Considérées sur plus d’une vingtaine d’années, les stratégies syndicales en Europe semblent marquées par un pragmatisme défensif assez général et continu. Cœur de la négociation collective des Trente Glorieuses, les politiques salariales construites alors ont été mises à mal par les évolutions productives et financières des économies européennes durant les années 1980 et 1990 mais dans des contextes offrant des points de résistance plus consistants là où le syndicalisme s’affichait avec plus de puissance. Au cours des années 2000, des ruptures significatives ont été introduites : comme le montrent les situations nationales détaillées dans ce numéro, chacune rend compte de trajectoires nationales inscrites dans la longue durée et dans des contextes syndicaux assez typés. En témoignent les périodisations différentes de la négociation salariale d’un pays à l’autre : confrontés à des tendances communes (montée du chômage, baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, baisse des effectifs syndiqués), les syndicats n’ont pourtant pas semblé rapprocher leurs positions en Europe, chacun s’ajustant dans l’interaction avec « leur » Etat et « leur » patronat, et ce malgré des tentatives de coordination qui ont vu le jour sous le couvert ou à côté de la Confédération européenne des syndicats (CES). Il est d’autant plus remarquable de noter à quel point l’évolution ré- cente des salaires de pays européens aux systèmes institutionnels très différents a été contrainte par la modération salariale.