En 2015, 1,1 million de réfugiés sont arrivés en Allemagne et quelque 450 000 demandes d’asile ont été enregistrées. La vague actuelle de demandeurs d’asile est la plus importante dans l’histoire de la République fédérale. À la différence de bon nombre de ses homologues européens, le gouvernement allemand – et notamment la Chancelière Merkel qui l’a érigé en priorité de son action – a insisté à la fois sur la nécessité de garantir un accueil digne aux personnes fuyant les guerres au Moyen-Orient et de trouver une réponse européenne à la dimension humanitaire de cette vague dont la gestion défaillante s’est muée en crise politique européenne majeure.
Cet article cherche à saisir la dynamique politique sur la question de l’arrivée des réfugiés en Allemagne et d’en discuter quelques-unes de ses conséquences. Au cours de l’analyse apparaît un déplacement très net dans les enjeux qui dominent le débat public. Dans un premier temps animée par la volonté – portée par une coalition entre le gouvernement et divers acteurs sociaux – d’inscrire les registres d’action dans une perspective d’hospitalité 1, l’Allemagne est désormais préoccupée – sur fond de difficultés de gestion de l’arrivée des demandeurs d’asile par les pouvoirs publics et d’incertitude sur une gestion commune des flux avec les partenaires européens – par la manière dont elle peut réduire le nombre de réfugiés. Ce déplacement est ici analysé comme le passage d’un « épisode 2 » politique à un autre dans l’événement global de l’arrivée en masse des réfugiés depuis 2014. Comment les réponses politiques récentes du gouvernement Merkel – restrictions du droit d’asile et multiplication d’initiatives européennes – s’inscrivent-elles dans le jeu des acteurs nationaux ?
Depuis 2014 : l’émergence d’une coalition autour de l’enjeu de l’hospitalité
S’il est beaucoup question de l’Allemagne comme un « pays d’immigration » depuis quelques années, le droit d’asile est resté en marge de la désormais officielle « culture de bienvenue et de reconnaissance », qui s’adresse en priorité aux migrants hautement qualifiés. C’est au moment de l’arrivée en masse de réfugiés de guerre et de la forte hausse des manifestations xénophobes que la Chancelière a multiplié les appels à un accueil digne aux demandeurs d’asile. Autour de l’enjeu de l’hospitalité s’est créée une alliance inédite entre les pouvoirs publics, d’importants acteurs sociaux (patronat, églises, syndicats) et le secteur associatif.
Le droit d’asile, en marge de la politique d’intégration
Depuis la fin des années 1990, l’Allemagne a parcouru un chemin important vers la reconnaissance du fait qu’elle est un pays d’immigration – le premier dans l’Union européenne (UE) et le deuxième dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La prise en compte du très faible taux de natalité et des problèmes de recrutement des entreprises dans certains secteurs l’ont amenée à reconsidérer sa politique d’immigration économique. Celle-ci a été considérablement libéralisée envers les salariés à haute qualification (OECD, 2013) ; de plus, l’Allemagne accueille un nombre croissant de ressortissants des Pays d’Europe centrale et orientale (Peco). Cette évolution s’appuie sur un large consensus des principaux acteurs sociaux sur la nécessité d’attirer de la main-d’œuvre qualifiée. À la différence d’autres Européens, les Allemands témoignent, selon Tränhardt (2015:7), d’une « confiance considérable en la politique d’intégration du gouvernement fédéral ». Depuis quelques années déjà, l’Allemagne est souvent présentée, dans les colloques et les congrès, comme un « pays d’intégration », fondé sur une « culture de bienvenue et de reconnaissance ». Celle-ci s’adresse, dans l’esprit des administrations et des think-tanks libéraux, en priorité aux migrants qualifiés.
Le droit d’asile est largement resté à l’écart du développement d’une politique d’intégration, entamée depuis le rapport de la Commission Immigration de 2001 (Süssmuth-Kommission). En effet, dès les années 1980, elle est prioritairement animée par une visée restrictive, cherchant à réduire le nombre de demandeurs d’asile et à ne surtout pas laisser penser que le statut de demandeur d’asile en Allemagne serait enviable. Une étape essentielle à cet égard est le « compromis d’asile » (Asylkompromiss). En 1993, une alliance multi-partite entre CDU/CSU et SPD modifie les dispositions d’asile libérales contenues dans la Loi fondamentale afin de réduire le nombre de demandeurs d’asile issus de la guerre en ex-Yougoslavie (Boswell, 2003). Le changement législatif 3 a sans doute pesé sur la baisse presque continue du nombre de demandeurs d’asile jusqu’en 2009 (graphique 1). Depuis, la définition de « pays d’origine sûrs » est devenue un des moyens principaux pour peser sur le nombre de demandes ; en 2013, le gouvernement a ainsi essayé de freiner l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile en déclarant la Macédoine, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine comme « sûrs ». Quant au statut de demandeur d’asile, celui-ci a été marqué par l’absence d’efforts d’intégration, comme le montrent l’interdiction de travailler, l’affectation du lieu de résidence, la restriction de la mobilité géographique (Residenzpflicht), la réduction des prestations sociales (Asylbewerberleistungsgesetz) et la transformation des prestations sociales en bons d’achat (Tränhardt, 2015). Ce n’est qu’en novembre 2014 que le débat sur l’intégration laisse une trace dans le droit d’asile : l’interdiction de travailler pour les demandeurs d’asile – valable pendant cinq ans à un moment – est réduite à trois mois. Dans le même esprit, le gouvernement décide en 2013 de réduire la durée de la procédure de demande d’asile à trois mois, sans toutefois attribuer des moyens suffisants à l’administration en charge, la Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (BAMF 4).
L’appel à l’hospitalité de la Chancelière
Si l’Allemagne est devenue la destination principale des flux de réfugiés dans l’UE 5, cela ne tient donc pas à une générosité de son droit d’asile, par ailleurs fortement encadré par les normes européennes. Malgré les restrictions introduites au droit d’asile au fil du temps, elles se sont avérées impuissantes face à l’ampleur de la vague d’arrivants. L’attractivité comme pays de destination s’explique plutôt par le contraste entre la position de la Chancelière – qui prône la responsabilité morale (et légale) des pays de l’Union face à l’afflux du nombre le plus important de réfugiés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale (UNHCR, 2015) – et celle – frileuse ou même hostile – de la plupart de ses homologues européens, qui a orienté une partie des flux vers l’Allemagne.
Angela Merkel a appelé la population ainsi que les administrations à l’hospitalité dès 2014, moment à partir duquel la dimension exceptionnelle de la crise humanitaire au Moyen-Orient se dessinait et que l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile donnait du grain à moudre au mouvement islamophobe Pegida et à ses manifestations désormais régulières. Dans ses vœux pour l’année 2015, la Chancelière a condamné l’usage du slogan de la révolution de 1989 « Nous sommes le peuple » (« Wir sind das Volk ») par les militants anti-immigrés à des fins d’exclusion raciste ou religieuse. Aux relents réactionnaires, elle a opposé sa vision de l’Allemagne ouverte au monde et à l’immigration (« indépendamment de la question des personnes cherchant la protection, l’immigration est un bénéfice pour nous tous ») et tenant à ses engagements internationaux (« il est normal d’accueillir et d’aider les personnes qui cherchent la protection chez nous 6 »). Ainsi, elle a reconnu la diversité religieuse, culturelle et ethnique comme constitutive de la « nouvelle » Allemagne et affirmé sa capacité d’intégration.
C’est donc autour des enjeux d’hospitalité et de responsabilité qu’Angela Merkel a structuré son argumentaire politique en matière d’asile. Forte de sa popularité et de son leadership incontesté au sein du gouvernement, elle l’a imposé comme ligne politique malgré les réticences qui pouvaient exister dans la coalition gouvernementale entre socio- et chrétiens-démocrates. Mais cette ligne ne pouvait avoir de crédibilité qu’en s’appuyant sur des actes de la population elle-même.
De l’engagement citoyen…
Un des faits le plus marquants liés à l’arrivée des réfugiés en Allemagne depuis 2014 est l’ampleur de l’engagement citoyen en faveur de l’hospitalité, porté par le slogan « refugees welcome ». Il tranche avec la situation prévalant au début des années 1990, au moment du compromis d’asile. À l’époque, de nombreux actes de violences xénophobes et racistes s’étaient produits à l’encontre des demandeurs d’asile. L’engagement citoyen auprès des demandeurs d’asile existait déjà, mais il ne dépassait guère le cercle de certains militants politiques et associatifs.
Aujourd’hui, l’engagement est devenu protéiforme et, conformément à sa composition sociologique plus hétérogène et à la prévalence des motivations humanitaires, avant tout centré sur l’accueil des réfugiés. Des « comités de bienvenue » sont installés auprès des centres d’accueil et des points de soutien de nature diverse (meubles, vêtements, traduction) ont été créés. L’ampleur de ces engagements plus ou moins ad hoc varie selon les situations locales, mais ils sont soutenus par des structures désormais plus pérennes. Quelques centaines d’associations de soutien aux réfugiés existent un peu partout sur le territoire. C’est une dynamique assez récente. Comme le montre l’enquête de Karakayali et Kleist (2015), jamais autant d’Allemands ne se sont engagés dans des associations de soutien aux réfugiés, avec pour particularité une forte proportion de militants jeunes, féminins et d’origine étrangère. Les églises catholique et protestante jouent un rôle important dans la formation et le financement de leurs activités. Elles interviennent d’une façon plus directe à travers leurs importantes associations caritatives (Wohlfahrtsverbände), qui disposent d’un réseau assez dense de bureaux de renseignement pour les demandeurs d’asile.
Une autre nouveauté, tenant à l’évolution du secteur associatif et aux ressources limitées des pouvoirs publics (police, administrations locales, etc.), réside dans le changement des rapports entre les groupes de soutien et l’État. Jusque-là, ces rapports se caractérisaient plutôt par une distance réciproque – critique de la part des militants plus politisés et méfiance de la part des pouvoirs publics. Or, dans la gestion de l’accueil, l’engagement citoyen est devenu indispensable. Les bénévoles associatifs prennent en charge un certain nombre d’activités que les pouvoirs publics peinent à assumer : approvisionnement des nouveaux arrivants en nourriture et vêtements, traduction et interprétariat, présence physique pour dissuader les agresseurs potentiels, gestion des dossiers de demande d’asile, accompagnement aux guichets administratifs, mise à disposition de logements privés, collecte de fonds, etc. L’engagement citoyen a bénéficié d’une forme de reconnaissance par le gouvernement, lequel ne manque pas une occasion de s’en féliciter : lors d’une visite d’un centre d’accueil à Berlin en août, le Président de la République fédérale, Joachim Gauck, a affirmé que les associations représentaient « l’Allemagne lumineuse », « l’Allemagne sur laquelle nous nous appuyons », qu’il a opposé à « l’Allemagne sombre » de la violence anti-réfugiés 7.
… à la mobilisation des organisations non humanitaires
Au cours de l’année 2015, l’engagement en faveur des réfugiés a fini par atteindre des organisations non humanitaires et non religieuses. L’une des plus importantes est la Fédération allemande de football (Deutscher Fussballbund, DFB ; 7 millions d’adhérents), sport qui occupe une place sociale et culturelle centrale en Allemagne. Dans le prolongement des campagnes anti-racistes qu’elle promeut depuis quelques années, la DFB a encouragé ses clubs – à l’instar de quelques initiatives locales exemplaires – à développer des activités en direction des réfugiés (séances d’entraînement gratuites, tournois dans les centres d’accueil, matchs amicaux, collecte de vêtements sportifs, etc.). La campagne « 1 : 0 au bienvenu » de la DFB soutient les efforts des clubs avec un fonds de 700 000 euros. Les grands clubs de Ligue 1 (Bundesliga) se sont également associés à cette mobilisation et ont proposé des activités de leur côté (dons, invitations aux matchs, sessions d’entraînement pour les enfants 8). Dans leur engagement, ils ont été régulièrement devancés par des groupes de supporteurs brandissant des banderoles dans les stades avec des slogans tels que « Réfugiés, bienvenus » ou « Personne n’est illégal », ce qui témoigne par ailleurs d’un changement de leur culture, empreinte d’une xénophobie encore virulente dans les années 1980 et 1990. Même le tabloïd Bild-Zeitung (2,3 millions d’exemplaires vendus chaque jour) a laissé de côté ses habituelles campagnes diffamatoires à l’encontre des demandeurs d’asile. Le journal a rejoint en septembre l’action de la Ligue allemande de football (association des clubs professionnels) consistant à faire porter par les joueurs le bracelet « Nous aidons. Bienvenue aux réfugiés » lors d’un match. Quatre clubs de Ligue 2 ont pourtant boycotté la campagne du Bild, estimant leur propre engagement en faveur de l’intégration des réfugiés plus crédible que celui du tabloïd 9.
Le Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB 10, 6,1 millions d’adhérents) n’est pas non plus resté en marge de l’engagement citoyen, même si l’on peut estimer qu’il s’est mobilisé tardivement 11 compte tenu de son engagement historique pour le droit d’asile (Kühne, 2000) et de ses liens avec les associations Pro Asyl et Conseil interculturel (Interkultureller Rat) (DGB, 2013), mais aussi de l’attitude d’ouverture des entreprises 12. En septembre 2015, IG Metall (fédération de la métallurgie, 2,27 millions d’adhérents, appartenance DGB) a ainsi annoncé la création d’un fonds de 500 000 euros destiné aux bureaux syndicaux locaux cherchant à s’impliquer dans le soutien aux réfugiés. Dans un communiqué 13 du même mois, son comité exécutif a appelé les salariés de la métallurgie à « la solidarité avec les réfugiés et toutes les forces sociales qui s’engagent en faveur des droits des réfugiés et leur intégration. IG Metall condamne fermement tout acte de violence envers les réfugiés ». Quant à la confédération, elle a appelé à faire des dons à l’association « Gewerkschaften helfen » (« Les syndicats aident »), destinés à faciliter l’insertion (professionnelle) des nombreux enfants et jeunes venus seuls et à aider les réfugiés à faire reconnaître leurs diplômes professionnels. Sous la pression des syndicalistes allemands et suédois notamment, la Confédération syndicale européenne a d’ailleurs fini par adopter une motion d’urgence sur la « crise des réfugiés » lors de son congrès à Paris en septembre 2015.
Ces mobilisations ont atteint leur pic au mois de septembre, suite à la décision unilatérale de la Chancelière fin août de suspendre le règlement de Dublin 14. Elle a été prise face à la crise humanitaire qui se produisait sous les yeux malveillants du gouvernement hongrois, confronté à un afflux de réfugiés sans précédent. Temporairement, tous les réfugiés syriens présents sur le territoire allemand devaient voir leur demande d’asile traitée, quel que soit le pays par lequel ils étaient entrés dans l’UE. L’Autriche et la Hongrie ont alors laissé transiter plusieurs dizaines de milliers de personnes en quelques jours vers l’Allemagne. C’est le 11 septembre, au moment du pic de la vague d’arrivées, que Merkel a prononcé sa désormais célèbre allocution de confiance envers les Allemands et son parti : « Wir schaffen das ! » (« Nous y arriverons ! »). En désignant le « bon » accueil des réfugiés comme un indicateur de la force de l’Allemagne et de son ouverture au monde, la Chancelière a voulu lancer un défi au pays entier.
Octobre 2015 : le début d’un nouvel épisode politique
C’est au moment le plus fort de mobilisation en faveur de l’hospitalité des pouvoirs publics, du secteur associatif et des organisations non humanitaires réunis que des scissions au sein du gouvernement sont devenues visibles. Elles se sont produites sous la pression des élus locaux face aux difficultés de gestion d’accueil et suite aux succès électoraux du parti xénophobe Alternative für Deutschland (AfD). L’émergence des frondeurs politiques dans le débat public, et l’inflexion qu’ils y ont provoquée – désormais il s’agit de savoir comment l’Allemagne peut réduire le nombre de demandeurs d’asile et quel rôle joue l’UE à cet égard – nous amène à analyser ce déplacement comme le début d’un nouvel épisode politique.
L’accueil des réfugiés, un défi pour les pouvoirs publics locaux
L’arrivée en nombre de réfugiés n’a pas laissé insensibles les pouvoirs locaux chargés de les accueillir. Outre le défi de prévoir le nombre de personnes à accueillir, la principale difficulté des villes est de leur garantir l’hébergement 15. Elles se heurtent surtout à l’offre de logement bon marché, dont la pénurie est un sujet de préoccupation des maires depuis un certain temps déjà. Pour y pallier, des hébergements modulaires provisoires ont été déposés dans de nombreux endroits, des immeubles publics ou privés abandonnés ont été réquisitionnés. Déjà en novembre 2014, une nouvelle loi (Flüchtlingsunterbringungs-
Massnahmegesetz) a amendé le Code de construction et de l’habitation afin d’élargir les compétences des communes en la matière. À certains endroits, des gymnases ont dû être transformés, et, faute d’autres solutions et de modules d’hébergement provisoire disponibles, des tentes ont été installées. La problématique d’hébergement des réfugiés a d’ailleurs suscité un appel commun des villes et municipalités aux Länder et au Bund en faveur de la nécessaire reprise de la construction du logement social par les Länder et le gouvernement fédéral, abandonnée depuis les années 1990 (Deutscher Städtetag, 2015). L’adaptation du dispositif d’éducation (pré)scolaire est un autre défi dans la mesure où les enfants et les adolescents de moins de 17 ans représentent presque un tiers des demandeurs d’asile. Les jeunes enfants ont droit à une place dans une structure d’accueil et l’école est obligatoire 16. Pour faciliter leur début de scolarisation, des « classes de bienvenue » (Willkommensklassen) ont été créées dans nombre de villes. Les élèves y apprennent l’allemand avec l’objectif d’intégrer les classes régulières en l’espace de deux ans au maximum. À Berlin, par exemple, il existe actuellement 535 Willkommensklassen auxquelles parti- cipent plus de 5 700 élèves. Le taux de rotation élevé, du fait du flux constant de nouveaux arrivants et de la disparition soudaine d’autres élèves dont les parents ont été expulsés, la fragilité psychologique de nombreux enfants – mineurs isolés pour certains – ayant vécu des expériences traumatisantes de violence pose un sérieux défi auquel le système éducatif n’avait jamais été confronté. Le nombre d’enseignants qualifiés est en effet insuffisant pour répondre à ces besoins. Mais les besoins dépassent largement les compétences très spécifiques requises. Selon les estimations du Deutscher Beamtenbund (DBB 17), il manquerait 40 000 postes dans le secteur public, dont 20 000 professeurs des écoles et 14 000 éducateurs 18, pour répondre aux besoins d’accueil des réfugiés 19.
La montée des tensions au niveau local...
Des difficultés de gestion se concentrent dans les (très) grandes villes, entre autres à cause des défaillances du système de répartition des réfugiés en vigueur 20. La plupart de leurs mairies ont conscience de l’enjeu que représente l’intégration des nouveaux arrivants dans un milieu social dense et se sont fortement investies dans l’accueil. Néanmoins, depuis quelques mois, les conflits politiques se sont multipliés. À Berlin, où 66 000 réfugiés ont été accueillis en 2015, les carences de gestion du Centre des affaires sociales (Lageso) par le sénateur berlinois Mario Czaja (CDU) sont manifestes et exaspèrent le maire Michael Müller (SPD) : les réfugiés campent la nuit pour se faire enregistrer, beaucoup ne reçoivent pas leur allocation et manquent ainsi de nourriture. La situation est similaire à Munich (15 000 réfugiés en 2015), où le maire Dieter Reiter (SPD) – fervent soutien de la multiplication des efforts en matière de logement et de cours de langue – voit sa coalition municipale déstabilisée par la CSU 21. Le leitmotiv des opposants est « Nous n’y arriverons plus », faisant allusion au désormais fameux mot d’Angela Merkel, et ils réclament une limitation plus ou moins drastique du nombre de réfugiés à accueillir à l’avenir. La qualité de la gestion sociale des demandeurs d’asile est un enjeu politique crucial car elle est susceptible d’impacter les attitudes des populations résidentes envers les réfugiés et d’avoir des répercussions électorales, et pas seulement au plan local. L’émergence de bidonvilles dans les périphéries des grandes villes et la montée de la mendicité des populations identifiées comme réfugiés seraient susceptibles de punir les partis politiques tenus pour responsables d’une gestion défaillante et de les avoir « laissés venir ».
Dans les petites villes et les zones rurales, la situation est assez différente dans la mesure où les réfugiés viennent juste d’y être répartis. Plus que les problèmes de mise à disposition de logements, c’est l’attitude des populations locales à l’égard des réfugiés qui semble un enjeu déterminant pour les pouvoirs publics locaux. Celle-ci varie en fonction des caractéristiques des territoires. L’accueil peut être très hostile – avec ou sans caution des responsables politiques locaux. Une visite d’Angela Merkel le 26 août 2015 dans un centre d’accueil de quelque 500 réfugiés à Heidenau (Saxe, 16 000 habitants) a permis de saisir que la « panique morale » (Bauman, 2015) dans laquelle est prise une partie de la population ne s’exprime plus uniquement par l’hostilité voire la violence contre les réfugiés 22. Désormais, elle cible le gouvernement lui-même : lors de sa visite dans ce centre, qui avait été attaqué suite à une manifestation organisée par le parti d’extrême droite Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD), Merkel a été insultée par la foule, qui l’a qualifiée de « traîtresse au peuple » (Volksverräter) et a traité les médias de « presse à mensonges » (Lügenpresse). L’usage public de ces termes – tabous en Allemagne car relevant du lexique national-socialiste – à l’égard de la Chancelière a jeté une lumière crue sur le processus de radicalisation ou de décomplexification à l’égard des migrants.
Politiquement, ce processus est d’autant plus significatif que ces attitudes ont rapidement trouvé une expression au sein du système politique : après avoir écarté son aile libérale, l’AfD, créée en 2013 pour réclamer la sortie de l’Allemagne de la zone euro, compte désormais exploiter le potentiel électoral d’une parole réactionnaire et anti-réfugiés. C’est au travers des déclarations provocatrices de sa présidente Frauke Petry 23 que l’AfD cherche à dicter les termes du débat public. Comme le montrent les sondages, la rhétorique anti-establishment possède une certaine efficacité électorale : déjà aux élections fédérales de 2013, l’AfD a bien failli passer la barre fatidique de 5 %, seuil de représentation au Bundestag ; il est désormais présent dans les parlements de plusieurs Länder ainsi qu’au Parlement européen. Depuis les élections dans trois Länder le 13 mars 2016, l’AfD semble avoir franchi un palier supplémentaire. Le parti engrange en effet des succès tout à fait spectaculaires compte tenu de son ancienneté extrêmement faible : en Rhénanie-Palatinat, elle double les libéraux du FDP et les Verts avec 12,6 %, tandis qu’en Bade-Wurtemberg, fief traditionnel du CDU, elle obtient 15,1 % des voix. En Saxe-Anhalt, elle arrive même à mobiliser un quart des votants (24,2 %), devenant par l’occasion la deuxième force au Parlement, devant le SPD et le parti Die Linke (La Gauche).
… qui finit par infléchir l’agenda politique fédéral
Depuis l’automne, des scissions au sein du gouvernement sont devenues visibles. Des frondeurs s’appuient, d’abord, sur les voix – provenant des élus locaux de la CDU et de son aile bavaroise la CSU, mais aussi du SPD – qui dénoncent les difficultés d’accueil des réfugiés 24. L’autre argument des frondeurs est la montée des voix de l’AfD. Ils craignent l’établissement d’un parti xénophobe et anti-européen à la droite des chrétien-démocrates. Selon un raisonnement bien connu, il faudrait donner des gages à l’électorat tenté par le vote AfD. Ce sont notamment les ultraconservateurs du CSU qui ont endossé le rôle de « lanceurs d’alerte ». Il est vrai que la Bavière, à cause de son exposition à la frontière autrichienne, est le Land par lequel la plupart des réfugiés arrivent en Allemagne. Les conditions d’accueil par les pouvoirs publics y sont plutôt meilleures que la moyenne allemande. Mais, pour manifester leur « exaspération » à l’égard d’une situation dont ils ne voient pas la « fin », ils ont fini par reprendre le rôle qu’ils ont déjà joué au moment de l’Asylkompromiss : chauffer les esprits à travers des représentations biaisées (« L’Allemagne n’est pas le bureau des aides sociales des Balkans ») et des effets d’annonce (« Il faut limiter le nombre de réfugiés à accueillir en 2016 à 200 000 »).
Les frondeurs ont deux cibles principales. La première est l’Office fédéral des migrations (BAMF), accusé de ne pas suivre le rythme des demandes d’asile. Des retards considérables ont été accumulés : au troisième trimestre 2015, le délai entre la remise d’un dossier et la décision est de 5,2 mois en moyenne ; les ressortissants de certains pays doivent parfois attendre plus d’un an 25. Avant même de pouvoir déposer la demande d’asile, il peut y avoir plusieurs mois d’attente : pour environ 1,1 million de réfugiés enregistrés en 2015, seules 476 600 primo-demandes ont pu être déposées, soit moins de la moitié des demandes 26. Les problèmes de sous-effectifs, de qualité des décisions et de lourdeur administrative du système d’asile allemand ne datent pourtant pas d’hier et ils sont particulièrement frappants en perspective internationale (Tränhardt, 2015). La réinstauration des examens individuels pour les demandeurs d’asile syriens au mois de décembre a renforcé encore la pression sur le BAMF, qui peine à recruter du personnel en charge de rendre des décisions d’asile (Asylentscheider) en nombre suffisant. Anticipant ces critiques, la Chancelière avait remplacé en septembre le directeur de l’Office par un homme de confiance, le directeur de l’Agence pour l’Emploi Frank-Jürgen Weise. En 2016, 4 000 postes devraient être créés au BAMF.
La deuxième cible des frondeurs conservateurs est la Chancelière elle-même. Ils n’ont pas hésité à qualifier de « faute » sa décision – prise fin août sans consultation du parti ni des gouvernements des Länder – de suspendre temporairement l’examen individuel des demandes d’asile pour les ressortissants syriens. Depuis, les tensions au sein du gouvernement entre Angela Merkel et le frondeur le plus en vue, le Premier ministre bavarois Horst Seehofer, alimentent quasi-quotidiennement l’actualité médiatique. La revendication de réduire le nombre de nouveaux arrivants s’est imposée comme le principal sujet du débat public. Elle suscite désormais un consensus parmi tous les partis représentés au Bundestag, y compris les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et – plus implicitement – le parti de Gauche (Die Linke), la principale ligne de clivage étant celle d’annoncer ou pas une limite chiffrée de nouveaux arrivants en 2016. Consciente du danger politique d’une telle annonce, Angela Merkel s’y est jusqu’à présent refusée. L’internalisation des critiques à l’égard du gouvernement auparavant réservées aux expressions dans les médias et la rue n’a pas uniquement affaibli la position jusque-là inébranlable de la Chancelière. Sous la pression des frondeurs, la réduction du nombre de demandeurs d’asile s’est imposée comme principal enjeu de l’action du gouvernement. Depuis l’automne, il a multiplié les initiatives européennes et révisé le droit d’asile, visant principalement à réduire le nombre des ayants droit.
Une course aux révisions du droit d’asile
Dès le mois de septembre, le gouvernement s’est accordé sur la révision du droit d’asile : l’Asylpaket I est entré en vigueur le 24 octobre 2015. Il vise notamment à réduire des flux provenant des Balkans (dont beaucoup de Roms qui subissent des discriminations sociales fortes depuis la chute de l’ex-Yougoslavie) et a pour objectif de faciliter l’expulsion des demandeurs déboutés. Désormais, le Kosovo, l’Albanie et le Monténégro sont considérés comme des « pays d’origine sûrs » par le BAMF ; les demandeurs d’asile de ces pays sont obligés de rester dans leur centre d’accueil (Erstaufnahmeeinrichtung) jusqu’à la fin de leur procédure et il leur est interdit de travailler pendant les trois premiers mois. Autre mesure destinée à décourager les demandeurs d’asile : les Länder peuvent transformer le revenu minimum d’existence qui leur est octroyé en bons d’achat, rétablissant ainsi une mesure antérieure critiquée car jugée néfaste pour la mobilité des demandeurs d’asile. En contrepartie, dans le cadre de la révision, le gouvernement fédéral s’est également engagé à augmenter significativement sa contribution auprès des Länder en introduisant un mécanisme de financement qui leur garantit un forfait mensuel de 670 euros par demandeur d’asile. Cette mesure a été cruciale pour assurer le vote de la loi par la Deuxième Chambre, le Bundesrat.
Les nouvelles dispositions ont rapidement été jugées insuffisantes. Dès novembre, une nouvelle proposition de révision du droit d’asile (Asylpaket II) a été mise sur la table de la coalition. Elle a été votée le 29 janvier 2016 et va beaucoup plus loin en s’attaquant au droit individuel d’asile 27. Parmi les nouvelles dispositions figure la création de cinq centres d’accueil recourant à des procédures dites accélérées (d’une durée d’une semaine), destinées aux groupes ayant une faible chance de voir leur demande aboutir (absence de documents de voyage ; ressortissants de « pays d’origine sûrs » ; entrée illégale sur le territoire). C’est cette disposition qui a été le plus vivement critiquée par les associations, d’autant plus qu’elle serait susceptible de concerner beaucoup de demandeurs d’asile. La nouvelle loi établit aussi le report du droit au regroupement familial pour les réfugiés avec protection subsidiaire 28 et facilite les expulsions y compris pour les personnes atteintes de maladies graves. D’après certains journaux, une nouvelle révision du droit d’asile serait déjà en cours d’élaboration (Asylpaket III). Suite aux agressions sexuelles enregistrées à Cologne la nuit du réveillon, le gouvernement envisage également de déclarer l’Algérie, le Maroc et la Tunisie comme des « pays d’origine sûrs ». Fin janvier, la Chancelière avait franchi un palier symbolique en demandant aux réfugiés irakiens et syriens de retourner dans leur pays une fois la guerre terminée 29.
Solution nationale ou européenne ?
Les changements apportés au droit d’asile ne sont pourtant pas jugés suffisants par le gouvernement pour impacter durablement la majorité des personnes dont la qualité de réfugié ne fait guère de doute (notamment les Syriens, Irakiens, Érythréens). Au sein du gouvernement de coalition est apparue une fracture quant à la meilleure façon d’atteindre cet objectif. Elle oppose un courant majoritaire – parlementaires de la CDU et du SPD favorables à une solution européenne – aux « frondeurs » de la CSU mais aussi à une partie grandissante de la CDU qui estime que l’Allemagne perd du temps en misant uniquement sur l’UE. Depuis le début de l’hiver, la CSU a multiplié les ultimatums pour arriver à une réduction très rapide des flux. Se dessine, à travers le conflit au sein du gouvernement, un choix paradigmatique entre une distribution consensuelle ou forcée des réfugiés (Offe, 2016). La première option repose sur un effort de partage entre partenaires européens tandis que la deuxième s’appuie sur le refoulement au premier pays d’entrée (règlement de Dublin), la fermeture des frontières ou la limitation d’accès (contre l’accord Schengen).
La principale revendication des frondeurs allemands, on l’a déjà évoqué, est d’instaurer – à l’image de la décision récente de l’Autriche – un plafond annuel chiffré pour l’accueil des réfugiés. Début 2016, la CSU a pour la première fois proposé le chiffre de 200 000 réfugiés. L’aplomb de la revendication contraste avec le quasi-silence sur ses répercussions politiques ainsi que les obstacles pratiques, financiers et juridiques. Les experts s’accordent pour dire qu’une limite chiffrée est incompatible avec le droit d’asile national et européen. Pour l’atteindre, la CSU mise sur les méthodes isolationnistes bien connues : renforcer le régime de contrôle aux frontières (depuis septembre, l’Allemagne a déjà instauré des contrôles avec l’Autriche sous le régime d’exception européen), refuser les réfugiés arrivés aux frontières, accélérer les expulsions, multiplier les contrôles d’identité à l’intérieur du pays, etc.
Arguant que l’accueil des réfugiés dans un espace politique de plus de 500 millions d’habitants ne pouvait pas relever de la responsabilité de quelques pays seulement, le gouvernement allemand a multiplié depuis l’été 2015 ses activités européennes et internationales. Leur visée a été double : réduire le nombre d’arrivants en renforçant les frontières extérieures de l’UE et répartir autrement les flux entre pays européens. À ce titre, l’Allemagne a été le moteur principal de plusieurs initiatives européennes : proposition (abandonnée) d’aller chercher des réfugiés directement en Turquie (contingents) ; accord sur l’installation de « hotspots » en Grèce et en Italie pour enregistrer les nouveaux arrivants et en répartir 160 000 dans les États membres (Plan Juncker) ; accord sur une aide de 3 milliards d’euros à la Turquie, afin qu’elle renforce ses frontières marines et terrestres ; augmentation du personnel de l’agence européenne de protection des frontières Frontex.
Or, depuis quelques mois, les soutiens européens ont tourné le dos à la Chancelière et à sa ligne de gestion commune des flux de réfugiés dans un esprit d’hospitalité. Après quelques tergiversations laissant entendre qu’elle soutiendrait les efforts allemands, la France a été l’un des derniers gouvernements en date à saboter le Plan Juncker de répartition 30. Des contrôles aux frontières intérieures (Autriche, Suède, Danemark, France, Belgique, Allemagne) se sont multipliés au sein de l’espace Schengen pour stopper ceux qui ne l’auraient pas été dans les Balkans ; début mars, la principale route migratoire (« route des Balkans ») a été fermée suite à une décision unilatérale de la Macédoine, la Serbie, la Croatie la Hongrie et la Slovénie. Ces pays avaient reproché à la Grèce de ne pas remplir ses obligations – en réalité absurdes face à l’ampleur de la crise et la faillite de l’État grec 31 – et de laisser cheminer les réfugiés vers la Macédoine au lieu de traiter elle-même les demandes d’asile. En Allemagne, ces évolutions ont servi de preuve aux opposants d’Angela Merkel et aux frondeurs du bien-fondé de l’isolationnisme et des arguments culturalistes qui le sous-tendent.
Mais de fait, cette politique d’« allègement du fardeau » devrait transformer la Grèce en camp de réfugiés à ciel ouvert et donner ainsi lieu, sous la houlette européenne, à une expérimentation sociale et économique susceptible de générer des violences inédites. Le dernier plan en date pour éviter ce scénario du pire a été négocié le 7 mars à Bruxelles entre l’Allemagne, la présidence de l’UE et la Turquie. Il entérine de fait la fermeture de la route des Balkans et témoigne de la précipitation de la Chancelière à envoyer à l’électorat un signal de maîtrise des flux. Le plan envisage le refoulement systématique de tous les réfugiés arrivant en Grèce vers la Turquie, déclarée désormais comme « pays tiers sûr ». Désormais, l’examen des demandes d’asile reviendrait à cette dernière. En échange, l’UE s’engage à accueillir le même nombre de réfugiés statutaires installés en Turquie, mais seulement s’ils sont Syriens (principe « d’un réfugié pour un expulsé »).
Au moment de l’écriture de cet article, le plan n’a pas encore été adopté ; mais des doutes planent déjà sur sa capacité à endiguer les traversées mortelles de la Méditerranée et arrêter l’acheminement des flux migratoires vers les pays du centre de l’UE. Ce qui est clair, c’est que ce plan porterait – temporairement, dit-on – un coup fatal au droit d’asile puisqu’il priverait chaque demandeur d’asile du droit de déposer une demande d’asile dans le pays d’arrivée ou un autre pays si sa demande ne peut pas y pas traitée d’une façon décente. Aussi, la Charte de droits fondamentaux de l’UE interdit les expulsions collectives. La définition de la Turquie comme « pays tiers sûr » ne supprime pas ces garanties – sauf réforme profonde du droit européen qui devrait invalider ce droit pour tous ceux qui arrivent en Europe par des moyens autres que l’avion ou le bateau 32.
Vers la démobilisation de la société civile ?
Quel a été l’impact de l’inflexion du débat public sur les formes variées de l’engagement citoyen en faveur de l’hospitalité ? Du côté de l’engagement associatif (mais aussi des administrations locales), les effets sont encore difficiles à mesurer, même s’il ne semble pas qu’il y ait un affaiblissement fort. À l’avenir, l’évolution du nombre de comités locaux de soutien en sera un bon indicateur. Ce qu’on peut déjà constater, c’est que les critiques des associations à l’égard de la révision du droit d’asile se sont multipliées, ce qui témoigne d’une certaine autonomie de cet engagement à l’égard de l’évolution de la politique gouvernementale.
Depuis octobre, les appels publics à l’hospitalité des principaux acteurs sociaux se sont beaucoup raréfiés, sans avoir disparu : en février 2016, une alliance pour « l’ouverture, la solidarité, la démocratie et l’État de droit – contre l’intolérance, la misanthropie et la violence 33 » s’est créée. Dans leur appel, intitulé « La dignité de l’homme est indéniable », les signataires 34 ont souligné la nécessité de poursuivre la politique d’hospitalité. Ce texte se lit comme une mise en garde contre la tentation de repli nationaliste et d’exclusion, à laquelle il oppose une vision du vivre ensemble basé sur le respect du droit et la liberté religieuse. Face à l’ampleur du défi, il revendique la nécessité de dédoubler les efforts d’investissement dans l’infrastructure publique, la formation, l’emploi 35 et la sécurité publique. Si l’appel témoigne du maintien de la coalition de ces acteurs avec la Chancelière, il reste difficile d’évaluer dans quelle mesure il arrivera à peser sur la dynamique enclenchée au sein du système politique.
Conclusion
La dynamique politique autour de la prise en charge de l’arrivée massive des réfugiés laisse entrevoir un glissement très net dans les enjeux du débat public. Il s’est produit face aux défis que représentent la gestion de l’accueil des réfugiés, la cristallisation des expressions de rejet par un nouveau parti à droite des chrétiens-démocrates et les incertitudes concernant le partage des flux de réfugiés entre les partenaires européens. D’un souci d’hospitalité, porté par une coalition entre le gouvernement, les principaux acteurs sociaux et les associations de soutien aux réfugiés, on est passé à la préoccupation de diminuer le nombre de nouveaux arrivants. Cela a abouti à des restrictions du droit d’asile destinées à réduire le nombre de ses bénéficiaires potentiels. Mais des fortes tensions persistent autour de la stratégie politique et du rythme à déployer.
Les conséquences de l’ouverture de ce nouvel épisode se dessinent peu à peu. Le droit d’asile national apparaît comme la première victime collatérale des nouveaux impératifs. Il est pris dans une spirale dont on ne connaît pas encore la fin. La large coalition d’acteurs non gouvernementaux qui a jusqu’à présent porté l’hospitalité semble désormais en retrait. Cela tient à la nature – politique – de l’enjeu de réduction du nombre de réfugiés arrivant en Allemagne mais aussi du fait qu’il se joue en partie au-delà de l’espace national. Mais le maintien de cette alliance sera sans doute décisif pour les chances et les modalités d’intégration des demandeurs d’asile. Comme le montrent les débats après les agressions sexuelles à Cologne ou au sujet de l’introduction d’un salaire minimum dérogatoire pour les demandeurs d’asile, il ne manque pas de sujets conflictuels susceptibles de la fragiliser.
Au cours de ces deux épisodes, les interactions avec le niveau européen ont été multiples. Tandis qu’initialement le gouvernement allemand pouvait espérer donner un exemple – à travers des actes citoyens et politiques – du réalisme et du bien-fondé d’une attitude d’hospitalité dans un contexte européen marqué par la montée des partis anti-immigration et de l’islamophobie, l’imposition du souci de contrôle des flux dans le débat allemand a suscité son engagement au niveau européen. Mais les espoirs d’un leadership moral ont été déçus à partir du moment où la logique d’« allègement de fardeau » a pris le dessus sur les initiatives de répartition commune. Comme au plan national, c’est le droit d’asile qui est en ligne de mire. Les derniers mois ont fait apparaître au sein de l’UE non pas tellement une division entre l’Europe « nouvelle » et « ancienne » que l’isolement de l’Allemagne sur le plan de l’asile. Les attitudes qui ont émergé à ce sujet ainsi que le compromis trouvé avec le régime d’Ankara posent – à l’instar d’autres signes récents de désintégration– avec acuité une question plus générale : quelle est la substance de l’Union au-delà de la gestion du marché unique ?
Marcus KAHMANN
* Chercheur à l’IRES.
Sources :
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Karakyali S., Kleist O. (2015), Strukturen und Motive der ehrenamtlichen Flüchtlings-
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Kühne P. (2000), « The Federal Republic of Germany: Ambivalent Promotion of Immigrants’ Interests », in Penninx R.,
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Tilly C., Tarrow S. (2007), Contentious Politics, London, Boulder.
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UNHCR (2015), Mid-Year Trends 2015,
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1. Nous définissons le terme d’« hospitalité » comme un ensemble de gestes – individuels ou collectifs, symboliques ou pratiques – de soutien aux étrangers, visant à reconnaitre leur sort, faire valoir leurs droits et à améliorer leurs conditions concrètes de vie. Il est employé ici « faute de mieux », reconnaissant qu’il est susceptible de passer sous silence les rapports de pouvoir qui se jouent derrière l’hospitalité.
2 Nous empruntons le concept d’« épisode » à Tilly et Tarrow (2007) pour désigner une séquence limitée d’interactions continues dans un processus plus large de mobilisation. Son découpage en différents segments à des fins d’analyse procédurale doit permettre une meilleure compréhension des dynamiques de causes et effets – et de dépasser les analyses en termes de motivations d’acteurs (démographiques, économiques…) ou fonctionnalistes (« seuil de tolérance »).
3. Au cœur du compromis d’asile ont été l’introduction du principe de « pays tiers sûrs » (excluant du droit d’asile les réfugiés ayant transité vers l’Allemagne par un autre pays de l’UE ou un pays défini comme « sûr ») ainsi que celui de « pays d’origine sûr » (excluant les ressortissants des pays répertoriés comme « sûrs »). Autres nouveautés : une procédure rapide dans les zones d’attente aéroportuaires (Flughafenverfahren) et la création d’un droit social spécifique et défavorable aux demandeurs d’asile (Asylbewerberleistungsgesetz).
4. Office fédéral pour la migration et les réfugiés.
5. Selon Eurostat, en 2015, l’Allemagne a enregistré 476 620 demandes d’asile, dont une majorité, émanant des Balkans, n’aura pourtant pas vocation à être reconnue. L’Allemagne n’avait pas enregistré autant de demandes d’asile depuis la première guerre en ex-Yougoslavie (graphique 1).
Cela place le pays largement en tête du peloton européen devant la Hongrie (177 135), la Suède (162 550) et l’Italie (84 085). Cette situation présente un contraste saisissant avec d’autres pays, notamment des Peco, qui n’ont enregistré que très peu de demandes, tels que l’Estonie (230), la Slovénie (275) ou la Croatie (210). Si on considère les chiffres rapportés au nombre d’habitants (base : troisième trimestre 2015), le constat doit toutefois être nuancé : l’Allemagne est en effet largement devancée par la Hongrie, l’Autriche ainsi que la Suède et fait presque jeu égal avec la Belgique.
6. « Zuwanderung ist ein Gewinn für alle » (« L’immigration est un bénéfice pour nous tous »), n-tv.de, 31 Dezember 2014, http://www.n-tv.de/politik/Zuwanderung-ist-ein-Gewinn-fuer-alle-article14238786.html.
7. « Merkel in Heidenau: “Danke an jene, die vor Ort Hass ertragen” » (« Merkel à Heidenau : “Merci à tous ceux qui, ici, doivent supporter la haine” »), Spiegel online, 26. August 2015, http://www.spiegel.de/politik/deutschland/angela-merkel-in-heidenau-danke-an-jene-die-hier-hass-ertragen-a-1049893.html.
8. J. Knoll, « Was die Bundesliga wirklich für Flüchtlinge tut » (« Ce que la Ligue 1 fait vraiment pour les réfugiés »), Die Welt, 3. September 2015, http://www.welt.de/sport/fussball/bundesliga/article145993503/Was-die-Bundesliga-wirklich-fuer-Fluechtlinge-tut.html.
9. « Vier Profi-Klubs boykottieren “Bild”-Aktion » (« Quatre clubs de football professionnel boycottent l’action lancée par le journal Bild »), Die Welt, 17. September 2015, http://www.welt.de/sport/fussball/2-bundesliga/article146519818/Vier-Profi-Klubs-boykottieren-Bild-Aktion.html.
10. Confédération allemande des syndicats.
11. Au niveau local, le sujet s’était invité à l’agenda syndical beaucoup plus tôt. En juillet 2013, 300 sans-papiers libyens provenant de l’Île de Lampedusa avaient adhéré au syndicat régional de services ver.di Hambourg, fait inhabituel dans un paysage syndical hésitant à prendre position en faveur de la régularisation. L’adhésion avait fait des remous au sein de l’organisation, qui s’étaient soldés par le départ du secrétaire général régional. En septembre 2014, une vingtaine de réfugiés avait occupé un local dans les bureaux du DGB Berlin, réclamant leur adhésion afin de bénéficier d’un soutien syndical dans leur démarche de demande d’asile. Le DGB se déclarant incompétent en la matière, il avait fini par laisser évacuer le local par la police.
12. La confédération des employeurs allemands BDA et notamment les employeurs de l’artisanat ont dès le début soutenu la politique d’ouverture du gouvernement Merkel, tout en critiquant les contraintes pesant sur l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile.
13. « Vers une politique durable en matière de réfugiés, basée sur la solidarité », déclaration
IG Metall, réunion du comité central IG Metall du 8 septembre 2015, Francfort-sur-le-Main, https://www.igmetall.de/docs_2015-09-0_Erklaerung_franz_4e21e41fadc10d8d79269d03faa04c3542036ef9.pdf.
14. Pierre angulaire de la construction d’une politique européenne d’asile, le règlement de Dublin a été mis en place à partir de 1990, en même temps que l’espace Schengen de libre circulation. Il vise à établir les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers. Présentement, le règlement de Dublin exige que l’État membre responsable du traitement de la demande d’asile d’un ressortissant étranger soit de facto le pays d’entrée de ce dernier.
15. Selon un sondage non représentatif parmi 500 trésoriers de villes de plus de 10 000 habitants. « Flüchtlingskrise: Die meisten Kommunen kommen ohne neue Schulden aus » (« Crise des réfugiés : la plupart des communes doivent se débrouiller sans contracter de nouveaux prêts »), Spiegel online, 9. November 2015, http://www.spiegel.de/wirtschaft/soziales/fluechtlinge-viele-kommunen-kommen-ohne-neue-schulden-aus-a-1061687.html.
16. Une recherche menée par l’Université de Brème dans une centaine d’écoles primaires a montré l’étendue de la problématique de la scolarisation des enfants sans statut régulier. Dans plus de la moitié des cas, les écoles avaient demandé une « attestation administrative de résidence » (Meldebestätigung), suggérant – à tort – que la scolarisation en dépendait.
17. Confédération allemande des fonctionnaires.
18. S. von Borstel, « Beamte sollen wegen Flüchtlinge länger arbeiten » (« Les fonctionnaires doivent travailler plus longtemps en raison de l’afflux de réfugiés »), Die Welt, 19. Oktober 2015, http://www.welt.de/wirtschaft/article147740981/Beamte-sollen-wegen-Fluechtlingen-laenger-arbeiten.html.
19. Jusqu’à présent, et grâce à l’engagement du gouvernement fédéral, la gestion sociale des réfugiés n’a pas créé de remous majeurs sur la question du financement. Grâce à l’évolution favorable de leurs recettes fiscales, les Länder ainsi que le gouvernement fédéral estiment pouvoir respecter les contraintes budgétaires en vigueur. En revanche, certaines communes – leurs situations financières sont extrêmement hétérogènes – sont obligées de contracter de nouvelles dettes pour faire face aux dépenses imprévues. Le rapport financier prévisionnel des communes pour l’année 2016 (Deutscher Städtetag, 2015) a chiffré le besoin de financement des Länder et des communes entre 3 et 5,5 milliards d’euros (en complément des subventions fédérales de 7 à 16 milliards d’euros).
20. La répartition des demandeurs d’asile dans les différents centres de premier accueil
(Erstaufnahmeeinrichtung) est gérée par un système national. Elle se fait en fonction des capacités des centres ainsi que de la « Königsteiner Schlüssel », clé de répartition qui détermine la part des demandeurs que chaque Land doit accueillir en fonction de ses recettes fiscales et de son nombre d’habitants. Comme l’enregistrement des réfugiés prend quelques jours ou même semaines, ces derniers se concentrent dans les villes. Une fois leur demande d’asile acceptée, ils ne sont plus soumis à l’obligation de résidence (Residenzpflicht) et beaucoup migrent vers les villes.
21. H. Effern, D. Hutter, « Reiters Integrationsplan kommt gut an – nur die CSU ist sauer » (« Le plan d’intégration de Reiter est bien accepté – seule la CSU est contrariée »), Süddeutsche Zeitung, 18. Januar 2016, http://www.sueddeutsche.de/muenchen/fluechtlinge-reiters-integrationsplan-kommt-gut-an-nur-die-csu-ist-sauer-1.2823316.
22. En 2015, l’Office fédéral de la police criminelle a enregistré 924 délits contre les centres d’accueil pour réfugiés, dont 76 incendies d’origine criminelle. Cela correspond à une multiplication par 4,5 depuis 2014. Selon la police, 825 de ces 924 délits (soit 89 %) ont été commis par des personnes motivées par des idées d’extrême droite : « Asylbewerberunterkünfte: Zahl der Anschläge 2015 mehr als vervierfacht » (« Hébergement des demandeurs d’asile : en 2015, le nombre d’attaques a plus que quadruplé »), Spiegel online, 14. Januar 2016, http://www.spiegel.de/politik/deutschland/fluechtlingsunterkuenfte-zwei-verletzte-bei-anschlag-in-jena-a-1072090.html.
23. En dernier recours, pour protéger les frontières, « la police doit pouvoir faire usage des armes à feu » ; « une famille allemande normale doit avoir trois enfants », etc.
24. En janvier 2016, le maire de l’agglomération de Landshut (Bavière) a donné une expression cynique à ce sentiment : afin de protester contre la politique d’asile du gouvernement, il a fait amener une trentaine de demandeurs d’asile de sa région devant le bureau de la Chancelière à Berlin, après leur avoir laissé entendre qu’ils recevraient un meilleur hébergement à Berlin.
25. A. Reimann, « Endlich verständlich: Fakten zur Flüchtlingskrise » (« Et enfin tout s’éclaire : les faits sur la crise des réfugiés »), Spiegel online, aktualisiert am 2. März 2016, http://www.spiegel.de/politik/deutschland/fluechtlinge-und-einwanderer-die-wichtigsten-fakten-a-1030320.html#sponfakt=6.
26. Le taux de reconnaissance est actuellement d’environ 50 %, avec de très fortes variations en fonction des nationalités.
27. « Asylpaket II: Frontalangriff auf das individuelle Asylrecht » (« L’Asylpaket II : une attaque frontale au droit d’asile individuel »), Pro Asyl, 19. November 2015, http://www.proasyl.de/de/news/detail/news/asylpaket_ii_frontalangriff_auf_das_individuelle_asylrecht/.
28. La protection subsidiaire est accordée aux demandeurs d’asile dont la situation ne répond ni à la définition de la Convention de Genève (toute personne « persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ») ni de la Loi fondamentale allemande (article 16a), mais qui sont toutefois exposés aux dangers de mort, de torture, de peines ou traitements inhumains. Le permis de séjour leur est accordé pendant un an (trois ans pour les premiers) et peut être renouvelé.
29. « Merkel drängt Flüchtlinge zur Rückkehr nach Kriegsende » (« Merkel insiste pour que les réfugiés retournent dans leur pays une fois la guerre terminée »), Die Welt, 31. Januar 2016, http://www.welt.de/newsticker/dpa_nt/infoline_nt/brennpunkte_nt/article151678739/Merkel-draengt-Fluechtlinge-zur-Rueckkehr-nach-Kriegsende.html.
30. Selon le ministre de l’Intérieur français, sur les 30 000 réfugiés à accueillir en deux ans, « seuls quelques centaines » sont arrivés (http://www.liberation.fr/debats/2016/03/07/bernard-cazeneuve-la-france-oeuvre-avec-constance-face-a-la-crise-migratoire_1437871). Voir aussi les déclarations méprisantes du Premier ministre français à l’occasion de sa visite à Munich, n’hésitant pas à reprendre des arguments de la droite réactionnaire allemande : http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/13/crise-des-refugies-le-discours-de-fermete-de-manuel-valls_4864979_3214.html.
31. La Cour européenne de justice et la Cour européenne des droits de l’homme avaient par ailleurs jugé que le règlement de Dublin ne pouvait pas s’appliquer à la Grèce, ce qui avait amené le gouvernement allemand à ouvrir unilatéralement ses frontières aux réfugiés syriens en Hongrie au mois d’août (voir supra).
32. J. Quatremer, « Comment l’Europe a tourné le dos au droit d’asile », Libération, 8 mars 2016, http://www.liberation.fr/planete/2016/03/08/comment-l-europe-a-tourne-le-dos-au-droit-d-asile_1438353.
33. Allianz für Weltoffenheit, Solidarität, Demokratie und Rechtsstaat – gegen Intoleranz, Menschenfeindlichkeit und Gewalt, « Die Würde des Menschen ist unantastbar » (Alliance pour l’ouverture, la solidarité, la démocratie et l’État de droit – contre l’intolérance, la misanthropie et la violence, « La dignité de l’être humain est intangible », http://www.ekd.de/download/20160211_allianz_fuer_weltoffenheit.pdf.
34. Dont les dirigeants des quatre communautés religieuses, du DGB, des associations patronales et caritatives, du Comité olympique national.
35. Cet enjeu paraît d’autant plus important que les qualifications des réfugiés ne correspondent que très partiellement aux profils recherchés par les employeurs (IAB, 2015).