Bien que le premier accord d’entreprise transnational (AET) ait été signé dès les années 1980, la véritable dynamique de ces accords ne débute que dans les années 2000. Ce phénomène atteint son sommet en 2008. Depuis, on observe un ralentissement du nombre des AET annuellement négociés. Ce ralentissement est le résultat d’une évolution contrastée : une stagnation des accords-cadres internationaux (ACI) et un essoufflement des accords-cadres européens (ACE) (encadré 1). Ces tendances reflètent les difficultés à étendre ces accords à de nouvelles entreprises non seulement hors-Europe, mais aussi en Europe. En effet, un nombre croissant d’accords est signé par des entreprises qui ont déjà signé un ou plusieurs AET précédemment. Cet article cherche à actualiser un premier bilan des accords d’entreprise transnationaux (AET) réalisé il y a dix ans dans La Revue de l’IRES (da Costa, Rehfeldt, 2011a), et à mettre en lumière les facteurs qui expliqueraient ces dynamiques différentes, en partant des stratégies et pratiques des acteurs. Notre analyse se concentre sur les entreprises transnationales françaises et allemandes. Elles ont signé ensemble plus de la moitié des AET et dominent largement les dynamiques de la négociation transnationale d’entreprise. L’article souligne le rôle des procédures de négociation adoptées par les fédérations syndicales européennes et internationales qui influencent en retour les préférences et pratiques des acteurs locaux [1].
Motivations et stratégies des signataires des accords d’entreprise transnationaux
Historiquement, l’objectif de conclure des accords d’entreprise transnationaux (AET) est développé par le mouvement syndical. L’intensification de la mondialisation économique par le biais des entreprises transnationales (ETN) crée un fossé croissant entre la capacité d’action nationale des syndicats et les options stratégiques transfrontalières des ETN. Les fédérations syndicales internationales (FSI) estiment que le pouvoir accru des ETN ne peut plus être contrecarré par des instruments et stratégies purement nationaux et cherchent donc à mettre en place une négociation collective transnationale.
FSI et négociations transnationales : une protection face aux effets de la mondialisation
À partir des années 1990, les ETN, en particulier dans les industries à forte intensité de main-d’œuvre, commencent à sous-traiter une grande partie de leur production dans des pays aux coûts de main-d’œuvre moindres et aux marchés du travail peu réglementés. Ce qui entraîne une crainte de dumping social et de spirale vers le bas des salaires et des conditions de travail. Il s’ensuit un débat public qui n’a pas cessé depuis sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et les droits fondamentaux du travail. En 1998, l’OIT déclare une série de normes fondamentales du travail contraignantes pour tous ses États membres. Celles-ci concernent la liberté d’association, le droit de négociation collective, l’interdiction du travail des enfants, du travail forcé et la non-discrimination. Tout comme l’ensemble des conventions de l’OIT, la Déclaration de 1998 n’engage que les États. Pour les FSI, la signature d’accords-cadres internationaux (ACI) constitue donc une voie pour engager directement aussi des entreprises, conjointement avec d’autres outils comme les codes de conduite éventuellement édictés de façon unilatérale.
Les approches et objectifs concrets des FSI varient en fonction de la situation du secteur dans lequel ils opèrent (Hammer, 2005 ; Telljohann et al., 2009). Dans les chaînes de valeur à faible syndicalisation, la priorité des FSI est de garantir les droits des travailleurs des fournisseurs et sous-traitants, tandis que dans les entreprises dotées de syndicats forts dans le pays d’origine, les FSI sont plus intéressées par l’établissement d’une relation continue avec la direction d’une ETN, que ce soit à travers les commissions bilatérales de suivi de l’accord ou la création d’une instance transnationale de représentation des salariés de l’ETN (voir infra). Des variétés d’approche à l’égard des ACI existent aussi au sein d’une même FSI. Les affiliés des pays ayant une tradition plus conflictuelle sont davantage susceptibles de considérer les ACI principalement comme un outil d’organisation, tandis que les syndicats de pays ayant une tradition de relations professionnelles institutionnalisées et plus coopératives sont plus enclins à considérer les ACI comme une étape vers une relation continue avec la direction.
Au début, les FSI considéraient parfois la conclusion des ACI comme un objectif en soi. Cet objectif était de créer une masse critique d’ACI afin de faire pression sur les entreprises hésitantes et aussi sur les institutions internationales pour qu’elles adoptent des règles plus contraignantes. La signature d’un grand nombre d’ACI devait aussi légitimer le travail des FSI vis-à-vis de leurs affiliés. Il y avait alors une forte compétition entre les grandes FSI pour signer le plus grand nombre d’ACI. Cette compétition a maintenant cessé, car les FSI considèrent qu’il est plus important d’avoir des accords de qualité effectivement mis en œuvre que de faire signer un grand nombre de textes. Après une évolution critique des pratiques passées, les FSI ont resserré les conditions nécessaires à la signature d’un ACI. Dans ses lignes directrices de 2012, la FSI IndustriAll a ajouté la neutralité de la direction lors d’une campagne de syndicalisation, ainsi que le droit d’accès aux différentes filiales de l’ETN et des mécanismes efficaces de mise en œuvre et de suivi comme condition préalable à la signature des futurs ACI (IndustriALL Global Union, 2012).
FSE et CEE, du soutien initial à la montée des divergences
En ce qui concerne les accords-cadres européens (ACE), les motivations syndicales initiales reflètent une réaction à une série de fermetures d’usines par les ETN qui montrent leur capacité croissante à transférer la production d’un pays à un autre. Pour soutenir des actions syndicales face ce défi, la Commission européenne promet de créer de nouveaux outils légaux, depuis le projet de directive Vredeling de 1980 jusqu’à la directive CEE en 1994. Alors que le premier projet vise explicitement à rendre possible une négociation transnationale avec une ETN, la directive finalement adoptée se contente de créer une instance transnationale d’information et de consultation. Cette dernière ouvre toutefois la possibilité de conclure un accord avec l’ETN pour modifier un projet initial de restructuration. Dans leurs pratiques, la majorité des CEE n’a pas réalisé cette intention ambitieuse. Une petite minorité de CEE a cependant commencé à négocier des ACE. Dans un premier temps, ces négociations sont favorablement suivies par la Confédération européenne des syndicats (CES) et les FSE qui leur offrent ponctuellement leur soutien. La Fédération européenne de la métallurgie (FEM) et d’autres fédérations syndicales européennes (FSE) commencent alors à mettre en place un système de coordination avec les CEE, en créant un groupe de coordinateurs syndicaux à cet effet. En 2004, la FEM met pour la première fois en place un « groupe de coordination syndicale » pour négocier conjointement avec le CEE un ACE de restructuration qui devait servir ensuite de modèle à l’adoption d’un document programmatique sur les « restructurations socialement responsables » adopté en 2005 (da Costa, Rehfeldt, 2009).
Au même moment cependant, la FEM commence à fortement contester la légitimité des CEE pour négocier et signer de tels accords. Lorsque la Commission européenne annonce en 2005 vouloir élaborer un « cadre juridique facultatif » pour la négociation collective transnationale, les FSE et la CES demandent de réserver aux FSE le droit de signer des ACE, comme cela existe déjà pour les accords collectifs européens au niveau sectoriel et interprofessionnel. En 2006, la FEM adopte une procédure de mandatement syndical qui lui donne la possibilité de négocier et de signer un AET au nom de ses affiliés présents dans l’ETN. D’autres FSE adoptent des procédures similaires. Celle de la FEM est une double procédure de mandats que les syndicats présents dans les filiales de l’ETN doivent d’abord lui donner pour entamer une négociation et ensuite pour valider et signer l’accord négocié. La négociation elle-même doit être menée par une équipe restreinte avec la participation d’un représentant du secrétariat de la FEM. Elle peut comporter des membres syndiqués du CEE. Après validation, l’accord est signé par le seul secrétaire général de la FEM ou son représentant. À la suite de la fusion de la FEM avec deux autres FSE en 2012, la nouvelle fédération IndustriAll Europe adopte en 2016 des règles similaires, tout en reconnaissant un rôle plus important au CEE, qui doit ainsi être impliqué dès le début dans le processus de négociation. Des membres syndiqués du CEE sont maintenant vus comme une composante régulière du groupe de négociation. Ils doivent toutefois être mandatés par leurs organisations syndicales respectives, tout comme les permanents syndicaux désireux de participer à ce groupe (IndustriAll Europe, 2016).
Les motivations des directions signataires d’AET
Comme les AET sont des accords contractés sur une base volontaire, il est essentiel de comprendre les motivations de l’autre partie contractuelle, à savoir les directions des ETN qui ont accepté de signer des AET. En relation avec l’extérieur, l’AET peut être utilisé comme un outil de communication qui renforce la réputation de l’entreprise en matière de RSE. Il envoie des signaux aux médias, aux consommateurs et aux investisseurs pour montrer que l’entreprise respecte les normes sociales et environnementales. Un AET peut également être utilisé par l’entreprise pour développer une culture de dialogue social et d’entretien de bonnes relations avec les représentants des salariés. Il peut aussi être utilisé pour la coordination transnationale et l’harmonisation de la politique de ressources humaines (RH) de l’ETN (Barraud de Lagerie et al., 2020 ; Bourguignon et al., 2019). La négociation et la mise en œuvre d’un AET sont souvent accompagnées par la mise en place d’un réseau de responsables RH des filiales étrangères. C’est parfois l’occasion d’initier un benchmarking interne des pratiques de RH au sein d’une ETN (Frapard, 2018). Les commissions de suivi paritaire et les procédures de reporting se révèlent utiles pour vérifier si des règles communes sont appliquées localement (Bourguignon, Mias, 2017). L’AET peut aussi réduire les coûts de transaction dans la gestion des restructurations transnationales par la création d’un canal de dialogue transnational. De telles motivations expliquent pourquoi ce sont souvent les directions d’ETN et non les syndicats qui prennent l’initiative de négocier un AET (Leonardi, 2015). Un rapport commun de BusinessEurope et de la CES montre que les initiatives de négocier un ACE émanent souvent des deux côtés, chaque partie y voyant des possibilités de gains (CES, Business-Europe, 2018).
Un inventaire des accords signés jusqu’en 2020
Plus de la moitié des 384 accords d’entreprise transnationaux (AET) signés entre 1988 et 2020 sont des accords-cadres internationaux (ACI ; 218) et le reste des accords-cadres européens (ACE ; 166). Beaucoup d’AET ont une validité limitée dans le temps ou sont devenus caducs parce que les entreprises signataires ont disparu par fusion ou acquisition. Nous ne les avons cependant pas exclus de notre inventaire (encadré 2), car nous sommes ici davantage intéressés par les processus de négociation que par la validité des accords.
Les accords-cadres internationaux
Il y a une forte dimension européenne dans les ACI. Parmi les 218 ACI, 187 ont été signés par 166 ETN européennes (tableau 1 et graphique 1). Elles ont pour l’essentiel leur siège en Europe continentale (seuls cinq ACI ont été signés par trois ETN britanniques). À partir de 2002, un petit nombre d’ACI (31 au total) est signé par des ETN non européennes. Certains de ces ACI ont un champ d’application limité à l’Amérique latine ou à l’Asie. Depuis 2015, il n’y a plus d’ACI signé avec une nouvelle ETN non européenne. Le faible nombre d’ETN nord-américaines s’explique par une culture antisyndicale largement répandue aux États-Unis et au Canada.
Ce sont des entreprises françaises et allemandes qui dominent, ainsi que des entreprises scandinaves. 10 des 55 ACI français ont été signés par une seule entreprise, Danone.
Trois FSI jouent un rôle de premier plan dans la négociation des ACI : IndustriAll (101 ACI), Union Network International (UNI : 67 ACI) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB : 30 ACI) [2]. Les entreprises signataires des ACI sont concentrées dans l’industrie manufacturière, avec un rôle de premier plan du secteur de la métallurgie (45 ACI) et de la chimie (30), mais aussi du bâtiment (20). Seuls 9 ACI sont signés dans l’industrie du textile-habillement [3]. Dans le secteur des services, il y a une concentration dans les communications (19 ACI), le commerce (12 ACI) et le secteur financier (12 ACI).
En moyenne, chacune des ETN a signé deux ACI. Ceci s’explique d’abord par le fait que beaucoup d’ACI sont signés d’abord pour une durée limitée et sont ensuite renouvelés. Ces renouvellements sont généralement l’occasion de réviser l’accord, en élargissant les thèmes ou le périmètre de validité. L’extension la plus fréquente est l’inclusion des fournisseurs et des sous-traitants dans la garantie des droits fondamentaux. La majorité des ACI contient désormais une telle extension. Un nombre croissant d’ACI, au total un quart d’entre eux (48), sont des renouvellements ou révisions (graphique 2) [4]. Beaucoup d’ACI contiennent d’autres thèmes que les droits fondamentaux. De plus en plus d’ACI, 31 au total, portent sur des thèmes spécifiques, parmi lesquels les plus nombreux sont la santé-sécurité (8) et le harcèlement (5). Un rapport sur les ACI signés par les ETN françaises (Bourguignon, Mias, 2017) identifie une progression chronologique des types d’ACI suivant un processus d’apprentissage qui commence par une approche « instituante » (ACI uniquement sur les normes du travail), en passant par une approche « constitutionnelle » (ajoutant d’autres thèmes aux premiers) et aboutissant enfin à une approche « instrumentale » (avec des thèmes spécifiques correspondant à certaines politiques RH).
28 ACI ont été cosignés par un comité d’entreprise européen (CEE) ou un comité d’entreprise mondial (CEM), 21 dans l’industrie métallurgique, presque tous par des ETN métallurgiques allemandes, principalement du secteur automobile. La cosignature par un CEE ou CEM caractérise la majorité des accords signés par des entreprises allemandes, mais aussi quelques ETN non allemandes, dont deux constructeurs automobiles français. Après 2013, le nombre d’ACI cosignés par un CEE diminue. Cette évolution est clairement liée à la diminution des ACI signés par des ETN allemandes (graphique 4). Au-delà de la signature formelle, les CEE jouent souvent un rôle important dans la préparation et le suivi des ACI signés par des ETN européennes. La grande majorité de ces ACI ont été signés par une ETN qui avait précédemment installé un CEE. Les 22 ACI signés par 12 ETN espagnoles constituent une exception importante à cet égard.
Comités d’entreprise mondiaux et réseaux syndicaux internationaux
La mise en place d’une représentation transnationale des salariés et la signature d’AET sont historiquement et stratégiquement liées. Déjà dans les années 1960, les fédérations syndicales internationales (FSI) ont créé des « conseils mondiaux » afin de coordonner l’action syndicale au sein des ETN. Ces instances sont alors composées de permanents syndicaux nationaux et internationaux (Rehfeldt, 1993). Après l’adoption de la directive CEE et la prolifération des CEE, la Fiom procède à une évaluation critique de l’expérience des conseils mondiaux et recommande la création de « comités d’entreprise mondiaux » (CEM) composés à la fois de salariés des ETN et de responsables syndicaux mandatés par la FSI. Aujourd’hui, il existe une vingtaine de CEM. La plupart d’entre eux ont été créés par la Fiom, qui a maintenant intégré IndustriAll. Certains ont d’abord été créés de façon informelle, puis ont été consolidés par la signature d’un ACI ou d’un accord spécial avec une FSI. D’autres ont été créés par élargissement d’un CEE existant. Dans certaines ETN, des instances transnationales spécialisées ont été créées dans le cadre d’un ACI sur la santé-sécurité.
Les CEM restent controversés au sein du mouvement syndical. Les syndicats de pays dotés de systèmes de relations professionnelles à canal unique [5], en particulier d’Amérique du Nord, sont souvent opposés à des instances dans lesquelles des représentants syndicaux pourraient coexister avec des représentants élus non syndiqués. Pour cette raison, une FSI comme l’UNI évite généralement d’utiliser le terme CEM et préfère mettre en place des réseaux syndicaux qu’elle appelle « alliances syndicales internationales » et qui regroupent des permanents et des salariés d’une même ETN. Les FSI qui ont convergé dans IndustriAll ont également créé un certain nombre de ces réseaux syndicaux. Malgré les différences de vocabulaire, il existe une certaine convergence stratégique entre les FSI, puisque l’objectif final de la création d’un réseau est de le faire reconnaître comme interlocuteur par la direction de l’ETN et de financer ainsi ses réunions.
Les accords-cadres européens
Nous avons identifié 166 ACE signés par 74 ETN. Ce nombre doit cependant être considéré comme une évaluation minimale car il n’y a aucune obligation de notifier un ACE (encadré 2). Ces accords traitent une plus grande variété de thèmes que les ACI. Les restructurations sont le thème principal de 64 ACE, qu’il faut ici entendre au sens plus large d’« anticipation du changement ». Plus de la moitié (35) de ces accords ont été signés par des ETN françaises. Dans des études précédentes (da Costa, Rehfeldt, 2011b, 2012), nous avons distingué deux types d’accords : les accords substantiels et les accords de procédure (graphique 7) [6]. Ces derniers sont influencés par la législation française sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GEPC) de 2005-2006 et sont signés presqu’exclusivement par des ETN françaises. Les autres principaux thèmes des ACE sont la responsabilité sociale des entreprises (RSE), la formation, la santé-sécurité, l’égalité et le dialogue social.
À la différence des ACI, les ETN françaises dominent nettement (tableau 1), qui signent plus de la moitié des ACE et même plus des deux tiers dans la dernière décennie. La majorité d’entre elles sont issues d’anciennes entreprises nationalisées. Ces ETN sont généralement marquées par des directions RH ouvertes à la négociation [7]. Les ETN allemandes viennent loin derrière, avec 27 ACE signés par 15 ETN [8]. On pourrait ajouter aux 27 ACE allemands les 15 ACE signés entre 2000 et 2010 par deux filiales européennes d’entreprises américaines, General Motors et Ford, car toutes deux avaient leur siège opérationnel en Allemagne et une direction des RH en grande partie allemande [9]. Les ETN signataires des autres ACE viennent d’un petit nombre de pays. Ce nombre est plus petit que pour les ACI, car aucune ETN néerlandaise et aucune des nombreuses ETN nordiques signataires d’ACI n’asigné d’ACE. La préférence des ETN nordiques pour les ACI peut s’expliquer par l’intérêt particulier que l’on porte dans leurs pays d’origine au respect des droits fondamentaux dans le Tiers-monde, mais elle peut aussi être interprétée comme l’expression d’un « euroscepticisme » et d’une priorité donnée par les syndicats, notamment suédois, à la consolidation de la négociation collective nationale.
Les parties signataires des ACE sont plus diverses que celles des ACI (graphique 3). La grande majorité des ACE (121 sur 166) a été signée par un CEE (ou un organe similaire), plus de la moitié (85) par un CEE seul. 23 ACE ont été signés par une FSE seule, 21 par des ETN françaises, mais aucun par une ETN allemande. Presque tous les ACE allemands sont en revanche signés par un CEE, soit seul, soit en combinaison avec d’autres acteurs (tableau 2). Ces différences sont l’effet des spécificités nationales des relations professionnelles des deux pays (Rehfeldt, 2013 ; Platzer, Rüb, 2014). Les ETN allemandes préfèrent négocier avec des comités d’entreprise, une (faible) majorité des ETN françaises avec des représentants syndicaux [10].
La dynamique divergente des ACE et le rôle des procédures de mandatement
Dans notre premier inventaire des accords d’entreprise transnationaux (AET) de 2011, nous avions identifié un nombre total de 226 AET, répartis de façon presque égale entre 115 accords-cadres internationaux (ACI) et 111 accords-cadres européens (ACE), tout en montrant que ce nombre était le résultat de dynamiques distinctes. Les différences entre les dynamiques se sont accentuées depuis. Le graphique 1 fait apparaître une forte croissance des AET signés annuellement dans les années 2000 avec un pic en 2008, suivi d’un ralentissement dans la décennie suivante. Ce ralentissement est le résultat d’une stagnation des ACI et d’un fort recul du nombre des ACE signés chaque année. Ce recul des ACE est en grande partie un effet de l’adoption des procédures de mandatement par les fédérations syndicales européennes (FSE).
Un recul continu des ACE durant la dernière décennie…
Seule une minorité d’entreprises transnationales (ETN) signataires d’AET ont signé à la fois un ACI et un ACE. La plupart d’entre elles ont signé un ACE d’abord et un ACI ensuite. Nous avons déjà signalé que les ETN de certains pays d’origine n’ont signé que des ACI et aucun ACE. Ces mêmes divergences apparaissent aussi à l’intérieur de chaque pays d’origine. Chez les ETN allemandes, on observe une préférence pour les ACI, interrompue toutefois par une brève période de rattrapage de signature d’ACE qui a atteint son pic en 2006-2007 (graphique 4). À partir de ce moment commence une chute des ACE, suivie d’un recul des ACI également. Sur l’ensemble de la période 1988-2020, les 45 ETN françaises signataires d’AET ont signé davantage d’ACE que d’ACI (graphique 5), avec une répartition plus équilibrée : 17 ont signé uniquement des ACE, 13 uniquement des ACI, et 15 à la fois des ACE et des ACI. Le développement des ACI est ici plus constant, pendant que le nombre des ACE marque la même ascension jusqu’en 2010 suivie d’une chute rapide. À partir de 2012, le nombre total d’ACI augmente et dépasse celui des ACE en fin de période. Comme les ETN françaises et allemandes dominent largement la dynamique de l’ensemble des AET, le nombre total des signatures annuelles d’ACI commence à dépasser celui des ACE à partir de 2012 (graphique 1).
La dynamique continue des ACI cache le fait qu’il s’agit pour au moins un quart d’entre eux de renouvellements, ce qui ne veut pas dire que l’activité de négociation des FSI s’est ralentie. Cette activité peut en effet être aussi intense pour la renégociation d’un accord arrivé à son terme que pour la négociation d’un nouvel accord. Comme nous l’avons souligné, les ACI sont rarement renégociés à l’identique, mais sont généralement enrichis par de nouveaux thèmes ou procédures de suivi. Ce qui pose vraiment problème est le recul continu du nombre d’ACE. Sans les nombreux accords multiples signés par la même ETN, il apparaîtrait encore plus fortement (graphique 6). Manifestement, il devient de plus en plus difficile de trouver de nouvelles ETN prêtes à négocier un AET. Cette difficulté est particulièrement patente pour les ACI des ETN non européennes.
Comment expliquer ces ralentissements ? Il faut d’abord souligner que l’hostilité à l’égard des AET de beaucoup de directions d’ETN n’a pas disparu. Des rapports récents (ITC-ILO, 2018 ; ILO, 2018) rassemblent les arguments des directions contre la négociation d’AET. Ils reflètent la préférence pour des politiques sociales décentralisées et la crainte qu’un AET limite la marge de manœuvre du management local et puisse créer des conflits entre lui et le management central [11]. Il existe également un scepticisme quant à la valeur ajoutée des ACI par rapport à d’autres instruments tels que les codes de conduite, qui s’avèrent plus simples à élaborer.
S’agissant des ACI, leur ralentissement semble inévitable, une fois que les fédérations syndicales internationales (FSI) ont décidé de donner la priorité à la qualité des accords et à leur mise en œuvre effective. Comme elles ont également décidé d’ajouter de nouveaux critères au contenu minimum d’un ACI, les négociations deviennent aussi plus difficiles. Les FSI ne disposent que d’un petit nombre de permanents : la multiplication des ACI a donc créé une augmentation des tâches de suivi qui affaiblissent leur capacité à prospecter et négocier de nouveaux ACI. Les FSE sont mieux dotées en personnel, mais elles doivent remplir des tâches plus nombreuses, notamment la consultation et la négociation au niveau sectoriel et interprofessionnel, ainsi que la coordination des CEE. Paradoxalement, c’est l’échec de leur ambition de négocier seules les ACE qui a soulagé leurs tâches de suivi des accords, puisque dans la majorité des cas, ce suivi est assuré par les CEE. La disponibilité des CEE et de leurs comités restreints a d’ailleurs amené les FSI à leur confier des tâches de suivi de certains ACI.
La baisse du nombre annuel d’ACE peut s’expliquer en partie par le retour des négociations au niveau national ou local que nous avons pu observer après la crise de 2008-2011 dans les ETN de l’automobile qui étaient auparavant pionnières de la négociation d’ACE substantiels en matière de restructuration. Depuis 2011, il y a également une forte diminution des ACE procéduraux de restructuration (graphique 7). Comme ce type d’accord était majoritairement porté par des ETN françaises, il en résulte un recul de l’ensemble des ACE qu’elles signent chaque année.
… attribuable aux procédures de mandatement
Une grande partie de la diminution du nombre d’ACE peut être interprétée comme un effet involontaire de l’ambition des FSE de négocier seules les ACE. On constate en effet qu’une diminution du nombre d’ACE allemands intervient au lendemain de l’adoption de la procédure du mandatement par la FEM (graphique 4). Même si ces règles ont été formellement votées par les affiliés nationaux et sont maintenant incorporées dans les statuts d’IndustriAll Europe, les FSE n’ont pas réussi à en imposer le respect à leurs affiliés, notamment allemands, ni aux CEE qui ont continué à négocier seuls des ACE (graphique 8). La fédération allemande de la métallurgie, IG Metall, a parfois verbalement désavoué les négociations menées par des CEE des ETN allemandes, mais n’a aucun pouvoir pour les interdire (Müller et al., 2011, 2013). Quant à la fédération allemande de la chimie, IG BCE, elle se montre parfois bienveillante à l’égard de telles négociations, comme celles des ACE de Bayer en 2014 et 2018, qui sont destinées à être déclinées par des accords nationaux. Il se peut toutefois que la procédure mise en œuvre par la FEM ait pu créer une certaine gêne chez les CEE, qui avaient l’habitude de négocier seuls, sans pour autant les inciter à changer de pratique. Est-ce que cela a poussé les ETN allemandes et leurs CEE vers une plus grande informalité de leurs relations contractuelles qu’on avait déjà observée auparavant ? Nous n’avons pas été en mesure de vérifier si ces acteurs négocient toujours autant d’accords tout en leur faisant moins de publicité, en se contentant par exemple de les enregistrer dans le procès-verbal des réunions du CEE. Ce que l’on peut constater est que le nombre d’ACE signés par des ETN allemandes et répertoriés dans la base de données de la Commission ou signalés dans la presse a incontestablement diminué.
Les nouvelles règles des FSE semblent gêner aussi les directions de certaines ETN françaises qui étaient initialement enthousiastes à l’idée de négocier selon ces nouvelles modalités. La négociation avec la FEM présentait en effet l’avantage de se dérouler avec un interlocuteur unique et non pas avec une multitude d’organisations syndicales. Le besoin de trouver un consensus entre les interlocuteurs syndicaux était ainsi renvoyé à la coordination européenne et, en dernière analyse, au secrétariat de la FEM. 17 ACE ont ainsi été négociés avec la FEM ou IndustriAll Europe entre 2006 et 2017 par 7 ETN françaises ou assimilées (Areva, Schneider Electric, ArcelorMittal, Thales, Alstom, Safran, Engie) (graphique 9). Ces négociations sur la base d’un mandatement se sont arrêtées brusquement en 2017. Comment expliquer cet arrêt ? Il faut d’abord mentionner l’absorption des permanents syndicaux par d’autres tâches imposées par les agendas nationaux et européens. En même temps, des doutes ont émergé quant à l’efficacité de la voie choisie. Le programme d’action adopté par le congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES) à Vienne en 2019 admet l’échec des procédures internes des FSE pour promouvoir des pratiques communes, en constatant que durant les cinq dernières années, la moitié des AET continue à être signée, comme auparavant, par des CEE (CES, 2019:point 139).
Dans une enquête récente (Delahaie, Guillas-Cavan, 2020), des directions d’ETN françaises soulignent que la procédure d’IndustriAll Europe ne présente pas que des avantages et annoncent qu’ils privilégient désormais la négociation d’ACI avec une FSI parce qu’elle permet plus de souplesse. En effet, cette procédure prévoit que l’accord négocié soit adopté au niveau national de façon unanime ou au moins par une majorité des deux tiers (IndustriAll Europe, 2016). Cela donne à une organisation syndicale qui représenterait plus d’un tiers des salariés en France un pouvoir de véto plus important que le droit d’opposition selon la législation française [12]. Les exigences procédurales de la FSI IndustriAll Global sont moins sévères. Pour débuter une négociation, IndustriAll Global se contente d’une simple information des affiliés et, pour l’adoption de l’accord, de la ratification par la moitié des représentants syndicaux des différents pays concernés représentant la moitié des effectifs (IndustriAll Global Union, 2012).
Utilité et valeur juridique des accords d’entreprise transnationaux
Les accords d’entreprise transnationaux (AET) se sont développés malgré l’absence de cadre juridique. À la différence de certains accords européens sectoriels et interprofessionnels négociés sur la base des traités de l’Union européenne, ils ne sont pas juridiquement contraignants au plan national sauf s’ils sont mis en œuvre par un accord collectif. Les études juridiques sur les AET se concentrent sur la validité juridique de ces accords ainsi que sur les mécanismes de résolution des conflits qui sont susceptibles d’en découler. Certain juristes (p.e. Moreau, 2018) estiment cependant que leur mise en œuvre effective par les dirigeants locaux et des représentants des salariés est plus importante que leur statut juridique. Une étude de cas récente sur la mise en œuvre des accords-cadres internationaux (Guarriello, Stanzani, 2018) montre que dans la pratique, les conflits sont généralement résolus de manière informelle. À notre connaissance, aucun conflit sur un AET n’a encore été porté devant un tribunal. La plupart des responsables syndicaux interrogés expriment leur préférence pour une résolution consensuelle des conflits, de façon à ne pas entraver la poursuite d’un dialogue régulier avec la direction de l’entreprise transnationale (ETN). Dans le cadre de cet article, nous n’avons pas pu explorer toutes les potentialités des AET. Une grande partie de leur efficacité potentielle dépend de leur mise en œuvre. Une étude récente (Delahaie, Guillas-Cavan, 2020) a montré que celle-ci a posé problème même dans les filiales françaises d’ETN françaises, ce qui va à l’encontre de la présomption selon laquelle les AET seraient avant tout un outil pour les salariés des filiales à l’étranger qui seraient moins protégés par le droit ou les accords collectifs qu’en France.
Conclusion : un cadre juridique européen pour la négociation d’accords d’entreprise transnationaux ?
En 2005, la Commission européenne a annoncé vouloir élaborer un « cadre juridique facultatif » pour la négociation d’accords d’entreprise transnationaux (AET). Après avoir lancé une série de travaux juridiques entre 2006 et 2011, elle s’est contentée de lancer une consultation publique sur un document de travail mais a renoncé à proposer un outil juridique. Les organisations d’employeurs, en particulier BusinessEurope, ont exprimé leur opposition à toute forme de cadre juridique, même facultatif, arguant que cela dissuaderait les entreprises transnationales (ETN) de signer de nouveaux AET. Après avoir proposé une décision du Conseil comme outil juridique, la Confédération européenne des syndicats (CES) a finalement abandonné la recherche d’une législation européenne qui garantirait que les fédérations syndicales européennes (FSE) soient les seuls acteurs autorisés à négocier et à signer des accords-cadres européens (ACE). À la place, elle a annoncé, dans son programme d’action 2019-2023, vouloir négocier, conjointement avec les FSE, un accord-cadre tripartite (CES, 2019, point 149), sans toutefois préciser avec quels partenaires. Par cet accord, elle cherche à obtenir un effet juridiquement contraignant uniquement pour les AET dont les parties signataires le demanderaient expressément. On peut être dubitatif sur les chances d’aboutir d’une telle démarche, sachant que les positions de BusinessEurope ont peu changé sur cette question. La CES a aussi annoncé qu’elle établira désormais sa propre base de données sur les AET, qui comportera, contrairement à la base de données de la Commission européenne et de l’OIT, uniquement des AET signés par des FSE et des FSI. Elle demandera également à la Commission et à l’OIT de retirer de leur base de données tous les accords signés par d’autres parties que les FSE et les FSI (CES, 2019, point 152). Cela ne revient-il pas à casser le thermomètre au lieu de rechercher les origines de la maladie pour pouvoir la guérir ?
Udo REHFELDT*
Sources :
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*Chercheur associé à l’Ires.
[1]. L’article se concentre sur les grandes dynamiques des AET. Pour l’analyse des dynamiques propres à certaines thématiques négociées, nous renvoyons à nos publications précédentes, notamment sur les restructurations, ainsi qu’aux autres études répertoriées en bibliographie.
[2]. La fédération IndustriAll est issue d’une fusion de la Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie (Fiom) avec les fédérations de la chimie-énergie-mines et du textile-habillement. La fédération UNI est issue d’une fusion de la fédération des employés des services avec celles des communications, des médias et du livre. IBB est issue d’une fusion de la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois avec la Fédération mondiale des organisations de la construction et du bois, anciennement affiliée à la Confédération mondiale du travail.
[3]. Après l’effondrement du Rana Plaza (Bangladesh) en 2013, un accord multi-entreprises a été signé par 32 ETN de la filière textile et renouvelé en 2017. Ces deux accords traitent de la reconstruction de l’usine, du respect des conditions de sécurité et du droit de syndicalisation dans un seul pays et n’entrent donc pas dans notre inventaire.
[4]. Nos informations sur ces renouvellements sont souvent incomplètes. Les syndicats norvégiens, par exemple, ont eu tendance à renouveler certains ACI tous les deux ans, mais n’ont pas toujours rendu ce renouvellement public. Comme nous l’avons indiqué dans l’encadré, notre déficit d’information provient du fait que la base de données commune des FSI, qui était notre principale source pour les ACI, à côté de celle de la Commission européenne, n’est plus accessible depuis 2016.
[5]. Le canal unique désigne la représentation des salariés par le syndicat à tous les niveaux du système des relations professionnelles. Il s’oppose à un modèle dual, dans lequel un deuxième canal de représentation a été instauré par la législation au niveau de l’établissement et de l’entreprise. C’est en Allemagne que cette représentation a d’abord émergé en 1920 sous le nom de conseil d’établissement. La double représentation caractérise aujourd’hui une majorité de pays européens, mais le canal syndical unique résiste dans certains pays, notamment au Royaume-Uni, en Italie et dans les pays scandinaves.
[6]. Il n’est pas toujours aisé de distinguer ces deux types, car beaucoup d’accords substantiels contiennent aussi des procédures de mise en œuvre et certains accords de procédure contiennent également des engagements substantiels.
[7]. Les ACE d’ArcelorMittal, de Dexia ainsi que ceux de Solvay signés en 2018 et 2020 peuvent être assimilés à cette catégorie. ArcelorMittal est issu d’Usinor-Sacilor et a maintenant son siège à Luxembourg. Le siège de Dexia a été transféré en Belgique. Solvay est une entreprise historique belge, mais sa direction centrale et sa direction sociale sont devenues françaises en 2011 après la fusion avec Rhodia qui était issue de l’ancienne entreprise nationalisée Rhône-Poulenc (Rehfeldt, 2018).
[8]. Comme pour les ACI, on a inclus dans les ETN françaises et allemandes à chaque fois l’entreprise franco-allemande EADS.
[9]. Plus aucun ACE n’a été signé par ces deux entreprises depuis. General Motors Europe a été vendu à PSA en 2017.
[10]. Les préférences des ETN françaises sont plus variées. Une forte minorité des ACE français (22 sur 85) a été signée par un CEE seul (graphique 9). Elles comprennent 5 ACE signés par EADS, avant que celle-ci ne signe en 2010 un ACE de procédure avec ses syndicats nationaux qui donne un mandat de négociation à un « groupe spécial de négociation » (GSN) composé de représentants mandatés par les syndicats nationaux, sauf pour les représentants allemands, qui seront mandatés par le conseil central d’entreprise. Les deux coprésidents (salariés) du comité d’entreprise européen (CEE) et un représentant de la Fédération européenne de la métallurgie (FEM) seront également membres de ce GSN. Il s’agit manifestement d’un savant compromis entre les deux coutumes nationales et les nouvelles exigences procédurales de la FEM.
[11]. De tels conflits ont effectivement eu lieu dans des filiales américaines d’ETN qui ont signé un ACI garantissant la neutralité du management dans des campagnes de syndicalisation.
[12]. En France, les syndicats qui représentent plus de 50 % des salariés lors des élections professionnelles ont le droit de s’opposer à la validité d’un accord d’entreprise conclu par d’autres syndicats. Il faut ici ajouter que la procédure IndustriAll Europe stipule aussi que des syndicats représentant moins de 5 % des effectifs globaux de l’ETN ne peuvent pas bloquer la négociation ou l’adoption d’un accord. Cet ajout était destiné à empêcher le véto d’un syndicat d’une petite filiale à l’étranger, mais il empêchera difficilement le véto d’un syndicat qui représenterait plus d’un tiers des salariés dans une maison-mère qui concentrerait l’emploi européen de cette ETN.