La recherche s’accorde pour constater un peu partout en Europe l’importance croissante de la négociation collective d’entreprise, au détriment notamment des niveaux de branche et interprofessionnels. L’IRES a participé à un projet de recherche comparatif coordonné par l’Université d’Amsterdam et financé par la Commission Européenne. Il implique huit pays (France, Allemagne, Suède, Irlande, Espagne, Italie, Pays-Bas et Pologne) et porte sur les conséquences de la décentralisation de la négociation collective à l’échelle de l’entreprise. Plus spécifiquement, il s’agit de s’interroger (1) sur les nouvelles contraintes et possibilités inhérentes aux nouveaux cadres institutionnels, (2) sur les stratégies des acteurs (salariés et directions) et leur lien avec les acteurs et institutions à l’extérieur de l’entreprise ainsi que (3) sur les effets et résultats de la négociation d’entreprise en termes de normes négociées et de nature du dialogue social. Méthodologiquement, le projet repose sur des études de cas d’entreprise dans des secteurs différents, l’analyse du système institutionnel de la négociation collective ainsi qu’une revue de la littérature juridique et sociologique dans chaque pays. En France, l’enquête de terrain a porté sur quatre entreprises de la métallurgie et du commerce.
Ce projet démarré en septembre 2020 s’est achevé fin 2022. Son volet français a permis de mettre en lumière, pour les trois grands groupes d’entreprise qui constituent le cœur de l’enquête, la persistance de l’intérêt pour la négociation collective de branche comme moyen de structurer les salaires et les qualifications du marché du travail auquel ils participent, malgré la tendance à l’autorégulation du rapport salarial par ces entreprises. La décentralisation de la négociation collective au niveau de l’entreprise, mouvement largement indépendant des dernières réformes, et sa centralisation en leur sein s’avèrent complémentaires. Dans les entreprises rencontrées, la décentralisation de la négociation a été accompagnée par les équipes syndicales avec bienveillance et ses résultats sont jugés plutôt satisfaisants. Or, la relative déconnexion observée de ces équipes avec leurs fédérations suggère que les syndicats sont mal préparés pour compenser la perte de la capacité de coordination du système de négociation suite aux réformes législatives.
L’année 2022 a été marquée par la finalisation du rapport de recherche national et sa valorisation. L’équipe de recherche est ainsi intervenue pour présenter ses résultats lors de la conférence finale du projet CODEBAR à Bruxelles à laquelle ont participé aussi les interlocuteurs sociaux. Une autre présentation a eu lieu à la conférence de l’ISST de Bourg-la-Reine sur les effets des Ordonnances Macron. A été produite une vidéo en langue française qui résume les principaux renseignements de la recherche française. Paraîtra aussi en 2023 à l’Amsterdam University Press un ouvrage qui valorisera les travaux de l’équipe internationale. Dans ce cadre, Catherine Vincent et Marcus Kahmann ont participé à la rédaction de deux chapitres transversaux, mêlant les équipes et les terrains nationaux. Ils proposent une comparaison franco-espagnole du processus de la décentralisation de la négociation collective (C. Vincent) ainsi que la mobilisation de l’approche de la théorie de ressources de pouvoir pour comprendre les différents trajets que prennent les entreprises dans la décentralisation de la négociation collective (M. Kahmann).
Mots-clés : négociation collective, Europe, décentralisation, négociation collective d’entreprise, comparaison.