La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance constitue l’une des plus grandes avancées récentes en matière de responsabilité des entreprises. Après un long parcours semé d’embûches, la loi s’applique aux entreprises et aux groupes qui emploient plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 en France et à l’étranger, soit environ 250 entreprises. Cette loi peut être considérée comme la mise en musique juridique d’un texte international des Nations Unies : les Principes directeurs des Nations Unies Entreprises et Droits de l’Homme adoptés en 2011. Cette loi signe également le constat d’échec des approches volontaires, non contraignantes et en lien avec la responsabilité sociétale des entreprises, en mettant au centre du débat la question du travail décent et l’ensemble des externalités négatives pour la planète sur les chaînes de valeur mondiales.
Cette étude propose une tentative de synthèse de l’application de la loi en particulier du point de vue syndical. Si le devoir de vigilance ne modifie malheureusement pas le code du travail mais le code du commerce, il fait cependant directement référence aux organisations syndicales dans l’exécution du plan de vigilance. Il s’agit donc ici de s’interroger sur le rôle et la place effective des organisations syndicales non seulement en amont dans l’élaboration de la loi française sur le devoir de vigilance mais aussi dans sa mise en œuvre dans les grandes entreprises, dans un domaine qui concerne sans conteste l’organisation et la division internationale du travail tout au long des chaînes d’approvisionnement mondiales. Il ressort de cette étude que malgré cette référence explicite, les organisations syndicales ont encore une place à conquérir sur le sujet.
Pour l’heure, la loi française s’exécute laborieusement avec une dominance des directions juridiques des entreprises dans l’élaboration du plan de vigilance qui doit théoriquement associer les parties prenantes de la société. A défaut d’une implication sérieuse, le devoir de vigilance en France reste trop souvent limité à un exercice technique entre le reporting extra financier et la gestion des risques qui ne laisse pas la place au dialogue entre parties prenantes et encore moins au dialogue social.
Sur la base de retours d’expérience, il est possible de dégager des pistes d’amélioration pour l’action syndicale, tout en étoffant les revendications de FO. Nous tentons enfin de décrypter le débat en cours au niveau européen et international avec notamment la future directive sur le devoir de vigilance européen et le projet d’instrument juridiquement contraignant sur les entreprises et les droits de l’Homme des Nations Unies, et l’importance qu’ils revêtent pour le mouvement syndical international et européen.
Plus de cinq ans après son adoption, si la loi a fait avancer le débat sur la dimension sociale et environnementale de la mondialisation, son bilan réel demeure en demi-teinte, en particulier en raison des tâtonnements des tribunaux et de l’absence de jurisprudence permettant de combler les carences de la législation, toujours dépourvue de décret d’application. A ce jour, le devoir de vigilance s’apparente avant tout à un exercice d’autorégulation amélioré.