Le développement massif de l'emploi public dans la période contemporaine est lié à une dimension essentielle, celle de la répartition territoriale des implantations administratives et des emplois, inhérente à la construction de l'Etat en France. Or si on perçoit si mal les processus de réforme de l'Etat et de son emploi, c'est notamment parce qu'on n'a pas étudié comment la contrainte de répartition sur tout le territoire des agents et des services a joué dans l'organisation des tâches. C'est aussi parce qu'on ne sait pas comment les agents eux-mêmes ont joué avec leurs itinéraires et ont souvent démenti les réformes pensées au niveau national.
Cet article présente donc un bilan historique sur les modalités pratiques de l'organisation de l'emploi public sur plusieurs corps de la fonction publique, en prêtant plus d'attention à une dynamique à l'œuvre : le poids de la contrainte territoriale sur l'organisation des corps de la fonction publique. Autrement, dit : comment l'Etat a-t-il réparti les agents dans les services implantés sur tout le territoire pour répondre aux besoins ? Par exemple, face à la dispersion géographique des implantations des collèges, pour pourvoir tous les postes, a-t-on privilégié des maîtres polyvalents maîtrisant plusieurs disciplines, ou des professeurs spécialisés par matière ? Cette contrainte territoriale de répartition des services et des agents de l'Etat en France est une notion non seulement gestionnaire, mais aussi juridique (la responsabilité de l'Etat peut être engagée si les services ne sont pas assurés par des personnels de qualité) et qui pose d'emblée des questions politiques telle que l'adaptation du service public à la différence ou les problèmes d'égalité d'accès au service public.