La plupart des travailleurs américains (si l’on exclut la tranche des 5 ou 10 % de salariés les mieux payés) connaissent depuis la moitié des années 1970 une quasi-stagnation de leurs salaires réels, à l’exception notable de la période de boom économique de la seconde moitié des années 1990. Les concessions salariales réclamées par les employeurs dans le cadre de la négociation collective d’entreprise ont, à partir des années 1980, conduit les syndicats à accepter à chaque récession la modération salariale pour défendre l’emploi, logique d’échange qui ne s’est pas démentie depuis. Le mode d’ajustement lors de la « grande récession » (2007-2009) a néanmoins davantage touché le volume d’emplois et d’heures travaillées que les salaires, qui pourraient pâtir de la crise mais avec des effets retardés. Nous examinons dans une première partie la dynamique des salaires en longue période et ses principaux facteurs explicatifs (I), en pointant le décrochage de la croissance des salaires réels par rapport à celle de la productivité du travail à partir de 1973 et la forte hausse concomitante des inégalités de salaire. Nous analysons dans une deuxième partie l’influence, au demeurant limitée, de l’Etat dans le processus direct de formation des salaires (II). Nous identifions et caractérisons dans une troisième partie les deux cycles successifs de « concession bargaining » (ou négociations de contreparties), initiés à l’occasion des récessions survenues au début des années 1980, 1990 et 2000 (III), pour mieux mettre en évidence dans une dernière partie la spécificité du troisième cycle de « concession bargaining » lié à la « grande récession » et ses effets sur l’évolution des salaires (IV).