salarié qui occupe un poste de nuit et souhaite un poste de jour bénéficie, pour les mêmes raisons, d’une priorité pour l’attribution d’un emploi équivalent. Cette convention de branche ne prévoit rien, en revanche, en ce qui concerne le travail le dimanche et les jours fériés. Partant de ce fait, l’accord égalité professionnelle de Distrib2 précise qu’en la matière « la nécessité économique du travail sur ces journées doit être conciliée, dans la mesure du possible, avec les contraintes et souhaits de chacun ». Ce faisant, l’entreprise s’engage à affecter les salariés sur les différents jours travaillés moyennant leur accord et en fonction de leurs souhaits et d’un principe d’équité, en respectant un délai de prévenance minimum (15 jours). Ces dispositions sont réglées chez Distrib1 par l’accord sur le temps de travail (2013), qui rappelle que ces jours-là le travail s’effectue sur la base du volontariat.
Les accords EP évoquent également assez généralement le recours au temps partiel, soit pour en rappeler ou en préciser les conditions d’accès et les modalités (définies dans les accords sur le temps de travail ou les conventions collectives), soit pour évoquer les conditions de retour au temps plein. Ainsi, l’accord de branche EP-Banque (2006), reprenant presque mot pour mot l’ANI de 2004, énonce que « les postes à temps plein qui se libèrent doivent être proposés en priorité aux salariés à temps partiel pour raisons familiales ou congé parental d’éducation, qui en font la demande et qui ont les compétences et qualifications requises ». Dans le cadre des accords EP, Distrib3 s’engage pour sa part à favoriser l’accès au temps partiel choisi pour les hommes et Distrib2 spécifie des délais de prévenance relatifs aux horaires de travail des salariés à temps partiel. Dans l’industrie, l’accord EP-Indust2 rappelle que le passage à temps partiel est possible, suivant les modalités fixées dans les précédents accords. Enfin, Indust3 s’engage à faciliter l’accès au temps partiel, indépendamment du sexe et de la catégorie professionnelle.
Les engagements, peu contraignants, relatifs aux temps de réunion, de déplacement et de formation, sont également très présents. Tous les accords EP de l’échantillon évoquent ainsi la prise en compte des obligations familiales ou des contraintes personnelles dans l’organisation et la planification de ces rendez-vous professionnels. Les aménagements ponctuels des horaires de travail pour le jour de la rentrée scolaire sont également répandus, plus rarement rémunérés. Le recours au télétravail est en revanche peu évoqué, mais cela tient sans doute à la nature des secteurs représentés dans l’échantillon. L’accord EP-Indust2 évoque sa mise en place à titre expérimental et l’accord EP-Indust1 fait référence à un recours possible et ponctuel au télétravail, sans plus de précisions.
En somme, au sein de ce deuxième registre d’action, la négociation apparaît aboutir plus fréquemment à la prise en considération du fait familial dans l’accès aux dispositifs préexistants qu’à la mise en place de nouveaux dispositifs. Comparativement aux indications de l’ANI de 2004, c’est donc avant tout le volet lié à la non-discrimination qui est déployé. Celui relatif à la promotion d’organisations du travail favorisant une réelle égalité des chances entre femmes et hommes est très peu présent. L’ensemble du registre est développé sous le signe des bonnes pratiques peu contraignantes pour les entreprises et il est plus empreint de conformisme qu’il n’est porteur d’innovations.
Le soutien logistique à la parentalité : un engagement timide
Une dernière catégorie de mesures s’attache d’abord au soutien du salarié chargé de famille, via des prestations monétaires ou des services autour de la garde des enfants ou de la facilitation de vie quotidienne (conciergerie). L’ANI de 2004 conviait les entreprises à développer des solutions innovantes dans le domaine des services au personnel. Cette recommandation, sans doute la plus coûteuse pour l’entreprise, est peu traitée dans les accords étudiés. Seuls les accords signés dans le secteur de l’industrie y font écho mais les engagements correspondants sont très divers. L’accord EP-Indust1 mentionne que « des propositions de solutions innovantes dans le domaine des services au personnel seront étudiées lors de l’examen annuel, par les commissions égalité professionnelle hommes-femmes, du Rapport de situation comparé entre les hommes et les femmes ». Le développement de services est également évoqué dans l’accord EP-Indust2, l’entreprise s’engageant à « financer, en fonction des propositions effectuées par chaque CE, des prestations permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, c’est-à-dire des services de conciergerie et/ou des activités pendant l’heure du déjeuner à destination de l’ensemble des salariés ». L’indicateur retenu précise qu’il s’agit en fait d’une seule prestation par site. L’engagement d’Indust3 est plus conséquent, puisque l’accord contient un engagement chiffré sur la réservation de berceaux dans une ou plusieurs crèches interentreprises, après enquête auprès des salariés pour déterminer les besoins en la matière, ainsi que des aides financières pour la garde des enfants en âge scolaire.
Une seconde série de mesures, moins coûteuses et plus fréquemment reprises, a trait à la prise en compte des contraintes liées à la parentalité dans la gestion des mobilités géographiques. Cette recommandation figurait dans l’ANI de 2004, pour les mobilités liées à l’évolution professionnelle. L’accord de branche EP-Banque (2006) reprend cette disposition peu contraignante, et ajoute que si le conjoint travaille dans la même banque, l’entreprise s’efforce de proposer à celui-ci un emploi similaire, dans des conditions qui soient acceptables sur le plan familial et compatibles avec les besoins de l’entreprise (à défaut, un congé sans solde pourra lui être accordé à sa demande). Le même dispositif est proposé par l’accord de branche EP-Distrib et repris partiellement dans l’accord EP-Distrib2 qui s’engage à tenir compte des périodes de l’année les plus favorables à cette mobilité. Cette question est également abordée dans l’accord EP-Indust1 qui « continuera à considérer celle-ci [la parentalité] de près dans l’organisation et le support apporté en cas de mutations géographiques ». Cette prise en compte se traduit aussi dans le cas des mobilités demandées par les salariés afin de suivre leur conjoint muté ou pour des raisons de rapprochement familial (Distrib1 et 3).
Ces deux séries de mesures font signe vers une attention plus grande portée aux contraintes liées à la parentalité. Cependant, plus l’engagement est conséquent, notamment du point de vue de ses implications financières, moins il est répandu.
Une négociation immature ?
L’articulation des temps sociaux est devenue en France un champ à part entière de négociation sociale, comme en atteste sa présence récurrente dans les accords sur l’égalité professionnelle, et les mesures négociées sur ce thème sont nombreuses et diversifiées (voir également Brochard,
Letablier, 2012). Le dispositif légal incitant directement à la négociation sur ce thème a donc été suivi d’effets. L’analyse qualitative des mesures négociées dans ce domaine conduit cependant à en relativiser l’ampleur. Nombre d’entre elles relèvent de soutiens ponctuels aux responsabilités familiales ou de pétitions de principe. Le résultat apparaît donc en demi-teinte. Si la négociation collective a permis d’étendre les droits ouverts en termes de congés, notamment en direction des pères, les avantages négociés en termes de souplesse de l’organisation du travail et de services aux salariés sont beaucoup plus timides. Dans ce domaine, les accords appellent le plus souvent à la mise en œuvre de mesures sans en préciser ni les modalités ni le calendrier. Difficile donc d’évaluer quelle sera leur effectivité. De façon générale, et sans surprise, il apparaît que moins les mesures sont coûteuses et contraignantes pour l’entreprise, plus elles sont fréquentes.
Au-delà de ces tendances communes, les variations entre entreprises sont apparues fortes, conduisant à des résultats très hétérogènes pour les salariés. Ainsi, les trois entreprises sélectionnées dans le secteur du commerce, bien que mobilisant une main-d’œuvre aux caractéristiques comparables et notamment plutôt féminine, ont négocié diversement la question de la conciliation. Distrib1 cumule le plus grand nombre de dispositifs négociés quand Distrib3 n’offre que peu d’avantages en la matière. Ces disparités entrent en résonance avec les politiques de ressources humaines affichées par les deux enseignes à travers leur communication institutionnelle et notamment l’attention très différente qu’elles portent au dialogue social. Dans l’ensemble, les mesures négociées suite aux impulsions européennes semblent ainsi aller dans le sens d’un renforcement des disparités existantes au sein des entreprises et des branches (avec des profils d’entreprise et de branche plus ou moins « family-friendly »), plutôt que vers l’universalisation de la prise en considération du fait familial et de ses incidences sur les carrières féminines.
De fait, en matière d’égalité entre hommes et femmes, l’essentiel du traitement opéré, dans les accords EP, relève de la lutte contre les discriminations de genre, opposables juridiquement à l’employeur. Si certaines mesures négociées dans le registre de la conciliation permettent de favoriser le partage des responsabilités familiales en promouvant explicitement des dispositifs en direction des pères, aucun dispositif innovant visant à l’égalité des chances entre les deux sexes n’a pu être observé au sein de l’échantillon analysé. Les partenaires sociaux ne semblent donc s’être saisis que très partiellement des enjeux de cette négociation promue par la puissance publique. Cette appropriation partielle peut s’expliquer par le caractère récent du dispositif légal, mais aussi par la nature même de ce dispositif qui isole des domaines d’action au sein de négociations rendues obligatoires. Comme l’ont montré d’autres études (Caser, Jolivet, 2014), la multiplication de ces dispositifs d’incitation formate l’agenda des partenaires sociaux en imposant une succession de négociations, qui pousse ces derniers à privilégier le formalisme de la mise en conformité plutôt qu’une réflexion de fond ouvrant sur un traitement cohérent et effectif du thème concerné.
De ce point de vue, la possibilité ouverte récemment par la loi de regrouper différentes négociations, dont celle relative à l’égalité professionnelle, dans une négociation unique sur la qualité de vie au travail (loi du 5 mars 2014 et loi du 17 août 2015) devrait avoir des effets ambigus en ce qui concerne la thématique de la conciliation. Si cette approche, issue de l’ANI de 2013, conduit à élargir les enjeux de la conciliation, il est à craindre, au vu des accords analysés ici, que cela se fasse au détriment de la question de l’égalité professionnelle, c’est-à-dire de la prise en compte et du traitement de la dimension éminemment « genrée » de la conciliation.
III.2. Du côté luxembourgeois, un objet de négociation peu investi
L’analyse opérée sur les conventions collectives de travail (CCT) au sein de l’échantillon luxembourgeois confirme cette incidence très forte du dispositif institutionnel encadrant la négociation collective. Contrairement au cas français, il n’existe pas au Luxembourg d’incitation directe à négocier sur le thème de la conciliation emploi-famille. Façonné avant tout par des enjeux économiques issus de la mise en œuvre de la Stratégie européenne pour l’emploi, le cadre légal offre cependant plusieurs opportunités pour les partenaires sociaux en la matière. Il octroie en effet une très large marge de manœuvre aux partenaires sociaux leur permettant de négocier des dispositions plus ou moins favorables aux salariés. Cela est vrai pour l’organisation du temps de travail dont la négociation rendue obligatoire a vocation à instaurer une « flexibilité positive ». Cela est vrai aussi pour le congé parental et le congé pour raisons familiales, instaurés par la loi à des fins de conciliation emploi-famille mais dont les modalités peuvent être renforcées. Cela vaut enfin pour les négociations obligatoires sur l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et les actions positives, dont les partenaires sociaux peuvent se saisir pour déployer des mesures favorisant cette conciliation.
L’analyse des conventions collectives de travail négociées au niveau du secteur bancaire et au sein des six entreprises sélectionnées montrent que seule l’organisation du temps de travail fait l’objet de développements poussés. Si quasiment toutes les conventions de l’échantillon mentionnent le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, en ce qui concerne l’accès à l’emploi, le salaire, la formation ou encore la promotion, aucune convention collective n’y associe de dispositifs concrets. Une seule CCT fait référence aux actions positives et de façon très brève, posant que « la direction doit mettre en œuvre des actions positives telles que définies par la loi du 12 février 1999 » (CCT-Distrib2). Ce n’est qu’au travers des congés que les responsabilités familiales sont directement traitées.
L’organisation du temps de travail : des marges de manœuvre très variables pour les salariés
L’obligation de négocier instaurée par la loi PAN en matière d’organisation du travail vise à développer la flexibilité interne des entreprises tout en assurant une certaine sécurité pour les salariés. Un premier outil mis en avant par le législateur est la définition de périodes de référence à l’intérieur desquelles les horaires de travail peuvent être modulés. Ce régime dérogatoire au temps de travail permet de travailler, sur la période considérée, jusqu’à 48 heures par semaine ou dix heures par jour sans recours aux heures supplémentaires. Si la durée légale de la période de référence est de quatre semaines, elle peut être modifiée par les partenaires sociaux pour l’adapter aux besoins spécifiques des entreprises et des différents secteurs d’activité 39.
Ce dispositif induit pour le salarié une plus grande variabilité de son temps de travail qui n’est pas compensée financièrement. Pour en limiter l’incidence sur la vie privée des salariés, la loi PAN prévoit qu’un plan d’organisation du travail (POT) doit obligatoirement couvrir la période de référence, permettant aux salariés « d’organiser leur vie suffisamment à l’avance 40 ». Sans en définir exactement le contenu, la loi précise que, dans le cas où la période de référence correspond à la durée légale, le POT doit être établi au niveau de l’entreprise, au plus tard cinq jours francs avant le début de la période de référence et fixer les principes régissant l’organisation du travail s’appliquant aux variations prévisibles et imprévisibles de l’activité. Dans le cas où une autre période de référence est choisie, c’est la convention collective qui fixe les principes régissant le POT. Les modalités en ont été depuis précisées, la loi du 8 mars 2002 (portant révision de la loi PAN) disposant notamment que le POT « doit permettre à tout salarié ainsi qu’à son supérieur hiérarchique direct de connaître sans équivoque l’horaire de travail qui lui est applicable », soit le calendrier de ses horaires et jours de travail.
En termes de conciliation vie personnelle-vie professionnelle, le POT répond plutôt à un besoin de flexibilité de l’employeur puisque défini en fonction des impératifs de l’activité de l’entreprise. La prise en compte des préférences des salariés dans l’établissement de ce plan n’est pas une obligation stricto sensu pour l’employeur. Une large marge de manœuvre est cependant laissée à la négociation collective, dans l’établissement de la période de référence comme dans celle du POT. Ce faisant, ce dispositif de flexibilité présente plusieurs enjeux du point de vue de la conciliation : les partenaires sociaux peuvent en effet définir des modalités plus ou moins favorables à l’organisation de la vie privée, non seulement en termes de délais de prévenance mais également en ce qui concerne la prise en considération des souhaits ou contraintes des salariés. Dans l’échantillon analysé pour cet article, les conventions collectives de travail des trois entreprises relevant du secteur du commerce (Distrib1, 2 et 3) mentionnent l’existence d’un POT. Cependant, seule la CCT-Distrib1 prévoit qu’avant l’application de nouveaux horaires dans un rayon ou service (et donc un changement de POT), une réunion soit organisée avec les salariés concernés et l’employeur afin de coordonner leurs souhaits respectifs en termes d’horaires. La CCT précise également que l’employeur communiquera ensuite à chaque salarié et au plus tard cinq jours avant, ses nouveaux horaires et que « l’horaire définitif tiendra compte dans la mesure du possible des doléances exprimées par le salarié au cours de la réunion de coordination ». La convention limite par ailleurs le recours aux horaires nocturnes hebdomadaires et prévoit une variation possible à la demande du salarié. La CCT-Distrib2 ne fait référence aux souhaits des salariés que de manière très limitée, en accordant au salarié le droit de demander que figurent dans ses horaires cinq journées sans nocturne par mois (en dehors des périodes de fête) et, deux fois par an, que ses horaires contiennent au minimum un samedi de libre. La CCT-Distrib3 évoque pour sa part le délai légal de prévenance et précise que tout POT sera obligatoirement et préalablement soumis à la délégation du personnel.
Si le POT est un mode de flexibilité vue côté employeur (Étienne-
Robert, 2012:12), la loi de 2002 a prévu un autre dispositif plus favorable aux salariés, à savoir un règlement d’horaire mobile, que les entreprises peuvent substituer au POT. L’horaire mobile est défini par la loi comme un « système d’organisation du travail qui permet d’aménager au jour le jour la durée et l’horaire individuels de travail dans le respect tant des limites légales de la durée du travail que des règles à préétablir dans le cadre du règlement de l’horaire mobile » (art. 1). Ce règlement doit prévoir des plages horaires fixes, où le salarié se doit d’être à la disposition de son employeur, et des plages dites « mobiles » où la présence du salarié n’est pas obligatoire, lui permettant d’aménager son temps de travail en fonction de ses contraintes personnelles. Ce mode d’organisation du temps de travail était déjà utilisé dans les entreprises, mais n’avait pas d’existence légale (Maas, Blond-Hanten, Étienne-Robert, 2012:50). Le salarié bénéficiant du système de l’horaire mobile est cependant limité par certaines contraintes dues aux besoins de service, ou encore aux intérêts de l’entreprise et/ou des autres salariés. Au sein de l’échantillon étudié ici, ce dispositif a été négocié au sein de la branche Banque et dans les trois entreprises industrielles.
La CCT-Banque prévoit une période de référence de six mois au plus avec un plan d’organisation du travail auquel peut être substitué un système d’horaire mobile. Les salariés sont libres de gérer leur emploi du temps « selon leurs désirs et contraintes personnelles dans le respect toutefois des besoins de service et des désirs justifiés des autres salariés ». Le règlement précis du fonctionnement des horaires mobiles est laissé à la discrétion de chaque banque mais la CCT de branche offre une grande flexibilité, précisant que la compensation du débit/crédit des heures travaillées peut se faire non seulement à l’intérieur de la période de référence mais également entre périodes. Cette convention collective mentionne par ailleurs l’instauration d’un compte épargne-temps, sans cependant en préciser la finalité et, en particulier, sans référence aucune à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ou personnelle.
Le secteur de l’industrie offre également des dispositifs d’horaires mobiles, permettant une modulation volontaire plus ou moins large des horaires suivant « les besoins individuels » (Indust1, 2) ou les « souhaits individuels » des salariés (Indust3). La CCT-Indust1 ouvre cette possibilité aux salariés qui ne sont pas soumis aux horaires décalés ; ceux-ci ont la possibilité de faire varier leurs horaires de début et de fin de journée autour d’une plage fixe, avec mise en place d’un système de crédit/débit de huit heures maximum par mois. Pour Indust2, le système est également décliné suivant les catégories de salariés et les contraintes liées à l’exercice de leur activité professionnelle. Pour les salariés travaillant sur site, un système d’horaires variables avec plage fixe est associé à un crédit/débit d’heures maximum de deux heures par jour et huit heures par semaine, avec la possibilité d’avoir des absences anticipées. Pour les autres salariés, la flexibilité des horaires est fonction des obligations liées aux déplacements et le home office est autorisé en cas de « souci personnel » avec accord de la hiérarchie. Au sein d’Indust3, un système d’horaires flottants est mis en place pour les salariés qui ne travaillent pas en continu par équipe. Ce système permet aux salariés de choisir chaque jour son horaire d’arrivée, de déjeuner et de départ, à l’intérieur de plages fixes.
Si la question de l’organisation des horaires de travail est traitée de façon détaillée dans toutes les CCT luxembourgeoises étudiées ici, la marge de manœuvre accordée aux salariés ressort donc comme très variable. Aucun de ces dispositifs n’est par ailleurs mis en avant comme un outil de conciliation emploi-famille. Il en va de même pour le travail à temps partiel. Si celui-ci est très présent dans les conventions, il s’agit avant tout d’en réguler les conditions d’emploi, les dispositions afférentes stipulant le plus souvent que les droits des salariés concernés sont les mêmes que ceux des salariés à temps complet, notamment en ce qui concerne les arrangements horaires.
Les congés facilitant la conciliation : une extension très limitée
des droits légaux
La conciliation emploi-famille apparaît en revanche de façon explicite à travers l’évocation du congé parental et du congé pour raisons familiales. Si ces deux mesures sont très fréquemment citées dans les CCT, il s’agit le plus souvent d’un rappel à la loi, comme c’est le cas pour d’autres congés liés à la parentalité, à savoir le congé de maternité ou le congé paternel : « chaque salariée aura droit au congé de maternité selon les articles L. 332-1
et L. 332-4 du Code du travail » (CCT-Indust1) ; « tout salarié a droit au congé parental et au congé pour raisons familiales selon les dispositions du Code du travail » (CCT-Indust2). Un tel rappel de la loi peut s’interpréter comme un souhait des partenaires sociaux de favoriser l’usage des dispositifs légaux. D’une part, leur inscription au sein de la CCT permet aux salariés et aux délégations du personnel de faire valoir plus facilement ce droit. D’autre part, en mentionnant les garanties légales associées à ce droit (CCT-Banque, CCT-Distrib1), la CCT en affermit l’effectivité.
Si certaines CCT renvoient strictement à la loi, d’autres proposent une extension des droits légaux. Cette extension passe d’abord par un allongement de la durée des congés prévus par la loi. Ainsi, la CCT-Banque accorde trois jours pour le père en cas de naissance ou d’adoption (contre deux jours dans la loi). C’est le cas également pour les salariés de Distrib2 qui bénéficient en plus d’un doublement du congé pour raisons familiales (soit quatre jours par an en cas de maladie grave, d’accident ou autre raison impérieuse de santé pour les enfants de moins de 15 ans). Il est à noter que cette sensibilité au fait familial ressort dans d’autres mesures de la CCT-Distrib2 comme la priorité accordée à la situation familiale (enfants en âge scolaire) pour la fixation des congés annuels ou encore le versement d’une allocation mensuelle extra-
légale (de 31 euros) pour « charge d’enfants » aux salariés payés au salaire minimum et vivant dans une famille monoparentale (c’est le cas également pour Distrib1 mais avec une prime légèrement inférieure).
Au-delà de cette extension des droits légaux, certaines CCT étendent l’offre de congés par l’instauration d’un « congé social ». Ce congé, qui n’a pas d’existence légale, trouve son origine dans une revendication portée par le syndicat des fonctionnaires, bien avant la loi PAN, afin de permettre à ces derniers de faire face à des situations sociales et familiales d’urgence, par exemple en cas d’enfant malade. Avec la loi PAN de 1999, la situation des parents devant s’occuper d’un enfant malade a été traitée par l’introduction du congé pour raisons familiales donnant droit à deux journées fractionnables par enfant malade. Cette disposition ne résout cependant pas toutes les situations d’urgence auxquelles les salariés doivent faire face. Le congé social continue ainsi à être utilisé dans plusieurs conventions collectives pour permettre aux salariés d’effectuer des démarches personnelles urgentes. En principe, les conventions collectives de travail listent des événements susceptibles de donner droit à ce congé et en fixent la durée, soit un ou deux jours par an, le plus souvent. Ce congé apparaît dans trois CCT de l’échantillon, dont celle du secteur bancaire. Dans la CCT-Banque, cette possibilité est ouverte dans les « cas sociaux de rigueur, de maladie ou d’accident survenant à un proche membre de la famille d’un salarié », dont les modalités sont réglées par chaque entreprise. La CCT-Indust1 prévoit un congé d’une durée maximum de cinq jours pour des « cas sociaux de rigueur imprévus », tels que la maladie ou l’accident d’un enfant ou du conjoint ; au-delà, un congé sans solde est possible. Les salariés d’Indust2 ont, pour leur part, droit à deux jours par an, fractionnables en heures, « pour faire face à une situation familiale exceptionnelle et/ou grave ».
En somme, les extensions des droits relatifs aux congés ouvertes par la négociation collective renvoient avant tout aux situations exceptionnelles. Si ces mesures présentent l’avantage d’être neutres en termes de genre et donc de favoriser le partage des responsabilités familiales, leur portée reste cependant limitée.
Un objet de négociation peu investi
Comparativement aux résultats obtenus sur l’échantillon français, la référence à la conciliation des temps sociaux apparaît ainsi plus lâche au Luxembourg, où elle ne fait l’objet que de peu de dispositions spécifiques extra-légales (tableau 1), alors même que le taux d’activité féminine a fortement progressé depuis le début des années 2000 (Valentova, 2008). De fait, le terme même de « conciliation » ou d’« articulation », qu’il s’agisse des temps professionnels et familiaux ou plus largement personnels, n’apparaît dans aucune des CCT luxembourgeoises étudiées. L’absence/présence de ce référentiel apparaît ainsi clairement liée au contenu du dispositif législatif qui encadre ces négociations. Son inclusion dans la liste des domaines d’action relatifs aux négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle en France a conduit à faire de la conciliation un objet explicite de négociation. À l’inverse, en l’absence d’incitation directe, ce thème peine à émerger dans la négociation collective au Luxembourg.
Les potentialités offertes par le dispositif légal d’incitation mis en place au Luxembourg apparaissent ainsi sous-exploitées en ce qui concerne la question de la conciliation. Ce sous-investissement n’est pas sans lien avec celui relatif à l’égalité entre femmes et hommes, dont la négociation, au sein des CCT étudiées, se révèle très frustre. Il peut s’interpréter comme un manque de sensibilité et/ou de formation à ces objets nouveaux de la négociation sociale. La différence avec le traitement réservé à l’organisation du temps de travail, thème plus traditionnel de négociation, est, de ce point de vue, symptomatique. Incités par la loi à mettre en œuvre une flexibilité « positive » cherchant à rendre plus compétitives les entreprises tout en préservant la sécurité des salariés, les partenaires sociaux se sont saisis de cette opportunité pour négocier dans le détail des organisations du temps de travail ajustées aux spécificités de l’activité productive.
Les effets de ces dispositifs d’incitation dépendent aussi de la capacité des organisations syndicales à faire valoir les intérêts des salariés. Les formules de modulation du temps de travail négociées au Luxembourg offrent ainsi une marge de manœuvre variable aux salariés, non seulement parce qu’elles leur autorisent plus ou moins de maîtrise sur leur emploi du temps mais aussi parce qu’elles ne sont, le plus souvent, ouvertes qu’à certaines catégories d’entre eux. Plus généralement, les variations entre entreprises apparaissent aussi fortes au Luxembourg qu’en France, notamment au sein de la branche du commerce de détail où la CCT-Distrib1 est celle qui prend le plus en considération le souhait des salariés en termes d’horaires de travail et celle de Distrib2 offre plus d’avantages en termes de congés, quand la CCT-Distrib3 est là encore la moins dotée. Cette portée variable des mesures négociées au sein de l’échantillon dans le registre de la conciliation emploi-famille fait apparaître tout à la fois les potentialités et les limites des dispositifs légaux d’incitation à la négociation.
Conclusion
Le thème de la conciliation vie professionnelle-vie familiale offre une illustration de l’importance grandissante accordée par l’Union européenne au dialogue social, dans la formulation et la mise en œuvre de la politique sociale mais aussi de la régulation du travail. Cette mobilisation du dialogue social s’est d’abord traduite par la consultation des partenaires sociaux européens conduisant à l’élaboration de deux accords-cadres sur le congé parental et le travail à temps partiel transformés en directives européennes. Cette mobilisation a ensuite été réaffirmée dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’emploi, qui associe les partenaires sociaux au niveau national à la mise en œuvre par les États membres des objectifs fixés par les lignes directrices, parmi lesquelles figure la conciliation emploi-famille. Ce recours à la négociation collective pour agir sur les pratiques des entreprises offre plusieurs avantages potentiels comparativement à la régulation légale, notamment la flexibilité, l’adaptabilité, la légitimité et l’applicabilité des mesures négociées (Dickens, 2000). C’est particulièrement vrai à l’échelle des entreprises, où les partenaires sociaux peuvent concevoir des dispositifs ajustés aux caractéristiques, contraintes et circonstances locales (Caser, Jolivet, 2014:29). Cet ajustement des dispositifs au plus près des réalités de l’entreprise doit permettre de renforcer leur pertinence mais aussi leur légitimité et leur applicabilité. Leur portée pour les salariés est cependant conditionnée à la capacité des représentants syndicaux d’identifier et de faire valoir les besoins et aspirations des salariés.
L’analyse exploratoire menée dans cet article, à partir de la France et du Luxembourg, montre que si le recours à la négociation collective pour concevoir et mettre en œuvre des politiques favorables à la conciliation emploi-famille offre effectivement de réelles potentialités, ces potentialités sont très diversement actualisées. La mise en regard du produit de la négociation collective sur un échantillon restreint d’entreprises, appartenant aux mêmes groupes et déployant une activité similaire dans les deux pays, met d’abord en évidence le gouffre existant entre l’intensité avec laquelle les instances européennes ont promu cette thématique et le sous-investissement sur le terrain de la négociation collective, signe que les enjeux sous-jacents sont mal évalués et/ou perçus comme non prioritaires par les partenaires sociaux nationaux. L’analyse montre aussi les effets propres aux dispositifs institutionnels qui encadrent cette négociation et par lesquels l’incitation européenne a été transposée à l’échelle nationale.
En France, où la législation a fait de la conciliation emploi-famille un objet explicite de négociation, ce thème est choisi par les entreprises de l’échantillon comme un domaine d’action en faveur de l’égalité professionnelle, conformément à l’incitation légale. Cependant, le traitement qui lui est appliqué relève plus de la figure imposée que d’une véritable réflexion sur les enjeux et les modalités de la conciliation, notamment du point de vue de l’objectif d’égalité professionnelle. Si les mesures négociées relatives à la rémunération du congé de paternité ou de congés enfant malade font signe vers une plus forte implication des pères, les dispositions relatives à l’organisation du travail et aux services aux salariés relèvent plus souvent d’une pétition de principe que de réelles innovations. Au Luxembourg,
où les partenaires sociaux ont été laissés libres de se saisir, ou pas, de cet enjeu, les impératifs familiaux ne sont traités explicitement qu’à travers des mesures sur les congés, dont les principaux ont été instaurés par la loi. Les négociations obligatoires sur l’égalité de traitement entre femmes et hommes se traduisent, dans l’échantillon considéré, par des déclarations de principe sans dispositif concret. Le traitement relatif à l’organisation du temps de travail est beaucoup plus poussé, mais conduit au déploiement de formules de modulation offrant une marge de manœuvre très variable au salarié et toujours conditionnée aux intérêts de l’entreprise.
Au-delà de ces effets propres à la nature du dispositif institutionnel mis en place à l’échelle nationale, l’analyse du produit de la négociation collective fait apparaître une forte hétérogénéité à l’intérieur de chaque pays, certaines entreprises offrant aux salariés des dispositifs variés et d’autres optant pour des dispositions minimalistes. Cette variété illustre les limites du recours au dialogue social comme levier d’action sur les pratiques des entreprises, l’actualisation des potentialités de la négociation étant, par construction, très dépendante du volontarisme des acteurs syndicaux, du souci de l’employeur de s’investir mais aussi de l’état du dialogue social.
En somme, l’effectivité de l’invitation européenne à négocier en faveur de la conciliation de la vie professionnelle-vie familiale apparaît, au travers de cette étude, relativement limitée en regard des objectifs visés. La France et le Luxembourg présentent la particularité d’avoir privilégié, à travers leur déclinaison nationale, pour l’une l’objectif social d’égalité entre femmes et hommes et pour l’autre, l’objectif économique de stimulation de l’emploi. Dans les deux cas, les mesures négociées dans l’échantillon étudié n’apparaissent pas à la hauteur des enjeux. L’approche privilégiée par la France conduit à un traitement de la conciliation principalement sous l’angle de la non-discrimination vis-à-vis de la parentalité, plus qu’à la mise en œuvre de mesures favorisant l’égalité des chances entre femmes et hommes par un partage plus favorable des responsabilités familiales. L’approche choisie par le Luxembourg se traduit pour l’essentiel par la mise en place de dispositifs neutres du point de vue du genre et ouvrant à plus de flexibilité pour l’articulation des temps sociaux, mais dont la portée effective est limitée. À travers ces deux expériences nationales transparaît d’une part la difficulté pour les partenaires sociaux de se saisir d’un enjeu dont les tenants et aboutissants transcendent les frontières de l’entreprise, et d’autre part la réticence des employeurs à se dessaisir de leurs privilèges relatifs aux modalités d’exercice de la subordination salariale. La réalisation d’entretiens auprès de ces acteurs de la négociation permettrait de mieux cerner ces obstacles et en particulier l’incidence des conventions de genre sur les logiques d’appropriation des dispositifs légaux. Ce travail de terrain permettrait également d’étudier l’articulation entre la négociation collective et la mise en œuvre par les directions d’actions positives, qui font dans les deux pays l’objet d’incitations publiques.
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2. JO n° C013,12 février 1974, p. 2.
3. « Communication de la Commission sur les politiques familiales », COM(89) 363 final, p. 10.
4. Ibid., p. 11.
5. Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, décembre 1989, http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/chartecomdroitssociauxfondamentaux-fr.pdf.
6. L’écart entre le taux d’emploi des hommes et des femmes âgés de 25 à 49 ans et sans enfant était en 2014 de 6,2 points au Luxembourg (contre -0,2 en France), et de 14,5 points pour les hommes/femmes parents de deux enfants (contre 10,8). La même année, près de 36 % des femmes en emploi au Luxembourg travaillaient à temps partiel contre 31 % en France.
7. « Résolution du Conseil 82/C 186/02 du 12 juillet 1982 concernant la promotion de l’égalité des chances pour les femmes », JOCE, n° C 186, 21 juillet 1982, p. 3-4 ; « Deuxième résolution du Conseil n° C 203 du 24 juillet 1986 concernant la promotion de l’égalité des chances pour les femmes », JOCE, n° C 203/02, 12 août 1986, p. 2-4.
8. « Even if both men and women succeeded in their individual reconciliations, nothing in the language now suggested that this has to be done on an equal basis between them, which means the goal no longer involves challenging the convention gender division of labor. »
9. « Recommandation du Conseil 92/241/CEE du 31 mars 1992 concernant la garde des enfants », JOCE, n° L 1238, mai 1992, p. 16-18.
10. JO n° L 123, 8 mai 1992, p. 16-18.
11. « Directive 96/34/CE du Conseil concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’Unice, le CEEP et la CES », JOCE, n° L 145, 19 juin, p. 4-9, refondue en 2010 par la « Directive 2010/18/UE du Conseil portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par Businesseurope, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive
96/34/CE », JOUE, n° L 68/13, 18 mars 2010.
12. « Directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE », JOCE, n° L 348, 28 novembre 1992, p. 1.
13. « Directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’Unice, le CEEP et la CES », JOCE, n° L 014, 20 janvier 1997, p. 9-14.
14. « Résolution 98/C 30/01 du Conseil du 15 décembre 1997 sur les lignes directrices pour l’emploi en 1998 », JOCE, n° C 30, 28 janvier 1998, p. 1-5.
15. JOCE, n° C30, 28 janvier 1998.
16. « Document de consultation du 11 novembre 2015. Première phase de consultation des partenaires sociaux, en vertu de l’article 154 du TFUE, sur d’éventuelles mesures concernant les problèmes pour concilier vie professionnelle et vie privée rencontrés par les parents et dispensateurs de soins qui travaillent », C 2015 7754 final, Bruxelles, le 11 novembre 2015.
17. JOCE, n° C 142, 31 mai 1991, p. 3.
18. « Résolution C 69/02 du Conseil, du 22 février 1999, sur les lignes directrices pour l’emploi en 1999 », JOCE, n° C 69, p. 2-8.
19. Directives 96/34/CE et 97/81/CE, op. cit.
20. JOCE, n° L 145, 19 juin 1996, p. 4-9.
21. JOCE, n° L 014, 20 janvier 1998, p. 9-14.
22. Directive 2010/18/UE, op. cit.
23. « Directive européenne 76/207/CEE du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail », JOCE, n° L 039, 14 février 1976, p. 40-42.
24. ANI du 23 novembre 1989 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, art. 2.
25. ANI du 23 novembre 1989, art. 6.
26. Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, JO, n° 71, 24 mars 2006, p. 4440. Rappelons que les négociations obligatoires sur le thème de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes ont été instaurées par la loi Génisson de 2001. Selon les termes de cette loi, les négociations se tiennent tous les trois ans au niveau des branches et tous les ans au niveau des entreprises (d’au moins 50 salariés), ou tous les trois ans en cas d’existence d’un accord collectif sur ce thème. De plus, ces négociations sont ouvertes sur la base d’un rapport de situation comparée (instauré par la loi Roudy de 1983), retraçant pour chaque catégorie professionnelle la situation respective des femmes et des hommes, en matière d’embauche, de formation, de promotion, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération.
27. Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (titre VI), en vigueur depuis le 1er janvier 2012.
28. Le terme de « régulation séquentielle » a été employé notamment par Hantrais, Letablier (1996), Fusulier et Tremblay (2013)... Bernard Fusulier et Diane-Gabrielle Tremblay posent notamment la question de savoir si une régulation séquentielle serait une réponse provenant plutôt d’univers professionnels féminins, une régulation intégrative correspondant plus à des univers professionnels masculins.
29. Document parlementaire n° 3183 cité dans le document parlementaire n° 6832, « Projet de loi portant réforme des prestations familiales », exposé des motifs, p. 7, 3 juillet 2015.
30. Loi du 12 février 1999 concernant la mise en oeuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi 1998, Mémorial A n° 13, 23 février 1999, p. 189.
31. Le congé parental luxembourgeois offre la possibilité à l’un des deux parents de prendre directement après le congé de maternité (ou le congé d’accueil en cas d’adoption), un congé rémunéré de 6 mois à temps plein ou de 12 mois à mi-temps, assorti d’une garantie de réemploi. La rémunération est actuellement de 1 780 euros par mois pour un congé parental à temps plein et 880 euros par mois pour un congé à mi-temps. Le second parent peut lui aussi bénéficier d’un congé aux mêmes conditions jusqu’aux 5 ans de l’enfant. Ces deux congés sont soumis à des conditions de durée d’emploi minimale de 12 mois dans l’entreprise et de durée mensuelle de travail au moins égale à la moitié de la durée normale de travail applicable dans l’entreprise
(Borsenberger, 2001:3). Une réforme du dispositif est actuellement en cours visant à rendre le congé parental plus flexible et plus attractif (son montant pourrait aller jusqu’à 3 200 euros mensuels).
32. Loi PAN, précitée, art. 24 Mémorial A n° 13, 23 février 1999, p. 209-215.
33. Le montant de la subvention varie actuellement de 5 000 à 20 000 euros selon le plan d’actions présenté.
34. https://www.gouvernement.lu/805621/10jacobs.
35. http://www.mega.public.lu/fr/publications/publications-ministere/2013/action-positive-handout/handout_2013.pdf.
36. Loi PAN, précitée, art. 5, Mémorial A n° 13, 23 février 1999, p. 198-199.
37. Loi PAN, précitée, Mémorial A n° 13, 23 février 1999, p. 35.
38. Loi PAN, art. 5, précité. Les premières dispositions légales relatives à l’égalité hommes-femmes datent au Luxembourg de 1974 pour l’égalité de rémunération, et de 1981 pour l’égalité de traitement. Ces dispositions ont toutes deux une origine supranationale : l’approbation de la Convention n° 100 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’égalité de rémunération, dans le premier cas, et la retranscription de la directive 76/207/CEE sur l’égalité de traitement, dans le second. Ces dispositions ont été complétées en 1998 par l’instauration d’un délégué à l’égalité dans chaque délégation du personnel, présente dans toutes les entreprises d’au moins 15 salariés. Plus récemment, en 2006, le principe de l’égalité entre femmes et hommes a été consacré dans la Constitution (art. 11).
39. La période de référence pourra être inférieure à quatre semaines ou supérieure, avec un maximum de douze mois (Étienne-Robert, 2012:8).
40. Document parlementaire n° 4459, commentaire des articles, p. 69.