L’heure est à la promotion du dialogue social et de la négociation collective d’entreprise. La jeune loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi et, aujourd’hui, le projet de loi « Travail » poursuivent les mêmes finalités que celles qui étaient à l’origine des lois des 4 mai 2004 et 20 août 2008. Pas à pas, il s’agit de faire de l’entreprise l’espace normatif dans lequel s’élaborent les normes sociales et de la négociation collective leur mode d’élaboration privilégié. Paré de qualités dont serait dépourvue la loi, l’accord collectif d’entreprise est en effet appelé à se substituer à la loi. À l’inverse de cette dernière, qui incarne l’idée d’un droit imposé et hétéronome, l’accord collectif d’entreprise réaliserait deux exigences démocratiques attachées au principe d’autodétermination : la légitimité et la proximité des auteurs de la norme. Ainsi garantirait-on l’assentiment de ses destinataires.
Dans cette perspective, le système de représentation collective des salariés est déterminant. C’est à travers lui que se structurent juridiquement les relations de travail et que se construit l’entreprise comme espace normatif. La loi du 20 août 2008 2, qui est au cœur de cette recherche, constitue une étape importante dans la structuration juridique du système français de représentation collective des salariés et dans la promotion de la négociation collective comme mode de régulation sociale. Si, entre-temps, de nouveaux changements sont intervenus dans la législation, ils ne remettent pas en cause les dispositions de cette loi. Plus encore, ces récents changements redonnent à cette recherche toute son actualité. Avoir une idée plus précise de l’état des relations collectives à la suite de la loi du 20 août 2008 est plus que jamais utile, car cela permettra de se rendre compte de la capacité transformatrice d’une loi et de ses limites, autant que d’apprécier la pertinence du projet de décentraliser davantage la production normative vers l’entreprise.
Il existe en effet une question fondamentale qui demeure en dépit des réformes législatives successives. Suffit-il à la loi de promouvoir l’accord collectif d’entreprise et de redéfinir les conditions de représentativité des représentants des salariés pour rendre les normes sociales et le droit du travail plus légitimes ? Cette question appelle certainement une réponse négative, si l’on s’en tient à la seule volonté performative du législateur. Mais cela ne veut pas dire que la loi n’a pas d’effet, d’où l’intérêt de disposer d’une étude juridique.
Brièvement, la loi du 20 août 2008 a modifié non seulement les conditions dans lesquelles un syndicat acquiert la qualité de syndicat représentatif, mais également les conditions que doivent réunir les organisations syndicales pour exercer les prérogatives légales du droit syndical en entreprise. D’une part, le droit de la représentativité syndicale repose désormais sur un système de représentativité dite prouvée 3 : il est nécessaire, à chaque niveau de représentation, de satisfaire à une pluralité de critères, cumulatifs, et en particulier à celui de l’audience électorale 4. Ainsi l’appréciation de la représentativité syndicale satisfait-elle à une règle de concordance et revêt-elle un caractère périodique (encadré 1). D’autre part, la loi du 20 août 2008 a aussi directement modifié les conditions d’exercice des droits qui étaient jusqu’alors réservés aux syndicats représentatifs en ouvrant certaines prérogatives à des syndicats non représentatifs dans l’entreprise. De ces deux changements majeurs résulte une nouvelle cartographie légale des syndicats au sein de l’entreprise.
Souvent, l’analyse juridique se limite à cette analyse, cherchant à découvrir le sens de la loi et à découvrir la règle de droit à partir d’un décryptage des énoncés législatifs. La loi du 20 août 2008 en particulier a fait l’objet de nombreux commentaires (Borenfreund, 2008 ; Véricel, 2008 ; Favennec-Héry, 2009 ; Radé, 2011 ; Pécaut-Rivolier, 2011 ; Pernot, 2011). Il est plus rare en revanche qu’elle porte sur les modes de réalisation du droit autres que jurisprudentiels, notamment, pour ce qui est du droit du travail, sur le résultat de la négociation collective. Sans doute la conviction est-elle forte – du moins chez les juristes – que cette question relève de l’étude sociologique. Cette indifférence n’en reste pas moins étonnante, car nul ne met plus en cause l’effet normatif des accords collectifs, leur insertion dans la hiérarchie des normes, et leur place croissante dans l’ordonnancement juridique des relations de travail. Non seulement les accords collectifs racontent la manière dont les interlocuteurs sociaux reçoivent et mettent en œuvre les dispositions légales, mais encore, ce sont eux qui, in fine, sont porteurs des normes appliquées dans l’entreprise.
Tel était l’objet de la recherche dans son versant juridique. À partir de l’analyse d’accords collectifs d’entreprise ou de groupe relatifs à l’exercice du droit syndical, il s’agissait de prendre la mesure des changements insufflés par la loi du 20 août 2008. Mais comment savoir d’un point de vue juridique si la loi du 20 août 2008 est parvenue à donner un souffle nouveau à la légitimité syndicale et a renouvelé le paysage syndical ? Cette question n’est autre que celle de l’efficacité du droit, cherchant à mesurer sa capacité de transformation du paysage syndical et de légitimation du pouvoir de représentation des syndicats. Mais l’appréciation à laquelle se livre le juriste est aussi celle de l’effectivité du droit. Ici, l’important n’est pas de savoir si la loi du 20 août 2008 s’applique ou non, mais plutôt de rechercher comment les interlocuteurs sociaux l’ont reçue et se la sont appropriée.
Cette question a été déterminante de la manière de constituer le panel des accords étudiés. Ce panel regroupe des accords d’entreprise et de groupe appartenant à des secteurs d’activité divers, exerçant dans les services, dans l’industrie et dans le commerce. Ils émanent des six organisations suivantes : Constellium (ex Alcan), Carrefour, CEA, IBM, Thalès
(ex-Thomson), Natixis BP-CE 5. Toutes représentent des organisations importantes, dans lesquelles existent un pluralisme syndical et une activité syndicale régulière et qui, de ce fait, ont favorisé la conclusion d’accords ayant pour objet la représentation collective des salariés. Ce terme, celui d’organisation, a été volontairement choisi. Dans son sens commun, l’organisation évoque un ensemble de personnes et de moyens organisés et mis au service d’une activité économique. Elle constitue une notion plus large que celle d’entreprise, ce qui permettait d’appréhender les relations collectives de travail dans des cadres tels qu’ils s’étaient concrètement construits et sans se restreindre aux espaces définis par le droit du travail. Ainsi, selon les organisations, les accords étudiés ont été conclus à des niveaux divers et pluriels. Il peut en effet s’agir d’accords d’entreprise ou d’accords de groupe dont les contours peuvent varier, même à l’intérieur d’une seule organisation.
Un autre impératif devait être pris en compte au regard du but de la recherche. Pour comprendre l’influence de la loi du 20 août 2008 sur la pratique des négociateurs d’entreprise, il était indispensable de disposer d’accords conclus avant et après la loi. Ainsi, les accords ont-ils été divisés en autant d’organisations, constituant ce que nous appelons un « corpus d’accords », au sein desquels nous avons comparé les changements introduits à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 (tableau 1).
Malgré le nombre d’accords étudiés (de deux à 18 accords selon les corpus), ce panel demeure limité, ce qui interdit notamment de tirer des conclusions générales et généralisables. Mais il permet de dégager un cadre d’analyse pertinent pour décrire l’influence de la loi du 20 août 2008 sur la pratique conventionnelle des organisations productives. En comparant les accords conclus avant et après la loi, des lignes de force sont apparues. L’étude a en effet permis de relever, parfois, de l’indifférence à l’égard de la loi de 2008, mais le plus souvent les accords y font référence, révélant des incidences diverses et des concomitances quant aux transformations souhaitées ou constatées. Autrement dit, il existe certes une influence apparente de la loi (I), mais certaines concomitances, mises en évidence par l’étude, révèlent des changements plus profonds, pas toujours voulus ou conscients, qui affectent aujourd’hui le système français de représentation collective des salariés (II).
I. Une influence apparente de la loi de 2008 sur les accords conclus au niveau de l’entreprise et du groupe
Pour apprécier l’influence de la loi du 20 août 2008 à partir de l’analyse des accords, il a fallu partir à la recherche de ses occurrences. Aussi bien les silences que les références sont révélateurs de l’importance que les acteurs ont accordée à l’adoption de la loi (I.1). Mais au-delà de ces références, l’analyse des accords révèle la volonté des interlocuteurs sociaux d’anticiper, voire de limiter, les conséquences de la loi sur le paysage syndical interne à l’organisation (I.2).
I.1. Entre indifférence et référence à la loi
Deux corpus ont révélé une indifférence apparente des négociateurs à l’égard de la loi du 20 août 2008, qui ne sont pas ou peu souciés de son entrée en vigueur. Cette indifférence se caractérise par l’absence de référence explicite à la loi du 20 août 2008 et, surtout, les évolutions constatées ne montrent pas de liens évidents avec elle.
Dans un cas, celui d’Altran, la conclusion d’un nouvel accord vise essentiellement à prendre en compte la nouvelle structure de l’organisation à la suite d’une restructuration. Quant au contenu, celui-ci semble même ne pas avoir été modifié, comme si la loi devait ne rien devoir bouleverser. Dans le second cas, celui de Carrefour, les négociateurs précisent leur volonté de s’inscrire « dans la continuité » du précédent accord sans se référer à la réforme sur la représentativité syndicale. Toutefois, à la différence du corpus Altran, le corpus Carrefour entretient, on le verra, des relations indirectes avec la loi du 20 août 2008, montrant que l’un et l’autre tracent les sillons d’une transformation plus profonde du système des relations collectives de travail (voir infra).
Ces deux exemples sont intéressants, non pas bien sûr en tant qu’ils permettraient de conclure à l’absence d’influence de la loi au sein de ces organisations. Il n’existe pas selon nous d’organisations qui y soient restées imperméables. Mais ce silence est signifiant de la manière dont les acteurs peuvent appréhender le droit. De leur point de vue, et malgré l’encouragement des centrales syndicales et des pouvoirs publics, il est clair que la loi n’a pas été perçue comme l’occasion d’impulser une nouvelle dynamique dans les relations collectives de travail. Ce silence gardé est donc révélateur de la manière dont certains acteurs conçoivent le rôle du droit et de sa capacité, manifestement faible pour eux, à transformer le réel.
Inversement, les évocations explicites à la loi du 20 août 2008 montrent la volonté des négociateurs de prendre en compte les changements introduits. Généralement, ces évocations figurent dans les préambules 6. On y lit la nécessité d’adapter les dispositions conventionnelles afin de se conformer aux nouvelles dispositions légales. De ce point de vue, la loi du 20 août 2008 semble avoir joué un rôle de catalyseur, sinon de prétexte à l’ouverture des négociations.
Au-delà, les accords s’attèlent à mettre en application les changements opérés par la loi. L’introduction de certaines clauses s’explique par l’adoption de la loi du 20 août 2008. Certaines ne font que transcrire les dispositions légales. L’accord sert alors de média informatif, évoquant les vertus pédagogiques de la pratique contractuelle (Rochfeld, 2009). D’autres visent à appliquer ou à mettre en œuvre la loi, révélant cette fois-ci la dimension réellement normative des accords collectifs.
Trois principaux changements ressortent de l’étude des accords. D’abord, la plupart de ceux étudiés prennent acte des nouvelles conditions d’accès à la qualité de syndicats représentatifs. Toute référence à la présomption de représentativité a ainsi été supprimée 7. Surtout, concernant la représentativité prouvée, les clauses qui précisent la manière d’apprécier les critères légaux de représentativité sont plus nombreuses 8. Certaines révèlent l’importance acquise par la règle de concordance. Le corpus IBM est particulièrement intéressant de ce point de vue, car il va jusqu’à dresser une typologie des organisations syndicales « présentes au sein de l’entreprise ». L’accord de 2012 distingue ainsi les organisations syndicales qui sont « intéressées » ; celles « représentatives (au sein d’IBM France) » ; celles « non représentatives au niveau de la Compagnie IBM France » ; celles « non représentatives au niveau d’un ou plusieurs établissements ». D’autres clauses ont été introduites pour rappeler et préciser le caractère cyclique de l’appréciation de la représentativité, notamment en instituant une procédure de déclaration des organisations syndicales représentatives.
Illustration 1. Au sein du corpus IBM, on lit ainsi : « Il ressort de ces dispositions que la représentativité des organisations syndicales au sein de la Compagnie IBM France sera établie pour chacun des établissements à l’issue de chaque processus électoral et entraînera sans délai les conséquences prévues par la loi sur les mandats désignatifs de chaque établissement » (art. 2.1.1).
Au sein du corpus Thalès, les deux avenants conclus en 2010 ont fixé un « cycle électoral » applicable à l’ensemble des sociétés du groupe, en précisant la date à laquelle celui-ci doit prendre fin.
Ensuite, outre les conditions d’accès à la qualité de syndicats représentatifs, les accords se structurent davantage après 2008 autour de la distinction entre syndicats représentatifs et syndicats non représentatifs implantés dans l’entreprise. L’apparition de stipulations consacrées au représentant de la section syndicale (RSS) est évidemment remarquable.
Illustration 2. L’accord IBM de 2012 instaure, au niveau des établissements, le représentant de la section syndicale (RSS) et lui attribue un crédit de 10 heures par mois, soit la moitié de celui reconnu au délégué syndical d’établissement.
Chez Thalès, l’avenant conclu en 2010 transpose les dispositions relatives au RSS avec un crédit d’heures de délégation de 8 heures par mois.
Quant à l’accord conclu au sein de Natixis SA, il autorise la désignation d’un RSS supplémentaire pour l’établissement Paris/région parisienne.
Plus largement, les accords précisent les catégories de syndicats destinataires des avantages et des moyens conventionnels : tantôt sont-ce les syndicats représentatifs, tantôt les syndicats non représentatifs, tantôt les syndicats ayant obtenu au moins un élu 9, etc.
Toutes ces clauses sont le signe d’une influence directe de la loi, montrant que la négociation d’entreprise s’est emparée substantiellement des changements intervenus. Mais il arrive aussi que les accords fassent apparaître des changements plus profonds, qui sont plus indirectement liés à la réforme.
I.2. Des incidences que certains accords tentent de limiter ?
Tout ceci est désormais connu : la loi de 2008 a supprimé la présomption de représentativité, rendu périodique l’appréciation de la représentativité et renforcé la règle de concordance. Ces changements ont affecté la structuration du paysage syndical au sein des entreprises et des groupes et été à l’origine de secousses que les négociateurs ont entrepris de limiter. Trois illustrations peuvent être ici rapportées tant elles sont significatives.
En premier lieu, certains accords se sont efforcés de prendre en compte la variation de la représentativité des organisations syndicales selon les niveaux de représentation. Force est de constater que la loi du 20 août 2008 a complexifié le droit de la représentativité syndicale et avec lui le paysage syndical au sein des entreprises et des groupes. Là où ne se rencontraient que des syndicats représentatifs, qui pour la plupart l’étaient de manière indiscutable et immuable, émergent des syndicats qui sont ici représentatifs et non là ; aujourd’hui mais plus demain. L’accord d’entreprise ou de groupe présente alors au moins un intérêt : celui de mettre de l’ordre, du moins à leur échelle.
Le corpus IBM est sans doute le plus symptomatique de cet effort de mise en ordre. Ainsi distingue-t-il désormais les syndicats présents dans l’entreprise IBM ; les syndicats dits « mixtes » qui sont ceux qui ne sont pas représentatifs « au niveau de la Compagnie IBM France » ou « au niveau d’un ou plusieurs établissements » ; les « syndicats représentatifs au niveau national, mais non représentatifs au niveau local sur un ou plusieurs établissements ». Cette typologie a une double fonction. Elle vise à prendre acte de la nouvelle vigueur de la règle de concordance, en répartissant les avantages créés par l’accord entre les différentes catégories de syndicats en fonction du niveau de représentation. Elle crée aussi un langage commun entre syndicats et direction pour évoquer entre eux les différences d’implantation et d’influence des syndicats au sein de l’organisation.
En deuxième lieu, certains interlocuteurs sociaux ont cherché à atténuer les effets de la partition entre syndicats représentatifs et syndicats non représentatifs. Cela concerne un enjeu en particulier : le financement. La négociation collective permet donc d’aller plus loin que ne l’a fait la loi du 20 août 2008 qui, déjà, a atténué les conséquences de la représentativité syndicale sur l’exercice du droit syndical dans l’entreprise. L’idée sous-
jacente est que les gages de légitimité donnés par un syndicat n’ont pas à être les mêmes selon qu’il engage la collectivité des salariés ou qu’il entend seulement disposer de moyens pour exercer librement le droit syndical.
Illustration 3. Là encore, le corpus IBM est intéressant. Un budget de fonctionnement est versé à chaque organisation, « représentative ou non au niveau national IBM France », dont le montant est fixé « proportionnellement au nombre de voix obtenues par chacune […] au niveau national ». Le volume global est donc réparti selon une clé fixée par l’accord qui repose exclusivement sur l’audience nationale. Plutôt que d’user du critère de la représentativité, qui repose sur le principe du tiers exclu, l’accord préfère mettre en œuvre une logique graduelle, en fonction du seul critère de l’audience. De manière semblable, au sein de BP-CE, une allocation de 162 846,19 euros est répartie entre les organisations syndicales représentatives (OSR) au plan national pour leurs frais de fonctionnement : 137 255,46 euros sont répartis à parts égales et 25 260,73 sont répartis proportionnellement aux résultats électoraux.
De manière plus originale, les organisations représentatives au niveau du CEA bénéficient d’un budget calculé en fonction de l’effectif total de l’entreprise et qui est réparti de manière égalitaire entre elles. Les organisations syndicales représentatives au niveau d’un ou plusieurs établissements sans être représentatives au niveau central disposent quant à elle d’un budget moindre. Parmi elles, le budget sera plus ou moins élevé en fonction non seulement du nombre d’établissements dans lesquelles elles ont prouvé leur représentativité, mais encore de l’effectif du ou des établissements dans lesquels la représentativité est établie. Les différences d’effectifs peuvent ainsi conduire à allouer un budget plus important à une organisation pourtant représentative dans moins d’établissements. En revanche, les différences d’audience ne jouent pas.
En troisième lieu, plusieurs accords ont anticipé les conséquences du caractère périodique de l’appréciation de la représentativité et de la suppression de la présomption de représentativité. Après 2008 sont apparus des avantages dont l’attribution était liée au processus électoral, en faisant varier, selon la période, l’objet des avantages syndicaux et leurs destinataires. C’est ainsi qu’a été remarquée l’attribution de moyens de fonctionnement affectés spécifiquement au processus électoral.
De manière différente, plusieurs accords ont temporisé les effets dus à la perte de représentativité.
Illustration 4. Suivant l’avenant de l’accord Thalès conclu le
4 octobre 2010, les syndicats qui ne sont plus représentatifs disposent de trois mois pour restituer le local qui était jusqu’alors mis à leur disposition.
Dans l’accord Natixis de 2009, il est prévu que le permanent syndical désigné par un syndicat ayant perdu sa représentativité perd automatiquement son mandat. Toutefois, l’accord prévoit que la fin du mandat intervient dans un délai de six mois et, en tout état de cause, offre le temps nécessaire au repositionnement du permanent.
Il ne fait pas de doute que ces changements résultent de la loi du 20 août 2008. Pour sûre qu’elle soit, cette influence n’en est pas moins plus lointaine et apparaît plus inégale d’un corpus à l’autre. En effet, tous les corpus ne montrent, ni le même souci d’encadrer les effets de la règle de concordance ou de temporiser les conséquences de la perte de représentativité, ni n’envisagent les mêmes solutions. Autrement dit, l’incidence de la loi est contingente de la structure de l’organisation, de celle du paysage syndical en son sein et du rapport de force qui s’y exerce. Ces facteurs, le juriste ne les appréhende pas, mais il doit les avoir présents à l’esprit pour rendre compte de la manière dont la loi peut être mise en œuvre.
À ce stade, l’idée que l’on peut avoir sur l’influence de la loi de 2008 peut être trouble. D’un côté, des choses ont évolué à la suite de son adoption. De l’autre, on peine à mesurer la portée des changements relevés par les accords. Ce trouble tiendrait à l’existence de changements plus profonds qui affectent le système de représentation collective des salariés et que l’on ne peut imputer entièrement à la loi du 20 août 2008. L’analyse des accords collectifs, confrontée à celle de la loi, permet de mettre en lumière les bouleversements sous-jacents qui sont à l’œuvre, dont la loi du 20 août 2008 n’est pas la cause, ni le point de départ, mais un point d’orgue qui a donné une résonance à des évolutions qui étaient depuis longtemps amorcées.
II. Des bouleversements sous-jacents du système de représentation collective des salariés entérinés par la loi de 2008
La lecture comparée des accords, selon qu’ils ont été conclus avant ou après la loi du 20 août 2008, ne montre pas toujours de modifications ou d’innovations. Il s’agit parfois d’un approfondissement de tendances amorcées avant l’adoption de la loi du 20 août 2008. Peut-être la loi a-t-elle, dans une certaine mesure, encouragé les interlocuteurs sociaux dans la voie qu’ils avaient eux-mêmes commencé à tracer ; peut-être s’est-elle, réciproquement, inspirée de pratiques existantes. Ainsi, à défaut d’influence, il est préférable de formuler l’hypothèse d’une concordance ou d’une synchronisation entre les intentions ou les effets prêtés à la loi du 20 août 2008 et certaines évolutions observables dans les accords.
Trois évolutions en particulier ont été observées. Tout d’abord, et dès avant l’adoption de la loi, les négociateurs se sont mis à la poursuite du même objectif que le législateur, à savoir renforcer la légitimité des acteurs et établir une représentativité réelle (II.1). Ensuite, les accords collectifs, en résonance avec la loi, réalisent au sein des organisations productives un mouvement d’institutionnalisation des activités syndicales et de représentation. Figurant sous le thème toujours plus répandu de « dialogue social 10 », l’action syndicale transparaît à la lecture des accords comme un rouage du processus décisionnel, la détournant ainsi de la relation de représentation à l’égard des collectifs de travail. Enfin, un corpus en particulier, celui de Carrefour, mérite qu’on s’y arrête. Il illustre ce que peut impliquer, au-delà de la seule institutionnalisation du droit syndical, la promotion légale du dialogue social. Il révèle une potentialité plus radicale de la loi de 2008 : sans doute a-t-elle jeté les bases d’une autoréglementation négociée de l’entreprise (II.3).
II.1. Légitimation des acteurs et renforcement de leur représentativité
Les négociateurs poursuivent une finalité commune à celle du législateur, à savoir renforcer la légitimité des représentants des salariés. Plusieurs mécanismes sont à l’œuvre. Parallèlement aux modes de répartition égalitaire entre les organisations syndicales représentatives, les accords prévoient des ventilations inégales des moyens syndicaux. Ainsi relève-t-on des clés de répartition des avantages qui s’ajoutent à la condition de représentativité, telles que l’audience, le nombre d’élus ou encore le nombre de salariés employés au sein des établissements. Ces clauses, qui prennent en compte l’implantation et le poids respectifs des différentes organisations syndicales, varient en fonction des droits reconnus aux syndicats (voir
supra, I.2). Elles apparaissent principalement au sujet des moyens matériels et financiers accordés aux syndicats, tandis que l’attribution de prérogatives de représentation respecte une stricte égalité entre organisations syndicales représentatives (tableau 2).
Ce type de clauses existait avant l’adoption de la loi du 20 août 2008, mais leur survie soulève de nouvelles interrogations. D’un côté, elles poursuivent le même dessein que celui des auteurs de la Position commune 11 et du législateur en allant plus loin dans l’établissement d’une représentativité réelle. D’un autre côté, un esprit plus pessimiste se demandera si la survie de ces mécanismes correcteurs n’est pas plutôt le signe de l’échec de la loi du 20 août 2008. On se rappelle la décision de la Cour de cassation du 10 octobre 2007. Cette décision avait admis la licéité d’une clause prévoyant le versement inégalitaire d’une contribution en fonction de leur « représentativité réelle ». Cette solution avait été accueillie d’autant mieux que l’on reprochait au régime légal d’instaurer une représentativité formelle sans rapport avec la représentativité réelle. Maintenant que la réforme de la représentativité a eu lieu, maintenant que les syndicats légalement représentatifs devraient l’être « réellement », n’aurait-on pas dû constater un recul de ce type de clauses ? Un arrêt récent de la Cour de cassation confirme leur licéité. Ainsi, « une disposition conventionnelle plus favorable peut instaurer, pour son application, une différence de traitement entre syndicats représentatifs dès lors, d’une part, que la disposition ne prive pas ces syndicats de l’exercice de leurs droits légaux, et d’autre part que cette différence est justifiée par des raisons objectives matériellement vérifiables liées à l’influence de chaque syndicat en rapport avec l’objet de l’accord 12 ». Il n’en reste pas moins qu’elles témoignent du souci prégnant des négociateurs de vouloir combler le « déficit de légitimité » des syndicats, comme si être représentatif ne suffisait pas toujours.
II.2. Institutionnalisation des activités syndicales et de représentation
Le dialogue social est promu aussi bien par le législateur que par les négociateurs 13. Les lois du 20 août 2008 et du 4 mai 2004, comme les deux Positions communes 14 qui les ont inspirées, se donnent pour finalité le développement du dialogue social et de la démocratie sociale 15. Au sein des accords, trois corpus au moins ont substitué ou accolé dans l’intitulé le thème du dialogue social à celui de l’exercice du droit syndical. Les préambules des accords se chargent d’expliciter le lien et il n’est pas rare que l’action syndicale soit alors réduite à sa seule expression d’instrument du dialogue social 16. Il n’est pas rare non plus que des stipulations rappellent que les moyens et les avantages reconnus aux représentants des salariés visent à promouvoir le dialogue social dans l’entreprise ou le groupe.
Le dialogue social n’est pas simplement une expression nouvelle pour rendre compte des relations collectives. Il traduit un changement de logique dans laquelle les procédures de participation ne visent plus tant à rendre effectifs les droits de participation des travailleurs qu’à être un gage de l’efficacité du processus décisionnel au sein de l’entreprise. Les procédures de participation n’ont plus seulement vocation à être utiles aux travailleurs, à permettre la défense et l’expression de leurs intérêts. Elles doivent aussi et surtout s’avérer utiles aux décisions projetées par l’employeur. Elle s’intègre à l’entreprise, devient un rouage du processus décisionnel dirigé par l’employeur (encadré 2).
L’intégration de l’action syndicale et de la représentation collective des salariés dans le processus décisionnel des organisations productives participe donc d’un mouvement d’institutionnalisation en ce sens que leur rapport au pouvoir patronal se transforme. La représentation collective des salariés n’apparaît plus comme un contre-pouvoir, extérieur et autonome à ce dernier. Dans la logique du dialogue social, le pouvoir de représentation confié aux représentants des salariés leur confère une fonction, une place, dans l’entreprise conçue comme institution. Il en résulte une centralisation des relations collectives de travail, et une professionnalisation de l’activité syndicale, qui se concentre au sein des diverses instances légales et conventionnelles. En définitive, les relations entre représentants des salariés et la direction finissent par prendre le pas sur celles avec les salariés.
La loi favorise cette tendance dans la mesure où, de manière générale, elle régit essentiellement les prérogatives syndicales à l’égard de la direction tandis que le lien entre représentants et représentés se limite pour l’essentiel à la relation électorale. Au fil des lois, cette impression devient plus forte. Hier, l’objectif de la loi demeurait encore la « rénovation de la démocratie sociale » ; aujourd’hui, il est d’assurer « l’efficacité » du dialogue social dans l’entreprise, en cherchant à rationaliser les procédures de participation et à privilégier celles qui ont lieu au niveau central.
La même tendance est à l’œuvre au sein des accords sur le droit syndical. D’abord, on constate une forme de diffusion du modèle hiérarchique au sein même des institutions de représentation. Beaucoup d’accords désignent une personne responsable au sein des comités (généralement le secrétaire) et au sein même des organisations syndicales. Plus encore, certains créent une hiérarchie entre représentants syndicaux en assignant à ceux qui sont présents aux niveaux les plus centralisés le soin d’harmoniser les positions syndicales au sein du groupe ou de l’entreprise, voire d’articuler l’intervention des différents acteurs.
Illustration 5. Dans le corpus IBM, les accords de droit syndical servent de support à l’attribution des rôles et responsabilités aux différents niveaux de direction et d’encadrement. Ce système est transposé aux organisations syndicales et aux IRP. Ainsi, selon un modèle proprement pyramidal, hiérarchique et centralisé, un certain nombre de droits est attribué « sous la responsabilité de… ».
En d’autres termes, l’organisation hiérarchique du groupe ou de l’entreprise imprime celle du système de représentation des salariés.
Ensuite, les accords étudiés sont à l’origine d’une profusion d’instances et de procédures, qui constituent autant de temps consacré aux relations avec la direction. Le corpus Carrefour est à cet égard le plus emblématique (encadré 3).
Les accords étudiés dans le corpus Carrefour ont permis d’identifier, pour le seul niveau interentreprises, pas moins de 11 instances qui se réunissent au moins 36 fois par an en réunions plénières auxquelles il convient d’ajouter les réunions préparatoires. Cette profusion d’instances s’accompagne de moyens supplémentaires donnés aux syndicats, notamment en heures de délégation ou en personnel détaché. Tous ces moyens sont nécessaires à la participation au dialogue social.
La conséquence est pourtant inéluctable : pendant le temps passé en réunion ou à les préparer, les salariés titulaires d’un mandat ne peuvent continuer à exercer une activité professionnelle ou à passer du temps en contact avec les salariés. Ils se professionnalisent dans l’exercice de leur mandat, lequel s’exerce au niveau central où se tiennent les réunions avec la direction. Nécessairement le lien de représentation qui les lie aux salariés s’en trouve distendu.
L’institutionnalisation de l’action syndicale est en outre confortée par l’essor des accords sur les « carrières syndicales ». À l’origine, ces accords ont été une réponse au problème de la discrimination dont sont victimes les représentants des salariés. Ce n’est plus aujourd’hui le seul but, comme le suggère d’ailleurs leur dénomination. Désormais, l’exercice d’un mandat de représentation prend place dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Ce lien avec la GPEC figure dans les accords étudiés dès avant la loi de 2008, mais il devient plus explicite par la suite 17. Ainsi, l’accord IBM de 2012 institue une « gestion prévisionnelle des mandats et compétences sociales ». Quant au corpus BPCE-Natixis, l’accord Natixis de 2009 crée un droit de reclassement tandis que l’accord GPEC d’octobre 2011 crée, à titre expérimental, un dispositif d’évaluation des salariés titulaires d’un mandat. En définitive, l’activité et l’expérience syndicales deviennent une compétence professionnelle qu’il convient de valoriser au nom du dialogue social et dans l’intérêt de l’entreprise.
Le sentiment est en réalité contrasté. D’un côté, la représentation collective des salariés devient un rouage essentiel au sein des organisations : elle y est reconnue et même valorisée ; les moyens des représentants des salariés sont plus nombreux. De l’autre, la défense et l’expression des intérêts des salariés semblent s’effacer derrière les finalités des processus décisionnels dans lesquels la représentation collective des salariés prend place. Ne doit-on pas alors craindre que les droits de participation soient détournés au détriment de l’intérêt des salariés et que les théories institutionnelles de l’entreprise n’en trouvent encore plus de vigueur ?
II.3. Vers l’autoréglementation négociée de l’entreprise ?
Il est possible d’aller plus loin que l’institutionnalisation et de chercher à réaliser l’autoréglementation de l’entreprise. Dans le cadre de cette recherche, il s’agissait de savoir, au-delà de la volonté des auteurs de la loi du 20 août 2008 et de ceux de la Position commune, en quoi la légitimation des syndicats et des accords collectifs participait du mouvement de décentralisation de la production normative en droit du travail et de l’idée d’autoréglementation de l’entreprise.
L’autoréglementation de l’entreprise ne renvoie pas seulement à la capacité de cette dernière à créer des normes. Elle renvoie de manière beaucoup plus radicale à l’idée que l’entreprise puisse être en mesure d’instituer des procédures internes et de créer des institutions par lesquelles ses propres normes devront s’élaborer.
L’idée que l’entreprise devienne un espace autorégulé est largement promue, au nom d’un principe de proximité. Seulement, comme le notait Alain Supiot, il est « politiquement difficile de prétendre réorganiser le droit du travail autour de l’idée d’autoréglementation patronale » (Supiot, 1989:195-196). Autrement dit, la seule proximité des destinataires de la norme n’est pas suffisante pour justifier la mise à l’écart de la loi. Encore faut-il que la norme sociale soit édictée par une autorité légitime, c’est-à-dire une autorité représentative des destinataires de la norme de manière à rendre celle-ci acceptable par la majorité d’entre eux. C’est donc à travers la promotion de la négociation collective d’entreprise que ce dessein fut entrepris. Il importait pour cela de renforcer la représentativité des syndicats et de s’assurer que les accords conclus aient reçu l’assentiment des salariés. Autrement dit, la légitimation des acteurs de la négociation collective fut une condition nécessaire pour que la décentralisation de la production des normes sociales vers l’entreprise soit rendue admissible. Tel a été l’objet de la loi du 20 août 2008 qui a révisé à la fois les règles sur la représentativité syndicale et les conditions d’entrée en vigueur des accords collectifs en les soumettant à une exigence majoritaire.
L’autoréglementation constitue une étape supplémentaire car elle suppose, à la suite de la décentralisation, d’opérer une clôture de la sphère professionnelle pour la dissocier de l’État et de l’émanciper totalement de la loi. Le pouvoir entrepreneurial doit en effet être en mesure de s’encadrer des règles qui émanent de lui. Or, telle est la fonction fondamentale des accords de procédure qui régissent la représentation des salariés, le droit syndical et la négociation collective de manière dérogatoire au système légal : permettre aux interlocuteurs sociaux la constitution des cadres de discussion entre employeurs ou salariés dans lesquels s’élaborent le processus décisionnel de l’entreprise ou du groupe (Dirringer, 2015).
Le corpus Carrefour en offre une parfaite illustration. Comme cela a été rappelé, cette organisation est structurée sur plusieurs niveaux qui peuvent être ordonnés en trois catégories selon leurs rapports avec la loi. La première catégorie correspond au niveau prévu par la loi : le groupe national via le comité de groupe. La seconde correspond à un niveau prévu par la loi, mais soumis à des modalités entièrement négociées que Carrefour a exploitées, voire anticipées : le niveau du groupe transnational. La troisième catégorie correspond à un niveau original totalement ignoré de la loi : le champ interentreprises hypermarchés.
Les différents accords qui ont pour objet la représentation des salariés sont à l’origine de toute une série d’institutions conventionnelles qui forment un véritable système. À chacun des niveaux de représentation, des mandats conventionnels sont créés. Au niveau transnational est institué le comité directeur ; au niveau groupe national, le délégué syndical de groupe et le comité « Emploi et GPEC » ; pour le niveau interentreprises Hypermarchés, le délégué syndical national Hypermarchés et son adjoint ainsi que les différentes commissions. On remarque aussi l’utilisation tout à fait originale de la négociation « interentreprises », qui est préférée à une négociation classique de groupe qui se superpose à une négociation d’entreprise. La configuration conventionnelle des relations collectives n’affecte pas seulement les niveaux et les mandats de représentation. Elle concerne aussi les prérogatives, qui sont souvent bien plus étendues que dans le système légal : la consultation préalable vient s’ajouter à l’information ou à la négociation périodique, des moyens sont donnés pour fonctionner en continu là où la loi ne prévoit qu’une saisine ponctuelle, etc. Dans cette perspective, il revient aux négociateurs de résoudre les problèmes générés par une configuration complexe où s’agence une pluralité d’institutions présentes à différents niveaux. À l’instar de ce qu’a institué le législateur, Carrefour configure, à son échelle et par voie d’accords collectifs, les relations sociales. Prenant appui sur une « négociation institutionnelle » (Lyon-Caen, 1979:351-352) qui débouche sur des « conventions instituantes » (Grumbach, 1995:247), cette organisation a été en mesure d’instaurer en son sein un véritable système de représentation collective qui lui est propre et qui structure les processus décisionnels relatifs aux conditions de travail et d’emploi. C’est en ce sens que l’on peut parler d’autoréglementation dans la mesure où le système de représentation collective des salariés s’émancipe largement de celui prévu par la loi et où le processus décisionnel a lieu selon des procédures que l’organisation a elle-même instituées (Supiot, 1989).
Mais l’idée d’autoréglementation tient aussi au fait que ces procédures ont un but qui est celui de l’organisation productive. Les accords étudiés tendent en effet à réaliser une gestion autonome et dynamique de l’emploi en se servant des mécanismes propres aux relations collectives de travail. Les trois accords étudiés relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (2006, 2009, 2011) 18 illustrent le projet de créer un processus décisionnel qui soit pertinent et adapté à l’organisation de Carrefour. Les évolutions constatées procèdent d’une consolidation progressive, révélant une démarche singulière autant qu’expérimentale. En définitive, les règles sur la représentation des salariés y occupent une fonction organisationnelle en ce sens qu’elles sont élaborées et articulées dans le but d’organiser la gestion de l’emploi au sein de Carrefour.
Le premier accord de 2006 prévoit un processus d’information articulé aux niveaux du groupe et de l’entreprise. Il prévoit plus précisément une information annuelle du comité de groupe sur la stratégie (évolutions économiques, concurrentielles, technologiques et législatives, projets de développement et schémas d’évolution de l’organisation, impacts prévisibles en termes d’emploi, de compétences et de salaires), qui est ensuite « déclinée » par une information annuelle des comités centraux d’entreprise et comités d’entreprise « adaptée à son périmètre ». L’accord prévoit aussi d’articuler l’intervention des instances, qu’elles soient implantées au même niveau, notamment le comité « Emploi et GPEC » 19 et le comité de groupe, qu’elles soient situées à des niveaux différents, qu’elles soient légales ou conventionnelles 20 (comité « Emploi et GPEC » – comités d’entreprise et centraux d’entreprise) ; et entre instances conventionnelles de différents niveaux (comité « Emploi et GPEC », niveau Groupe – commission Emploi, niveau interentreprises).
L’accord conclu en 2009 reprend l’agencement imaginé en 2006 en le sophistiquant un peu plus. Le rôle des comités centraux d’entreprise et comités d’entreprise s’enrichit d’une information sur la base d’un rapport incluant, outre l’information sur la stratégie, « des informations complémentaires (par exemple évolution des ventes, des parts de marché, des résultats économiques, des investissements) » et d’une consultation. De plus, l’accord prévoit l’instauration d’échanges d’informations entre les instances.
Illustration 6. Il est notamment prévu que l’instance conventionnelle de groupe « comité Emploi et GPEC » soit destinataire de l’information fournie au comité de groupe. Le compte-rendu de chaque réunion du comité « Emploi et GPEC » est présenté au comité de groupe (art. 7, 2006 ; art. 8, 2009 ; art. 29.3.2, 2011). Il est ensuite aussi présenté aux comités centraux d’entreprise ou comités d’entreprise des différentes sociétés entrant dans le champ d’application de l’accord (art. 7, 2006 ; art. 8, 2009 ; art. 29.3.2, 2011). Si une information sur la « liste des métiers sensibles ou susceptibles de le devenir, des métiers en tension et des nouveaux métiers » est bien présentée lors de la réunion annuelle du comité « Emploi et GPEC », une procédure spécifique d’information aux comités centraux d’entreprise ou comités d’entreprise est prévue lorsqu’une décision de qualification en métier sensible est prise par la direction et marque « le point de départ de l’application à titre individuel des mesures du présent accord » (art. 9, 2006 ; art. 10, 2009 ; art. 3.3.2, 2011).
Des champs d’expérimentation sont également ouverts. Ainsi l’accord de 2009 instaure-t-il une consultation spécifique des comités d’entreprise à propos des mobilités externes (art. 30-1, 2009 ; art. 20.2, 2011). Les dispositions de l’accord GPEC prennent alors la forme d’un accord de méthode qui détermine les modalités de déroulement de cette consultation ainsi que l’articulation des différentes procédures au sein de chaque entité du groupe. En 2011, cette consultation est étendue aux mobilités internes (art. 13, 2011).
Le système se complexifie encore par la création de nouvelles instances. L’accord de 2009 crée notamment un comité de suivi mis en place au sein des comités centraux d’entreprise ou des comités d’entreprise. Il est composé d’élus désignés en son sein et intervient à l’occasion de la réunion sur la qualification en métier sensible (créée par l’accord 2009) ou de celle sur la mise en œuvre des mobilités qui peut lui être concomitante (créée par l’accord 2011). Sa mission est de se prononcer sur la validation des projets individuels de mobilité externe, d’être informé sur les reclassements internes et départs en congé de mobilité ainsi que, à partir de 2011, sur les candidatures et refus éventuellement prononcés en matière de reclassement interne. Il peut aussi poser toute question sur l’application de l’accord : « Cette direction des ressources humaines informera le comité de suivi de l’avis émis à cette occasion par le comité emploi et GPEC » (art. 11, 2009 ; art. 24, 2011).
Les accords prévoient en outre trois formes d’articulation entre le comité « Emploi et GPEC » et les délégués syndicaux qui sont principalement chargés des négociations collectives. La première articulation est organisée sous la forme d’une diffusion des travaux. La deuxième résulte de l’organisation d’une journée de réunion par an et par organisation syndicale pour l’ensemble de ses délégués syndicaux centraux et nationaux (ou, à défaut, un délégué nommé par le responsable de délégation) à laquelle participent également les membres de la délégation syndicale au comité 21. La troisième articulation attribue au délégué syndical de groupe une mission de relais entre le comité « Emploi et GPEC » et les salariés : il relaie les observations des salariés et, réciproquement, le conseil à destination des salariés, dans le cadre d’un rôle de « coordinateur GPEC » qui lui est confié 22. Et ce n’est pas tout. L’accord interentreprises de 2013 prévoit encore une articulation entre les instances conventionnelles situées à des niveaux de représentation différents. Ainsi, la « commission nationale Emploi » instituée dans le champ interentreprises a un rôle tout à fait similaire au comité « Emploi et GPEC » du groupe, mais dans son propre périmètre. De plus, il est spécifiquement prévu qu’il lui revient de « faire le lien avec le comité Emploi et GPEC Groupe sur des sujets transverses ». D’où en 2013 une unification de leurs moyens respectifs et de leur fonctionnement, avec notamment la possibilité de disposer de crédits d’heures dédiés 23, de faire appel à un expert 24 ou encore de prévoir la tenue d’une réunion plénière annuelle en plus des réunions périodiques 25. À cela s’ajoute une articulation entre les différents niveaux, entre les modes de participation – information, consultation, négociation – entre les acteurs. De même, il est précisé que les réunions d’information, de réflexion et d’échanges du comité « Emploi et GPEC » ont pour objectif « d’échanger au sein du comité à partir d’une vision globale sans pour autant se substituer aux travaux réalisés par les commissions de suivi créées au sein de chaque entité juridique » (art. 6.3, 2006 ; art. 7-3, 2009).
Le corpus Carrefour illustre la richesse des possibilités d’articulation autour d’un même thème. De la simple circulation d’une information commune ou de la diffusion des travaux d’une instance à une autre, les accords ont fini par mettre sur pied un système d’acteurs particulièrement élaboré concourant à la gestion prévisionnelle des emplois au sein de Carrefour.
L’organisation d’ensemble n’a plus grand-chose à voir avec ce que prévoit le Code du travail. Mais qu’est-ce qui rend un tel édifice socialement acceptable si ce n’est qu’il a été prévu par des accords collectifs périodiquement conclus avec les organisations syndicales représentatives ? Est-il vraiment exagéré de penser que la loi du 20 août 2008 a pu favoriser un tel déploiement des relations collectives au sein de Carrefour, ne serait-ce qu’en donnant aux acteurs une plus grande légitimité pour décider de cet édifice ?
Conclusion
En définitive, la loi du 20 août 2008 a été un catalyseur des négociations ayant pour objet la représentation des salariés. De manière immédiate, son entrée en vigueur a conduit les interlocuteurs sociaux à prendre acte de la suppression de la présomption irréfragable de représentativité et de la reconnaissance de certains moyens aux organisations syndicales implantées dans l’entreprise sans être représentatives. Ces derniers ont ainsi pris en compte, de manière variée, le renforcement de la règle de concordance et le caractère désormais cyclique de l’appréciation de la représentativité syndicale.
Pour le reste, les modifications constatées s’inscrivent dans un sillage plus ancien et dont les enjeux dépassent la seule question de la représentativité des organisations syndicales. L’institutionnalisation des relations collectives au sein des organisations productives est en effet un phénomène que l’on ne saurait entièrement imputer à la loi de 2008. Cela est évident. Pourtant, cette dernière, comme aussi les accords étudiés, occupe une place et joue un rôle dans cette évolution. Ils ont une influence qui est réciproque car ils participent ensemble à faire évoluer le système de représentation des salariés et les finalités qui lui sont confiées. En effet, le droit des salariés à être représentés n’est plus la seule fin assignée au système de représentation collective des salariés. Les accords ayant pour objet le droit syndical et la représentation des salariés n’ont plus pour principale ambition d’accroître l’effectivité de la liberté syndicale et des droits de participation des salariés.
La finalité, sans avoir totalement disparu, s’est renouvelée. Le système de représentation des salariés a aujourd’hui pour autre finalité essentielle l’organisation de la production des normes sociales, en particulier au sein des organisations productives. À travers les règles sur la représentation des salariés, il s’agit de prévoir des « normes de structure 26 », c’est-à-dire des normes qui permettent la production d’autres normes. Sans les règles sur la représentation des salariés, sans le droit syndical et sans le droit de la négociation collective, la décentralisation et la contractualisation du droit du travail vers l’entreprise auraient tout simplement été impossibles. La reconnaissance d’un pouvoir normatif aux interlocuteurs sociaux, dont la légitimité n’est pas contestée, rend admissible l’idée qu’ils puissent un jour se substituer au législateur et que leurs normes soient appelées à prévaloir sur les normes légales. Car telle est la perspective souhaitée par certains : faire de l’entreprise une institution dotée d’une rationalité propre et capable d’assurer par elle-même un équilibre entre les différents intérêts en présence ; instaurer une « (auto-)organisation du pouvoir exercé pour assurer son fonctionnement » et « la seule chose qui puisse être faite de l’extérieur consiste à créer les moyens de son éventuel (auto-)développement qui ne pourra provenir que d’actions internes aux entreprises. […] Ce qu’il convient de mettre en place à tous les niveaux ce sont les procédures de contrôle de l’usage du pouvoir » (Robe, 1995). Il reste cependant que si des normes d’habilitation sont nécessaires, telles que celles contenues dans la loi du 20 août 2008 ou plus récemment dans la loi du 17 août 2015, n’est-ce pas l’idée même d’une autoréglementation qui paraît compromise ?
Josépha DIRRINGER
Aliprantis N. (1980), La place de la convention collective dans la hiérarchie des normes, Paris, LGDJ.
Aliprantis N. (1994), « L’entreprise en tant qu’ordre juridique », in Aliprantis N., Kessler F. (dir.), Le droit collectif du travail : questions fondamentales, évolutions récentes, études en hommage à Madame Hélène Sinay, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, p. 189-206.
de Béchillon D. (1997), Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, Odile Jacob.
Béroud S. Yon K. (2014), « La “démocratie sociale” saisie par les pratiques : l’application des nouvelles règles de représentativité dans les entreprises », in Narritsens A., Pigenet M. (dir.), Pratiques syndicales du droit, Rennes, PUR, p. 191-204.
Bloch Lainé F. (1963), Pour une réforme de l’entreprise, Paris, Éditions du Seuil.
Borenfreund G. (2008), « Le nouveau régime de la représentativité syndicale », RDT, n° 12, p. 712-722.
Brèthe de la Gressaye J. (1960), « Le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise », Dr. soc., p. 633-638.
Despax M. (1956), L’entreprise et le droit, Thèse, Université de Toulouse, Paris, LGDJ.
Dirringer J. (2015), Les sources de la représentation collective des salariés. Contribution à l’étude des sources du droit, thèse, Université de Paris 10, Paris, LGDJ.
Dirringer J. (2016), « Bienvenue dans l’ère du dialogue social : de nouvelles règles pour une nouvelle logique », Dr. ouv., n° 811, février, p. 56-65.
Durand P. (1944), « Aux frontières de l’institution et du contrat, la relation de travail », JCP 1944, I, n° 387.
Durand P. (1947), « La notion juridique de l’entreprise », in Travaux de l’Association Henri Capitant, tome III, p. 45-60.
Durand P., Jaussaud R. (1947), Traité de droit du travail, tome 1, Paris, Dalloz.
Favennec-Héry F. (2009), « La représentativité syndicale », Dr. soc., n° 6, p. 630-640.
Grumbach T. (1995), « Citoyenneté, Entreprise, Contrat social », Dr. ouv., juin,
p. 235-257.
Kelsen H. (1962), Théorie pure du droit, 2e éd., trad. C. Eisenmann, Paris, Dalloz.
Lyon-Caen G. (1979), « Critique de la négociation collective », Dr. soc., n° 9-10, p. 350-356.
Lyon-Caen A. (2013), « Le Droit sans l’entreprise », RDT, n° 12, p. 748-760.
Pécaut-Rivolier L. (2011), « Les élections professionnelles depuis la loi du 20 août 2008 : révolution ou statu quo ? », Dr. soc., n° p. 82-88.
Pernot J.-M. (2011), « La loi du 20 août 2008 et la portabilité des suffrages », RDT, n° 718, p. 427-432.
Radé C. (2011), « L’exercice du droit syndical après la loi du 20 août 2008 : liberté, égalité, représentativité, ou la nouvelle devise de la démocratie sociale », Dr. soc., n° 12, p. 1234.
Rochfeld J. (2009), « La contractualisation des obligations légales, la figure du “contrat pédagogique” », in Xiafaras M., Lewkowicz G. (dir.), Repenser le contrat, Paris, Dalloz, p. 294-308.
Rivero S., Savatier J. (1956), Droit du travail, Paris, Puf.
Robé J.-P. (1995), « L’entreprise en droit », Droit et Société, n° 29, p. 117-136.
Robé J.-P. (2011), « L’entreprise et la constitutionnalisation du système-monde
de pouvoir », Collège des Bernardins, avril.
Supiot A. (1989), « Déréglementation des relations de travail et autoréglementation de l’entreprise en droit français », Dr. soc., p. 195-205.
Teyssié B. (1997), « L’entreprise et le droit du travail », Arc. Phil. Droit, n° 41, p. 355-386.
Véricel M. (2008), « La loi du 20 août 2008 : une loi de revanche ? », RDT, n° 10, p. 574-582.
1. Maître de conférences à l’Université Rennes I. Ce travail provient d’une étude réalisée pour l’Agence d’objectifs de la CGT (Hege, Cothenet, Dirringer et al., 2014) disponible sur : http://www.ires-fr.org/images/files/EtudesAO/CGT/EtudeCGT_Loi_20_aout_2008_2014.pdf.
2. Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
3. Le terme n’est toutefois pas le plus rigoureux juridiquement concernant les niveaux de la branche et du niveau national interprofessionnel où la représentativité est déclarée par les pouvoirs publics.
4. Il existe sept critères communs à l’ensemble des niveaux de représentation : l’indépendance ; le respect des valeurs républicaines ; l’ancienneté minimale de deux ans dans le périmètre géographique et professionnel visé par les statuts ; l’influence principalement caractérisée par l’expérience et l’activité, les effectifs et les cotisations ; l’audience électorale ; et la transparence financière. Concernant l’audience, au niveau de l’entreprise, les résultats pris en compte sont ceux obtenus sur la base des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants, au premier tour des élections des membres titulaires du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, qui ont lieu en principe tous les quatre ans. En principe, cette appréciation s’effectue tous collèges confondus, et ce même si l’organisation n’a pas présenté de candidats dans tous les collèges (Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 10-10678).
5. Dans la suite de l’article, le terme de corpus sert à renvoyer à l’ensemble des accords étudiés pour chaque organisation productive considérée. Ainsi évoquera-t-on le corpus IBM, le corpus Alcan, etc.
6. Voir l’avenant à l’accord de droit syndical conclu en 2010 dans le groupe Thalès ; le préambule de l’accord du 17 octobre 2012 conclu chez IBM ; l’accord de droit syndical conclu en 2009 au sein de l’entreprise Natixis SA ; l’avenant du 12 novembre 2012 à la convention de travail du CEA.
7. Voir chez Alcan, désignation des délégués syndicaux centraux (art. 5.2.1) et désignation des représentants syndicaux au comité de groupe (art. 6.1) ; voir dans l’accord applicable dans le groupe BPCE Natixis la suppression de l’article 12, qui prévoyait que « les organisations syndicales nationales représentatives au niveau du groupe, au sens de l’arrêté du 31 mars 1966, peuvent bénéficier d’un acheminement pris en charge par la banque fédérale, pour leurs courriers portant la marque distinctive du syndicat ». Ou encore, chez Thalès, désormais la possibilité de constituer un Intercentre, instance syndicale ad hoc constituée au niveau du groupe est, depuis l’avenant d’octobre 2010, reconnue aux organisations syndicales « représentatives au niveau du groupe Thalès ».
8. Ainsi, à titre d’exemple, dans les corpus IBM, CEA et BPCE-Natixis, Thalès, les accords prennent soin de rappeler les conditions d’appréciation du critère de l’audience et, en particulier concernant les groupes, précisent l’appréciation de la représentativité au niveau du groupe.
9. Cette catégorie était apparue dans les accords relativement au représentant syndical au comité d’entreprise. Depuis la loi du 5 mars 2014, l’exigence de représentativité a été rétablie.
10. La loi du 17 août 2015 en apporte d’ailleurs une nouvelle illustration.
11. « Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social, et le financement du syndicalisme », signée par la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT-FO, la CGT, le Medef, la CGPME et l’UPA.
12. Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-26.955, D. 2013, p. 1417, note F. Petit, p. 1733 ; note L. Pécaut-Rivolier, Dr. soc. 2013, p. 597 ; Dr. soc. 2013, p. 604, obs. C. Radé ; I. Odoul-Asorey, RDT 2013, p. 639 ; JCP S 2013. 1296, obs. L. Dauxerre.
13. Ce peut être aussi sous couvert de démocratie sociale. Voir Béroud, Yon (2014:197-198).
14. « Position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l’approfondissement de la négociation collective », signée par la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT-FO, la CGT, le Medef, la CGPME et l’UPA, et « Position commune du 9 avril 2008, précitée.
15. Il en est de même aujourd’hui de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ou du projet de réforme de la négociation collective annoncée lors de la dernière conférence sociale d’octobre 2015. Voir Dirringer (2016).
16. La promotion du dialogue social figure dans le corpus Alcan/constellium, Carrefour, IBM, CEA.
17. Art. L. 2242-20 C. trav. Cette disposition est directement inspirée de l’article 13 de la Position commune du 9 avril 2008 et prévoit une négociation relative « au déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions ».
18. On relèvera qu’un nouvel accord GPEC conclu en juin 2015 a été conclu au sein du groupe Carrefour.
19. Cette instance a été pérennisée dans l’accord de juin 2015.
20. Une instance conventionnelle occupe une place particulièrement importante dans la GPEC conçue par les accords successifs. Il s’agit du comité « Emploi et GPEC » mis en place au niveau du groupe. Il est une « instance de réflexion prospective, d’échanges et d’information sur les projets de réorganisation nationaux, l’évolution des métiers et de l’emploi, la diversité, la cohésion sociale et la situation des seniors, au sein des hypermarchés Carrefour ». Sa composition institue en interlocuteurs patronaux un « représentant du groupe », qui en assure la présidence, « les directeurs des ressources humaines des entités du groupe France » (art. 6.2, 2006 ; art. 7-2, 2009 ; art. 29-2, 2011) et quatre représentants syndicaux.
21. Prise en charge des frais de déplacement et d’hébergement et du temps assimilé à du temps de travail effectif (art. 6.5, 2006 ; art. 7-5.3, 2009 ; art. 29.5.3, 2011).
22. Art. 29-6, 2011. Cette fonction a été pérennisée dans l’accord de juin 2015.
23. Art. 9-1.9.4.4, 2013.
24. Dans la limite de 5 000 euros par an ainsi que d’un budget supplémentaire, par délégation syndicale, qui peut être consacré à la formation à d’autres travaux d’expertise (art. 9-1.9.4.5, 2013).
25. Art. 9-1.9.4.3, 2013.
26. Sur la distinction entre norme de structure et norme de conduite, voir Kelsen (1962), Aliprantis (1980), de Béchillon (1997:55).