Version mobile du site Ires.fr à venir
A


N° 151 (oct 2015)
Partager

Italie. Tensions persistantes entre syndicats et gouvernement Renzi sur le "Jobs Act"

Udo REHFELDT

Le « Jobs Act » a été présenté en décembre 2013 par le futur Premier ministre Matteo Renzi comme un vaste programme de création d’emplois. Il s’est par la suite réduit en une nouvelle réforme du marché du travail qui a été votée comme loi en décembre 2014, suivie de huit décrets d’application arrêtés entre février et septembre 2015. Cette réforme remet en cause certains droits des travailleurs, notamment la protection contre des licenciements abusifs. La majorité des syndicats s’y opposent parce qu’ils considèrent qu’elle ne se traduira pas par une amélioration de la situation de l’emploi, mais par une précarisation des salariés.  

Lire la suite

La réforme du marché du travail appelée « Jobs Act », une version italienne de la « flexicurité » dont les principes ont été votés par le Parlement italien en décembre 2014 (Nadalet, Turlan, 2014), a fait l’objet de huit décrets d’ap plication arrêtés par le gouvernement Renzi entre février et septembre 2015. Sa partie la plus controversée remet en cause la protection contre des licenciements abusifs par le Statut des travailleurs 1. Elle est entrée en vigueur depuis mars 2015. La majorité des syndicats italiens, notamment la Confédération générale italienne du travail (CGIL 2) et l’Union italienne du travail (UIL 3), continuent à s’y opposer par divers moyens parce qu’ils considèrent que les réformes votées ne se traduiront pas par une amélioration de la situation de l’emploi, mais par une précarisation croissante des salariés.

L’origine du Jobs Act remonte au programme présenté sous le nom de « Job Act » par Matteo Renzi en janvier 2014, quelques jours après que celui-ci a été élu secrétaire général du Parti démocrate (PD). Enrico Letta est alors Premier ministre et n’est remplacé par Renzi qu’en février 2014. Le « Job Act » devient ensuite le « Jobs Act », en référence au « Jobs Act » de Barack Obama de 2011. Ce dernier, un acronyme pour « Jump­start Our Business Startups », est un plan de soutien aux petites entreprises qui a peu en commun avec le Jobs Act de Renzi.

Le Jobs Act première version

Le Jobs Act italien a pris la forme de deux projets de loi : un projet de décret-loi pour des mesures d’urgence et un projet de loi d’habilitation 4, qui ont été adoptés par le gouvernement en mars 2014 et votés par le Parlement italien respectivement le 15 mai et le 12 décembre 2014. Le long délai avant le vote définitif de la loi d’habilitation par les deux chambres du Parlement s’explique par des tractations avec les différentes composantes de la coalition gouvernementale, composée du PD et de trois petits partis de centre-droite. En raison de l’étroitesse de sa majorité au Sénat, où les partis de sa coalition ne disposent que de la moitié des sièges, c’est surtout le soutien de l’aile gauche du PD, à laquelle appartiennent près d’un tiers des sénateurs de ce parti, qui était nécessaire pour son adoption. Au Sénat, le Jobs Act n’a pu être adopté qu’après que le gouvernement a lié le vote à une question de confiance. À la Chambre des députés, l’opposition interne au PD s’est divisée en trois lors du vote final. Une partie a voté le texte, une autre n’a pas pris part au vote (comme les autres partis de l’opposition), et seulement deux députés ont voté contre. Ils ont depuis quitté le parti.

Dans sa version initiale présentée par Renzi en décembre 2013, le Job(s) Act comportait les propositions principales suivantes :

  • la réduction du nombre des formes de contrats de travail ;
  • la création d’un contrat d’insertion à durée indéterminée et à « protection croissante » ;
  • la généralisation des indemnités de chômage avec obligation de suivre une formation et d’accepter des propositions d’embauche ;
  • la création d’une Agence nationale de l’emploi ;
  • une loi sur la représentativité syndicale ;
  • l’introduction de représentants élus des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises ;
  • des simplifications administratives pour les entreprises ;
  • des réductions d’impôts pour les entreprises ;
  • un plan industriel pour la promotion de l’emploi dans sept secteurs clés : culture, tourisme, agriculture, mode, technologies d’information, économie verte, services sociaux, bâtiment, industrie manufacturière.

Il s’agissait en somme d’un mixte entre des réformes du droit du travail et des mesures de politique industrielle. Une fois Matteo Renzi nommé Premier ministre, certains thèmes allaient être précisés, d’autres allaient disparaître et d’autres encore, beaucoup plus controversés, allaient faire leur apparition. On peut certainement y déceler l’influence des conseillers dont Renzi s’est alors entouré : des économistes comme Tommaso Nannicini et des juristes comme Pietro Ichino, qui prônaient depuis longtemps la nécessité d’une flexibilisation du marché du travail pour faciliter les embauches.

La façon dont Matteo Renzi avait écarté Enrico Letta de la direction du gouvernement avait surpris, voire scandalisé jusque dans les rangs de son propre parti, dont il n’a jamais été très représentatif, venant de l’ancienne démocratie chrétienne. Mais son dynamisme et son art de la communication ont séduit une large partie de l’opinion, qui s’est laissée convaincre qu’il fallait un changement radical de politique pour venir à bout de la montée du chômage, notamment des jeunes, et pour redynamiser l’économie italienne qui était entrée dans une longue phase de stagnation. Dans son discours d’investiture devant le Sénat du 25 février 2014, Matteo Renzi annonçait son intention de préparer « une réforme radicale par mois ». Avec cette course effrénée à l’annonce de nouvelles réformes, il a d’abord réussi à éclipser aussi bien l’ancienne vedette politique Silvio Berlusconi que le mouvement antipolitique « Cinque Stelle » du comique Beppe Grillo. Le fruit de cet effort de communication était la victoire écrasante de son parti lors des élections européennes de mai 2014 avec presque 41 % des voix, un score encore jamais obtenu par ce parti, même au temps où celui-ci s’appelait encore Parti communiste. Dans les sondages, 69 % de la population déclarait en juin 2014 avoir une opinion positive du gouvernement Renzi, mais la « Renzimania » serait de courte durée. Trois mois plus tard, ce taux était descendu à 54 % et en novembre 2014 les opinions positives étaient devenues minoritaires avec 43 %. Les intentions de vote pour le PD sont descendues à 32 % en juin 2015, au bénéfice surtout du mouvement Cinque Stelle et de la Ligue du Nord (Demos & Pi, 2015). Que s’est-il passé ?

L’évolution du Jobs Act : vers l’allègement de la protection des travailleurs et l’élargissement des prérogatives unilatérales de l’employeur

Dans la version du Jobs Act présentée comme projet de loi d’habilitation en mars 2014, la politique industrielle et l’extension des droits syndicaux ont disparu, mais un salaire minimum légal pour les branches non couvertes par une convention collective a été introduit. En septembre 2014, le gouvernement a présenté un « maxi-amendement » à son projet de loi qui ajoutait encore d’autres mesures. Ainsi, un nouveau « CDI à protection croissante » sera la forme obligatoire pour toute nouvelle embauche en CDI (et non plus seulement expérimentale comme dans la version initiale du projet de loi). Ce CDI comporte la suppression de l’obligation de réintégration du travailleur pour la plupart des licenciements considérés comme abusifs par le juge. Il s’agit là d’une nouvelle abrogation partielle de l’article 18 du Statut des travailleurs, qui avait déjà été modifié une première fois en 2012 par la « réforme Fornero », du nom de la ministre du Travail du gouvernement Monti (Rehfeldt, 2013) 5.

Deux autres mesures importantes ont été ajoutées : la possibilité pour l’employeur de déclasser un travailleur en cas de restructuration ainsi que l’autorisation de contrôler à distance les travailleurs. En cas de restructuration ou de réorganisation productive, l’employeur pourra unilatéralement redéfinir des postes et placer un travailleur à un échelon inférieur de la classification, sans toutefois diminuer son salaire. Une diminution du salaire sera toutefois possible par accord individuel entre l’employeur et le salarié, assisté par un délégué syndical, avec comme objectif de « conserver l’emploi, de changer de métier ou d’améliorer ses conditions de vie ».

La deuxième mesure modifie un autre article du Statut des travailleurs, l’article 4, qui interdisait tout équipement de contrôle à distance, sauf par accord avec les représentants syndicaux ou, à défaut, avec l’Inspection du travail, contre lequel toutefois un recours auprès du ministère du Travail est possible. Le Jobs Act propose de « concilier les exigences productives et organisationnelles de l’entreprise avec la protection de la dignité de la vie privée du travailleur ». Conjointement avec l’autorisation de déclasser un travailleur, cette révision a modifié l’orientation initiale du Jobs Act à un tel degré que même le journal de centre-gauche La Repubblica, pourtant très acquis au projet de Renzi, a parlé d’une « trahison ». La Commission du travail de la Chambre des députés, présidée par l’ancien ministre du Travail Cesare Damiano, a demandé que soit rétablie au moins l’interdiction des implantations audiovisuelles sans accord syndical. Bien que son avis ne soit pas contraignant, le gouvernement l’a suivi pour la rédaction finale du décret d’application.

La version finale de la loi d’habilitation a été votée en décembre 2014. Quatre premiers décrets d’application ont été arrêtés en Conseil des ministres les 20 février et 11 juin 2015. Ils concernent le nouveau CDI, l’assurance chômage, la simplification des typologies contractuelles (et aussi les reclassements) et la conciliation vie familiale/vie professionnelle (par une généralisation des congés de maternité). Quatre autres décrets ont été adoptés par le gouvernement en septembre 2014. Ils concernent la réorganisation de l’Inspection du travail, les « amortisseurs sociaux » de la Cassa integrazione et des Fonds paritaires de solidarité, les politiques actives de l’emploi et la « simplification » des rapports du travail (y compris la révision de l’interdiction du contrôle à distance). L’introduction d’un salaire minimum légal n’a finalement pas fait l’objet d’un décret d’application, mais est reportée à une éventuelle loi ultérieure. Voyons maintenant plus en détail le contenu des mesures arrêtées pour le nouveau CDI et les « amortisseurs sociaux ».

Un « CDI à protection croissante », mais avec droits de réintégration et indemnités réduits

La création d’un CDI « à protection croissante » constitue le cœur du Jobs Act et en même temps sa mesure la plus controversée. La dénomination « à protection croissante » est d’ailleurs trompeuse, car il s’agit seulement d’une indemnisation croissante en fonction de l’ancienneté et suivant un barème fixé par la loi.

Le nouveau CDI s’applique uniquement aux nouvelles embauches en CDI. Il n’abolit ni l’embauche en CDD ni les droits des anciens CDI. Pour les anciens CDI, le juge continue à avoir la possibilité de déterminer lui-même les indemnités, à l’intérieur d’une fourchette fixée par la loi, en tenant compte non seulement de l’ancienneté, mais aussi de la taille de l’entreprise et du comportement des deux parties dans la procédure. Maintenant les indemnités sont préfixées par la loi selon un barème qui tient compte uniquement de l’ancienneté (tableau 1 ; Prouet, 2015). La nouvelle loi fixe des indemnités minimales très basses pour les salariés à faible ancienneté (jusqu’à 2 ans : 4 mois de salaire), alors qu’avant ils pouvaient prétendre au minimum à 12 mois. L’obligation de réintégration a été supprimée pour vice de forme. L’inexistence du fait matériel incriminé doit dorénavant être démontrée par le juge pour pouvoir décider de la réintégration du travailleur licencié. L’employeur a aussi la possibilité de proposer une « conciliation ». Dans ce cas, il doit proposer des indemnités qui sont légèrement inférieures à celles auxquelles le travailleur aurait droit si le juge considère le licenciement comme abusif. Il s’agit d’une indemnité sûre et immédiate, qui n’est ni assujettie aux cotisations sociales ni soumise à l’impôt.

tableau1

Les licenciements collectifs ont été introduits par le gouvernement dans le Jobs Act seulement au moment de la présentation du décret d’application en décembre 2014. Un licenciement collectif (d’au moins 5 salariés) est réglé par une loi de 1991, plusieurs fois modifiée, qui s’applique aux entreprises de plus de 15 salariés. Elle nécessite la consultation des syndicats pour établir la liste des licenciés qui doit satisfaire à plusieurs critères : charge de famille, ancienneté, exigences productives. Des accords collectifs ajoutent souvent un critère : la « pensionabilité » (être proche de l’âge de la retraite). Le Jobs Act introduit maintenant des inégalités si le juge considère un licenciement collectif comme non valide pour non-respect des procédures ou critères. Dans ce cas, les salariés embauchés sous le nouveau CDI ne bénéficient pas d’un droit de réintégration et touchent moins d’indemnités que les autres. D’autre part, pour ne pas créer de nouvelles barrières à l’embauche, le Jobs Act prévoit que si une entreprise franchit le seuil des 15 salariés, tous les salariés basculeront automatiquement vers le nouveau CDI à protection croissante.

Abolir le totem de l’article 18 : un signal positif pour les marchés

La création du nouveau CDI a permis au gouvernement de rejeter le reproche d’avoir aboli l’article 18 du Statut des travailleurs de 1970 révisé en 2012. En effet, cet article conserve sa validité pour les CDI conclus avant l’entrée en vigueur du Jobs Act.

L’abolition totale de l’article 18 constituait dès l’été 2014 une exigence du partenaire de coalition Nouveau Centre-Droite (NCD). Elle émanait de son leader et numéro deux du gouvernement Renzi, Angelino Alfano, qui avait autrefois été le dauphin de Silvio Berlusconi à la tête de son parti « Peuple de la Liberté » (PdL) 6, ainsi que de Maurizio Sacconi, le président de Commission du travail du Sénat. Sacconi avait déjà par deux fois préconisé l’abolition de l’article 18, d’abord comme co-auteur du « livre blanc » de 2001 (Sacconi, Biagi, 2001) qui avait préparé la tentative d’abolition par le gouvernement Berlusconi en 2002, puis comme ministre du Travail du gouvernement Berlusconi en 2011. Après l’approbation du Jobs Act en novembre 2015, Alfano pouvait alors légitimement se féliciter : « Nous avons réussi là où avait échoué le gouvernement Berlusconi. »

Face aux accusations des syndicats de vouloir détruire la protection des travailleurs, Renzi a déclaré que l’article 18 était un « totem idéologique » et pas un « vrai problème ». La réintégration ne concernerait que « 3 000 personnes dans tout le pays ». Qu’en est-il vraiment ? Selon les statistiques du ministère du Travail, il y a eu 8 537 licenciements économiques au premier trimestre 2014. 490 ont été autorisés tacitement par absence de réponse à la notification de la part du service provincial du ministère dans un délai de 7 jours. 4 310 auraient fait, conformément à la loi, l’objet d’un accord avec les travailleurs licenciés sur le montant des indemnités. 2 563 cas ont été portés devant un tribunal. Les statistiques du ministère ne renseignent pas sur l’issue de ces différends. Selon la CGIL, dans 80 à 90 % des cas, le juge aurait ordonné la réintégration, mais 65 % des travailleurs concernés ont renoncé à cette réintégration et ont préféré toucher une indemnité majorée (conformément à la réforme Fornero). Seulement 741 licenciés auraient effectivement réintégré leur entreprise 7.

Si ces chiffres semblent donner raison à ceux qui parlent d’un « totem idéologique », pourquoi alors tant d’efforts pour l’abolir ? C’est que cette abolition doit, selon les partisans du Jobs Act, donner un « signal » aux marchés pour les inciter à faire venir des capitaux en Italie. Dès la première présentation de son projet de Jobs Act, il a été envoyé à Bruxelles comme partie de la réponse du gouvernement aux injonctions de flexibilisation émises par la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre du « Semestre européen » (sur ces injonctions, voir Rehfeldt, 2013). Pour souligner cet alignement européen, le Jobs Act utilise à plusieurs reprises des formules telles que « conformément aux indications européennes » ou « en cohérence avec le contexte productif national et international ». Cette fonction symbolique semble avoir porté ses fruits, puisque le président de la BCE, Mario Draghi, s’est déclaré très satisfait de l’adoption du Jobs Act. Renzi a aussi reçu le soutien de la Confindustria, l’organisation patronale de l’industrie, et même du dirigeant de Fiat, Sergio Marchionne, qui représente la fraction du patronat à la pointe du combat pour la dérégulation des relations professionnelles et avait menacé à plusieurs reprises de délocaliser sa production en dehors de l’Italie 8. C’est probablement parce qu’elle donnerait un mauvais signal aux multinationales désireuses d’investir en Italie que l’introduction d’administrateurs salariés élus dans les grandes entreprises a été écartée du Jobs Act. C’est en tout cas la raison pour laquelle Pietro Ichino, un des inspirateurs les plus influents du Jobs Act 9, la considère comme inopportune (Ichino, 2014). Cette forme de codétermination a longtemps été controversée au sein du mouvement ouvrier italien, mais elle est maintenant souhaitée aussi bien par les syndicats que par le PD.

Les « marchés » et les experts bruxellois semblaient apparemment convaincus que la réglementation du marché du travail italien était trop importante et constituait un frein à l’embauche. Mais il se peut qu’ils fussent mal renseignés. Malgré leurs défauts méthodologiques (Dalmasso, 2014), les indicateurs de protection de l’emploi établis par l’OCDE sont généralement cités comme une référence pour la comparaison entre pays. Or, selon l’OCDE, la réglementation italienne se situe dans la moyenne européenne. L’indicateur italien de protection des CDI est même inférieur à celui de la France et de l’Allemagne 10. Il a encore baissé depuis la réforme Fornero de 2012 (OCDE, 2013).

La contradiction entre allègements fiscaux des CDI et dérégulation des CDD

Plus que sur l’allègement de la protection légale des CDI, le gouvernement compte sur les allègements fiscaux des embauches en CDI pour rendre cette forme de contrat plus attractive pour un employeur comparativement au CDD. C’est le sens de deux mesures incluses en octobre 2014 dans la loi des finances (« loi de stabilité »). Les nouvelles embauches en CDI bénéficieront dès janvier 2015 pendant trois ans d’une exonération des cotisations sociales, plafonnée à 8 060 euros par an. L’employeur aura également droit à des déductions fiscales supplémentaires.

Ces incitations entrent cependant en contradiction avec la dérégulation des CDD contenue dans son décret-loi sur les mesures urgentes qui constituait le premier volet du Jobs Act et que le Parlement a adopté le 15 mai 2014. Pour favoriser l’embauche en CDD, la durée du premier CDD, dont le recours est depuis 2012 exonéré de motif, est maintenant portée de 12 à 36 mois. Il sera prolongeable cinq fois dans la limite de trois ans. Les intervalles obligatoires entre CDD sont supprimés. Ce changement a été considéré comme nécessaire, parce que les CDD de plus d’un an, pour lesquels une indication du motif était obligatoire, ne représentaient que 1,5 % de l’ensemble des CDD. En prolongeant les délais, le gouvernement espérait favoriser des embauches en CDD plus stables. Toutefois, le nombre total de travailleurs en CDD ne pourra pas dépasser un plafond de 20 % des CDI. Un éventuel dépassement donnera lieu à une amende correspondant à 20 % de la rémunération du travailleur pendant la durée du CDD (50 % si plusieurs travailleurs sont concernés par le dépassement).

Par ailleurs, pour remédier à la chute du nombre des contrats d’apprentissage, ce décret-loi incitait aussi au recours à de nouveaux apprentis en supprimant l’obligation de l’embauche des anciens apprentis avant de pouvoir en recruter de nouveaux. L’obligation, dans les entreprises de plus de 10 salariés, d’embaucher au moins 30 % des apprentis en CDI est ramenée à 20 % et n’est plus obligatoire que pour les entreprises de plus de 50 salariés. La rémunération d’un apprenti est fixée à 35 % du poste pour lequel il doit être formé.

Du point de vue d’un employeur soucieux de réduire le coût du licenciement, la stratégie optimale consisterait à embaucher un nouveau salarié d’abord en apprentissage, puis en cinq CDD consécutifs de huit mois (le maximum autorisé pendant trois ans), puis pendant deux ans en CDI, avec pour seul risque celui de payer des indemnités équivalant à quatre mois de salaire ou de proposer une conciliation avec deux mois de salaire. L’astuce ultime consisterait à omettre le motif du licenciement, de façon à ne payer que des indemnités de deux mois de salaire et à ne pas risquer une réintégration éventuellement décidée par le juge.

La réorganisation des « amortisseurs sociaux »

Les « amortisseurs sociaux » sont le deuxième thème central du Jobs Act. Ils ont deux volets : « l’Assurance sociale pour l’emploi » (ASPI), introduite par la réforme Fornero en 2012, et le chômage partiel payé par la « Cassa integrazione ». Dans les deux cas, la loi étend les bénéficiaires de ces mesures à tous les travailleurs, y compris aux travailleurs autonomes économiquement dépendants. La réforme Fornero avait déjà réduit le montant et la durée des indemnités de chômage. La réforme Renzi continue dans cette direction. Elle réaffirme des principes déjà inscrits dans la réforme Fornero, à savoir que les chômeurs sont obligés d’accepter les offres d’embauche sous peine de perdre leur droit aux indemnités. Un chômeur pourra signer un « contrat de réinsertion » avec une agence accréditée de placement (publique ou privée) de son choix, qui recevra une dotation par chèque qu’elle ne pourra encaisser qu’en cas de réinsertion réussie du chômeur. Le chômeur sera obligé de suivre les formations prescrites. S’il ne le fait pas ou s’il refuse l’emploi proposé, l’organisme de placement doit le signaler, avec comme conséquence la perte de l’indemnité pour le chômeur, mais aussi la perte du chèque pour l’agence de placement 11.

Pour ce qui concerne le chômage partiel financé par la Cassa integrazione, rappelons que la réforme Fornero avait déjà réduit son financement. Dorénavant il ne pourra être utilisé qu’après épuisement d’autres formes de réduction du temps de travail. Sa durée sera limitée et la part de financement par les entreprises sera augmentée. Il ne pourra plus être utilisé en cas d’arrêt définitif de l’activité.

Les critiques des syndicats

Les syndicats constituent l’unique opposition organisée au Jobs Act. Comme ses prédécesseurs Berlusconi et Monti, Matteo Renzi a déclaré vouloir se passer des corps intermédiaires qui constitueraient un frein aux « réformes ». Il préfère s’adresser directement à l’opinion à travers les médias et s’est déclaré disposé à négocier uniquement avec les parlementaires. Cette « désintermédiation » a été justifiée par la perte alléguée de légitimité des syndicats. Il est vrai qu’après avoir réussi à stabiliser le taux de syndicalisation dans la dernière décennie, les syndicats semblent de nouveau perdre des adhérents dans les entreprises 12. Mais Renzi passe sous silence que les partis politiques, y compris le sien, sont touchés par le même phénomène de désaffection 13.

Après son arrivée au Palais Chigi, siège du Premier ministre, Renzi a déclaré ne plus vouloir recevoir les organisations syndicales dans la « Salle verte », dans laquelle avaient lieu les séances historiques de concertation sociale. À la demande du président de la République, Giorgio Napolitano, il la leur a quand même ouverte de nouveau, mais seulement pour une heure, le 7 octobre 2014 entre 8 et 9 heures du matin, à la veille de l’adoption de la loi sur le Jobs Act par le Sénat. Au cours de cette « concertation-éclair » (La Repubblica), il a laissé entendre qu’il les recevrait de nouveau pour parler d’une éventuelle loi sur la représentativité syndicale, la négociation collective décentralisée et le salaire minimum. Cette deuxième rencontre au sommet a eu lieu le 27 octobre, mais sans la présence de Renzi, qui s’est fait remplacer par son ministre du Travail, Giuliano Poletti. Ces deux rencontres n’ont produit aucune concession de la part du gouvernement.

Les réactions syndicales à ces rencontres avec le gouvernement ont été très diverses. La CISL y a vu une ouverture, alors que la CGIL y a vu la confirmation de choix erronés du gouvernement qui mènent non pas à une amélioration de la situation de l’emploi, mais à une précarisation croissante des salariés 14. Les critiques de la CGIL, qui sont aussi partagées par l’UIL, concernent à la fois la réforme des CDD et des CDI.

Pour ce qui concerne les nouvelles règles des CDD, la CGIL considère qu’elles sont en contradiction avec la directive européenne sur les CDD. La disparition de l’obligation d’indiquer le motif du CDD et l’absence de critères objectifs pour justifier son recours confère à cet outil le rang d’une véritable alternative au CDI. La directive européenne prévoit pourtant que le CDI doit être la forme privilégiée du contrat de travail. La CGIL a déposé une plainte auprès de la Commission européenne.

La critique principale des syndicats se concentre sur le nouveau CDI. Ils s’opposent à l’idée que faciliter des licenciements créerait davantage d’embauches et voient surtout un risque de favoriser l’arbitraire. Même dilué par la réforme Fornero, l’article 18 avait le mérite d’exercer un effet dissuasif sur les entreprises qui auraient envie de se débarrasser d’un salarié gênant en procédant à son licenciement. Car non seulement la nouvelle loi garantit à l’employeur le non-retour du travailleur, mais elle permet de calculer par avance avec précision le coût d’un licenciement éventuellement déclaré comme abusif par le juge, ce qui était bien un des objectifs affichés de la loi : éliminer l’incertitude de l’employeur comme frein à l’embauche.

Les arguments pour s’opposer au projet d’abolition de l’article 18 sont les mêmes qu’en 2002. À l’époque, les syndicats avaient réussi unitairement à mobiliser les travailleurs et à faire échouer le projet du gouvernement Berlusconi. Lors de la deuxième tentative d’abolir l’article, par le gouvernement Monti et sa ministre du Travail Elsa Fornero, en 2011, l’unité syndicale avait fait défaut et la CGIL avait été obligée de mobiliser seule. En revanche, elle pouvait encore compter sur son allié parlementaire le PD pour modifier les aspects les plus radicaux du projet de loi. Cette fois-ci, ce soutien n’était plus acquis ou alors de façon très imparfaite.

Mobilisations syndicales et propositions alternatives

Devant le refus de la CISL de la rejoindre dans son refus du Jobs Act, la CGIL a décidé de mobiliser seule en organisant une manifestation nationale de protestation à Rome le 26 octobre 2014 et en déclarant la grève générale pour le 12 décembre. La manifestation du 26 octobre a réuni plus d’un million de travailleurs dans les rues de Rome. C’était la plus grande manifestation depuis une décennie. Mais le gouvernement ne s’est pas laissé impressionner pour autant et a poursuivi sa route sans modifier son projet.

En novembre 2014, la CGIL a reçu le soutien de la plus petite des trois confédérations syndicales, l’UIL. Ce soutien était très inattendu dans la mesure où l’UIL avait dans le passé souvent rejoint la CISL dans son opposition à la CGIL. Ensemble, les deux syndicats avaient signé une série d’accords sans la CGIL avec le patronat et le gouvernement. Le rapprochement entre les deux organisations était devenu tellement étroit qu’on avait commencé à envisager une fusion organique. Il n’en est plus question depuis le changement à la tête de l’UIL. Son nouveau secrétaire général, Carmelo Barbagallo, s’est déclaré prêt à rejoindre la CGIL pour une grève générale contre la réforme Renzi. Même le secrétaire général sortant et artisan du rapprochement avec la CISL, Luigi Angeletti, a prononcé des mots très durs contre cette réforme lors du congrès de novembre 2014, en déclarant : « L’attaque du syndicat est frontale. Ils essayent de délégitimer notre représentativité. […] Dans une société liquide, une structure solide et organisée tel qu’un syndicat est vécue comme une anomalie, une entrave au flux indistinct des processus sociaux guidés par des marchés sans plus de règles et par les intérêts des classes les plus fortes. »

Avec le soutien de l’UIL, la grève générale du 12 décembre 2014 a été un grand succès. Elle a été suivie en moyenne par plus de 60 % des travailleurs. Plus de 1,5 million de travailleurs ont participé à des cortèges dans 54 villes. Le ministre des Transports avait menacé de recourir à la réquisition, ce qui a obligé les syndicats à réduire la durée de la grève de 8 à 7 heures dans les transports publics. La Fiom, la fédération de la métallurgie de la CGIL, a continué la mobilisation, en organisant une nouvelle manifestation nationale à Rome le 28 mars 2015, qui a réuni 15 000 personnes. Symboliquement, la secrétaire de la CGIL, Susanna Camusso, y a participé et a pris la parole, ce qui passait pour une réconciliation avec le secrétaire général de la Fiom, Maurizio Landini, après leur affrontement de l’année précédente sur l’accord avec la Confindustria sur la représentativité (Rehfeldt, 2014). Susanna Camusso reste cependant opposée à la proposition de Landini de créer une « coalition sociale », dans laquelle elle voit la tentative de transformer le syndicat en une organisation politique.

Après le vote du Jobs Act, la CGIL a décidé de réorienter sa stratégie dans une direction plus unitaire, en préparant des plateformes communes avec la CISL et l’UIL sur des thèmes comme la révision de la réforme des retraites. Elle a aussi pris l’initiative de recueillir des signatures en vue de l’organisation d’un référendum d’initiative populaire pour abroger certaines normes du Jobs Act et pour créer un « nouveau Statut des travailleurs ».

Une autre forme de lutte contre le Jobs Act est la signature, conjointement avec des représentants de la CISL et de l’UIL, d’accords d’entreprise qui garantissent la non-application des CDI du Jobs Act et le maintien de l’article 18 du Statut des travailleurs. Les entreprises signataires risquent maintenant d’être exclues de la Confindustria, qui s’est clairement rangée du côté de Renzi.

Une dernière initiative de la CGIL est la présentation, le 3 juillet 2015, d’un « Workers Act » comme alternative au Jobs Act de Renzi (Sbilanciamoci !, 2015). Ce projet est le fruit d’un travail d’universitaires coordonné par les économistes Clausio Gnesutta et Mario Pianta. Il a reçu le soutien du réseau « Sbilanciamoci ! » (« Déséquilibrons-nous ! ») 15 que 51 associations et ONG ont créé en 1999. Le fait que plusieurs associations catholiques fassent partie de ce réseau indique clairement que même le monde catholique est divisé face au Jobs Act de Renzi. Il est important de faire ce constat au moment où Renzi a reçu en août 2015 les acclamations du mouvement catholique intégriste « Communion et Libération » lors de son meeting annuel à Rimini.

Le projet du « Workers Act » propose un nouveau modèle de développement fondé sur l’innovation, la formation, la durabilité environnementale et la justice sociale. Il propose un plan de reconversion écologique des infrastructures collectives, qui créerait 250 000 postes de travail. Comme cela ne sera pas suffisant pour absorber le chômage de masse actuel, il prône par ailleurs une redistribution de l’emploi à travers une réduction généralisée du temps de travail. En ce qui concerne le droit du travail, il propose la restauration de l’ancien article 18 du Statut des travailleurs et aussi l’abrogation de l’article 8 de la loi Berlusconi de 2011 qui permet de déroger aux conventions collectives de branche. Il propose également d’éliminer les formes d’emploi précaires et d’instaurer un salaire minimum légal au niveau des conventions collectives de branche. C’est un signe que les positions des syndicats italiens, qui étaient jusqu’ici opposés à un salaire minimum légal, commencent à évoluer.

Conclusion : Vers une « phase 2 » du Jobs Act ?

Il est trop tôt pour évaluer les effets du Jobs Act sur l’emploi. La loi prévoit un bilan un an après son entrée en vigueur. Rappelons que les allègements fiscaux sur les CDI sont en vigueur depuis janvier 2015 et le décret sur les nouveaux CDI depuis le 7 mars 2015. Le ministère du Travail s’est félicité le 27 août 2015 de bons résultats sur les sept premiers mois 2015 comparés aux sept premiers mois 2014. Après l’élimination de quelques erreurs de calcul des services de statistiques, il reste qu’effectivement les créations nettes de CDI (embauches en CDI et transformations de CDD moins les cessations de CDI) sont en hausse, mais les relations entre CDD et CDI ont peu évolué. Les embauches en CDD restent majoritaires (65 % en 2015 à la place de 66 % en 2014). Si la part des CDI a augmenté (21 % à la place de 16 % en 2014), c’est au détriment des contrats d’apprentis et de collaboration, qui sont en baisse. Le taux de chômage reste toujours très élevé (13 %) et a même augmenté pour les jeunes (43 %), en raison de la faiblesse de la croissance, qui reste proche de zéro. La mauvaise conjoncture fait également augmenter les déficits, ce qui a amené Standard & Poor’s à baisser une nouvelle fois, en décembre 2014, la note de l’Italie.

Depuis l’adoption du Jobs Act, on parle d’une « phase 2 » que le gouvernement serait en train de préparer. Il lierait une loi sur la décentralisation de la négociation collective et sur la représentativité syndicale avec l’introduction d’un salaire minimum. Aucun projet détaillé ne circule pour l’instant. La CISL a pris les devants en juillet 2015, en proposant de négocier un nouveau modèle contractuel avec la Confindustria qui réservera aux accords de branche la seule fixation des minima salariaux et de la prévoyance. Le secrétaire général de la Fiom-CGIL, Maurizio Landini, a immédiatement réagi en dénonçant cette proposition comme l’adoption du modèle Fiat. Il faut donc s’attendre à de nouvelles tensions syndicats-gouvernement, mais aussi à de nouveaux conflits entre organisations syndicales.

Sources :

Dalmasso R. (2014), « Les indicateurs de législation protectrice de l’emploi au crible de l’analyse juridique », La Revue de l’IRES, n° 82, p. 37-61.

Demos & Pi (2015), 50° Atlante Politico. Indagine Demos & Pi per la Repubblica, juin, www.demos.it/2015/pdf/3500ap50_20150620.pdf.

Ichino P. (2014) « Nel Jobs Act tracce di vecchia sinistra », Linkiesta, 9 janvier, www.linkiesta.it/jobs-act-pietro-ichino.

Ichino P. (2015), Le Contrat « à protection croissante ». Une première lecture du décret du 20 février 2015, Rapport introductif au séminaire organisé par France Stratégie, Paris, 25 mars, www.pietroichino.it/wp-content/uploads/2015/03/Paris.24III154.pdf.

Nadalet S., Turlan F. (2014), « Les syndicats aboient, la réforme du Jobs Act passe » (dossier), Liaisons sociales, 25 décembre.

OCDE (2013), « Protéger l’emploi, renforcer la flexibilité : un nouveau regard sur la législation sur la protection de l’emploi », in Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2013, Paris, Éditions de l’OCDE.

Prouet E. (2015), « Contrat de travail : les réformes italiennes », La Note d’Analyse, n° 30, France Stratégie, mai, www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/notes_danalyse_-_ndeg30_-_29.05_web.pdf.

Rehfeldt U. (2013), « Italie. Des recommandations européennes à la résistance syndicale », n° spécial, « Les syndicats face à la nouvelle gouvernance européenne », Chronique internationale de l’IRES, n° 143-144, novembre, p. 93-107.

Rehfeldt U. (2014), « Italie. Nouvel accord sur la représentativité : mérites et dangers d’une règle majoritaire », Chronique internationale de l’IRES, n° 147, septembre, p. 53-61.

Sacconi M., Biagi M. (coordinateurs) (2001), Libro bianco sul mercato di lavoro in Italia, Rome, Ministère du Travail, octobre.

Sbilanciamoci ! (2015), Workers Act. Le politiche per chi lavora e per chi vorebbe lavorare, mai.

Serra A. (2015), « Jobs Act : une flexicurité à l’italienne ?, Metis, 7 mai, www.metiseurope.eu/jobs-act-une-flexicurite-l-italienne_fr_70_art_30113.html

www.ipsoa.it

www.jobsact.lavoro.gov.it

www.adessolosai.it

Planet Labor www.planetlabor.com

Rassegna sindacale www.rassegna.it

La Repubblica, Il Sole 24 Ore, Il Fatto quotidiano, Il Manifesto

* Chercheur à l’IRES.
1. Le Statut des travailleurs, une loi adoptée en 1970, protège les travailleurs qui travaillent dans
des entreprises de plus de 15 salariés (5 dans les entreprises agricoles). Cela correspond à
seulement 3 % des entreprises italiennes, mais à environ deux tiers des effectifs salariés.
2. Confederazione Generale Italiana del Lavoro, la plus grande confédération syndicale, d’orientation
de gauche.
3. Unione Italiana del Lavoro, le plus petit des trois syndicats confédérés, de tradition socialiste et laïque.
4. Une loi d’habilitation autorise le gouvernement à légiférer dans un délai de six mois par décrets
d’application, pour lesquels une consultation des deux chambres du Parlement est obligatoire,
mais leur avis n’est pas contraignant pour le gouvernement.

5. Sous la pression des syndicats et du Parti démocrate, les juges avaient alors gardé la possibilité
d’ordonner la réintégration pour les licenciements discriminatoires dans les cas les plus graves
d’abus de licenciement disciplinaire ainsi que dans les cas de licenciement économique pour
lesquels il y a « inexistence manifeste » de justification économique

6. Lorsque Berlusconi avait retiré, en novembre 2013, son soutien au gouvernement « technique »
d’Enrico Letta, Alfano avait sauvé le gouvernement en provocant une scission du PdL et en
créant le NCD avec quelques parlementaires, parmi lesquels Maurizio Sacconi.
7. La Repubblica, 15 novembre 2014.

8. Dans une interview du 2 octobre 2014, Marchionne a dit à propos de Renzi : « Pour moi, la
chose la plus importante est d’aller dans une certaine direction, d’aller de l’avant. Donnons-lui
de l’espace, nous l’avons mis là pour cela. »
9. Pietro Ichino, un éminent juriste du travail, prône depuis longtemps une « simplification » du
droit du travail. Il est depuis 2008 sénateur, d’abord pour le Parti démocrate, puis pour la liste
Monti (« Scelta Civica ») au nom de laquelle il a lui-même présenté un projet de « Jobs Act »
en janvier 2014, avant de rejoindre de nouveau le Parti démocrate après l’arrivée de Renzi, qui
avait un moment envisagé de le nommer ministre du Travail. Comme membre de la Commission
du travail du Sénat, Ichino a continué à orienter le Jobs Act vers la version finale du CDI « à
protection croissante ».
10. Jusqu’à la révision de 2013, l’indicateur de protection était plus élevé pour l’Italie parce que
l’OCDE y avait inclus, de façon erronée, l’indemnité « trattamento di fine rapporto » (TFR),
versée automatiquement par l’employeur lors de la cessation d’emploi quel qu’en soit le motif et
pas seulement en cas de licenciement. C’est un salaire différé destiné à la prévoyance complé-
mentaire et qui n’est pas soumis à l’impôt. Depuis 2015, les travailleurs du secteur privé ont la
possibilité, à titre expérimental, de recevoir la partie du TFR par anticipation dans leur versement
de salaire mensuels, mais alors soumise à l’impôt.

11. Cela placera l’agence de placement devant un dilemme : si elle est trop laxiste avec le chômeur,
elle n’arrivera pas à le placer et tardera à toucher son chèque. Si elle est trop sévère et provoque
un refus du chômeur, elle perdra aussi le chèque et risquera en plus de perdre de futurs clients
chômeurs (Ichino, 2015). Actuellement, seulement 1 % des embauches s’effectuent par l’intermédiaire
d’une agence de placement (Serra, 2015).
12. Malgré la chute de la syndicalisation, le nombre de ses adhérents n’a jamais cessé d’augmenter,
mais ce sont les retraités qui représentent maintenant la moitié des adhérents de la CGIL et
de la CISL, la seconde confédération syndicale, d’orientation catholique. Le 19 août 2014,
La Repubblica a titré : « La CGIL abandonnée par les jeunes et les précaires », en citant un
document interne de la CGIL qui annonce une perte de 700 000 adhérents. La CGIL a démenti
cette affirmation, tout en admettant une perte de 2 %. Malgré un tassement des adhésions
depuis 2013, elle conserve 5,6 millions d’adhérents fin 2014. Quant à la CISL, elle perd aussi
des adhérents depuis 2012, tout en en conservant 4,4 millions fin 2014.
13. Cette désaffection se lit aussi bien en termes d’adhésion que de votes. Le Parti démocrate a
perdu depuis sa création en 2009 plus de la moitié de ses 830 000 adhérents d’alors. (Son
prédécesseur lointain, le Parti communiste, avait encore 1,5 million d’adhérents en 1989, avant
son changement d’appellation en Parti démocratique de gauche.) En ce qui concerne le vote, les
partis traditionnels sont maintenant concurrencés par le mouvement « Cinque Stelle » (25,5 %
des voix en 2013), mais elles souffrent aussi de la montée des abstentions.

14. Pour contrer la communication du gouvernement, la CGIL a depuis ouvert un site web www.
adessolosai.it (« Maintenant tu sais »), qui répond point par point (et dans la même présentation)
aux arguments en faveur du Jobs Act sur le site du gouvernement www.jobsact.lavoro.gov.it .

15. Jeu de mots sur le double sens de « bilanciare » (faire un bilan, équilibrer), qui fait allusion au
contre-rapport sur la loi des finances du gouvernement que Sbilanciomo ! édite tous les ans.