La division public/privé est un critère central utilisé dans la littérature pour différencier et caractériser, dans une perspective comparative, les différents systèmes de santé. Cette division est appliquée autant à l’offre de soins qu’à son financement. Les systèmes nationaux de santé sont ainsi définis par le financement public, assis sur l’impôt, et des services de soins gérés par les autorités publiques comme le National Health Service britannique. Dans le cas des systèmes d’assurance maladie comme ceux de l’Allemagne ou de la France, l’offre de soins est partiellement privée et financée majoritairement par des ressources publiques via des cotisations sociales et l’impôt. Les systèmes libéraux de santé, à l’image du système étasunien, se distinguent par la domination d’une offre de soins privée en grande partie financée par des assurances privées, complétées par un financement public pour des catégories ciblées de la population (pauvres, personnes âgées, etc.). Ce marquage clivant de la frontière public/privé se retrouve dans la façon dont ces travaux comparatifs cherchent à penser les réformes des systèmes de santé qui sont le plus souvent présentées comme des rééquilibrages, plus ou moins amples, du dosage entre public et privé : privatisation de l’offre de soins, extension des programmes publics d’assurance, déremboursement des soins par l’assurance publique, etc.
L’objectif de ce numéro spécial de La Revue de l’IRES [1] est d’interroger cette division public/privé, dont la pertinence est peu questionnée, et sa capacité heuristique à rendre compte des transformations des systèmes de santé en se centrant sur leur financement et sur le rôle des assurances privées aux États-Unis et en France. Le choix de cette comparaison peut surprendre, tant l’histoire et la configuration des systèmes de santé s’opposent dans ces deux pays, notamment du point de vue du rôle occupé par les assurances privées, périphérique en France et central aux États-Unis. Mais il a pour vertu de revisiter les transformations du financement de l’assurance santé en France à la lumière des imbrications entre opérateurs publics et privés mises en évidence depuis longtemps outre-Atlantique et de questionner les enjeux qu’elles impliquent vis-à-vis des principes de solidarité et d’égalité.