L'article propose une analyse des traits spécifiques du système de santé américain, à savoir la place centrale occupée par les dispositifs d'assurance maladie d'entreprise et le secteur privé concurrentiel des assurances au détriment d'une assurance publique, qui ne couvre que les personnes âgées et les plus démunis. Ce système plonge ses racines dans des dispositifs institutionnels anciens, qui répondaient à une logique inscrite dans le cadre du CONTRAT social fordiste d'après-guerre : une négociation collective décentralisée des avantages sociaux par les syndicats au niveau de l'entreprise, des incitations fiscales en faveur des employeurs et des salariés couverts par ces régimes professionnels, quasi exclusivement des travailleurs syndiqués. La remise en cause des marchés internes d'entreprise et le déclin du syndicalisme ont abouti à une réévaluation complète de ce compromis historique. On assiste aujourd'hui à un délitement des régimes professionnels d'entreprise, exposés à une forte accélération des coûts de l'assurance maladie. Ce processus met le système de santé américain sous pression, confronté à une situation de crise chronique qui s'exprime par une inégalité croissante dans la couverture et l'accès aux soins, par une incapacité à en maîtriser les coûts de façon durable et par des problèmes de qualité des soins en dépit de ses coûts élevés. En même temps, ce système offre une résistance remarquable aux différentes tentatives de réforme. De ce point de vue, les syndicats portent une large part de responsabilité dans le maintien du statu quo, en tant que l'un des piliers du système de protection sociale professionnelle. En conséquence, ils ont été peu enclins à revendiquer l'accès aux soins comme un droit citoyen et à se prononcer sans équivoque en faveur d'un système universel de santé fondé sur une caisse unique.