Les plateformes numériques ont conduit à bouleverser de manière substantielle le système de transport individuel de personnes en milieu urbain [1] ainsi que les habitudes de consommation. Acteurs majeurs de la recomposition de l’écosystème du transport, Uber, Lyft, Cabify, Didi, Bolt, Ola Cabs, Grabtaxi, pour ne citer que quelques opérateurs de plateforme en ligne [2] (VTC par la suite), étaient des entreprises inconnues il y a dix ans, et pour cause. Uber, l’acteur devenu emblématique de ce secteur qui domine le marché dans de nombreux pays, a été créé en 2009 à San Francisco. Il est arrivé en Europe en décembre 2011, à Paris [3], qui a été sa première ville d’implantation hors des États-Unis. Le géant chinois Didi a été créé en 2012, son équivalent indien Ola Cabs en 2010. Ces plateformes se sont donc imposées dans le paysage du transport individuel de personnes en dix ans ou moins. Leur taux de pénétration du marché était estimé par l’OCDE [4] à 8,3 % en 2017 pour un montant de chiffre d’affaires mondial de 44 milliards de dollars (soit 40 milliards d’euros), qui pourrait doubler au cours des cinq prochaines années (OCDE, 2018, cité par Amar et al., 2018).
Ces nouveaux acteurs sont venus percuter un secteur caractérisé déjà par un empilement et un enchevêtrement historique de réglementations complexes, plus ou moins cloisonnées, et qui distinguaient principalement les activités relevant des taxis et celles opérées par des voitures de transport avec chauffeur (VTC). Dans la plupart des cas examinés dans ce numéro spécial, la distinction entre les différents types d’opérateurs répondait historiquement à des besoins bien spécifiques de mobilité : celle en milieu urbain, celle de la clientèle haut de gamme, celle de la continuité du service public de mobilité par exemple. De plus, la régulation de ces activités faisait l’objet d’un partage complexe de responsabilités, entre les municipalités, les autorités locales, l’État, à des degrés variables d’un pays à l’autre selon la nature de leur régime politique (fédéral ou unitaire). À ce partage des activités et des échelles de régulation répondait enfin un équilibre – plus ou moins stable – sur le terrain social, les limitations du nombre de licences de taxi, les conditions d’aptitude professionnelle requises et les conditions d’emploi offertes par les opérateurs de VTC permettant une certaine sécurisation des conditions d’emploi et de travail, au prix – certes – de barrières à l’entrée, tout particulièrement du côté des taxis, mais aussi du côté des VTC.