Les récentes créations d'emploi en France constituent un record absolu. Cet article cherche à évaluer la contribution de la réduction du temps de travail à cette performance exceptionnelle. L'approche économétrique globale retenue ici conduit à estimer à 500 000 emplois supplémentaires l'impact de la réduction du temps de travail entre 1997 et 2001. Ce résultat est obtenu en comparant, selon trois méthodes différentes, l'évolution constatée de l'emploi et celle qui aurait été enregistrée en absence de toute réduction du temps de travail. Cette évaluation, raisonnablement optimiste, est compatible avec les calibrages des modèles macro-économiques, compte tenu des modalités concrètes et du champ d'application de l'expérience française de passage aux 35 heures. Elle tranche au contraire avec le pessimisme des maquettes théoriques et d'autres évaluations empiriques. On montre cependant que le cadre théorique retenu pour fonder ce pronostic défavorable ne correspond pas aux coordonnées de la période récente et conduit à une grave contradiction. Pour expliquer pourquoi les 35 heures n'auraient pas créé d'emplois, les tenants du pessimisme évoquent l'augmentation du coût salarial ; mais ils ne peuvent en même temps invoquer une baisse de ce coût salarial pour expliquer les créations d'emplois. La grille de lecture présentée ici s'oppose donc aussi aux interprétations de l'enrichissement de la croissance en emploi qui en font un résultat des baisses de charges sociales. On cherche à montrer en quoi ces études reposent sur une modélisation très discutable et ne peuvent sérieusement fonder une explication alternative.