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N° 100 (juillet 2020)
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Au Royaume-Uni, du National Minimum Wage au National Living Wage

Jacques FREYSSINET

En 2015, le gouvernement conservateur crée un national living wage (salaire national « permettant de vivre ») avec l’objectif d’atteindre 60 % du salaire médian en 2020. En 2019, un autre gouvernement conservateur porte ce ratio aux deux tiers du salaire médian d’ici 2024. Comment expliquer ces choix alors que le parti conservateur avait combattu en 1998 la création par le gouvernement du New Labour d’un salaire minimum d’un niveau bien inférieur ?

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L’objectif de long terme est de briser le cercle vicieux « bas salaires – basses qualifications – faible productivité » dans lequel le Royaume-Uni s’est enfermé. L’objectif immédiat est de réaliser des économies sur les prestations sociales en transférant aux entreprises la responsabilité de rendre le travail payant.

Si le recul est trop limité pour mesurer l’impact à moyen terme, un premier résultat émerge : la forte augmentation du salaire minimum n’a pas provoqué de choc négatif sur l’emploi, mais elle a eu peu d’impact sur le taux de pauvreté.

Au mois d’octobre 2015, le gouvernement conservateur annonce, à la surprise générale, la création d’un national living wage ou salaire national « permettant de vivre ». L’objectif retenu est d’atteindre 60 % du salaire médian en 2020 [1]. En septembre 2019, un autre gouvernement conservateur décide de porter ce ratio aux deux tiers du salaire médian d’ici avril 2024 [2].

Comment expliquer ces choix alors que le parti conservateur avait vigoureusement combattu en 1998 la création par le gouvernement du New Labour d’un salaire minimum national (national minimum wage) qui était pourtant d’un niveau sensiblement inférieur ? Pour avancer dans la solution de l’énigme, quelques enseignements tirés de l’histoire doivent être mobilisés (I).

Sur cette base, les facteurs qui ont déterminé la création d’une nouvelle norme salariale peuvent être mieux compris. L’objectif de long terme est de briser le cercle vicieux « bas salaires – basses qualifications – faible productivité » dans lequel le Royaume-Uni s’est depuis longtemps enfermé. L’objectif immédiat est de réaliser de massives économies budgétaires sur les prestations sociales en transférant aux entreprises la responsabilité de rendre le travail payant ou making work pay (II).

Si le recul est encore trop limité pour mesurer l’impact à moyen terme du dispositif, les diagnostics à court terme fournissent de premiers résultats. La forte augmentation relative du salaire minimum n’a pas provoqué le choc négatif sur l’emploi qui était annoncé par les économistes orthodoxes ; en revanche, elle n’a pas eu d’impact significatif sur le taux de pauvreté (III).

L’ensemble de ces éléments permet d’alimenter en conclusion un bilan provisoire de la situation au début de l’année 2020 alors que l’objectif de 60 % est atteint et que devrait s’amorcer une trajectoire vers l’objectif des deux tiers du salaire médian.

I. Les enseignements de l’histoire

Les créateurs du National Living Wage (NLW) peuvent s’appuyer, en premier lieu, sur un siècle d’expériences britanniques en matière de salaires minima fixés par l’État et notamment sur les enseignements tirés de l’introduction du National Minimum Wage (NMW) en 1998 (I.1). Ils doivent, en second lieu, prendre en compte les termes d’un débat ancien, qui a été relancé en 2004, sur les fonctions respectives de la « predistribution » et de la redistribution (I.2).

I.1. Les expériences de salaires minima

Deux phases historiques doivent être distinguées.

Des « Fair Wages » aux « Wage Councils »

La place réduite qu’a longtemps occupée le salaire minimum au Royaume-Uni ne peut être comprise qu’en référence au principe de voluntarism (volontarisme) qui a été à la base du système britannique de relations professionnelles. En théorie, la relation d’emploi y est réglée par les conventions collectives que signent librement, aux niveaux qu’ils choisissent, d’une part, des employeurs ou des organisations d’employeurs et, d’autre part, des syndicats qui se reconnaissent mutuellement comme des interlocuteurs légitimes. Dans la pratique, la négociation collective n’existe que là où les syndicats ont la force suffisante pour l’imposer aux employeurs. Attachés au voluntarism, les syndicats n’ont longtemps pas été demandeurs d’une intervention de l’État dans le domaine des relations professionnelles, sauf pour garantir l’exercice des libertés syndicales. Il était pour eux essentiel que les travailleurs (et plus tard les travailleuses) prennent conscience que c’est par leur mobilisation dans le cadre des syndicats qu’ils et elles acquièrent des droits et des avantages concrets, principalement en matière de salaires, de durée du travail et de conditions de travail et d’emploi. Au départ, un salaire minimum imposé par l’État n’était acceptable pour les syndicats qu’à titre substitutif et transitoire là où la négociation collective ne s’était pas encore imposée. Cette position doctrinale a coexisté toutefois avec un pragmatisme évolutif [3].

La première intervention de l’État se manifeste en 1891 par l’adoption de « Fair Wages Resolutions » (Délibérations sur des salaires équitables) qui imposent aux entreprises de respecter les taux de salaire courants dans la profession lorsqu’elles signent des contrats avec des organismes publics. En 1909, le gouvernement met en place des Trade Boards (Chambres par secteur d’activité) dont le nombre augmente progressivement et qui deviennent en 1945 les Wage Councils (Conseils des salaires). Ils sont composés en nombre égal de représentants des organisations d’employeurs et de salariés auxquels s’adjoignent des personnalités indépendantes. Leur rôle principal est de fixer un taux de salaire de base dans les branches encore dépourvues de négociation collective. Or, l’hypothèse du transitoire ne se vérifie pas. À leur apogée en 1953, les 66 Wage Councils couvrent 3,5 millions de salariées et de salariés. Le gouvernement de Margaret Thatcher abroge dès 1983 les Fair Wage Resolutions puis entreprend la suppression progressive des Wage Councils. Ils sont définitivement liquidés en 1993-1994 sauf ceux couvrant l’agriculture qui subsistent jusqu’en 2013. Lorsqu’un salaire minimum national est créé en 1998, cette expérience, alors toute récente, sert de référence.

Création et évolution du National Minimum Wage

La création d’un salaire horaire minimum national figure dans le programme électoral du New Labour qui remporte les élections de 1997. La loi est adoptée en juillet 1998 pour entrer en application en 1999. Elle crée la Low Pay Commission (LPC, Commission sur les bas salaires). Indépendante du gouvernement, cette instance est composée de trois membres issus du patronat, trois membres issus des syndicats, sans que ceux-ci soient les représentants des organisations patronales et syndicales ; il s’y ajoute trois experts indépendants. Elle est dotée de moyens importants pour consulter les différents acteurs, réaliser des enquêtes et commander des recherches. Surtout, elle est chargée de présenter chaque année des propositions de taux de salaire minimum au gouvernement [4]. Ses propositions ont, à ce jour, toujours été adoptées de manière unanime et, en ce qui concerne les taux de salaire des adultes (22 ans et plus, puis 21 ans et plus), toujours respectées par les gouvernements. Il est donc important de comprendre les logiques qui les sous-tendent. En 2014, un groupe d’experts indépendants a tiré les enseignements de 15 années d’expérience du NMW et présenté une synthèse des études réalisées au cours de cette période [5] (Bain, 2014).

Les lettres de mission que le gouvernement adresse à la LPC précisent qu’il s’agit « d’aider le plus grand nombre possible de travailleurs à bas salaires sans exercer d’effet négatif significatif sur l’emploi et sur l’économie » [6]. Comme l’indique le premier rapport de la Commission, il s’agissait au départ de « s’attaquer aux pires cas d’exploitation » (address the worst cases of exploitation) avec des recommandations dont « les entreprises puissent assumer la charge » (business could afford) (LPC, 1998:X). Le premier président de la LPC rappelle en 2014 qu’au départ les opposants à la création du NMW sont virulents. Ils annoncent une accélération de l’inflation, une perte de compétitivité, une perte d’emploi pour les adultes au profit des jeunes et deux millions de chômeurs supplémentaires avec l’augmentation correspondante des dépenses de welfare (protection sociale). La LPC dans son premier rapport est donc d’une extrême prudence. Il faut à ses yeux minimiser les risques qui peuvent porter sur l’emploi, ce qui induit plusieurs choix :

- pour les « adultes » (21 ans et plus [7]), il est proposé un taux initial faible : 3,60 livres en avril 1999 pour passer à 3,70 livres en juin 2000. La modestie de la proposition apparaît à la lumière d’un chiffre que la LPC indique dans le même rapport : si l’on avait réévalué aux prix de 1998 la moyenne pondérée des salaires fixés par les Wage Councils au moment de leur suppression, le taux aurait été de 3,85 livres ;

- l’exclusion des apprentis et des moins de 18 ans est préconisée : ils sont dans une phase d’acquisition d’expérience et/ou de qualification professionnelle qui favorise leurs salaires futurs ;

- pour les jeunes dans la tranche intermédiaire (18-20 ans [8]), un « taux de développement » (development rate) de 3,20 puis 3,30 livres les protègerait contre un risque élevé de chômage [9].

tableau1

Ces choix initiaux restrictifs ont permis ensuite des évolutions positives (tableau 1) :

- les améliorations sont indiscutables en ce qui concerne les populations couvertes. Le taux le plus élevé (« adultes ») est avancé en 2010 de 22 à 21 ans. Des taux réduits sont introduits pour des catégories jusqu’alors exclues : d’abord pour les 16-17 ans en 2004, ensuite pour les apprentis en 2012 ;

- en ce qui concerne les niveaux, deux périodes doivent être distinguées (en se limitant au taux « adulte »). Jusqu’à la grande récession, le taux de croissance est supérieur à celui du taux de salaire moyen et l’accroissement de la valeur réelle est de 23 % entre avril 1999 et avril 2009. Ensuite, une baisse de pouvoir d’achat est enregistrée jusqu’à la réforme de 2016 et l’introduction du National Living Wage (infra II.1) ; en avril 2015, la baisse est de 4 % relativement à avril 2009 (LPC, 2017a).

Le tableau 1 présente l’évolution depuis l’origine des valeurs du NMW, du NLW ainsi que du living wage. Ce dernier est de nature différente. Le NMW est fixé par le gouvernement comme une norme impérative et générale ; la LPC doit s’assurer qu’il n’exerce pas d’effets négatifs sur l’emploi (voir supra). Le living wage (voir l’encadré) est calculé par une équipe universitaire puis approuvé par une fondation privée ; il est un objectif revendicatif pour les syndicats tandis que les entreprises sont invitées à l’adopter. Il mesure le salaire horaire qui assurerait un revenu décent pour une famille ; compte tenu des différences de coût de la vie, il est calculé séparément pour l’agglomération de Londres et pour le reste du Royaume-Uni. On constate que l’écart qui existait dès l’origine avec le NMW ne s’est pas résorbé.

Les impacts du National Minimum Wage

Les travaux d’évaluation ont surtout porté sur les conséquences du NMW en matière d’emploi, de salaires et de productivité. La controverse principale, au Royaume-Uni comme dans d’autres pays, concerne les conséquences en matière d’emploi. Les entreprises ont-elles réagi en réduisant l’emploi au niveau du NMW ? Une méta-analyse, qui confronte les résultats de l’ensemble des recherches réalisées jusqu’en 2015, aboutit à des résultats robustes (Hafner et al., 2017 ; voir aussi Stewart, 2011). Quelles que soient les périodes, les variables, les méthodes économétriques retenues, les effets négatifs globaux sur l’emploi sont ou bien économétriquement non significatifs, ou bien quantitativement négligeables [10].

Seules quelques études dans certaines spécifications donnent des résultats négatifs partiels qui concernent soit une sous-population (les emplois féminins à temps partiel), soit un secteur d’activité (l’hébergement des personnes âgées). Ainsi, Richard Dickens, Rebecca Riley et David Wilkinson, qui concluent à l’absence d’effet global sur l’emploi, ont isolé ensuite le cas des femmes travaillant à temps partiel qui sont de loin la catégorie la plus directement affectée par la création puis par les augmentations du NMW (Dickens et al., 2015). Ils comparent, pour cette catégorie, le groupe directement touché (celles qui à la date de réévaluation du NMW avaient un salaire inférieur) à un groupe témoin (celles qui avaient un salaire supérieur de moins de 10 %). Le taux de rétention dans l’emploi du premier groupe est significativement inférieur à celui du second [11]. Tel n’est pas le cas pour les hommes et les femmes à plein temps [12]. S’il n’y a pas d’effet global sur l’emploi, il est donc possible qu’il y ait un impact négatif sur les catégories ou sur les activités où sont concentrées le plus grand nombre de personnes à bas salaires.

Par ailleurs, Grace Lordan s’est interrogée sur l’effet de l’introduction puis des revalorisations du NMW sur les choix des entreprises en matière d’automatisation ou de délocalisation de la production (Lordan, 2018). Elle étudie l’évolution des emplois à bas salaires occupés par des personnes à faible niveau d’éducation en utilisant différents indicateurs qui mesurent les possibilités d’automatisation ou de délocalisation des postes de travail qu’ils occupent. Quant à l’impact du NMW, elle retrouve le diagnostic d’un effet globalement négligeable, mais localement concentré. L’effet n’est significatif que dans l’industrie manufacturière où il touche plus fortement, toutes autres choses égales, les hommes, les personnes âgées et les minorités ethniques.

Un deuxième ensemble de recherches porte sur l’impact dans le domaine des inégalités de salaire. Depuis la fin des années 1970, les inégalités de salaire horaire ont augmenté sur toute l’étendue de la distribution. Si, à partir de la fin des années 1990, le mouvement se poursuit au sommet de la hiérarchie des salaires, il s’inverse au bas de la hiérarchie : le ratio du 50e au 5e centile baisse de dix points entre 1999 et 2010 (Butcher et al., 2012 ; voir aussi Manning, 2011).

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Le ratio NMW/salaire médian est passé de 45,6 % en 1999 à 52,5 % en 2015, principalement au bénéfice des femmes et des emplois à temps partiel (Conlon et al., 2016). Cependant, cette progression n’a pas fait reculer la part des bas salaires [13]. De plus, on observe un phénomène d’enfermement dans les bas salaires avec de faibles taux de sortie (18 % au bout d’une période de dix ans). Enfin, l’effet de diffusion (spillover) en direction des salaires immédiatement supérieurs a été faible, ce qui a amplifié la concentration de la distribution au voisinage du minimum.

Les revalorisations du NMW n’ont qu’un effet limité sur les processus généraux de fixation des salaires dans les entreprises (Bryson, Lucchino, 2014). De manière logique, la reconnaissance d’une telle influence par les employeurs est fortement corrélée avec le pourcentage de leurs effectifs qui se situent au voisinage du NMW et elle est plus élevée en l’absence dans l’entreprise de syndicats reconnus pour négocier les salaires.

Une étude d’Alan Manning présente l’intérêt d’un examen conjoint des effets du NMW sur l’emploi et les salaires (Manning, 2016). Il part de l’hypothèse que l’impact doit être fonction, toutes autres choses égales, du poids relatif des personnes susceptibles d’être touchées par le NMW dans différentes sous-populations. L’auteur construit, pour la période 1997-2007 [14], des cellules élémentaires d’emplois en croisant le sexe, les tranches d’âge et les régions. Le graphique 1 confirme les enseignements des autres travaux. Le poids du NMW est corrélé à l’évolution des salaires, indiquant un effet de réduction des inégalités, tandis que la corrélation est nulle avec l’évolution de l’emploi [15].

Enfin, certaines études mettent en évidence, jusqu’à la veille de la mise en place du NLW, un impact différentiel positif du NMW sur la productivité du travail dans les entreprises qui sont relativement les plus affectées. Cette relation est vérifiée aussi bien lors de l’introduction du NMW que lors de ses augmentations successives avant 2008 ou encore lors de la période ouverte par la grande récession (Riley, Rosazza Bondibene, 2015). Mais les sources de cette augmentation relative de la productivité sont mal identifiées. Elle ne résulte pas d’une intensification du capital ni d’une réduction de l’emploi. Les autres variables explicatives envisagées (changements organisationnels, investissements en formation, intensification du travail, externalisation, réduction du turn-over ou de l’absentéisme, durcissement des critères de recrutement…) ne fournissent pas de résultats significatifs. Les auteurs sont conduits à invoquer soit des variables non mesurées, soit des effets conjoints entre les variables explicatives potentielles (Bernini, Riley, 2016). Par ailleurs, il n’a pas été possible d’isoler un effet propre des variations du salaire minimum sur d’autres variables telles que les prix, les profits ou les investissements.

En résumé, durant les 15 premières années de sa mise en œuvre, le NMW a eu un effet positif sur les bas salaires avec un effet limité de diffusion vers le haut qui a permis une réduction des inégalités en bas de la hiérarchie salariale. Il n’a pas eu globalement d’effets négatifs sur l’emploi tout en s’accompagnant d’une augmentation relative de la productivité dans les entreprises les plus affectées. Si ces recherches ont nourri les débats sur les effets exercés par le salaire minimum dans le fonctionnement du marché du travail, un autre débat s’est développé à propos des interactions mal maîtrisées entre la politique du salaire minimum et la politique parallèle des in-work benefits.

graphique1

 

I.2. National Minimum Wage et in-work benefits

La création du National Living Wage en 2015 s’inscrira dans un débat relancé en 2012 par le leader du Labour Party, Ed Miliband. Celui-ci reprend un néologisme créé en 2011 par un professeur américain, Jacob Hacker, qui opposait la « predistribution » à la redistribution. La predistribution est la distribution primaire des revenus telle qu’elle résulte des rémunérations fixées sur les différents marchés. Elle est ensuite corrigée par la redistribution, c’est-à-dire l’ensemble des prélèvements et des prestations monétaires mis en place par la puissance publique. La thèse de Jacob Hacker, reprise par Ed Miliband, est que l’État doit de préférence intervenir sur la répartition primaire pour empêcher les inégalités de se développer plutôt que de les réduire après coup par la redistribution. Ce point de vue est soutenu par des économistes proches du TUC (Lansley, Reed, 2013 ; Lansley, 2014). Il est également présent en 2015 dans l’ouvrage de synthèse qu’Anthony Atkinson consacre aux inégalités : « L’un des grands thèmes du livre est l’importance d’agir pour rendre moins inégaux les revenus avant impôts et transferts publics » (Atkinson, 2015:165). L’impact de ce débat à l’époque ne peut être compris qu’en référence à la politique menée antérieurement par les gouvernements, aussi bien conservateurs que travaillistes. Pour favoriser simultanément la compétitivité des entreprises et la création d’emplois, ils ont choisi de laisser se développer un vaste secteur d’emplois précaires à bas salaires. En même temps, au nom du slogan « making work pay » (« faire que le travail paie »), ils entendaient stimuler l’offre de travail par l’attribution de prestations sociales ou de crédits d’impôt sous conditions de travail (in-work benefits).

Les modalités en ont été modifiées à plusieurs reprises, mais elles obéissaient au même principe : une allocation sous conditions de ressources est attribuée aux ménages à bas revenus dès lors que leurs membres fournissent un minimum d’heures de travail. La prestation a longtemps été limitée aux ménages avec enfants avec le Family Income Supplement (supplément de revenu familial) créé en 1970. Il est remplacé en 1986 par le Family Credit (crédit d’impôt familial) à son tour transformé en 1999 en Working Families Tax Credit (crédit d’impôt pour les familles qui travaillent). En 2003, est créé le Working Tax Credit (crédit d’impôt pour ceux qui travaillent), toujours sous conditions de ressources, complété par le Child Tax Credit (crédit d’impôt pour enfant).

Ces prestations ou crédits d’impôt sous conditions de travail ont été progressivement soumis à une triple critique :

- ils ont un coût budgétaire croissant qui sera considéré comme insupportable lorsque la priorité absolue du gouvernement sera la diminution du déficit budgétaire. À partir de 2010, le gouvernement de coalition conservateurs-libéraux amorce une brutale politique de réduction des dépenses sociales [16] ;

- certains observateurs soulignent que ces prestations ou crédits d’impôt sont utilisés par les entreprises pour maintenir de très bas salaires en tirant parti des compléments de ressources ajoutés par l’État ;

- en contradiction avec la thèse de la stimulation de l’offre de travail, une succession d’études démontrent que, dans de nombreux cas-types de ménages, des taux marginaux de prélèvement effectif très élevés peuvent engendrer au contraire une désincitation au travail [17].

Ce que ces travaux mettent avant tout en évidence, c’est l’irrationalité qui résulte de l’extrême dispersion des impacts sur le revenu net des ménages (Brewer et al., 2009 ; Brewer, De Agostini, 2015 ; Bushe et al., 2015). La question du salaire minimum est donc inextricablement imbriquée à celle du système des prélèvements et des prestations fiscaux et sociaux, en particulier aux règles qui régissent les prestations attribuées sous conditions d’un niveau maximum de revenu et d’une durée minimum de travail.

L’accumulation de travaux d’évaluation du NMW fournit un socle pour les réflexions et les propositions qui conduisent en 2015 à la création du NLW.

II. Contexte et objectifs de la création du National Living Wage

En 2015, il existe un diagnostic partagé sur l’ampleur du phénomène des bas salaires au Royaume-Uni et sur l’insuffisance des corrections qui ont été apportées par les politiques antérieures (II.1). La surprise naît du fait qu’un gouvernement conservateur adopte une trajectoire ambitieuse d’accroissement du salaire minimum légal à l’encontre de toutes les préconisations des économistes orthodoxes ; on doit s’interroger sur la rationalité sous-jacente à cette initiative (II.2). Entre l’annonce en juillet 2015 de la création du NLW et son entrée en vigueur en avril 2016, les travaux se multiplient pour tenter d’en anticiper l’impact (II.3).

II.1. Un bilan critique de la politique menée à l’égard des bas salaires

Dans la mesure où le NMW devait constituer l’un des éléments centraux d’une politique de lutte contre la « pauvreté laborieuse » (working poor), son efficacité s’est révélée limitée. Pour partie, elle peut avoir été affaiblie par l’ampleur du non-respect de leurs obligations par les employeurs. Mais, fondamentalement, c’est l’étroitesse de la problématique adoptée qui est mise en cause.

La persistance des inégalités et de la pauvreté laborieuse

Un rapport publié en juin 2017 par la Social Mobility Commission (Commission pour la mobilité sociale) [18] repose sur des données statistiques allant jusqu’en 2016, qui est l’année de première mise en œuvre du NLW ; il fournit un état des lieux au point de départ (SMC, 2017). La Commission souligne que les taux d’emploi élevés, qui résultent notamment des politiques d’activation des chômeurs et des inactifs, n’ont été obtenus qu’aux dépens de la qualité des emplois, ce qui a rendu nécessaire en contrepartie le développement des in-work benefits. L’introduction du NMW a éliminé les très bas salaires, mais n’a pas réduit le pourcentage des bas salaires qui est resté supérieur à 20 % jusqu’en 2015, proportion plus élevée que dans les autres pays d’Europe occidentale. De même, le taux de travailleurs pauvres a augmenté [19]. La croissance conjointe des emplois hautement et faiblement qualifiés se réalise aux dépens des emplois de qualification intermédiaire. La polarisation du marché du travail s’accompagne d’un rapide développement des diverses formes d’emploi précaire. La Commission préconise donc une politique qui favorise le développement des emplois qualifiés et les mobilités professionnelles ascendantes.

Une législation contournée

À la veille de la création du NLW, le TUC tire la sonnette d’alarme sur le non-respect du NMW (TUC, 2013). Si un million de personnes environ bénéficient du NMW, il estime que le non-respect en concerne au moins 250000. Les techniques de fraude sont multiples : sous-déclaration du nombre d’heures de travail, classification en travailleurs indépendants ou en stagiaires, obligation de payer ses outils ou son uniforme, fourniture d’un logement à des prix excessifs, rémunération à la pièce avec des objectifs irréalisables… Certes des sanctions sont prévues, mais dix employeurs seulement ont été poursuivis au cours des 15 dernières années. Une procédure de « name and shame » (désigner et dénoncer) a ensuite été introduite, mais en 2015 seuls 35 employeurs ont été frappés. La question de l’effectivité sera donc l’un des enjeux majeurs de l’introduction du NLW et la Low Pay Commission y consacrera deux rapports spécifiques (LPC, 2017b, 2019b). Le risque existait à ses yeux que l’augmentation du niveau du salaire minimum et donc du nombre de bénéficiaires entraînât un accroissement de l’importance des situations de non-respect.

Une problématique étroite

Le rapport d’évaluation du NMW réalisé par la commission Bain [20], cité précédemment, a eu une influence déterminante. Tout en soulignant les effets positifs de la politique suivie depuis 1999, il critique l’étroitesse, le court-termisme et la passivité du pilotage du salaire minimum : « Comme la tâche qui lui est donnée est de fixer un taux national obligatoire unique, la LPC à juste titre fonde son jugement sur ce qui est supportable dans les parties les plus vulnérables du marché du travail [21] » (Bain, 2014:33). Le rapporteur énonce en conclusion des propositions qui seront largement reprises dans le projet de National Living Wage :

- d’une part, le NMW n’a agi que sur les très bas salaires et il est resté sans effet sur l’ampleur des populations à bas salaires. Le gouvernement devrait adopter un objectif de réduction de la part des personnes dont le salaire est inférieur aux deux tiers du salaire horaire médian ;

- d’autre part, la politique du NMW s’est située dans le court terme. Les lettres de mission que le gouvernement adresse à la LPC ne concernent que l’année à venir et ne se réfèrent qu’à la situation présente du marché du travail, laissant les entreprises dans l’incertitude sur les évolutions à venir. Le gouvernement devrait afficher un objectif à long terme et laisser à la LPC la responsabilité de fixer la trajectoire permettant de l’atteindre.

L’année qui suit la publication du rapport, le gouvernement met en œuvre dans une large mesure ces deux orientations fondamentales.

II.2. Quelle rationalité sous-jacente à la création du NLW ?

Le 8 juillet 2015, après la victoire électorale des conservateurs, le gouvernement annonce la création du National Living Wage pour les salariées et salariés de 25 ans et plus (Osborne, 2015 ; HM Treasury, 2015 ; Hall, 2016). L’objectif est d’atteindre, au terme de la période allant de 2016 à 2020, un niveau égal à 60 % du salaire médian, c’est-à-dire un salaire horaire supérieur à 9 livres, sous la condition d’une « croissance économique soutenue » (sustained economic growth). La Low Pay Commission est chargée de proposer la trajectoire pour y parvenir. La traduction législative est adoptée en janvier 2016 et le nouveau minimum est fixé à 7,20 livres à dater du 1er avril 2016. Le NMW continue à s’appliquer pour les autres tranches d’âge (infra, III.3). On peut discerner deux objectifs de fond et un objectif tactique dans cette surprenante conversion des conservateurs à une politique de salaire minimum légal de haut niveau (Grover, 2016 ; Hirsch, 2017).

En premier lieu, le gouvernement reprend un thème traditionnel dans toutes les préconisations de long terme concernant l’économie britannique : il faut sortir d’un équilibre de basse productivité et de bas salaires accompagné d’un haut niveau de protection sociale pour atteindre les caractéristiques opposées à l’image des principaux pays concurrents. Ce mouvement sera accompagné d’une réduction de la fiscalité et des dépenses de protection sociale [22]. Le document budgétaire met en évidence un écart de productivité horaire du travail avec l’Allemagne et la France supérieur à 25 %.

En second lieu, le gouvernement développe un thème plus classique chez les conservateurs : la critique d’un système de protection sociale (welfare) qui piège les personnes dans une situation de dépendance aux prestations. Alors que les gouvernements précédents ont traité la question des bas salaires en les subventionnant par des crédits d’impôt, il faut demander aux entreprises de payer de plus hauts salaires tout en diminuant les impôts qui les frappent. Ainsi le coût du welfare pourra-t-il être diminué. Après la victoire électorale de 2010, le gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux avait déjà, dans le cadre de la priorité donnée à la réduction du déficit budgétaire, imposé des coupes drastiques dans le budget du welfare (Freyssinet, 2018b). Le document budgétaire de l’été 2015 annonce un nouveau programme d’économies dans ce domaine d’un montant de 12 milliards de livres d’ici le budget 2019-2020 [23]. L’accroissement du salaire minimum ira donc de pair avec la réduction des in-work benefits. Comme le NMW, le NLW sera un instrument d’économies budgétaires. La question des bas salaires est renvoyée à la responsabilité des employeurs : « Il n’est pas juste de continuer à demander aux contribuables de subventionner, par l’intermédiaire du système des crédits d’impôt, les entreprises qui paient les plus bas salaires [24] » (Osborne, 2015).

Une troisième composante, liée à l’opportunité politique, est sous-
jacente. Le gouvernement cherche à couper l’herbe sous le pied aux syndicats et aux nombreuses organisations de la société civile qui, depuis des années, font campagne pour l’adoption d’un living wage (Freyssinet, 2019). L’analogie de vocabulaire est fictive et volontairement ambiguë (encadré 1). Le living wage repose sur une estimation des besoins et non, comme le faussement dénommé National Living Wage, sur un pourcentage du salaire médian, c’est-à-dire un indicateur d’inégalité. Le niveau du NLW est
d’ailleurs sensiblement inférieur en 2016 à celui du living wage (tableau 1). Mais cette habileté tactique a incontestablement créé la confusion et mis en difficulté, au moins initialement, les campagnes de promotion du Living Wage [25].

II.3. L’introduction du NLW : prévisions et réactions

Le passage en quatre ans d’un salaire minimum de 6,70 livres à un niveau supérieur à 9 livres constituerait un choc sur le marché du travail [26]. En avril 2016, l’augmentation est de 7,5 % relativement au NMW fixé en octobre 2015 et de 10,8 % relativement au niveau du NMW qui s’appliquait un an auparavant en avril 2015 [27]. Prévisions, simulations et travaux monographiques se multiplient pour évaluer les impacts potentiels. Nous rendons compte ici des analyses réalisées aussitôt après l’annonce de la création du NLW [28].

L’impact macroéconomique

Dès juillet 2015, l’Office for Budget Responsibility (OBR), organisme public indépendant du gouvernement, fournit les premières prévisions associées aux décisions que vient d’annoncer le gouvernement (OBR, 2015a, 2015b) ; elles seront reprises par le ministère chargé du Travail (DBIS, 2015 ; voir aussi McGuinness, O’Neill, 2016).

Le NLW fixé par le gouvernement à 7,20 livres en avril 2016 passerait à 9,35 livres (10,95 euros) en avril 2020. Il devrait alors bénéficier à trois catégories de personnes :

- celles qui passeraient du NMW au NLW ;

- celles qui se situent aujourd’hui entre ces deux bornes, toucheraient à l’avenir le NLW ;

- celles qui, déjà payés au-dessus du futur NLW, bénéficieraient d’une répercussion (spillover) allant de manière dégressive jusqu’au 25e centile, soit du fait des clauses des accords collectifs, soit en raison de la politique des entreprises qui maintiennent un certain degré de hiérarchie salariale. Il y aurait cependant une compression des salaires au bas de la hiérarchie.

Au total, selon la Low Pay Commission, le nombre de personnes de 25 ans et plus bénéficiant directement du NMW ou du NLW connaîtrait une forte croissance pour atteindre 3,3 millions en 2020 (graphique 2).

graphique2

L’OBR adopte différentes hypothèses sur les réactions qu’auront les entreprises pour limiter la réduction des profits résultant de l’augmentation du coût salarial : réduction de l’emploi ou de la durée du travail, substitutions au bénéfice de personnes de moins de 25 ans, augmentation des prix ou de la productivité… L’impact différentiel le plus probable en 2020 par rapport au contrefactuel serait le suivant :

- Taux de chômage structurel : + 0,2 ;

- Nombre total d’heures de travail : - 0,2 ;

- PIB potentiel : - 0,1 ;

- Profits : - 0,3 ;

- Prix : + 0,1 ;

- Salaires moyens : + 0,4 ;

- Productivité : + 0,3.

Le choc macroéconomique apparaît d’ampleur limitée, mais l’OBR souligne les fortes incertitudes qui sont liées au choix de certaines hypothèses, par exemple celle d’une valeur de -0,4 pour l’élasticité de la demande de travail relativement à son coût. L’effet négatif sur l’emploi est évalué à 60000 dans une fourchette de 20000 à 120000. Ainsi, l’impact resterait mineur puisque le scénario de référence prévoit un accroissement global de 1,1 million d’emplois d’ici 2020.

Le ratio salaire minimum/salaire médian passera de 52,5 % en 2015 (NMW) à 60 % en 2020 (NLW). Ceci suppose que soit réalisé en cinq années un effort équivalent à celui enregistré au terme des 16 années précédentes (le ratio était de 45,6 % lors de la création du NMW en avril 1999). L’enjeu central est donc d’obtenir une augmentation parallèle de la productivité du travail, ce qui n’a pas été le cas dans le passé [29].

L’impact sur les inégalités

Le NLW, tel qu’annoncé en 2015, doit exercer un effet de réduction des inégalités salariales. Le salaire minimum des adultes augmenterait de 40 % d’ici 2020 et, malgré un effet de diffusion partiel jusqu’au 25e décile, une concentration s’opérerait au niveau ou au voisinage immédiat du NLW. Mais, pour apprécier l’effet redistributif, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des mesures présentées par le gouvernement en juillet 2015. La création du NLW a pour contrepartie explicite (voir supra, II.2) une réduction des dépenses de welfare. Cette complémentarité exerce un double effet bien illustré par les graphiques 3 et 4 (Elming et al., 2015:4;11 ; voir aussi D’Arcy, Kelly, 2015 ; D’Arcy et al., 2015 ; Brewer, De Agostini, 2017) :

- à l’horizon du budget 2019-2020, c’est-à-dire lorsque toutes les mesures sont supposées avoir produit leur plein effet, un impact purement quantitatif est engendré par le déséquilibre affiché entre d’une part, le volume des économies programmées sur les dépenses de welfare (prestations et crédits d’impôt), soit 12,5 milliards de livres et, d’autre part, l’accroissement de masse salariale engendré par le NLW, soit 4 milliards de livres. Il faut, de plus, tenir compte du fait que sur ces 4 milliards de livres, 1,5 milliard est récupéré par l’État sous forme d’impôt sur le revenu ou de réduction d’in-work benefits. Pour l’ensemble des ménages, il n’y aurait donc grâce au NLW qu’une compensation à 19 % de la perte subie sur les dépenses de welfare ;

- un second impact, purement redistributif, résulte de l’effet différencié de ces deux composantes. Les dépenses de welfare sont concentrées sur les ménages à bas revenus. Ce sont donc eux qui seront principalement frappés par les 12,5 milliards de livres d’économies, quoique à un moindre degré pour les ménages du premier décile souvent dépourvus d’emploi donc non victimes des réductions de crédits d’impôt et d’in-work benefits (graphique 3). En revanche, les bénéficiaires du salaire minimum se situent plus haut dans la hiérarchie des revenus nets des ménages. Déjà pour le NMW, ils relevaient principalement des déciles 3 et 4 lorsque la ou le titulaire du salaire minimum était le principal apporteur de revenu du ménage et des déciles 6 et 7 lorsqu’elle ou il n’était qu’une source secondaire de revenu pour le ménage (Brewer, De Agostini, 2015). Le phénomène risque d’être amplifié du fait du niveau plus élevé du NLW [30], ce qui est illustré par le graphique 4.

graphique3

La confrontation des deux graphiques (qui utilisent les mêmes échelles) met en évidence deux faits majeurs. En premier lieu, si le NLW a bien un effet de réduction des inégalités individuelles de salaire, les gains qui en résultent profitent principalement aux ménages situés au milieu de la distribution des revenus nets après redistribution. En second lieu, le NLW est l’une des composantes d’une politique « higher wage, lower welfare » qui globalement contribue fortement à l’amplification des inégalités de revenu net aux dépens des ménages à bas revenu.

graphique4

Ainsi, avec la création du NLW, le gouvernement conservateur engage un processus qui, sur cinq années, est susceptible d’avoir un impact sur l’emploi, sur les mécanismes de détermination des salaires, sur les inégalités de revenu et sur le fonctionnement des secteurs d’activité intensifs en bas salaires.

III. Les premiers effets de l’introduction du NLW

Le recul manque pour proposer une évaluation de l’impact du NLW. Sa montée en charge s’étale jusqu’en 2020 et ses effets sur l’emploi, les salaires, les prix et la productivité ne pourront être identifiés qu’à moyen ou long terme comme cela a été le cas pour le NMW. Une difficulté supplémentaire naît du fait que l’introduction du NLW (1er avril 2016) ne précède que de quelques semaines le vote sur le Brexit (23 juin). Or la mise en œuvre de l’objectif 2020 est conditionnée, selon une formule vague, à une « croissance économique soutenue ». Dans un contexte d’incertitude quant aux conditions de sortie de l’Union européenne et à leur impact sur la croissance, les prévisions sont constamment révisées avec comme conséquence la modification du niveau de salaire qui correspondra en 2020 à la cible de 60 % du salaire médian Ainsi, la valeur du NLW en 2020, estimée en juillet 2015 par l’OBR à 9,35 livres, connaît de successives corrections à la baisse.

En l’absence d’évaluations à moyen terme, il n’est pas sans intérêt d’identifier les impacts immédiats. En effet, les économistes orthodoxes, qui avaient déjà annoncé les lourdes pertes d’emploi qu’engendrerait une forte hausse du NMW (Shackleton, 2012 ; Bourne, Shackleton, 2014), reprennent la plume pour renouveler leurs prédictions en mettant l’accent sur l’effet de choc que provoquerait la brutale augmentation du salaire minimum au 1er avril 2016 (par exemple, Southwood, Bowman, 2017) [31].

Les premiers rapports de la Low Pay Commission (LPC, 2016a, 2016b, 2017a, 2018, 2019c, 2020) ainsi que les recherches qu’elle commande sont centrés sur l’analyse des opinions et sur l’observation des comportements des acteurs concernés, principalement des employeurs, ainsi que sur une identification des effets immédiats en matière d’emploi, de durée du travail et de salaires (III.1). Des études complémentaires portent sur les conséquences pour les catégories de population et les secteurs d’activité les plus directement touchés par le NLW (III.2), sur la situation des jeunes exclus du NLW (III.3) et enfin sur le risque de non-respect du NLW par les employeurs (III.4).

III.1. À court terme, l’absence de choc

L’identification de l’impact macroéconomique est la plus délicate tant il est difficile de dissocier, en ce qui concerne les comportements des entreprises, l’effet de l’introduction du NLW et celui du referendum sur le Brexit [32]. Les premiers commentaires portent sur une éventuelle inflexion des tendances afin de repérer un effet de choc qui, à ce jour, ne s’est pas produit (Aitken et al., 2018 ; Capuano et al., 2019 ; Cribb, Joyce, et al., 2018 ; D’Arcy, 2018). Des analyses plus fines mobilisent la méthode des différences de différences, par exemple pour comparer les trajectoires des bénéficiaires du NLW à celles des personnes qui se situent immédiatement au-dessus.

Un premier constat porte sur l’effectivité de l’augmentation des bas salaires avec un effet partiel de diffusion, décroissant jusqu’au 30e centile, principalement lié au fait que les employeurs souhaitent maintenir des différences hiérarchiques (Avram, Harkness, 2019a). Il en résulte une réduction des inégalités salariales et une amorce de diminution du taux de bas salaires : tendanciellement stable depuis 20 ans au-dessus de 20 %, ce taux passe à 19 % en 2016, 18 % en 2017 et 17 % en 2018, soit le niveau le plus faible enregistré depuis 1982. En revanche, conformément aux prévisions et compte tenu des coupes simultanées dans les in-work benefits (voir supra, II.3), la situation des ménages à bas revenus, souvent hors de l’emploi, en bénéficie peu [33]. Enfin, il n’existe pas globalement d’effet statistiquement significatif sur les taux de sortie des titulaires de salaire minimum vers des emplois à salaires plus élevés (Avram, Harkness, 2019b).

En deuxième lieu, les réactions à court terme des employeurs sont faiblement caractérisées. Si leur discours dominant porte sur la priorité qui doit
être donnée aux gains de productivité, peu d’indices de mesures effectives en ce sens sont observés. Il semble que la période antérieure de crise économique ait conduit à l’épuisement de celles des sources de productivité du travail qui résidaient dans la réorganisation et l’intensification du travail. Le contexte d’incertitude ne favorise pas les investissements en général et en particulier ceux qui pourraient permettre une substitution de biens d’équipement au travail peu qualifié. De même, si l’introduction du NLW élargit la plage des postes de travail qu’il peut devenir rentable d’automatiser ou de délocaliser, il est difficile de prévoir si l’effet sur l’emploi, jusqu’alors mineur, sauf pour certaines catégories particulières, est susceptible de s’amplifier (Cribb, Joyce, et al., 2018 ; Lordan, 2018). D’après les réponses des employeurs aux enquêtes et entretiens (D’Arcy, Davies, 2016 ; D’Arcy, Whittaker, 2016 ; D’Arcy, 2018), le choc initial a été principalement absorbé par une réduction des marges et, lorsque les conditions de concurrence le permettaient, par une augmentation des prix.

En troisième lieu, les effets négatifs sur l’emploi et la durée du travail sont globalement nuls ou négligeables. Certes, les créations d’emploi ont ralenti depuis la fin de 2015, mais le ralentissement a été plus faible dans les catégories d’emploi à fort pourcentage de bas salaires (infra III.2). Tout au plus peut-on, comme c’était le cas lors des augmentations du NMW, repérer des effets négatifs localisés. Ils concernent essentiellement des femmes travaillant à temps partiel dans certains secteurs ou certaines régions (Aitken et al., 2018). Il n’y a pas eu d’augmentation du recours aux formes d’emploi précaires. Par ailleurs, si le taux de rétention dans l’emploi a diminué pour les emplois à temps partiel lors de l’introduction du NLW en 2016, ce phénomène a disparu lors des augmentations ultérieures (Capuano et al., 2019).

III.2. L’impact spécifique sur les zones de bas salaires

En l’absence de choc global, on peut craindre que les effets négatifs se manifestant dans les catégories de population ou dans les secteurs d’activité pour lesquels la concentration des bas salaires soient un indicateur de la faible productivité du travail. Des études approfondies ont exploité ces deux critères de désagrégation.

Les catégories sociodémographiques

Un argument fréquemment avancé contre une augmentation forte du salaire minimum est le risque de destruction des emplois occupés par des personnes à faible productivité qui, de ce fait, sont concentrées dans les emplois à bas salaires. Une étude a comparé la variation moyenne de l’emploi entre 2015 et 2018 pour l’ensemble de la population active à celle mesurée pour différentes catégories de la population ayant une probabilité élevée de se situer dans la zone de salaire touchée par le NLW (Cominetti et al., 2019). Le graphique 5 montre que toutes ces catégories ont connu, depuis l’introduction du NLW, un taux de croissance de l’emploi supérieur au taux moyen.

Rappelons qu’il ne s’agit pas d’évaluations toutes choses égales et qu’il n’existe pas de contrefactuel. Simplement ces chiffres montrent que l’hypothèse d’un effet de choc initial négatif n’est pas confirmée.

Les secteurs d’activité

Les emplois à bas salaires sont concentrés dans quelques secteurs pour lesquels l’impact du NLW risque d’être plus brutal. Alors que 18 % seulement des entreprises interrogées en septembre 2015 anticipent un impact important du NLW sur leur masse salariale, ce pourcentage passe, par exemple, à 33 % pour le commerce de détail et 32 % pour les hôtels-cafés-restaurants-cantines (hospitality). Plusieurs travaux ont été consacrés aux secteurs à bas salaires (D’Arcy, 2016 ; Incomes Data Research, 2016, 2017a, 2017b). Une enquête est réalisée au dernier trimestre 2016 auprès de 800 entreprises dans quatre secteurs à bas salaires : commerce de détail, hospitality, nettoiement, transformation alimentaire (D’Arcy, 2016). Seules 47 % des entreprises déclarent une augmentation significative de leur masse salariale. Ces dernières seulement sont alors interrogées sur leurs modes de réaction (plusieurs réponses possibles). L’augmentation des prix constitue la réponse dominante : 58 % (79 % dans le nettoiement et 66 % dans l’hospitality). Vient ensuite l’emploi avec 40 % des répondants selon des modalités diverses, principalement le ralentissement des embauches (avec des licenciements pour moins de 2 %). La substitution de jeunes de moins de 25 ans aux « adultes » n’est qu’exceptionnellement envisagée (sauf dans la coiffure). Enfin, les employeurs considèrent que le taux initial de 7,20 livres ne leur pose pas de problème majeur, mais ils s’inquiètent d’un taux supérieur à 9 livres en 2020 [34]. De ce fait, ils n’esquissent que des réactions incertaines à moyen terme.

graphique5

Le cas le plus problématique est celui des services aux personnes âgées, soit à domicile, soit dans des établissements d’accueil. Les tarifs sont fixés par les autorités locales qui prennent en charge financièrement la majorité des bénéficiaires (environ 60 %). Victimes de brutales réductions des contributions de l’État, ces autorités ont soumis à une sévère concurrence par les prix les prestataires qui appartiennent majoritairement au secteur privé à but lucratif (plus de 70 %). Les taux d’encadrement sont imposés, ce qui interdit des réductions de personnel et les possibilités de réels gains de productivité sont minimes. En même temps, ces secteurs rencontrent des difficultés pour attirer et retenir leur main-d’œuvre, difficultés qui devraient s’accentuer avec le Brexit puisqu’ils ont largement recours à une main-d’œuvre immigrée. Les employeurs ne peuvent donc prendre le risque de ne pas respecter ouvertement le NLW [35]. Or, de manière surprenante et contrairement à des prévisions pessimistes, le secteur semble, au moins dans un premier temps, s’être adapté sans perturbations majeures (Gardiner, 2016 ; Giupponi et al., 2016 ; Giupponi, Machin, 2018a, 2018b).

Lorsqu’il s’agit de l’hébergement en résidence, loin de tenter une substitution en utilisant des jeunes de 21 à 25 ans restés au NMW, les établissements ont généralement aligné les salaires de ces derniers sur le NLW. Il n’y a pas eu non plus d’effet de substitution de bénéficiaires « privés », c’est-à-dire payant un prix librement fixé, aux dépens des bénéficiaires régis par les tarifs des autorités locales. Les équations d’emploi ne donnent pas de résultats négatifs statistiquement significatifs. Il en est de même pour les probabilités de fermeture d’établissements. Une seule différence majeure a été dégagée par les études les plus récentes. Les établissements sont soumis à des inspections régulières qui portent sur cinq critères de qualité de l’accueil. Sur 931 établissements inspectés avant et après l’introduction du NLW, il existe une relation négative statistiquement significative entre chacun des cinq critères de qualité et deux indicateurs d’alourdissement du coût salarial dans l’établissement. Les auteurs (Guipponi, Machin, 2018a, 2018b) concluent que la dégradation de la qualité du service a constitué, pour les établissements d’accueil, la principale variable d’ajustement pour absorber la hausse des coûts.

Lorsqu’il s’agit de services à domicile, si l’on observe également l’absence d’effets sur l’emploi, il apparaît en revanche un autre type d’impact négatif. Dans les 12 mois qui suivent l’introduction du NLW, il existe pour un panel d’établissements un lien significatif entre le taux de croissance du recours aux contrats « zéro heure » et le pourcentage des salariées qui se situaient au-dessous du NLW (Datta et al., 2018). C’est donc la qualité de l’emploi qui est dégradée [36].

III.3. L’impact sur les jeunes exclus du NLW

Dès l’origine du NMW les jeunes en ont été exclus, d’abord jusqu’à 22 ans puis 21 ans (voir supra, I.1 et tableau 1). La création du NLW donne naissance à une nouvelle catégorie, celle des jeunes de 21 à 24 ans qui continuent à relever du NMW « adultes ». Une telle situation a conduit la LPC à entreprendre une réflexion globale sur les 20 années d’expérience de salaires minima « jeunes » (LPC, 2019d) en s’appuyant sur deux recherches qui analysent l’influence qu’exercent ces taux sur les comportements des jeunes (Bowyer et al., 2019) et des employeurs (Hudson-Sharp et al., 2019).

La LPC réexamine les raisons qui l’ont amenée à préconiser soit l’exclusion de certaines catégories de jeunes du bénéfice du NMW, soit l’utilisation de taux réduits :

- l’argument principal repose sur l’hypothèse d’une plus forte élasticité de l’emploi des jeunes au taux de salaire alors qu’ils ont des taux de chômage plus élevés et qu’un épisode initial de chômage engendre un impact négatif durable sur leurs trajectoires professionnelles. Il est donc prioritaire de les protéger du chômage ;

- un deuxième argument repose sur la nécessité de prendre en compte le contenu en formation des premiers emplois avec à la fois un coût pour l’employeur et un effet positif sur les salaires futurs. Il importe de favoriser l’accès à l’emploi en tenant compte de ce coût pour l’employeur ;

- un troisième argument, surtout valable pour les 16-17 ans, est que l’existence d’un salaire minimum peut constituer une incitation à abandonner prématurément le système scolaire.

Les enseignements des évaluations d’impact ainsi que les transformations intervenues dans la scolarisation et les entrées sur le marché du travail conduisent la Commission à reformuler son diagnostic sans modifier ses positions en ce qui concerne les jeunes de moins de 21 ans. La priorité est toujours, en ce qui les concerne, d’éviter un effet négatif sur l’accès initial à l’emploi et en conséquence sur les trajectoires professionnelles. Par contre, la création induite par le NLW d’un nouveau taux pour les 21-24 ans ne se justifie pas :

- en fait, les employeurs, à la fois pour des raisons d’équité et de simplicité de gestion, appliquent le plus souvent le NLW et non le NMW à cette tranche d’âge ;

- les caractéristiques des jeunes de 23-24 ans sont très proches de celles des jeunes de 25 ans. L’infériorité de leur taux de salaire apparaît arbitraire. La proximité est cependant moins forte en ce qui concerne les jeunes de 21-22 ans.

De ce fait, la Commission propose que le gouvernement annonce dès l’automne 2019 le passage au NLW des jeunes de 23-24 ans en avril 2021 avec un engagement identique pour les 21-22 ans à une date ultérieure. L’évaluation d’impact de la première étape permettrait à la Commission en octobre 2022 de proposer une date pour la deuxième étape. Le gouvernement annonce le 30 septembre 2019 qu’il accepte la première recommandation ; en revanche, il fixe sans attendre un délai de cinq ans pour la réalisation du second objectif.

III.4. L’ampleur du non-respect du NLW

Le non-respect constituait déjà un problème sérieux pour le NMW. Il existait un risque d’amplification résultant de la forte augmentation du taux et donc de la population couverte par le NLW. La LPC en avait conscience puisque, au lieu du simple chapitre qu’elle insérait auparavant sur cette question dans ses rapports annuels, elle lui a consacré après 2016 deux rapports spécifiques (LPC, 2017b, 2019b ; voir aussi : Mor, Brown, 2018 ; Pyper, 2018). Selon la source statistique jugée la plus fiable, quoique imparfaite, le taux de non-respect du NLW serait passé de 19 % en avril 2016 à 23 % en avril 2018. Ce taux est légèrement supérieur en 2018 à celui du NMW qui serait de 20 %. Ces chiffres sont fragiles mais, quelle que soit l’incertitude sur le chiffre total, il n’y a pas de doute sur l’importance croissante des cas de non-respect.

Comme le souligne la LPC, cette situation pose à la fois un problème de violation des droits des salariées et des salariés et un problème de concurrence déloyale aux dépens des employeurs qui respectent la loi. Si les moyens et les techniques de contrôle se sont améliorés, leur efficacité reste limitée, en particulier parce que le niveau des plaintes est faible, de l’ordre de 2 % du chiffre estimé des cas de non-respect. Les causes en sont multiples : ignorance par les personnes concernées de leurs droits ou de la procédure à suivre, non-accès aux informations leur permettant de vérifier leur taux de salaire horaire effectif, crainte de licenciement en cas de plainte, faible enjeu financier…

Une illustration significative est fournie par une enquête menée auprès d’entreprises créées au sein des minorités ethniques ou par des immigrants (Ram et al., 2017). Seule une minorité d’entreprises respectent, totalement ou partiellement, le NLW. Ce sont celles qui sont situées dans des niches de marché protégées et/ou celles qui doivent attirer et conserver des qualifications rares, par exemple, la maîtrise des technologies pour les transferts d’argent. La majorité des entreprises, celles qui sont soumises à une sévère concurrence par les prix, ignorent le NLW : soit, elles n’établissent pas de contrat d’emploi ; soit, une rémunération globale est versée en liquide sans mesure de la durée du travail ; soit, le recrutement s’opère par l’intermédiaire de réseaux familiaux ou amicaux, ce qui exclut culturellement toute idée de plainte contre l’employeur.

Conclusion : un bilan provisoire au début de l’année 2020

Quelques enseignements peuvent être dégagés au terme de quatre années d’expérience du National Living Wage au Royaume-Uni et au début d’une trajectoire vers un nouvel objectif des deux tiers du salaire médian.

1. L’adoption en 2015 du National Living Wage par un gouvernement conservateur au lendemain d’une large victoire électorale a constitué une surprise. En dehors des aspects de pure tactique politicienne, on peut trouver une rationalité dans cette option à première vue hétérodoxe : c’est aux entreprises de prendre en charge une rémunération minimale de leurs salariés et non à l’État d’y suppléer au moyen des in-work benefits. Dans une période de coupes budgétaires massives, ce transfert permet à l’État de réaliser de substantielles économies.

2. Sans que l’on puisse à ce jour mesurer les effets de moyen-long terme, il apparaît qu’une augmentation en 2016 du salaire minimum de 10,8 % en un an, puis les augmentations ultérieures pour atteindre l’objectif des 60 % du salaire médian en 2020, n’ont pas entraîné l’effet de choc sur l’emploi qui était annoncé par l’économie orthodoxe. Des impacts négatifs n’ont été observés à ce jour que dans des secteurs particuliers (par exemple, le social care à cause des contraintes budgétaires) ou sous des formes difficilement mesurables (par exemple, une intensification du travail). Il est vraisemblable aussi que le taux de non-respect ait augmenté.

3. Il ne faut pas surestimer l’ampleur de l’effort réalisé. Le ralentissement de la croissance économique et donc du salaire réel médian a réduit le niveau cible pour 2020. Alors qu’il était estimé en juillet 2015 à 9,35 livres, il est ramené à 8,72 livres en avril 2020. Ainsi, en cinq ans, le NLW n’a augmenté en valeur réelle que de 14 % relativement au NMW de 2015 (Cribb et al., 2019).

4. L’introduction du NMW puis du NLW a eu un indiscutable effet de réduction des inégalités des salaires individuels avec un tassement au bas de la hiérarchie. Du point de vue des niveaux de vie des ménages, le NLW a surtout profité aux déciles intermédiaires tandis que les premiers déciles étaient victimes des réformes massives des prestations sociales et des crédits d’impôt.

5. La création d’un salaire minimum légal marque une rupture dans la tradition britannique du voluntarism qui privilégiait une détermination contractuelle des salaires et n’acceptait l’intervention de l’État qu’à titre subsidiaire en cas d’absence de négociation collective. L’approbation de principe donnée par le TUC s’est accompagnée d’une critique du niveau insuffisant du NMW puis du NLW. Depuis 2011, le TUC s’est rallié au living wage comme objectif de sa campagne revendicative sur les salaires.

6. L’annonce par le gouvernement en septembre 2019 d’un objectif des deux tiers du salaire médian pour avril 2024 doit certes être appréciée dans un contexte pré-électoral [37]. Cependant, il est significatif que les conservateurs affichent, même si c’est par opportunisme, une volonté d’élévation du coût du travail peu qualifié à l’opposé de leur discours traditionnel sur les conditions de la compétitivité internationale.

Jacques FREYSSINET*

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 *Chercheur associé à l’Ires.

[1].    Sous la condition d’une « croissance économique soutenue » (sustained economic growth).

[2].    Si les conditions économiques le permettent (provided economic conditions allow).

[3].    Sur l’histoire des interventions publiques : Deakin, Green (2009), LPC (1998, Appendix 5. A Century of Minimum Wage Legislation in the UK) ; LPC (2019a) ; Pyper (2014). Sur les débats théoriques et politiques : Gautié (2018). Sur l’histoire des positions syndicales : Sellers (2017). Ce n’est qu’en 1985 que le Trades Union Congress (TUC) a abandonné son hostilité traditionnelle pour soutenir la demande d’un salaire minimum fixé par l’État.

[4].    Il n’existe pas de mécanisme d’indexation automatique.

[5].    Le rapport contient aussi des propositions de réforme qui inspireront largement la création du National Living Wage en 2015 (voir infra, II.1).

[6].    « The LPC’s terms of reference ask it to “recommend levels for the minimum wage rates that help as many low-paid workers as possible without any significant adverse impact on employment or the economy”. »

[7].    S’écartant de la proposition de la LPC, le gouvernement choisira la tranche des 22 ans et plus.

[8].    Le gouvernement choisira 18-21.

[9].    Ce taux s’appliquerait aussi aux plus de 21 ans pendant les six mois suivant leur accès à un emploi dès lors qu’ils y bénéficieraient d’une formation certifiée (proposition non retenue par le gouvernement).

[10].   Il est intéressant de rappeler que Richard Dickens, Stephen Machin et Alan Manning avaient étudié pour la période 1975-1990 l’impact des salaires fixés par les Wage Councils sur l’évolution de l’emploi dans les activités concernées. Utilisant diverses sources statistiques et diverses spécifications économétriques, ils avaient mis en évidence de robustes liens positifs entre l’évolution de l’emploi et celle de l’impact du salaire minimum, mesuré par son rapport au salaire moyen (Dickens et al., 1999).

[11].   Le taux de rétention dans l’emploi est défini comme la probabilité, si l’on est dans l’emploi à une date donnée, d’être encore dans l’emploi un an plus tard.

[12].   L’échantillon des hommes à temps partiel est trop faible pour permettre de dégager des résultats significatifs.

[13].   Les bas salaires sont définis par convention comme les salaires horaires inférieurs aux deux tiers du salaire médian.

[14].   Soit une période de dix années qui va depuis l’année qui précède l’adoption du NMW jusqu’à l’année qui précède la grande récession.

[15].   Une même approche finement désagrégée est mise en œuvre dans Bewley, Wilkinson (2015), avec la même conclusion d’un effet nul ou négligeable sur l’emploi.

[16].   En 2012 est annoncée la mise en place progressive de l’Universal Credit, prestation unifiée qui absorbe, entre autres, le Working Tax Credit et le Child Tax Credit (Freyssinet, 2018a ; infra, II.1).

[17].   Le taux marginal de prélèvement est, en cas d’augmentation d’une heure de la durée du travail, la fraction des revenus supplémentaires du travail qui, après prise en compte des modifications du niveau des prélèvements et des prestations, n’entre pas dans le revenu net du ménage.

[18].   La Commission est une instance consultative indépendante auprès du ministère de l’Éducation. Voir aussi le bilan établi pour l’année 2017 par la Resolution Foundation, organisme non gouvernemental (D’Arcy, 2017).

[19].   Par définition, il s’agit des personnes en emploi qui appartiennent à un ménage situé en
dessous du seuil de pauvreté.

[20].   George Bain a été le premier président de la LPC.

[21].   « Because the LPC is tasked with setting a single mandatory national rate, the LPC rightly bases its judgment on what can be borne in the most vulnerable part of the labour market. »

[22].   « The budget (…) introduces a National Living Wage so we move Britain from a low wage, high tax, high welfare economy to a higher wage, lower tax, lower welfare economy » (HM Treasury, 2015:1).

[23].   Les chiffres sont donnés selon les années budgétaires qui vont de début avril à fin mars.

[24].   « It can’t be right that we go on asking taxpayers to subsidise, through the tax credit system, the businesses who pay the lowest wages. »

[25].   Pour le distinguer du National Living Wage, les promoteurs du living wage le qualifient désormais fréquemment de real living wage.

[26].   L’augmentation relativement au NMW serait de 40 % sur cinq ans.

[27].   Rappelons qu’à l’époque (tableau 1) le NMW était réévalué chaque année au mois d’octobre. Pour mesurer l’ampleur de la variation liée à l’introduction du NLW en avril 2016, il est plus significatif de comparer à la valeur du NMW un an auparavant, en avril 2015, qui était celle fixée en octobre 2014.

[28].   Les prévisions d’impact sont sensibles aux prévisions macroéconomiques globales. Elles seront donc fréquemment révisées. Nous revenons plus loin sur ce point.

[29].   Ces études d’impact macroéconomique sont complétées par des travaux qui portent sur les dimensions sectorielles et spatiales. Du point de vue des secteurs d’activité, cinq d’entre eux seraient fortement touchés : le commerce de détail, les hôtels-cafés-restaurants, les soins aux personnes (social care), l’intérim et le nettoiement. Ces secteurs auraient en 2020 (une fois atteint l’objectif de 60 % du salaire médian) un pourcentage de leurs salariés payés au NLW compris entre 24 et 55 % alors que ce pourcentage serait en moyenne de 6 % pour l’ensemble des autres secteurs (LPC, 2016a). En ce qui concerne les disparités selon les agglomérations, le taux d’impact direct en 2020, calculé comme le pourcentage de personnes ayant initialement un salaire inférieur au NLW, se distribue entre un minimum de 5 % à Oxford et un maximum de 19 % à Norwich (Corlett, 2016).

[30].   Le cas typique au Royaume-Uni est celui où l’homme travaille à plein temps et la femme à temps partiel. Les bénéficiaires du NLW, comme c’était le cas pour le NMW, sont majoritairement des femmes qui travaillent à temps partiel et qui sont souvent deuxièmes apporteuses de revenu dans leur ménage. Ceci explique la concentration de l’impact positif du NLW sur les ménages à niveau de revenu moyen.

[31].   Pour une première évaluation globale de l’expérience du point de vue de l’économie orthodoxe : Shackleton (2018).

[32].   Non seulement le Brexit entraîne une révision des anticipations et un accroissement de l’incertitude avec l’annulation ou le report de projets d’investissements, mais il a aussi des effets plus directs sur la gestion de l’emploi. Par exemple, il fait craindre aux entreprises une raréfaction de l’immigration qui constitue une source majeure d’alimentation des emplois à bas salaires.

[33].   « Only a minority of those who are likely to gain most from the NLW are in the low-income households that stand to lose the most from the benefit reforms since July 2015 » (Cribb, Norris Keiller, et al., 2018:94). Seule une minorité de ceux qui vraisemblablement gagneront le plus du NLW appartiennent aux ménages à bas revenus qui perdront le plus des réformes des prestations intervenues depuis juillet 2015.

[34].   Comme nous l’avons vu, cette perspective est aujourd’hui éliminée.

[35].   Ils y parviennent indirectement, comme c’était déjà le cas pour le NMW, en ne rémunérant pas les temps de disponibilité et, pour les services à domicile, les temps de trajet.

[36].   Selon cette même étude, mais sur des bases statistiques plus fragiles, la croissance des contrats « zéro heure » s’observerait dans les 13 secteurs à bas salaires.

[37].   Selon les prévisions du gouvernement, les deux tiers du salaire médian en 2024 correspondraient à un taux horaire de 10,50 livres qui s’appliquerait à partir de 21 ans. De leur côté, les Travaillistes annonçaient en cas de victoire un passage immédiat à 10 livres à partir de 16 ans.

En bref...