SeCoIA Deal – Servir la confiance dans l’IA par le dialogue

2021-2023
Odile CHAGNY
Commission européenne
Astrees, CFE-CGC, U2P, CIDA

Le projet SECOIA DEAL, piloté par la CFE-CGC en collaboration avec ses partenaires (IRES, Astrées, CIDA et U2P) auxquels se sont associés (la CEC European Managers, l’ONG AlgorithmWatch, la Fondation Brodolini, l’organisation Ledarna) a constitué et réuni durant deux années une communauté d’acteurs européens d’horizons variés (experts IA ; experts RH, éditeurs de logiciels, avocats, syndicalistes, dirigeants de petites entreprises, manageurs, chercheurs, …) partageant l’envie de travailler collectivement sur le sujet de l’Intelligence Artificielle et du Dialogue Social. La méthode de co-construction déployée par la communauté SECOIA Deal (choix des thèmes d’exploration et d’expérimentation, élaboration des outils mis à disposition) préfigure en elle-même une forme nouvelle de dialogue enrichi.
Après deux années de travail intensif, riche et passionnant, le projet européen SECOIA Deal (Servir la Confiance dans l’IA par le Dialogue) a adressé fin avril à la Commission Européenne ses principales conclusions et propositions dans un rapport disponible en cinq langues.

SECOIA Deal s’est attaché à explorer les transformations engendrées par l’IA sous l’angle économique, en questionnant la création et le partage de la valeur, et sous l’aspect organisationnel, en s’intéressant aux conséquences managériales et à l’évolution des compétences des manageurs dans le contexte du déploiement de l’IA.
Les travaux de la communauté ont mis en évidence trois spécificités de l’IA qu’il convient de considérer pour un dialogue social amené à « se professionnaliser ». Il s’agit de la temporalité (avec le processus itératif et donc toujours inachevé des systèmes IA) ; de l’espace (avec le décloisonnement des activités) ; de la relation (au sens des interactions avec les utilisateurs). Le dialogue renouvelé se doit d’englober l’ensemble de ces dimensions tant dans les thèmes abordés (outils, métiers, tâches, compétences, organisation, etc.), que sa temporalité (amont, aval), les parties-prenantes concernées ou encore son périmètre (entreprise, filière, chaine de valeur, etc…).
Ces transformations structurantes nécessitent d’établir un climat de confiance, dans le même esprit que celui que propose le règlement européen en cours d’adoption sur l’IA qui encadre les systèmes IA, tout particulièrement ceux dits « à haut risque » et prévoit des règles de transparence, de contrôle, de sécurité et de gouvernance, où les représentants des salariés ont un rôle de « vigie opérationnelle » à jouer pour apporter plus d’efficacité à cette régulation.
Les réponses apportées par la communauté du projet se veulent avant tout pragmatiques. Elles prennent la forme de « briques opérationnelles » à mobiliser aux choix des utilisateurs (négociateurs, experts). Le renouvellement du dialogue social et de ses modalités ne pourra être effectif qu’en partant des usages, en adoptant une approche « Bottom Up », en partageant les diagnostics et en sensibilisant et accompagnant tous les intervenants concernés (dirigeants, manageurs, salariés et représentants des salariés) à l’aide de formations dédiées, telles que dessinées par le projet.
Lors de la conférence finale du projet à Bruxelles le 17 janvier dernier, la Communauté SECOIA Deal avait publié un manifeste. En cette journée de la fête de l’Europe et de l’année européenne des compétences pour contribuer notamment à la transition numérique, elle rend public son rapport expliquant et détaillant les propositions du projet pour une diffusion dans l’ensemble des pays membres.

Mots-clés : intelligence artificielle, données, compétence, salarié, entrepreneur, dialogue social

 

Vers un basculement de la branche vers l’entreprise ?

2019-2021 , terminé
Noélie DELAHAIE, Anne FRETEL
Ministère du Travail - DARES
ORSEU Université Lille

Dans un contexte de réformes institutionnelles visant à promouvoir la négociation collective au plus près des salariés et des « réalités économiques », cette recherche vise à réexaminer la dynamique des négociations collectives d’entreprise, au regard de leur articulation avec les accords de branche. D’un point de vue méthodologique, les travaux reposent sur la mobilisation croisée d’une exploitation statistique de l’enquête REPONSE (vagues 2004-2005, 2010-2011 et 2017) et d’une analyse qualitative par enquêtes de terrain au sein des établissements et des branches.

 

Financement de la protection sociale

2019-2022 , terminé, en cours de valorisation
Antoine MATH
CFE-CGC
Ilias NAJI

Dans le cadre de l’Agence d’objectifs de la CFE-CGC, l’IRES a réalisé un rapport sur la notion de contributivité dans le champ de la protection sociale. Cette notion est d’actualité et fortement mobilisée dans les débats sur le financement de la protection sociale (retraites, prestations familiales, chômage). Cette notion n’est pourtant pas univoque, et les implications à en tirer sur le financement ne vont pas forcément de soi. L’ambition est d’aller au-delà des idées toutes faites et montrer la complexité du sujet qui ne se réduit pas à une dichotomie entre deux catégories de droits sociaux, les prestations contributives et les prestations non contributives, les premières devant être financées par des cotisations, les secondes par l’« impôt ». Pour revisiter cette question, d’autres notions distinctes de celle de prestations (non) contributives mais proches, connexes ou considérées comme opposées ont été mobilisées (prestations assurantielles, prestations redistributives, prestations d’assistance, prestations de solidarité, etc.). La question a été examinée sous quatre angles différents mais complémentaires.

La première contribution de Pierre Concialdi s’intitule « Prélèvements et transferts : repères historiques et analyse économique et illustration sur les retraites ». Il s’agit d’une approche historique de la façon de définir le lien entre prélèvements et prestations, en prenant notamment pour illustration la construction des systèmes de retraite aux États-Unis et en France où le principe politique de légitimation des droits est associé à la cotisation sociale. Il en ressort un caractère conventionnel du partage entre contributif et non contributif (ou entre redistribution et assurance) et que la contributivité est un concept flottant qui se prête à des variations potentiellement infinies. Cette notion, au prisme de l’économie de l’assurance, apparaît ainsi comme un facteur de déstabilisation permanente des dispositifs existants de protection sociale. Dans un contexte financier posé comme contraint, elle favorise des ajustements de court terme qui conduisent à remodeler graduellement la protection sociale sur la base de « compromis » successifs qui pourraient finir, à terme, par bouleverser les principes fondateurs de la Sécurité sociale.

Une seconde approche proposée par Lola Isidro (maîtresse de conférences en droit, Université Paris Nanterre, Irerp EA 4419) consiste à analyser « La contributivité en droit de la protection sociale ». Analysées sous l’angle du droit international, du droit interne et de la doctrine, et en prenant pour illustration la dernière réforme de l’assurance chômage, plusieurs conclusions en ressortent : l’opposition entre solidarité et assurance est contredite par le fait que la solidarité irrigue aussi bien l’assistance que l’assurance sociale ; le lien entre contributivité et cotisation ne va pas de soi, la cotisation étant avant tout un mode de financement, une condition nécessaire à l’ouverture de certains droits mais non suffisant ; le retour par les textes internationaux montre que la notion de contributivité ne renvoie pas forcément à celle de cotisation mais, plus largement, à celle de contribution, voire de participation ; ces textes de droit supranational qui définissent les prestations non-contributives contrastent avec le droit français qui s’attache plutôt à définir les prestations contributives et à envisager, par défaut, celles qui ne sont pas financées par des cotisations sociales, comme non-contributives ; ; la notion de contributivité apparaît finalement très relative en droit, avec une distinction entre le contributif et le non contributif non univoque, ainsi qu’un manque de pertinence en droit du rattachement de cette distinction à l’opposition entre assurance et assistance.

La troisième approche est proposée par Ilias Naji (« Une approche de la notion de contributivité des retraites sous un angle sociopolitique des années 1970 aux années 1990. Une notion plurivoque aux usages multiples »). Il s’agit d’une analyse de la notion de contributivité sous un angle socio politique à travers les débats et réformes du régime général des retraites des années 1970 aux années 1990. La contribution, dans le prolongement de la thèse de l’auteur, revient sur les enjeux liés à la notion de contributivité et réinterroge la séparation du financement des prestations contributives et non-contributives présentée comme une juste clarification au sein de la protection sociale. L’examen porte sur les analyses contrastées d’experts sur le thème de la contributivité et des notions connexes que sont l’assurance, l’assistance et la solidarité, et ensuite comment cette notion est entendue et utilisée par des acteurs syndicaux, patronaux et gouvernementaux entre le milieu des années 1970 et 1993, en centrant ensuite l’analyse sur la création du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV) qui institutionnalise la séparation entre contributif et non-contributif pour les retraites en 1993. Cette analyse sociopolitique montre toute la complexité dans laquelle sont inscrits les usages de cette notion, ainsi que la très grande plasticité de cette notion.

Dans la quatrième partie intitulée « Contributivité et origines salariales des prestations familiales. L’histoire de la politique familiale revisitée à partir de son financement », Antoine Math propose une analyse historique et économique du financement de la branche famille de la Sécurité sociale en repartant de son financement, exclusivement par des cotisations jusqu’à la fin des années 1980 et encore majoritairement aujourd’hui. Elle analyse les liens entre l’évolution des prestations familiales depuis leur apparition il y a plus d’un siècle et l’évolution de leurs modes de financement en montrant l’importance de ces derniers sur les développements des dispositifs en direction des familles. Sous cet angle, l’analyse montre une forte rupture historique à partir de 2014 indiquant que la branche famille de la Sécurité sociale est entrée dans une période durablement plus difficile dans la mesure où elle va bénéficier de moins en moins de cette capacité à générer des excédents structurels en raison de recettes (cotisations, CSG, remboursements d’exonérations de cotisations) qui présentaient deux propriétés désormais remises en cause : leur dynamisme résultant de leur assise sur les revenus et leur autonome relative générée par leur affectation à un budget propre.

Une première version finale rendue fin 2021 a été revue en septembre 2022 pour mieux répondre à certaines questions soulevées par la CFE-CGC. Le rapport devrait pouvoir être diffusé au printemps 2023. Une valorisation dans la Revue de l’IRES, augmentée de contributions d’autres chercheurs sur le même thème est prévue à l’automne 2023.

Mots-clés : protection sociale, contributivité, retraite, prestation familiale, chômage, financement

Budgets de référence dans la ville de Nantes

2022 , terminé
Pierre CONCIALDI
Ville de Nantes

À la demande la ville de Nantes, l’IRES a réalisé une étude visant à adapter les budgets de référence de l’ONPES au contexte spécifique de la ville de Nantes tout en les actualisant. Dans ce but, une douzaine de groupes de discussion ont été réunis par les chercheurs de l’IRES au printemps 2022 afin de discuter la pertinence des paniers de biens et services définis dans l’étude de l’ONPES.

Cette première phase de recherche a permis de valider des paniers de référence pour la ville de Nantes et de valoriser les paniers des différents ménages types au second semestre 2022. Ces résultats ont fait l’objet d’un rapport final et d’une note de synthèse. Des restitutions auprès des acteurs locaux sont prévues pour fin 2022 ou début 2023.

Mots clés : budget de référence, panier de biens et services, ménages types.

Les budgets de référence publiés en 2015 par l’ONPES pour des villes moyennes ont fait l’objet d’une actualisation. Les résultats publiés dans un Éclairages de l’IRES montrent que le coût de ces paniers minimums a augmenté plus rapidement que l’inflation depuis 2014. Au premier semestre 2022, le montant actualisé de ces budgets est compris entre 1634 euros par mois pour une personne seule et 3 744 euros pour un couple avec deux enfants. Pour tous les ménages étudiés, la hausse de ces budgets a été plus forte depuis 2014 que celle observée pour l’évolution moyenne des prix. Quand les adultes du ménage travaillent à temps plein au salaire minimum, les ressources salariales sont insuffisantes pour atteindre ces budgets minimums. Ce déficit salarial s’observe pour tous les ménages, sauf pour les couples biactifs (avec deux Smic) sans enfants. Plus d’un tiers des ménages (actifs ou retraités) ne disposent pas aujourd’hui de ressources suffisantes pour accéder à un niveau de vie minimum décent.

Lors d’une conférence organisée fin décembre par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et les exclusions (CNLE) à l’occasion de la sortie d’un rapport sur les budgets de référence, reprenant notamment les travaux auxquels l’IRES a contribué sur les zones rurales (2018) et la Métropole du Grand Paris (2019), Antoine Math a présenté les résultats des travaux sur les revenus minimums décents et les budgets de référence sous l’angle de la question des dépenses « pré-engagées » ou dépenses contraintes.

Renforcer le pouvoir d’agir des salariés en insertion

2020-2023 , En cours
Arnaud TRENTA
INJEP
IDHES – Université Paris Ouest

Avec Virginia Mellado et Sophie Rétif (IDHES-Nanterre), Arnaud Trenta coordonne le projet intitulé « Renforcer le pouvoir d’agir des salariés en insertion. Les innovations associatives dans le secteur de l’insertion par l’activité économique » et financé par l’INJEP (2021-2023). Cette recherche interroge les capacités d’innovation des associations du secteur de l’insertion par l’activité économique pour renforcer le pouvoir d’agir des salariés qu’elles emploient dans le cadre d’un parcours d’insertion.

Inscrits dans des dispositifs d’insertion, les salariés des associations de l’IAE sont aux prises avec des catégories d’action publique qui encadrent leurs statuts, leurs parcours et leurs transactions identitaires. À la fois employés d’une organisation productive, bénéficiaires de l’aide sociale et membres d’une association, ces salariés doivent composer avec des systèmes normatifs puissants – et parfois en tension – comme le marché du travail, la protection sociale et la citoyenneté pour négocier leur place et leur rôle dans les structures de l’IAE en particulier et dans la société en général. Les représentations dont ils sont l’objet et les interactions qui trament leur vie quotidienne façonnent les trajectoires sociales de ces acteurs et, in fine, conditionnent leur processus d’insertion. Dans cette optique, la recherche vise à analyser la manière dont ces différents registres du travail, de la solidarité et de la citoyenneté s’articulent au sein des associations de l’IAE et comment ces articulations renforcent – ou pas – le pouvoir d’agir des salariés en insertion. Le projet s’articule autour de deux axes : (1) la conception des dispositifs visant à renforcer le pouvoir d’agir et (2) les usages de ces dispositifs dans les associations.

Le premier axe étudie les différentes innovations visant à renforcer le pouvoir d’agir des salariés en insertion. Certains dispositifs sont déjà connus et expérimentés : convention collective commune aux salariés en insertion et aux salariés « encadrants », instance spécifique sur la santé et les conditions de travail (ISCT), certificat de qualification professionnelle (CQP), etc. L’analyse porte, d’une part, sur les débats et les processus ayant abouti à leur adoption et, d’autre part, sur les représentations des associations, des organisations syndicales et des acteurs publics sur ces dispositifs. Le second axe de la recherche interroge les usages de ces dispositifs à partir d’enquêtes ethnographiques dans des associations porteuses d’ateliers et chantiers d’insertion. En croisant les pratiques et les représentations des salariés en insertion, des salariés « encadrants » et des membres bénévoles des associations, l’objectif est de comprendre comment ces différents acteurs s’emparent – ou non – des dispositifs existants.

L’objectif de la recherche est d’analyser les formes de participation des salariés en insertion aux instances du dialogue social et de la gouvernance associative, et les effets sur leurs trajectoires socio-professionnelles. L’analyse vise à montrer si certaines propriétés sociales des salariés en insertion et des dirigeants et salariés associatifs tels que le genre, l’âge, les trajectoires sociales et les expériences d’emploi ont des effets sur les formes d’appropriation de ces dispositifs et sur les processus de renforcement du pouvoir d’agir. La recherche questionne notamment la place des jeunes dans ces dispositifs dans un contexte où l’insertion de cette population se pense de plus en plus à travers la catégorie d’engagement. En 2021, une analyse socio-historique du dialogue social a été menée au niveau de la branche professionnelle des chantiers d’insertion. En 2022, trois monographies de chantiers d’insertion ont été réalisées dans l’ouest de la région parisienne (Yvelines, Hauts-de-Seine) et deux sont en cours de finalisation dans le département du Maine. Le rapport de recherche sera remis à l’INJEP au printemps 2023.