L’histoire des relations entre syndicats de différents pays d’Europe remonte aussi loin que le syndicalisme lui-même. Si l’on entend « le » syndicalisme européen au sens d’une forme organisationnelle des syndicats à l’échelle européenne, le temps est plus court, il faut remonter à l’après-guerre, moment d’un début de certaines formes d’institutionnalisation politique (économique) de l’Europe. Le plan Marshall, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca) peuvent être retenus comme moments inauguraux de relations syndicales inscrites dans des institutions et devenant elle-même des institutions. Si l’on pense à la Confédération européenne des syndicats (CES) telle qu’elle se présente aujourd’hui, alors l’histoire commence en 1973, au congrès de Bruxelles où 17 organisations appartenant toutes à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et aux six pays membres du marché commun décident de « faire organisation » pour agir ensemble face aux autorités de la Communauté économique européenne. En réalité, la véritable CES dans sa version « moderne » date du congrès extraordinaire de Copenhague, tenu l’année suivante, et qui voit l’ouverture de cette première CES aux organisations du syndicalisme chrétien européen ainsi qu’à la Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL, Confédération générale italienne du travail).
Depuis cette date, penser l’action syndicale en Europe revient à porter le regard (et souvent un regard critique) sur la trajectoire de cet « acteur syndical », création des syndicats nationaux des pays de la Communauté européenne puis de l’Union européenne (UE). On n’échappera donc pas ici à un examen critique de la CES en s’appuyant sur les nombreux travaux qui, depuis les années 1990, entourent la constitution de cet acteur. Mais on tentera d’élargir ce regard en considérant d’une autre manière les conditions de l’action collective sur un espace complexe mettant en jeu des régulations nationales (juridiques, économiques, sociales) et un encadrement croissant de celles-ci par des règles européennes imposées par les nouveaux cadres économiques et juridiques de l’action publique (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance –TSCG, semestre européen, Cour de justice de l’UE). Plus généralement, les politiques « nationales » s’inscrivent dans une européanisation néolibérale qui dicte aux États des impératifs de mise en conformité pesant fortement sur les politiques publiques et les « dépenses » sociales (réformes des marchés du travail, recalibrage des institutions sociales, politiques en matière de services publics, etc.) [1].
Ce nouveau cadre est un défi considérable pour le syndicalisme en Europe car celui-ci est un fait social historiquement lié à l’État-nation ; il montre des difficultés à articuler son action sur un système de causalités dans lequel l’État-nation n’est plus le référentiel unique de la constitution des contextes d’action (rapports de force, formation d’alliances, etc.).
La CES telle qu’elle est aujourd’hui peut-elle constituer le lieu de cette transsubstantiation du syndicalisme national en syndicalisme européen ? Par la lexie « syndicalisme européen », on désigne ici moins la CES projetée comme un acteur intégré sur le modèle confédéral national que la transformation nécessaire de tous les acteurs syndicaux nationaux et transnationaux en entités capables de combiner en tous points de l’espace les éléments nationaux et européens qui délimitent le champ de leur activité et de nouer entre eux les relations susceptibles de produire de nouveaux rapports de force aux échelles pertinentes.
On rappellera ici quelques grandes caractéristiques de la CES au cours de la période récente (1985 à nos jours) (I) avant de s’interroger sur l’ainsi nommé « système de relations professionnelles » qui a servi de support à la constitution de l’actuelle confédération européenne et qui sous-tend l’investissement européen de la plupart des acteurs syndicaux (II). Nous interrogerons ensuite cette construction du point de vue général de la constitution d’acteurs multinationaux du syndicalisme dont la CES est d’ailleurs une composante importante mais pas unique (III). On proposera enfin quelques réflexions sur les types de coopérations syndicales internationales, leurs agencements et les voies possibles pour penser leurs interactions.
Il y a plusieurs façons possibles d’aborder la Confédération européenne des syndicats : la plus courante et aussi la plus inévitable est de la saisir dans son articulation à la construction européenne elle-même comme projet politique et comme espace de relations professionnelles. Mais on peut aussi la considérer comme une forme déterminée d’organisation de relations entre syndicats par-delà les frontières nationales. Cette deuxième approche, complémentaire, replace la CES dans un questionnement plus général sur les organisations syndicales internationales (OSI) dont elle est une forme régionale, la plus dense de tout l’arc des OSI, mais qui n’échappe pas aux difficultés que rencontre toute activité syndicale dès lors qu’elle cherche à dépasser les frontières d’un espace national.
La plupart des questionnements sur la CES (et il y en a de nombreux depuis une trentaine d’années) délaissent cet aspect en ramenant toujours la construction syndicale européenne à l’espace spécifique de l’UE. Pourtant la propension à agir hors des frontières est une caractéristique permanente et universelle des syndicalismes nationaux depuis leur essor dans le dernier tiers du XIXe siècle.
Notre proposition inaugurale est que l’utilisation du même vocabulaire désignatif « syndicat, syndicalisme » pour parler d’une forme nationale et d’une organisation internationale pose des problèmes dont les conséquences sont importantes, non seulement dans le travail scientifique (de quoi parle-t-on exactement ?) mais aussi dans le débat des acteurs autour de la CES. Du national à l’international, le changement d’espace impose un effort conceptuel pour appréhender des faits ou des dynamiques sociales radicalement différentes (différentes à la racine) : une « confédération » par exemple revêt plusieurs contenus possibles au sein des différents syndicalismes nationaux mais peu d’entre eux ressemblent à ce qu’on appelle « confédération » au niveau international ou même européen.
I. Permanences et changements de la Confédération européenne des syndicats
L’histoire de la CES est scandée par les rythmes, les progrès et les pannes du projet européen lui-même au cours de l’après-guerre [2]. C’est une construction dépendante, inscrite dans le développement de l’institutionnalisation du projet européen. En 1952, l’instauration de la Ceca provoque la création d’un comité syndical constitué de représentants de confédérations, de fédérations de la métallurgie et de mineurs des six États membres, la mise en place du marché commun conduit à la création d’un secrétariat syndical européen puis la relance de l’Europe après le sommet de La Haye (1969) stimule la création de la Confédération européenne des syndicats libres (CESL) puis, quelques années plus tard, celle de la CES.
L’élargissement idéologique de 1974 s’est accompagné d’un élargissement géographique. Conçu aux frontières de la CEE, le champ de la CES s’est dilaté dans deux directions : d’une part avec les élargissements successifs de la CEE puis de l’Union et, d’autre part, dans une direction pan-européenne puisqu’elle a progressivement élargi ses rangs à des syndicats en provenance de pays non membres de l’UE : les pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse ; les pays de l’Europe du centre et de l’est après 1989, c’est-à-dire avant que leurs pays n’adhèrent à l’UE, les syndicats de Turquie, et, à titre d’observateurs, les syndicats des républiques balkaniques non encore membres de l’UE (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine) [3].
I.1. Du « moment Delors » au « moment Barroso »
Cet état de dépendance, présent dès l’origine, se renforce après 1985 avec la relance du marché unique et l’instauration d’un « moment Delors » (Didry, Mias, 2005). Cette dépendance s’entend dans de nombreux domaines : dans le domaine matériel, un grand nombre des activités de la CES étant financièrement pris en charge par la Commission ; elle est relevée également dans le domaine cognitif dans la mesure où la CES reprend avec beaucoup de facilité le vocabulaire et les concepts à travers lesquels le système bruxellois appréhende le monde social (Gobin, 1993). Cette période cependant est considérée par certains comme un « âge d’or » de l’Europe sociale car elle voit la mise en place de règles, de procédures et de « quasi-institutions » visant à instaurer un espace de relations professionnelles à l’échelle européenne.
Le climat change au début des années 2000, notamment en raison d’un désengagement de la Commission des procédures dites de dialogue social sous la pression des employeurs mais avec l’accord syndical (Degryse, Tilly, 2013:103) [4]. L’échec du projet d’accord sur le travail intérimaire clôt une première phase de « loi négociée » entre 1991 et 1999. La seconde période voit la mise en place de cette « négociation autonome » entre patronats et syndicats, qui a produit (et continue de produire) quelques textes peu engageants dont l’effectivité est liée à leur déclinaison dans les pays de l’Union.
La révision de la stratégie de Lisbonne en 2005 peut être tenue comme point de départ du « moment Barroso », une troisième période qui voit une première inflexion du positionnement de la CES. Bien qu’elle approuve au même moment le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, elle se déclare « en alerte » après l’annonce du « partenariat pour la croissance et l’emploi » présenté par la Commission dans lequel elle voit un abandon du volet social et environnemental de la stratégie de Lisbonne (Homs et al., 2007) : l’heure est à la flexicurité, selon un concept librement interprété d’un dispositif danois devenu très en vogue à cette période.
Si la CES poursuit sa logique participative dans les institutions, elle prend cependant une distance croissante avec la politique européenne en 2008 et plus encore en 2011, au point que certains ont pu se poser la question d’une éventuelle « sécession » de la CES (Dufresne, Pernot, 2013). Contre la directive Bolkestein sur la libéralisation des activités de services (2006), contre les recommandations salariales de maintien de l’austérité en 2008, la CES durcit le ton : le congrès d’Athènes en mai 2011 montre une perception nouvelle des risques à l’œuvre dans les nouvelles politiques de l’Union (Rehfeldt, 2011), pas seulement au niveau des dirigeants de la CES mais aussi parmi les affiliés, les syndicats nationaux, aux prises avec les politiques d’ajustement mises en œuvre après la crise de 2008-2009 dans la plupart des territoires de l’Union. Le congrès rejette le projet de « Six Pack » après que John Monks, le secrétaire général de la CES, a qualifié le « pacte pour l’euro » d’inacceptable [5].
Les nouvelles régulations macroéconomiques décidées à l’occasion du TSCG rencontrent une vive opposition de la CES, qui, pour la première fois de son histoire, « s’oppose au nouveau traité [6] ». Au cours de ces quelques années, entre 2008 et 2012, la confédération européenne adopte un registre plus combatif et connaît une démarche tournée vers l’action collective. Euro-manifestations et même euro-grèves vont émailler le cours de cette période avec un élargissement des thèmes communs : en particulier la question du salaire, jusque-là peu prise en charge au niveau européen mais qui fait son entrée au cœur des demandes de la confédération européenne (Dufresne, 2011). Ce thème est partagé par ses affiliés à travers la notion, un peu vague mais fédératrice, de salaire décent. Cette période de mobilisation connaît une sorte d’apogée lors de la journée du 14 novembre 2012 qui voit un mot d’ordre global se décliner sur des registres d’action adaptés à chaque situation nationale [7].
Cette période ressort toutefois de manière contradictoire. Tandis que des mobilisations plus « européennes » voient le jour, les effets de la crise de 2008-2009 recentrent les syndicats européens sur leurs espaces nationaux où ils connaissent des difficultés spécifiques (Lehndorff et al., 2018). Le congrès de 2015 de la CES, tenu à Paris, montre l’ambiguïté de la période : en fait, les syndicats nationaux comptent davantage sur les ressources de leurs systèmes domestiques de relations professionnelles et leurs capacités de résistance face à leurs gouvernements (ou à la troïka [8] pour certains) que sur ces pressions infructueuses sur les autorités européennes.
Le moment de l’action collective n’a pas débouché en effet sur une quelconque prise en considération de la protestation syndicale. Manifestement, la CES peut hausser le ton pendant quelques mois sans provoquer le moindre battement de cils des autorités de l’Union. Si les pères fondateurs de l’Europe, de Jean Monnet à Jacques Delors, ont toujours considéré l’accompagnement de la construction européenne par les syndicats comme un enjeu important, il n’en va plus de même au cours des années 2000. La Commission Barroso ne prend même plus la peine de mettre en scène le social comme c’était le cas antérieurement et comme cela reviendra avec la Commission Juncker. Le sentiment domine toutefois que, depuis ce moment, la voix des syndicats n’est plus considérée comme un véritable enjeu du processus européen.
I.2. Les bilans critiques de la CES
Depuis une trentaine d’années, l’efficacité de la CES fait l’objet d’une pesée le plus souvent critique de la communauté académique ainsi que de nombreux syndicalistes dans différents pays. Son empreinte sur la construction sociale de l’Europe, depuis 1986 en particulier, est jugée très faible. Elle est souvent considérée comme une interface des syndicats d’Europe avec la Commission, mais parfois aussi l’inverse, et non comme un outil syndical apte à agir « stratégiquement » sur l’espace européen (Hyman, 2007). Pour Turner, elle a créé « l’outil avant l’action » (Turner, 1996), son hétéronomie permanente est soulignée par Gobin (Gobin, 1997). Hyman estime que l’intégration au sommet de la CES la coupe de facto de sa base et qu’un mouvement issu de celle-ci ne pourrait trouver de soutien de la part d’une structure contrainte de se plier au jeu de l’institution qui la nourrit (Hyman, 2005). Tarrow montre le même pessimisme à l’égard des effets de cette intégration au sommet dans les objectifs et les moyens de l’UE (Imig, Tarrow, 2002). Wagner évoque, à son propos, un fonctionnement diplomatico-administratif (Wagner, 2004). Son enquête montre également les modes de socialisation à l’Europe qui coupent progressivement les syndicalistes de leur rôle de représentant (Wagner, 2005).
Ces critiques sont anciennes et peuvent être formulées dans des termes assez semblables à la fin des années 2010 même si la CES a montré, après 2008 et pendant quelques années, une volonté de peser par l’action collective sur la scène européenne. Ces critiques épargnent curieusement les décideurs de la CES que sont les affiliés nationaux et surtout les plus importants d’entre eux qui disposent d’un poids et d’une responsabilité particulière en son sein. Ce qu’est la confédération européenne est d’abord le reflet de ce que ses affiliés veulent bien en faire, ses faiblesses sont donc d’abord celles des centrales nationales qui la maintiennent dans l’état où on la connaît (Pernot, 2009). L’insuffisante prise en compte du niveau européen comme lieu de production de normes est à la source d’une faible implication des syndicats nationaux dans la construction d’une stratégie adressée directement aux institutions européennes.
Mais surtout, les critiques à son encontre s’appuient implicitement sur une norme de jugement établi de manière extérieure à son domaine. Le modèle de référence sur lequel se construit le regard sur la CES est celui de la confédération syndicale nationale telle qu’elle s’est constituée dans les espaces nationaux en Europe depuis le XIXe siècle : même si l’articulation entre fédérations sectorielles, confédérations et structures locales est différente selon les pays européens, même si l’étage confédéral dans la vie syndicale a un poids moindre dans certains pays que dans d’autres, la « confédération » renvoie à chaque endroit à une configuration signifiante de l’espace national : comme l’indique Hyman, les systèmes de relations professionnelles sont des inventions des États ou, à tout le moins, ils ont été pensés et construits au sein de frontières nationales (Hyman, 2005). Les syndicalismes aussi, leurs évolutions se comprennent sur des trajectoires longues, sur des alliances et sur des luttes inscrites dans l’épaisseur des histoires nationales (Crouch, 1993).
L’idée de plaquer un tel schéma sur une réalité transnationale au contenu encore peu stabilisé se heurte immédiatement à une difficulté d’ordre épistémologique. La triangulation classique syndicats de salariés, organisations d’employeurs, État, ne peut qu’être mimée sur un espace politique qui n’a pas grand rapport avec la dynamique des États-nations sur lesquels elle s’est formalisée : les porte-parole de la CES au niveau européen ne sont pas en situation de « représentation » des travailleurs européens mais une délégation des syndicats d’Europe vis-à-vis des institutions ; le patronat a, pour l’essentiel, un mandat de « non-représentation » [9] et le couple Commission-Conseil n’est pas réductible à la forme « État ».
La confusion née d’un tel modèle organisationnel doit à la CES elle-même, en particulier depuis son congrès de Luxembourg (1991), qui a mis en place l’actuelle structuration de l’organisation européenne, très proche d’une confédération dans les pays du sud de l’Europe : renforcement des mandats du secrétariat dirigé par un secrétaire général aux pouvoirs plus étendus, reconnaissance renforcée des fédérations de branche insérée dans un ordre de dépendance à la confédération (encadré 1). Le schéma d’une organisation intégrée prend alors le dessus, avec les statuts afférents, malgré les résistances d’un certain nombre d’organisations : les syndicats nordiques, le Deutscher Gerwerkschaftsbund (DGB, Confédération allemande des syndicats) et Force ouvrière notamment sont plus réticents, ils ne souhaitent pas que la CES les supplante dans l’exercice de leur souveraineté. Mais une « alliance du Sud » (les syndicats italiens, espagnols et la CFDT) l’emporte et Emilio Gabaglio devient le nouveau secrétaire général d’une organisation dotée, du moins pour les vainqueurs, d’un surcroît de légitimité (Groux et al., 1993).
La suite de l’histoire montre une organisation formelle de plus en plus calquée sur le modèle des organisations « faîtières » traditionnelles, au moins dans une partie de l’Europe, c’est-à-dire le sommet d’une structure présumée pyramidale, avec ses déclinaisons sectorielles (les fédérations de branche) et les outils syndicaux classiques d’une confédération : commissions diverses (femmes, jeunes…) une organisation de retraités, une de cadres, une structure de formation, une structure dédiée à la santé et aux conditions de travail, un bureau d’études syndicales [10]. Congrès, comité exécutif, secrétariat, l’édifice bureaucratique est une réplique fidèle de ce que connaissent et pratiquent un grand nombre de syndicalismes nationaux [11]. De cette similitude naît une illusion d’optique qui est de croire que l’on a affaire au même type d’organisation que dans le cas des syndicalismes nationaux (infra).
Le moment de cette réforme ne doit rien au hasard, il résonne en écho à la dynamique du dialogue social de Val Duchesse (Didry, Mias, 2005) [12] ; en 1991, « l’émergence d’une île » de relations professionnelles européennes (Dølvik, 1999) semblait à l’ordre du jour et la confédération européenne adaptait ses structures à cette nouvelle perception d’un système en construction.
Après deux ou trois décennies, il faut bien admettre que l’hypothèse de départ a été quelque peu déjouée. Il est nécessaire d’en évaluer la portée avant de revenir sur la constitution de la confédération syndicale européenne.
II. Vers un système européen de relations professionnelles ?
Il est tenu pour acquis que l’ambition initiale, affirmée plus clairement après 1985, était bien de construire à l’échelle européenne un système de relations professionnelles à l’image de ce qui avait cours dans un grand nombre de pays européens [13].
En 1984, les syndicalistes étaient réticents face au projet de relance du grand marché intérieur mais le nouveau président de la Commission, Jacques Delors, leur a offert une sorte d’échange politique entre, d’un côté, le grand marché, d’essence plutôt libérale et, de l’autre, un « volet social » renvoyant à ce que les syndicalistes connaissaient bien : un socle de droits sociaux fondamentaux à travers une charte des droits et un appareillage de négociations collectives calqué sur celui qu’ils pratiquaient à domicile : accords interprofessionnels, négociations de branches et comités d’entreprise, c’est-à-dire l’amorce d’un système de relations professionnelles à l’échelle européenne.
De ce moment à nos jours, le processus a connu trois étapes, que l’on rappellera brièvement avant de s’interroger sur l’effectivité de la référence à un système européen de relations professionnelles
II.1. Les prémisses, Val Duchesse et les avis communs (1986-1991)
La décision d’achèvement du grand marché au 1er janvier 1993 créant une échéance rapprochée, la Commission a rapidement organisé des rencontres entre les interlocuteurs sociaux pour débattre et adopter des « avis communs » [14]. Il s’agissait de textes généraux portant sur la croissance, l’emploi, la formation, etc. La représentation des employeurs se partageait entre l’Union des confédérations des industries et des employeurs d’Europe (Unice) et le CEEP [15], la première se montrant réticente à toute esquisse d’accord patronat-syndicats (Michel, 2013). Un avis commun, c’est un peu plus qu’un constat mais beaucoup moins qu’un accord. La CES dut cependant faire beaucoup de concessions pour ne pas effaroucher l’Unice, ce qui n’a pas empêché un blocage, en 1987, autour du thème de « l’adaptabilité du marché du travail », c’est-à-dire la flexibilité. Reprise en 1989, la discussion n’a pas pu éviter les sujets sensibles et les interlocuteurs ont jeté l’éponge en 1991, après un débat désabusé sur les destinées des avis communs (Didry, Mias, op. cit.) [16].
II.2. « L’âge d’or » du partenariat social (1992-1999)
La deuxième étape commence avec le compromis de Luxembourg, accord inattendu conclu avec l’Unice et le CEEP en 1991. Cet accord, repris ensuite comme « protocole additionnel » au traité de Maastricht puis intégré dans le Traité européen en 1997, prévoyait la possibilité pour les interlocuteurs sociaux de préempter par la négociation l’élaboration de certaines normes sociales au niveau européen. Il ne s’agissait nullement d’un ralliement du patronat à la logique de la négociation collective mais d’une position tactique adoptée pour garder le contrôle des concessions acceptables face à la menace d’adoption de directives potentiellement plus contraignantes.
Cette disposition a conduit à l’adoption de trois accords interprofessionnels européens entre 1996 et 1999 [17]. Leur objet était double : d’une part, produire des normes sociales, de peu d’effet certes sur les pays socialement avancés de l’Union (de la CEE à l’époque) mais qui pouvaient servir de levier pour rejoindre « l’acquis communautaire » dans les pays les moins avancés, la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Le deuxième objectif était d’amadouer le patronat européen, de le conduire à accepter par le rodage d’une pratique le principe même d’une négociation au niveau européen. La démarche a buté sur l’intransigeance patronale lors de la discussion d’un quatrième texte portant sur le travail intérimaire. Les grands affiliés de la CES, notamment du nord de l’Europe, relevaient que leur propre patronat utilisait les normes a minima de l’Europe pour peser sur leur socle social et la CES dut refuser un compromis trop manifestement déséquilibré.
Cette période voit également l’adoption de la directive sur l’établissement des comités d’entreprises européens (1994, révisée en 2009) ; la première vague de mise en place a fait l’objet d’un bilan en 2007 et encore en 2011 (Waddington, 2007, 2011), qui peuvent offrir des lectures pessimistes ou optimistes mais qui conviennent toutes qu’il faut du temps long pour mesurer la portée réelle de ces nouvelles institutions maintenues pour l’essentiel dans le cadre de l’information et de la consultation (Jagodzinski, 2011). Avec leurs limites, les CE européens sont sans doute l’acquis institutionnel le plus substantiel de la période (Didry, Béthoux, Mias, 2005). On notera au passage que cette avancée ne doit rien à la négociation avec les organisations d’employeurs, très hostiles à cette idée, mais à un engagement politique de la Commission et de son président.
II.3. Après 2000, un « dialogue social » à bas bruit
Cette troisième phase est marquée par trois évolutions : tout d’abord, l’émergence des accords interprofessionnels européens dits « autonomes », négociés directement entre les interlocuteurs sociaux, sans qu’ils soient organisés ou soutenus par la Commission européenne. Ces accords autonomes n’ont pas été traduits en directives mais directement déclinés (ou non) par la négociation dans les pays de l’Union selon l’article 155-2 du traité (Pochet, Degryse, 2016) [18]. La procédure ne pose pas de problème dans les pays rompus à l’exercice des relations professionnelles, où un texte sans portée juridique peut être inclus dans le champ de la négociation collective. Dans certains d’entre eux cependant, où la tradition interprofessionnelle est faible (Royaume-Uni, Allemagne), il n’y a pas de déclinaison généralisée de ces accords. Et naturellement, là où les syndicats n’ont pas la capacité d’imposer le respect de ces règles d’origine européenne, rien ne vient en créer l’obligation, comme c’est le cas dans la plupart des pays de l’Europe centrale et orientale (Peco). Au total, dans un quart des pays de l’UE, il n’y a eu aucune transposition de ces accords autonomes (Degryse, 2011).
Ensuite, la période a vu une intensification du « dialogue » [19] sectoriel : certains secteurs connaissaient cette pratique depuis longtemps [20], mais la plupart l’ont mise en place au début des années 1990 ; en 1998, la Commission a décidé la création de comités du dialogue social sectoriel afin de stimuler un nouvel espace de production normative. La portée du dialogue sectoriel ainsi que des accords interprofessionnels « autonomes » ont fait l’objet d’évaluations diverses. En 2005, une étude s’est penchée sur la « valeur ajoutée » de l’ensemble de la production de ce dialogue social à partir d’un corpus de 243 textes, assez hétérogènes, puisqu’il mêlait quatre accords-cadres interprofessionnels, 17 accords sectoriels et une vaste série d’« avis communs » destinés pour 76 % d’entre eux à interpeller la Commission (de Boer et al., 2005). Le bilan était que cette série d’adresses ou d’accords « ressembl(ait) de plus en plus à des codes de conduite ou à des lignes directrices optionnelles » (Pochet, 2006) n’ayant aucune portée sur le droit des États membres. En 2015, Degryse a analysé la dynamique des comités du dialogue social sectoriel à partir du fichier tenu à jour par l’Institut syndical européen. Il notait une extension du nombre de secteurs couverts mais un ralentissement des accords après une période faste entre 2009 et 2012. Le refus de la Commission de traduire en directive un accord dans le secteur de la coiffure en 2012 a, semble-t-il, freiné le mouvement mais, surtout, le dialogue social a évolué, comme dans la période antérieure, vers la production d’avis communs à destination des autorités (plus de 60 % des textes), ce que Degryse appelle un dialogue social de « lobbying conjoint » (Degryse, 2015:47 et dans ce numéro).
Enfin, troisième caractéristique de la période, une série de négociations collectives transnationales s’est développée au sein d’entreprises européennes sans encadrement juridique de l’UE mais dans la dynamique des accords-cadres internationaux (ACI) impulsés à la même époque par les fédérations syndicales internationales (Descolonges, Saincy, 2006). Lorsque les FSI ont décidé de développer la logique d’accords-cadres au sein des entreprises multinationales, les fédérations européennes ont réinvesti sous cette forme les savoir-faire acquis dans le domaine des comités d’entreprise européens. da Costa et Rehfeldt montrent que la plupart des entreprises qui ont ouvert des négociations d’accords-cadres transnationaux dans les années 2000 sont celles qui avaient déjà conduit des négociations sur la mise en place de CE européens (da Costa, Rehfeldt, 2011:118). En l’occurrence, les FSE sont apparues motrices de la stratégie initiée au niveau international, montrant que l’acquis institutionnel au niveau européen n’était pas sans vertu pour l’extension de l’activité au sein des entreprises multinationales [21]. Cette combinaison montre une certaine articulation entre l’activité syndicale européenne et mondiale au sein des entreprises multinationales, la plupart des groupes dits « à taille européenne » étant en réalité des entreprises mondialisées ou qui connaissent au moins des implantations hors d’Europe.
En 2004, la Commission européenne a voulu proposer un cadre européen « optionnel » pour ce type de négociation transnationale mais l’opposition du patronat l’a conduit à renoncer (da Costa, Rehfeldt, op. cit.). Pour l’heure donc, il n’y a pas de cadre juridique à la négociation collective dans les entreprises transnationales en Europe (et a fortiori ailleurs), le seul cadre permettant d’avancer restant bien celui des comités d’entreprise européens.
L’établissement d’un système de relations professionnelles au niveau européen se heurte donc à des difficultés sérieuses. La définition canonique de Dunlop (1958) ne permet pas d’en déceler la trace : les acteurs de la relation triangulaire centrale sont de peu de consistance, la CES étant de loin la plus ressemblante à un acteur systémique ; le patronat ne s’engage pas, en général, au-delà de discussions sur des points mineurs ; ni la Commission ni le Conseil ne peuvent être tenus pour l’équivalent d’un État ; quant au corps d’idées et de croyances partagées qui constitue le ciment d’un système, on aurait peine à le trouver, y compris sur l’exigence élémentaire que constitue l’adhésion au principe de la négociation collective [22].
Dans les années 1990, Dunlop a certes introduit de la « plasticité » dans la définition d’un système de relations professionnelles (Mias, 2012), mais au prix d’une sérieuse dilution de sa capacité explicative : il n’est pas évident – et ses productions en attestent – que le dialogue social soit, au niveau européen, l’équivalent fonctionnel de la négociation collective dans un système national de relations professionnelles. En revanche, les règles produites au niveau européen ne sont pas sans effet sur les systèmes nationaux, en particulier au niveau sectoriel : elles les « travaillent » suffisamment pour qu’on les considère comme une source procédurale et substantielle des systèmes nationaux. C’est pourquoi certains auteurs plaident pour considérer non pas un système mais un « espace européen de relations professionnelles » conçu comme une « gouvernance multi-niveaux » (Keune, Marginson, 2013). Si l’on souhaite échapper à l’usage d’une notion trop imprécise, on parlera plutôt d’une articulation instable et relativement empirique entre différents niveaux de production de règles. L’instabilité évoquée ici n’est pas seulement celle du niveau européen, elle renvoie également à l’instabilité des systèmes nationaux eux-mêmes au cours de cette période.
En tout état de cause, le peu de contenu normatif du dialogue social européen à la fin des années 2010 tend à ne laisser que de faibles traces dans les systèmes de relations professionnelles nationaux anciennement constitués. Dans les pays plus récemment outillés en systèmes de représentation (les Peco par exemple), les règles européennes ne semblent pas avoir constitué un point d’appui significatif pour la construction de relations professionnelles stabilisées. Les modalités triangulaires classiques des systèmes nationaux importés au moment de la transition se heurtent encore au peu de consistance des acteurs syndicaux et patronaux dans la plupart des pays d’Europe centrale (Delteil, 2011).
L’existence d’un socle de droits des travailleurs au niveau européen peine même à conserver son rôle de garde-fou face aux entreprises de dérèglementation du droit du travail que signifiaient les arrêts Laval et Viking de la Cour de justice en 2007 [23] ou encore, à une échelle plus politique, comme l’ont montré les exemples de la Grèce ou de l’Espagne après la crise de 2008. En 2011, l’adresse de la Commission à « réduire la surprotection des travailleurs bénéficiant de contrats à durée indéterminée », tout comme l’échec, en 2012, de l’actualisation de la directive temps de travail qui visait à mettre fin à l’opting out du Royaume-Uni, indiquent le sens que la Commission souhaite imprimer au dialogue social dans les États membres.
Un programme « pour une réglementation affutée et performante », dit « REFIT », a été approuvé par le Conseil européen à l’automne 2013. Présenté par José Manuel Barroso comme un moyen « de simplifier ou de retirer la législation de l’UE, d’alléger la charge pesant sur les entreprises », REFIT instaure un examen de l’intégralité de la législation de l’Union (Dufresne, Pernot, 2013). Comme le souligne Frédérique Michéa dans ce numéro, il s’agit d’un passage en revue de toute la législation sociale de l’Union, chacun de ses chapitres devant faire l’objet d’études d’impact vérifiant à chaque fois que les initiatives des interlocuteurs sociaux sont « adaptées à la réalisation des buts qu’elles poursuivent » et soient « équilibrées en termes de coûts et de bénéfices ». En langage indigène, cela signifie une réduction des règles sociales à ce qui ne perturbe pas la compétitivité des entreprises appréciée naturellement en termes de coûts. Ce nouvel arsenal bureaucratique a déjà servi à récuser un accord sectoriel dans le domaine de la coiffure (en 2012) et plus récemment, un projet d’accord en matière d’information-consultation des agents publics. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le socle social de l’Union n’est pas en voie de consolidation.
En 2015, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a évoqué à grand bruit une relance sociale davantage inspirée par la montée de gouvernements ou de forces politiques hostiles à l’UE dans un grand nombre d’États membres que par une réponse à une pression syndicale sur la politique sociale de l’UE [24]. Même si la « question sociale » semble être perçue comme une des données de cette montée de la défiance à l’égard de l’Europe, la prise de conscience est bien tardive. Les proclamations plus ou moins solennelles restent pour l’heure dépourvues de toute suite et la CES a dû enregistrer, une fois de plus, le caractère purement spectaculaire d’annonces non suivies d’effets [25].
Le positionnement « participatif critique » des syndicats européens, des années 1990 jusqu’à la fin des années 2000, était sous-tendu par la promesse d’un espace de relations professionnelles support des pratiques coutumières des syndicalismes nationaux, au moins dans la partie occidentale de l’Europe. Le durcissement de l’orientation néolibérale de la Commission et du Conseil européen au milieu des années 2000, ajouté au refus patronal maintenu de négocier à ce niveau, ont conduit à l’éloignement de cette perspective. L’ère des désillusions a suivi celle des espérances. Si elle n’est pas encore à l’ère d’un changement de stratégie, la CES en agite la menace : un comité exécutif en décembre 2016 a adopté par acclamation (une procédure rare) un texte indiquant que la CES en avait assez « de gaspiller son temps » et qu’elle souhaitait concentrer son énergie sur quelques questions stratégiques. Tout en épargnant la Commission, elle demande au patronat de s’engager résolument faute de quoi elle « changerait de stratégie » (CES, 2016, cité par Pochet, Degryse, op. cit.).
La première question est bien sûr celle de la stratégie de rechange évoquée en creux dans une telle affirmation car la CES n’est pas, par elle-même, dotée d’une capacité stratégique. Participer ou ne pas participer au dialogue social européen se ramène pour elle à l’alternative douloureuse entre « être ou ne pas être ». En sortir ne réglerait pas le problème : ce dont il s’agit est davantage d’investir cette présence de capacités et de rapports de force qui sont la condition d’une puissance capable de réduire l’écart abyssal entre les objectifs proclamés dans les congrès de la confédération européenne et ses réalisations pratiques.
Mais la capacité stratégique à agir sur l’espace européen n’est pas tout entière contenue dans la forme « CES ». Elle dépend d’une combinaison entre les différents niveaux engagés sur cet espace : les affiliés nationaux, bien sûr, les organisations de branche mais aussi toute forme d’action syndicale mettant en cause directement ou indirectement des décisions ou des orientations de l’UE.
III. La CES comme organisation syndicale internationale
Pas plus que le dialogue social européen n’a conduit à un espace intégré de relations professionnelles, la « Confédération » européenne des syndicats n’a en réalité jamais fonctionné comme une organisation intégrée : les affiliés (les confédérations nationales) ont une absolue souveraineté sur leurs décisions, les fédérations de branche ne lui rendent compte que formellement de leur activité, ses instances ressemblent le plus souvent davantage à un forum de dirigeants qu’à des organes réellement délibératifs. En cela, elle ressemble assez aux autres organisations internationales de syndicats même si elle présente un degré de mise en commun inégalé. Dès lors qu’elle s’est appuyée sur une construction interétatique sans équivalent dans l’histoire récente des relations internationales, elle a elle-même atteint une densité qui n’existe pas ailleurs. Mais à force de mettre l’accent sur ce point d’appui institutionnel, on en vient à oublier que les relations syndicales internationales ne relèvent pas entièrement, en Europe, de la construction européenne.
III.1. Les syndicats et l’engagement international
Aborder les relations syndicales internationales contraint à définir une séparation entre ce qui serait proprement national et ce qui appartiendrait à autre chose : le niveau européen ou international d’un côté, le proprement domestique de l’autre. Or cette séparation n’a rien d’évident. Il est aisé d’imaginer qu’avec la mondialisation et l’européanisation, la frontière entre le dedans et le dehors est devenue difficile à tracer mais, en réalité, il en a toujours été ainsi : le syndicalisme est un acteur produit par – et agissant dans – les espaces nationaux, il entretient avec ceux-ci un rapport d’intimité au point parfois d’en épouser les tropismes les plus critiquables (chauvinisme, colonialisme…). Mais il est en même temps et en permanence saisi par les multiples flux transnationaux qui criblent l’espace national, qu’il s’agisse d’économie, d’influence idéologique, de culture ou même de la sociologie des groupes sociaux qu’il aspire à représenter [26]. Pour le syndicalisme, comme pour toute forme du mouvement social, la frontière entre le national et l’international n’obéit pas aux règles de l’ordre westphalien : il y a, plus qu’il n’y paraît, de l’international dans le national à chaque moment des relations tumultueuses entre les nations et au sein de chacune d’entre elles. Le syndicalisme est une forme nationale perméable aux flux circulant dans l’espace des relations internationales [27].
C’est pourquoi, dès lors qu’ils atteignent une certaine « surface de représentation » sur leur territoire d’origine, les syndicats sont toujours portés à agir internationalement, à investir dans des rapports hors de leurs frontières. Au niveau des confédérations, ces regroupements ont pris des formes différentes, à peu près toutes caractérisées par leur impuissance face aux grands chocs de l’ordre international (les crises économiques, les guerres, le fait colonial, etc.). Au niveau des secteurs professionnels en revanche, certains regroupements ont joué et continuent de jouer un rôle important dans des secteurs professionnels où existent des régulations internationales (encadré 2).
III.2. Les modes différents de constitution des syndicalismes nationaux et des organisations syndicales internationales
À l’inverse des syndicats nationaux, les grands regroupements internationaux de syndicats sont des constructions « d’en haut », créées à partir de signes de reconnaissance idéologiques : le syndicalisme chrétien, le syndicalisme de lutte des classes, le syndicalisme libre, quand ils ne sont pas nés d’accords interétatiques [28]. Les syndicalismes nationaux ne sont pas dépourvus de tels identifiants idéologiques mais leur mode de constitution reste double : la confédération nationale, telle qu’elle prend forme dans la dernière partie du XIXe siècle, est le produit de deux mouvements entrecroisés : d’une part, un mouvement « d’en bas » caractérisé par la lente agrégation des « intérêts » ouvriers sur la base des métiers, de la résistance corporative et, souvent, d’une base de service à caractère mutuelliste ; d’autre part, un mouvement « d’en haut » assuré par la lente pénétration dans les élites populaires des idéaux des Lumières, fécondées en France par la mémoire transmise de la Révolution française (Hobsbawm, 1969) [29]. Ces références se sont teintées de pensées socialistes sous les diverses formes qui ont marqué l’histoire des idées et des luttes du mouvement ouvrier au long des XIXe et XXe siècles.
Les caractères de chaque configuration syndicale s’éclairent par l’histoire sociale et politique des nations où elle s’enracine, et c’est bien cette profondeur de l’ancrage dans l’histoire nationale qui type les grandes représentations syndicales des différents pays d’Europe. En revanche, l’usage du vocable « confédération » pour qualifier une forme internationale de regroupement syndical ignore la nature différente des modes de constitution d’acteurs internationaux par rapport aux formes syndicales nationales.
L’analyse des acteurs sectoriels n’appelle pas tout à fait les mêmes observations. En effet, si les confédérations syndicales représentent et reproduisent les grandes différences nationales, en revanche, l’image peut être autre si l’on se penche sur les pratiques et les identités au niveau sectoriel : chez les mineurs, les cheminots, les électriciens, mais aussi les sidérurgistes ou les travailleurs du cuir, les pratiques et les revendications présentent de grandes parentés, comme hier chez les typographes [30]. Il existe bien historiquement un « mouvement d’en bas » dans le processus de leur constitution à partir de corpus revendicatifs et d’identités professionnelles (Lefranc, 1952).
Il est possible de repérer des mobilisations collectives transnationales dans des domaines spécifiques : dans le transport routier ou le chemin de fer (Hilal, 2007), chez les dockers (contre les paquets portuaires en 2002 et 2006) (Decoene, 2007) ou aujourd’hui parmi les livreurs à vélo (Dufresne et al., 2018). On peut relever également les tentatives de mises en commun de stratégies de négociation comme dans la métallurgie (Dufresne, 2006). Au-delà des langages nationaux différenciés, il existe des grammaires professionnelles supports potentiels à des identités collectives. Une telle remarque incite à se pencher sur les conditions possibles d’un activité syndicale transnationale à partir d’un autre point de vue que celui de l’institution canonique censée en être le centre.
III.3. Pour une cartographie de l’Europe syndicale
On propose de définir le syndicalisme européen comme un ensemble de prises de position et de pratiques pouvant concourir à la création d’initiatives engageant au moins deux acteurs syndicaux relevant de pays différents. Plutôt que de voir l’Europe syndicale à travers le prisme d’une organisation pyramidale largement factice, on cherchera donc à décrire des formes de coopération et d’action repérables sur un « espace syndical européen ». On s’aidera d’une typologie des relations syndicales qui puise à deux sources : d’une part, divers travaux de Sydney Tarrow sur la contestation ou le « militantisme transnational » (Tarrow, 2000, 2005), d’autre part une analyse plus récente de Torsten Müller et Hans Wolfgang Platzer portant sur différents types de coordinations syndicales en Europe (Müller, Platzer, 2018).
Ce croisement est justifié par un choix qui est de ne pas appréhender l’activité syndicale en Europe simplement comme une dépendance des institutions, qu’elles soient politiques (la Commission, le processus de construction de l’Europe) ou en tant qu’agent d’un système de relations professionnelles. On la pose comme une des composantes du mouvement social dans un espace où se meuvent diverses formes plus ou moins liées entre elles. C’est pourquoi nous nous appuyons sur ces deux approches d’ailleurs assez convergentes.
Tarrow propose une définition générique des mouvements sociaux internationaux comme « des groupes socialement mobilisés ayant des membres dans au moins deux pays, engagés dans une interaction soutenue de contestation avec les détenteurs du pouvoir d’au moins un pays autre que le leur, ou contre une institution internationale ou un acteur économique multinational » (Tarrow, 2000:9). Une telle définition englobe sans s’y limiter nombre d’actions syndicales observées sur l’espace européen au cours des 20 ou 30 dernières années (voir supra). Ces mouvements peuvent déboucher sur des coalitions de natures différentes (ou en être le produit), déclinées selon la progression suivante : la « coalition instrumentale », ponctuelle et précisément ciblée ; la « fédération », alliance de plus long terme mais dans laquelle chaque acteur poursuit ses objectifs propres ; la coalition d’évènements qui suppose un objectif précis mais susceptible de révéler des identités communes à plus long terme ; la coalition de campagne, dans le sens anglo-saxon, qui suppose le long terme, des engagements importants sur des objectifs communs (Tarrow, 2005).
Müller et Platzner concluent un ouvrage composé de monographies nationales consacrées aux syndicalismes en Europe confrontés à la crise de 2008 (Lehndorff et al., 2018). Les monographies ayant mis en œuvre une grille commune d’interprétation de la puissance des différents syndicalismes sur leurs espaces nationaux, les deux auteurs ont tenté de mobiliser cette même grille pour apprécier la « puissance » de la CES et de ses fédérations sectorielles. Le bilan est que ça ne marche pas, confirmant l’hypothèse d’une différence de nature entre les deux types d’acteurs nationaux et transnationaux du syndicalisme. Mais ils concluent leur chapitre par une intéressante typologie présentant cinq degrés différents de liens inter-
nationaux : le premier niveau est celui de l’échange d’informations, le second celui du forum, le troisième est nommé « plateforme de coordination », le quatrième la « décision associée » et le cinquième le niveau de la centrale supra-nationale intégrée. On délaissera ce dernier niveau qui relève selon nous de l’illusion pour garder les quatre premiers en grande partie congruents avec la définition des mouvements sociaux transnationaux de Tarrow.
L’échange d’informations est le premier niveau de la coordination internationale. Elle rappelle les premiers secrétariats professionnels internationaux ou le premier SSI, brocardés par les syndicalistes révolutionnaires sous l’appellation de syndicalisme « boîte aux lettres » ; on peut en trouver encore dans des coordinations interentreprises au sein de comités d’entreprise européens peu actifs, voire de fédérations professionnelles, européennes ou internationales ou de sous-secteurs en leur sein [31]. Elles peuvent correspondre aussi à des routines dans des structures bureaucratiques peu affectées par les mobilisations collectives.
Le forum est la forme dominante de fonctionnement de la CES comme de la CSI. Elle peut l’être également dans certaines FSE ou FSI : l’objectif n’est pas de définir des stratégies communes mais d’assurer une forme de sociabilité entre dirigeants qui peut éventuellement faciliter le passage à des formes plus développées de relations [32]. Le forum cependant reste une forme primaire de coopération internationale : elle peut servir à la construction de références communes (les documents de congrès, les textes adoptés lors des réunions d’instance du type comité exécutif pour la CES) mais qui n’ont pas de caractère impératif pour les participants. La souveraineté reste le fondement de l’interrelation.
La plateforme commune est un lieu de coordination, elle s’apparente à la « fédération » de Tarrow en ceci que chacun garde ses objectifs propres tandis que la mise en commun peut permettre plus facilement de les atteindre. L’efficacité nationale devient conditionnée par l’engagement transnational. C’est une forme plus pérenne et plus engageante qui peut ouvrir sur des redéfinitions stratégiques et des références communes plus continues : on en trouve dans certaines fédérations sectorielles qui ont pu engager des dynamiques de négociations salariales sur les mêmes bases, par exemple dans la Fédération européenne de la métallurgie (Schulten, 2000). Certaines coordinations au sein des entreprises multinationales relèvent également de cette démarche, elle figurait d’ailleurs parmi les degrés évoqués par Charles Levinson lorsqu’il impulsait, à la tête du Secrétariat professionnel de la chimie et de la métallurgie, l’implantation des conseils mondiaux d’entreprise [33].
La décision associée est l’étape marquant le plus haut degré d’intégration stratégique au niveau international. Elle correspond à la coalition de campagne qui met en partage sur la longue durée une vision du monde commune et une communauté d’objectifs et de moyens pour les atteindre. Parce qu’elle crée des formes d’identités collectives, elle contribue à l’acquisition d’un degré de puissance supérieur, en particulier vis-à-vis d’autorités transnationales (européennes, par exemple) ou dans les groupes transnationaux. Elle relève un peu de l’idéal de l’action internationale mais elle peut être entrevue, certes de manière fugace, à certains moments de la vie de la CES. Ainsi, entre 2008 et 2014, la commune hostilité d’un grand nombre d’affiliés au nouveau cours de l’Union, la priorité sur la question des salaires ressentie en tous points de l’espace, tout cela a pu contribuer à l’émergence de quelque chose ressemblant à la décision associée. Il lui a manqué le temps long qui caractérise cette modalité et qui aurait peut-être contribué à l’émergence progressive d’une identité collective plus marquée de l’ainsi nommé syndicalisme européen.
Cette cartographie approximative incite à considérer le « syndicalisme européen » d’une manière plus englobante, comme un espace d’interactions comprenant également les syndicalismes nationaux, les fédérations de branche, les actions et négociations conduites à travers les conseils d’entreprise européens, les mobilisations impromptues ou préparées au sein d’entreprises ou encore toute initiative de nature syndicale mettant en relation des équipes en provenance de deux au moins des pays européens. C’est cet ensemble qui représente réellement ou potentiellement un « agir syndical en Europe ». Un tel espace évoque un ensemble multi-niveaux de formes nationales et internationales agissant plus ou moins de concert sur l’espace de l’Union européenne selon des formes diverses de coopération et de coordination, des plus ténues (l’échange d’informations) aux plus intégrées (la décision associée). Glassner et Pochet en voient la trace à travers les deux modèles de coordination qu’ils relèvent (Glassner, Pochet, 2011:16) : le premier est le modèle canonique, « top-down », qu’ils constatent au niveau de la CES et des fédérations sectorielles, le modèle « bottom-up » étant un modèle de coordinations qui émanent du terrain et d’alliances qui peuvent partir d’échanges et d’alliances entre d’autres niveaux de structuration.
On peut y ajouter d’autres acteurs intervenant sur cet espace, certaines ONG dont les objectifs côtoient ceux du mouvement syndical ou groupes mobilisés dont la structuration échappe aux formes syndicales traditionnelles [34]. Un tel espace est également un lieu d’alliances en attendant, peut-être un jour, l’émergence de formes partisanes progressistes à cette échelle.
On est loin ici du modèle pyramidal qui ferait de l’étage confédéral le centre hiérarchique du syndicalisme en Europe, schéma qui ne décrit pas la réalité ni même la réalité souhaitable [35].
La CES y constitue un centre de ressources indispensable par ses outils, mis à disposition des composantes de cet espace (expertises, études, coordination, opportunités d’interpellation…) ; elle assure par ailleurs la présence au sein des institutions européennes, les relations avec les organisations d’employeurs, recueille et applique les mandats de négociation délivrés par ses instances. Elle joue donc un rôle important au sein de ce réseau mais sa prétention à « parler d’une seule voix au nom des travailleurs européens [36] » est sans doute excessive.
Le mythe de la « confédération européenne » dépositaire des conditions de la puissance syndicale sur l’espace européen est de plus inefficace car il crée les frustrations propres aux entreprises inatteignables. Trop de syndicalistes (ou d’universitaires) en attendent plus que ce qu’elle peut donner : au fond, la CES se voit parfois reprocher de ne pas être ce qu’elle ne peut pas être, à savoir un chef d’orchestre, un entrepreneur de rapports de force alors que ce rôle ne peut relever que des forces parties de cet espace qui sont dans un rapport direct de représentation des travailleurs.
Le parti pris réaliste est de ne pas rêver à une intégration des politiques syndicales sur un espace qui n’est intégré ni politiquement, ni économiquement. La construction européenne par la concurrence tend à produire des effets convergents sur les règles du marché du travail, sur la contraction du périmètre de la négociation collective et tend à réduire également les contours de l’État social (Scharpf, 2002) ; mais elle produit aussi une divergence économique croissante entre des économies qui ont perdu les ressources de l’ajustement monétaire (Streeck, 2014). L’intégration des acteurs nationaux du syndicalisme est une illusion tant que ceux-ci n’ont à faire face qu’à des processus désintégrateurs de potentielles solidarités européennes entre travailleurs et/ou entre citoyens. En revanche, elle impose pour chacun de ces acteurs nationaux d’intégrer une dimension européenne qui fait obstacle au rapport de force avec leurs interlocuteurs nationaux. C’est pourquoi l’européanisation du syndicalisme ne commence pas à Bruxelles au siège de la CES mais à domicile, en intégrant dans ses objectifs une perspective européenne conséquente.
III.4. Le débat du Millenium
Un débat a eu lieu au tournant du nouveau siècle dans le syndicalisme international. La crise de langueur de la CISL après la disparition de l’Union soviétique et son échec à faire valoir le principe de normes sociales dans les échanges internationaux avaient provoqué un débat dans les arènes du syndicalisme international. Ce débat a été provoqué par les animateurs du TUAC ainsi que certains responsables des secrétariats professionnels internationaux. En 1999, les SPI se sont restructurés à travers des fusions (les fusions de fédérations de branche en Europe en sont le produit) et une redéfinition de leur rôle (Harrod, O’Brien, 2003). Ils rompent alors avec cette appellation de « secrétariat » et endossent l’étiquette de Global Union Federations dont la traduction française en « Fédération syndicale internationale » affadit le sens. Un « groupe de référence » d’une vingtaine de responsables a été mis en place qui a travaillé quelques années à la reformulation des tâches et des méthodes du syndicalisme international à l’heure de la globalisation du capitalisme. Ce « débat du Millenium » (Millenium Review) a formalisé une nouvelle conception des relations entre acteurs du syndicalisme international dont l’objectif dépassait sensiblement la fusion entre les anciennes « mondiales » exsangues qu’étaient alors la CISL et la Confédération mondiale du travail (CMT).
Ce Global Unionism ne se présente pas sur un modèle hiérarchique de type « confédéral » mais comme un réseau constitué entre les FSI, le TUAC et la CSI, réseau disposant d’outils comme la représentation du groupe des travailleurs à l’OIT (Actrav) ou encore le réseau des instituts de recherche proches du mouvement syndical (Global Union Research Network, GURN). Un conseil de Global Union a été créé, regroupant des représentants de ces différentes structures, sans rapport hiérarchique, afin de coordonner l’activité sur l’espace syndical mondial [37].
Prétendre que le concept de Global Unionism et ses traductions formelles ont renouvelé l’activité syndicale dans le monde serait très exagéré : il y a encore loin de ce schéma à la réalité et à l’efficacité attendue [38]. Parce qu’elles sont encore plus éloignées du « terrain » de l’action syndicale quotidienne, les organisations internationales ont une propension plus grande encore que les centrales nationales à la bureaucratisation et le renouvellement est encore à espérer. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il serait erroné de l’apprécier à l’aune de la seule CSI alors qu’il est bien plus riche d’observer l’activité des FSI (en tous cas de certaines d’entre elles), voire telle ou telle activité régionale qui sont aujourd’hui le lieu des relations syndicales internationales. Enfin, le réseau ainsi constitué pourrait avec profit s’ouvrir aux grandes ONG internationales qui interviennent au même titre (et parfois avec davantage d’efficacité) sur des terrains qui ne sauraient rester étrangers aux préoccupations syndicales.
Conclusion
L’activité syndicale en Europe est loin d’avoir trouvé les modalités de manifestation d’une puissance à l’échelle de la construction européenne. Conçue comme un projet d’accompagnement d’un processus auquel elle adhérait par principe, la CES s’est outillée comme un auxiliaire de l’européanisation des relations professionnelles d’inspiration sociale-démocrate telles que les pratiquaient la plupart de ses affiliés. Ensemble, avec une partie des institutions, en particulier avec la Commission qui fut longtemps sa « correspondante » en matière sociale, elles ont mimé les systèmes nationaux d’échange politique efficaces à l’échelle de certains des États-nations européens. Cette duplication n’a pas durablement fonctionné, à la fois en raison des différences entre les modèles nationaux et internationaux de régulation mais surtout en raison des transformations de la construction européenne elle-même. La captation du projet par la vague néolibérale, l’élargissement précipité du début des années 2000, le refus maintenu de la négociation de la partie patronale ont transformé le « dialogue social » en une pâle copie qui rend inefficace – pour un moment en tous cas – l’attente d’une intégration du social par le haut qui pourrait recueillir l’assentiment des organisations de travailleurs. La CES, pensée à une autre époque, se trouve bien dépourvue pour produire un sens collectif à des affiliés globalement repliés sur leurs difficultés nationales. Organisée pour l’expression de demandes sociales devenues étrangères au cadre politique de l’Union, elle est en décalage avec la nécessité syndicale de production de moyens de pression efficaces. La responsabilité du maintien d’une telle situation est plutôt à chercher parmi les affiliés qui ont le contrôle statutaire et réel du contenu de leur représentation commune. Les reproches adressés à la CES de n’être qu’une superstructure très éloignée du terrain de l’action se trompent de cible car cet état n’est que l’envers des décisions de ses affiliés de la maintenir dans ce rôle.
La conception décrite par ses statuts d’une CES comme la pointe élevée d’une structure pyramidale ne correspond à aucune réalité revendiquée mais surtout ne tient pas compte de la différence radicale entre le mode de constitution des syndicats nationaux et la construction des organisations transnationales. Cette différence doit conduire à penser autrement l’articulation entre les différents niveaux d’activité sur l’espace européen. De nombreux auteurs évoqués ici le soulignent à propos du « dialogue social » et de l’articulation des différents niveaux de production des normes. Keune et Marginson, par exemple, délaissent le modèle hiérarchique entre les niveaux et proposent de penser en termes de diversité et d’interactions « multi-niveaux ». C’est ainsi également qu’il faut penser le mouvement syndical européen, comme un réseau de relations, de mises en forme communes avec d’inévitables différences d’intensité. Dans cet espace réticulaire se trouvent également d’autres types d’organisations et de mouvements, bases de coopérations possibles pour l’action collective.
La CES est un point stratégique du réseau, elle a constitué des outils indispensables à l’acquisition d’une conscience européenne des enjeux syndicaux, de forums d’échanges, de lieux de formation, d’un institut de recherche et d’une solide expertise en matière de conditions de travail. Mais elle n’est qu’une pièce de la grande machine et la nécessité de construire une puissance d’agir à l’échelle de l’Europe nécessite une mise en mouvement de toutes les formes qui peuvent y contribuer, formes syndicales au premier chef, mais aussi toutes les formes de mouvement social avec lesquelles le syndicalisme est susceptible de construire des alliances.
Jean-Marie PERNOT*
Références bibliographiques
Crouch C. (1993), Industrial Relations and European State Traditions, Oxford, Oxford University Press, https://doi.org/10.1093/0198279744.001.0001.
Croucher R., Cotton E. (2015), Global Unions, Global Business, https://www.
researchgate.net/publication/275272507_Global_Unions_Global_Business.
da Costa I., Rehfeldt U. (2011), « Les négociations collectives transnationales : dynamiques des accords-cadres européens et mondiaux », La Revue de l’IRES, n° 71, p. 115-146, https://goo.gl/B6aYMJ.
de Boer R., Benedictus H., van der Meer M. (2005), « Broadening without Intensification: The Added Value of the European Social and Sectoral Dialogue », European Journal of Industrial Relations, vol. 11, n° 1, p. 51-70, https://doi.org/10.1177/0959680105050400.
Decoene A. (2007), « La libéralisation des services portuaires et la grève des dockers », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1966-1967, n° 21, p. 5-89, https://doi.org/10.3917/cris.1966.0005.
Degryse C. (2011), European Social Dialogue: State of Play and Prospects, Contract n° VP/2010/001/0019, Brussels, ETUI/OSE.
Degryse C. (2015), « Dialogue social sectoriel européen : une ombre au tableau ? », Working Paper, n° 2015.02, Bruxelles, ETUI, https://goo.gl/2KVJ3x.
Degryse C. (2019), « Le dialogue social européen et les ambivalences de l’Europesociale “triple A” », La Revue de l’IRES, n° 96-97, p. 65-84.
Degryse C., Tilly P. (2013), 1973-2013 : 40 ans d’histoire de la Confédération européenne des syndicats, Bruxelles, ETUI.
Delteil V. (2011), « Central and Eastern European Social Modes and the Challenge of Change », in Contrepois S., Delteil V., Dieuaide P., Jefferys S. (eds.), Globalizing Employment Relations – Multinational Firms and Central and Eastern Europe Transitions, London, Palgrave Macmillan, p. 217-232.
Descolonges M., Saincy B. (dir.) (2006), Les nouveaux enjeux de la négociation sociale internationale, Paris, La Découverte.
Didry C., Mias A. (2005), Le moment Delors : les syndicats au coeur de l’Europe sociale, Bruxelles, PIE Peter Lang, http://catalog.hathitrust.org/api/volumes/oclc/70850262.html.
Dølvik J.E. (1999), L’émergence d’une île ? La CES, le dialogue social et l’européanisation des syndicats dans les années 90, Bruxelles, ETUI.
Dufresne A. (2006), Les stratégies de l’euro-syndicalisme sectoriel. Étude de la coordination salariale et du dialogue social, Thèse de doctorat en sociologie, Bruxelles, ULB, http://www.theses.fr/2006PA100184.
Dufresne A. (2011), Le salaire, un enjeu pour l’euro-syndicalisme : histoire de la coordination des négociations collectives nationales, Nancy, PUN.
Dufresne A., Leterme C., Vandewattyne J. (2018), « Les mobilisations du Collectif des coursier.e.s contre Deliveroo », in Gracos I. (dir.), Grèves et conflictualité sociale en 2017, vol. 2383-2384, http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2018-18-page-5.htm.
Dufresne A., Pernot J.-M. (2013), « Europe : les syndicats européens à l’épreuve de la nouvelle gouvernance économique », n° spécial, « Les syndicats face à la nouvelle gouvernance européenne », Chronique internationale de l’IRES, n° 143-144, novembre, p. 3-29, https://goo.gl/gjPcU8.
Dunlop J. (1958), Industrial Relations Systems, New York, Holt.
Glassner V., Pochet P. (2011), « Why Trade Unions Seek to Coordinate Wages and Collective Bargaining in the Eurozone », Working Paper, n° 2011.03, Brussels, ETUI, https://goo.gl/8fXwWs.
Gobin C. (1993), « La Confédération européenne des syndicats : un vocabulaire syndical européen ? », Mots, vol. 36, n° 1, p. 33-47, https://doi.org/10.3406/mots.1993.1845.
Gobin C. (1997), L’Europe syndicale entre désir et réalité : essai sur le syndicalisme et la construction européenne à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, Éditions Labor.
Groux G., Mouriaux R., Pernot J.-M. (1993), « L’européanisation du mouvement syndical : la Confédération européenne des syndicats », Le Mouvement social, n° 162, p. 41-68, https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-1993-1-page-41.htm.
Harrod J., O’Brien R. (eds.) (2003), Global Unions? Theory and Strategies of Organized Labour in the Global Political Economy, London, New York, Routledge.
Hilal N. (2007), L’eurosyndicalisme par l’action : cheminots et routiers en Europe, Paris, L’Harmattan.
Hobsbawm E. (1969), L’ère des révolutions 1789-1848, Paris, Fayard.
Homs O., Kruse W., Lafoucrière C., Tilly P. (2007), European Employment Strategy and the Integrated Guidelines for Growth and Jobs, Brussels, ETUC, https://www.etuc.org/sites/default/files/Brochure_Strategie_EU_EN_1.pdf
Hyman R. (2005), « Trade Unions and the Politics of the European Social Model », Economic and Industrial Democracy, vol. 26, n° 1, p. 9-40, https://doi.org/10.1177/0143831X05049401.
Hyman R. (2007), « How Can Unions Act Strategically? », Transfer, vol. 13, n° 2, p. 193-210, https://doi.org/10.1177/102425890701300204.
Imig D., Tarrow S.G. (2002), « La contestation politique dans l’Europe en formation », in Balme R., Chabanet D., Wright V. (dir.), L’action collective en
Europe, Paris, Presse de Sciences Po, p. 195-223.
Jagodzinski R. (2011), « Les comités d’entreprise européens 18 ans après la directive : une évaluation », La Revue de l’IRES, n° 71, p. 51-70, https://goo.gl/3SbTk7.
Keune M., Marginson P. (2013), « Transnational Industrial Relations as Multi-
Level Governance: Interdependencies in European Social Dialogue: Transnational Industrial Relations », British Journal of Industrial Relations, vol. 51, n° 3, p. 473-497, https://doi.org/10.1111/bjir.12005.
Keune M., Warneck W. (2006), « An EU Framework for Transnational Collective Bargaining: An Opportunity for European Trade Unions? », Transfer, vol. 12, n° 4, p. 637-641, https://doi.org/10.1177/102425890601200414.
Lapeyre J. (2017), Le dialogue social européen : histoire d’une innovation sociale (1985-2003), Bruxelles, ETUI, https://goo.gl/WZ3sYQ.
Lefranc G. (1952), Les expériences syndicales internationales des origines à nos jours, Paris, Aubier.
Lehndorff S., Dribbusch H., Schulten T. (eds.) (2018), Rough Waters. European Trade Unions in a Time of Crises, Brussels, ETUI, https://goo.gl/WGT5BQ.
Levinson C. (1974), Le contre-pouvoir multinational. La riposte syndicale, Paris, Éditions du Seuil.
Lyon-Caen G. (1972), À la recherche de la convention collective européenne, Étude pour la Commission des Communautés européennes, n° V/855/72-F.
Mias A. (2012), John T. Dunlop, Industrial Relations Systems : les règles au cœur des relations de travail, Paris, Ellipses.
Michéa F. (2019), « État des lieux de la négociation collective européenne au niveau interprofessionnel. Entre construction et menaces systémiques », La Revue de l’IRES, n° 96-97, p. 39-63.
Michel H. (dir.) (2013), Représenter le patronat européen. Formes d’organisation patronale et modes d’action européenne, Bruxelles, PIE Peter Lang.
Müller T., Platzer H.-W. (2018), « The European Trade Union Federations: Profiles and Power Resources – Changes and Challenges in Times of Crisis », in Lehndorff S., Dribbusch H., Schulten T. (eds.), Rough Waters: European Trade Unions in a Time of Crises, Brussels, ETUI, p. 303-329, https://goo.gl/WGT5BQ.
Pernot J.-M. (2001), Dedans, dehors, la dimension internationale dans le syndicalisme français, Thèse de doctorat en science politique, Nanterre - Paris X, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00927161/document.
Pernot J.-M. (2009), « Européanisation du syndicalisme, vieux débats, nouveaux enjeux », Politique européenne, n° 27, p. 11-46.
Pernot J.-M. (2018), « Syndicats et entreprises multinationales, passé, présent, futur », Mouvements, vol. 95, n° 3, p. 73-81, https://doi.org/10.3917/mouv.095.0073.
Pochet P. (2006), « Europe : le dialogue social interprofessionnel, une analyse quantitative », Chronique internationale de l’IRES, n° 98, janvier, p. 43-54, https://goo.gl/Bg6U98.
Pochet P., Degryse C. (2016), « Dialogue social européen : une relance “de la dernière chance” ? », OSE Opinion Paper, n° 17, https://goo.gl/gaVfKq.
Rehfeldt U. (2011), « Europe : le Congrès d’Athènes de la CES : à la recherche d’une stratégie de défense du “modèle social européen” », Chronique internationale de l’IRES, n° 131, juillet, p. 3-12, https://goo.gl/nGsafh.
Robert J.-L., Boll F., Prost A. (dir.) (1997), L’invention des syndicalismes: le syndicalisme en Europe occidentale à la fin du XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne.
Scharpf F.W. (2002), « The European Social Model: Coping with the Challenges of Diversity », Journal of Common Market Studies, vol. 40, n° 4, p. 645-670, https://doi.org/10.1111/1468-5965.00392.
Schulten T. (2000), « The European Metalworkers’ Federation on the Way to a Europeanisation of Trade Unions and Industrial Relations », Transfer, vol. 6, n° 1, p. 93-102, https://doi.org/10.1177/102425890000600109.
Streeck W. (2014), Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Paris, Gallimard.
Tarrow S.G. (2000), « La contestation transnationale », Cultures et Conflits, n° 38-39, https://doi.org/10.4000/conflits.276.
Tarrow S.G. (2005), The New Transnational Activism, New York, Cambridge University Press.
Thomson E.P. (1988), La formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Gallimard/Éditions du Seuil ; édition originale 1963.
Turner L. (1996), « The Europeanization of Labour: Structure before Action », European Journal of Industrial Relations, vol. 2, n° 3, p. 325-344, https://doi.org/10.1177/095968019623003.
Waddington J. (2007), « Europe : douze ans après la directive, quelle est l’efficacité réelle des comités d’entreprise européens ? », Chronique internationale de l’IRES, n° 104, janvier, p. 22-30, https://goo.gl/4mckCp.
Waddington J. (2011), « Comités d’entreprise européens : comment les salariés peuvent-ils exercer une influence ? », La Revue de l’IRES, n° 71, p. 23-50, https://goo.gl/N4yEvg.
Wagner A.-C. (2004), « Syndicalistes européens : les conditions sociales et institutionnelles de l’internationalisation des militants syndicaux », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 155, n° 5, p. 12-33, https://doi.org/10.3917/arss.155.0012.
Wagner A.-C. (2005), Vers une Europe syndicale : une enquête sur la Confédération européenne des syndicats, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant.
*Politiste, chercheur associé à l’Ires et au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS MC).
[1]. Cette européanisation libérale étant la déclinaison locale du processus de mondialisation financière largement documenté par ailleurs.
[2]. L’histoire de la CES a fait l’objet de nombreuses publications et études. Une des plus récentes est l’ouvrage de Degryse, Tilly (2013).
[3]. L’ouverture de la CES aux syndicats de Turquie a été réalisée alors que la perspective de l’adhésion de la Turquie n’était pas encore écartée. Sans qu’il s’y cale rigoureusement, l’espace de l’UE reste bien la référence pour la détermination du contour de la CES.
[4]. Voir également l’article de Christophe Degryse dans le présent numéro.
[5]. « Résolution de la CES sur la gouvernance économique européenne », adoptée lors du Comité exécutif du 8 mars 2011, https://goo.gl/y7hgVq; citée par Dufresne, Pernot (op. cit.).
[6]. Déclaration de la CES, 25 janvier 2012.
[7]. Un tableau recensant précisément les actions au cours de cette période et le 14 novembre en particulier figure dans Dufresne, Pernot (op. cit.).
[8]. Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international (FMI).
[9]. L’observation vaut surtout pour BusinessEurope, moins pour SMEunited (ex-UEAPME) et le Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics (CEEP).
[10]. En 2005, la CES a regroupé trois structures existant antérieurement en un institut unique, l’Institut syndical européen : le Bureau technique syndical (santé conditions de travail), l’Académie syndicale européenne (chargée de la formation) et l’ancien Institut syndical européen (Bureau d’études et d’analyses).
[11]. Les syndicalismes d’Allemagne et du Royaume-Uni différent sensiblement de ce modèle car l’essentiel de la représentation syndicale est le fait des fédérations professionnelles.
[12]. C’est aussi le point de vue d’un des acteurs de référence de la CES de l’époque, le Français Jean Lapeyre, responsable du dialogue social au sein du secrétariat de la CE (Lapeyre, 2017).
[13]. En 1972 déjà, un rapport de Gérard Lyon-Caen pour la Commission européenne évoquait l’hypothèse d’un système européen de relations professionnelles à partir d’une conception revisitée de la convention collective (Lyon-Caen, 1972).
[14]. Les deux premières se tiennent à Val Duchesse, dans un petit château dans la banlieue de Bruxelles. Le nom est resté pour qualifier cette période.
[15]. L’Unice est devenue BusinessEurope en 2007 ; CEEP, Centre européen des entreprises publiques, puis Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics.
[16]. Un dernier avis commun sur les qualifications a été adopté en octobre 1992, soit neuf avis communs produits au total selon cette procédure. Voir la liste dans Didry, Mias (2005:127-128).
[17]. Ces trois accords ont porté sur le congé parental (1996), le temps partiel (1997), le travail à durée déterminée (1999). Voir Degryse, dans ce numéro.
[18]. Un accord sur le télétravail en 2002, sur le stress au travail en 2004, sur le harcèlement et la violence au travail en 2007, un accord sur le travail inclusif en 2010, un accord sur le « vieillissement actif au travail » en mars 2017.
[19]. Dans la suite de cet article, on cessera de placer des guillemets autour de la référence au dialogue social pour ne pas alourdir la lecture. On garde cependant une distance à l’égard de cette notion informe qui recouvre des réalités allant de la conversation à la négociation collective et tend à la dépolitisation des enjeux de la confrontation sociale.
[20]. Les plus anciens, mines-sidérurgie, remontent à la Ceca.
[21]. D’une FSI à l’autre, les contenus de ces accords-cadres internationaux sont différents, reflétant les approches différentes entre les FSI. On ne traite pas ici la question du contenu normatif de ces accords-cadres internationaux et leur plus ou moins grande parenté avec les principes de la négociation collective.
[22]. En 2005, la Commission a proposé aux interlocuteurs sociaux la relance d’un agenda social 2006-2010 pour une relance de la négociation centralisée. La CES a fait part de son scepticisme mais a donné son accord tandis que l’Unice faisait connaître son désaccord avec toute idée de négociation à ce niveau à l’heure de la décentralisation des lieux de la négociation collective (Keune, Warneck, 2006).
[23]. Ces deux arrêts autorisaient des entreprises lettone et finlandaise à opérer en Suède sans respecter la convention collective de ce pays.
[24]. REFIT n’a d’ailleurs nullement été remis en question.
[25]. L’organisation patronale BusinessEurope, successeur de l’Unice, a renoncé à un refus de toute négociation et évoqué sa nouvelle doctrine participative par la voix de sa présidente Emma Marcegaglia, en mars 2015 : « Nous avons besoin d’une vision commune avec les partenaires sociaux sur les défis à venir, en particulier sur les marchés du travail. Le dialogue social européen doit être un facilitateur pour les réformes nécessaires » (cité par Pochet, Degryse, 2016:10).
[26]. En ce sens, l’immigration est une forme de manifestation de l’international à domicile.
[27]. Pour une approche plus générale, voir Pernot (2001).
[28]. La création de la FSM, qui visait à regrouper l’ensemble des syndicats du monde sous la même bannière, relève d’un accord anglo-russe conclu en 1943 entre les gouvernements de ces deux pays alliés.
[29]. Au Royaume-Uni, le mouvement chartiste a joué un rôle important dans la diffusion de références issues de la révolution américaine et, en particulier, l’ouvrage de Thomas Paine, Les droits de l’homme. Thompson montre l’importance de ce processus dans la formation de la classe ouvrière anglaise (Thompson, 1989).
[30]. Ces parentés sectorielles sont analysées dans Robert et alii (1997).
[31]. Le vaste champ couvert par certaines FSI comme IndustriALL ou Uni oblige à la création de commissions ou de sous-secteurs en leur sein pour garder une certaine proximité avec les situations professionnelles. ITF depuis toujours a des secteurs bien différenciés : gens de mer, dockers, aérien, cheminots, routiers, etc.
[32]. On peut ajouter que la fréquentation par les dirigeants de l’arène internationale peut parfois concourir à renforcer leur pouvoir symbolique au sein de leur propre organisation nationale.
[33]. Levinson distinguait trois degrés de coopération au sein des entreprises multinationales : le soutien lors de conflits survenant dans une autre filiale, la coordination des négociations collectives simultanées dans les filiales de pays différents, les négociations intégrées au niveau du groupe qui supposent des revendications communes et préalablement définies en commun par les syndicats nationaux (Levinson, 1974). On n’est pas très éloignés de certaines catégories présentées ici.
[34]. On pense ici aux marches européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions qui ont organisé en 1997 une marche vers Amsterdam pour attirer l’attention sur le développement de ces situations au sein de l’UE. Le secrétariat de la CES avait d’ailleurs noué quelques relations avec les animateurs de ce mouvement.
[35]. Ce « modèle pyramidal » n’est d’ailleurs revendiqué par personne aujourd’hui bien qu’il inspire encore les statuts de l’organisation européenne.
[36]. Le bandeau d’accueil de son site internet : www.etuc.org.
[37]. « Council of Global Unions formed to promote union action on final day of ITUC Congress », TUAC News, November 3, 2006, https://www.ituc-csi.org/council-of-global-unions-formed-to?lang=en. Pour une description de l’activité des FSI, voir Croucher, Cotton (2015).
[38]. Sur le syndicalisme international aujourd’hui, voir les revues suivantes : Les mondes du travail, n° 20, 2017 ; Mouvements, n° 95, La Découverte, 2018 ; Recherches internationales, n° 112, janvier-mars 2018.