Projets

Financement de la protection sociale

2019-2022 , Terminé - en cours de valorisation
Antoine MATH
Pierre Concialdi (IRES), Lola Isidro (Université Paris Nanterre, Irerp EA 4419), Ilias Naji (UVSQ – EHESS), Antoine Math (IRES)
CFE-CGC
Ilias NAJI

Dans le cadre de l’Agence d’objectifs de la CFE-CGC, l’IRES a réalisé un rapport sur la notion de contributivité dans le champ de la protection sociale. Cette notion est d’actualité et fortement mobilisée dans les débats sur le financement de la protection sociale (retraites, prestations familiales, chômage). Cette notion n’est pourtant pas univoque, et les implications à en tirer sur le financement ne vont pas forcément de soi. L’ambition est d’aller au-delà des idées toutes faites et montrer la complexité du sujet qui ne se réduit pas à une dichotomie entre deux catégories de droits sociaux, les prestations contributives et les prestations non contributives, les premières devant être financées par des cotisations, les secondes par l’« impôt ». Pour revisiter cette question, d’autres notions distinctes de celle de prestations (non) contributives mais proches, connexes ou considérées comme opposées ont été mobilisées (prestations assurantielles, prestations redistributives, prestations d’assistance, prestations de solidarité, etc.). La question a été examinée sous quatre angles différents mais complémentaires.

La première contribution de Pierre Concialdi s’intitule « Prélèvements et transferts : repères historiques et analyse économique et illustration sur les retraites ». Il s’agit d’une approche historique de la façon de définir le lien entre prélèvements et prestations, en prenant notamment pour illustration la construction des systèmes de retraite aux États-Unis et en France où le principe politique de légitimation des droits est associé à la cotisation sociale. Il en ressort un caractère conventionnel du partage entre contributif et non contributif (ou entre redistribution et assurance) et que la contributivité est un concept flottant qui se prête à des variations potentiellement infinies. Cette notion, au prisme de l’économie de l’assurance, apparaît ainsi comme un facteur de déstabilisation permanente des dispositifs existants de protection sociale. Dans un contexte financier posé comme contraint, elle favorise des ajustements de court terme qui conduisent à remodeler graduellement la protection sociale sur la base de « compromis » successifs qui pourraient finir, à terme, par bouleverser les principes fondateurs de la Sécurité sociale.

Une seconde approche proposée par Lola Isidro (maîtresse de conférences en droit, Université Paris Nanterre, Irerp EA 4419) consiste à analyser « La contributivité en droit de la protection sociale ». Analysées sous l’angle du droit international, du droit interne et de la doctrine, et en prenant pour illustration la dernière réforme de l’assurance chômage, plusieurs conclusions en ressortent : l’opposition entre solidarité et assurance est contredite par le fait que la solidarité irrigue aussi bien l’assistance que l’assurance sociale ; le lien entre contributivité et cotisation ne va pas de soi, la cotisation étant avant tout un mode de financement, une condition nécessaire à l’ouverture de certains droits mais non suffisant ; le retour par les textes internationaux montre que la notion de contributivité ne renvoie pas forcément à celle de cotisation mais, plus largement, à celle de contribution, voire de participation ; ces textes de droit supranational qui définissent les prestations non-contributives contrastent avec le droit français qui s’attache plutôt à définir les prestations contributives et à envisager, par défaut, celles qui ne sont pas financées par des cotisations sociales, comme non-contributives ; ; la notion de contributivité apparaît finalement très relative en droit, avec une distinction entre le contributif et le non contributif non univoque, ainsi qu’un manque de pertinence en droit du rattachement de cette distinction à l’opposition entre assurance et assistance.

La troisième approche est proposée par Ilias Naji (« Une approche de la notion de contributivité des retraites sous un angle sociopolitique des années 1970 aux années 1990. Une notion plurivoque aux usages multiples »). Il s’agit d’une analyse de la notion de contributivité sous un angle socio politique à travers les débats et réformes du régime général des retraites des années 1970 aux années 1990. La contribution, dans le prolongement de la thèse de l’auteur, revient sur les enjeux liés à la notion de contributivité et réinterroge la séparation du financement des prestations contributives et non-contributives présentée comme une juste clarification au sein de la protection sociale. L’examen porte sur les analyses contrastées d’experts sur le thème de la contributivité et des notions connexes que sont l’assurance, l’assistance et la solidarité, et ensuite comment cette notion est entendue et utilisée par des acteurs syndicaux, patronaux et gouvernementaux entre le milieu des années 1970 et 1993, en centrant ensuite l’analyse sur la création du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV) qui institutionnalise la séparation entre contributif et non-contributif pour les retraites en 1993. Cette analyse sociopolitique montre toute la complexité dans laquelle sont inscrits les usages de cette notion, ainsi que la très grande plasticité de cette notion.

Dans la quatrième partie intitulée « Contributivité et origines salariales des prestations familiales. L’histoire de la politique familiale revisitée à partir de son financement », Antoine Math propose une analyse historique et économique du financement de la branche famille de la Sécurité sociale en repartant de son financement, exclusivement par des cotisations jusqu’à la fin des années 1980 et encore majoritairement aujourd’hui. Elle analyse les liens entre l’évolution des prestations familiales depuis leur apparition il y a plus d’un siècle et l’évolution de leurs modes de financement en montrant l’importance de ces derniers sur les développements des dispositifs en direction des familles. Sous cet angle, l’analyse montre une forte rupture historique à partir de 2014 indiquant que la branche famille de la Sécurité sociale est entrée dans une période durablement plus difficile dans la mesure où elle va bénéficier de moins en moins de cette capacité à générer des excédents structurels en raison de recettes (cotisations, CSG, remboursements d’exonérations de cotisations) qui présentaient deux propriétés désormais remises en cause : leur dynamisme résultant de leur assise sur les revenus et leur autonome relative générée par leur affectation à un budget propre.

Une première version finale rendue fin 2021 a été revue en septembre 2022 pour mieux répondre à certaines questions soulevées par la CFE-CGC. Le rapport devrait pouvoir être diffusé au printemps 2023. Une valorisation dans la Revue de l’IRES, augmentée de contributions d’autres chercheurs sur le même thème est prévue à l’automne 2023.

Mots-clés : protection sociale, contributivité, retraite, prestation familiale, chômage, financement