Dans le cadre d’une étude de l’Agence d’Objectifs de la CGT, la recherche vise à décrire et analyser les expériences d’équipes CGT ayant mené des enquêtes auprès des salariés sur leur travail réel (par opposition à leur travail prescrit) pour redynamiser leur action syndicale.
Les enquêtes ou recherches-actions syndicales sur le travail réel font partie du registre d’action des syndicalistes depuis au moins vingt ans. S’inscrivant dans la longue tradition des « enquêtes ouvrières », mais ancrées dans les sciences du travail contemporaines (ergonomie, ergologie, psychodynamique ou clinique du travail…), ces enquêtes veulent se fonder sur le « pouvoir d’agir » souvent méconnu des travailleuses et travailleurs dans leur activité quotidienne de travail et sur leurs aspirations à mieux travailler afin d’en tirer des ressources pour l’action et le renforcement du syndicat.
La CGT s’est particulièrement impliquée dans ce type de pratique à partir du milieu des années 2000, notamment par des collaborations avec des chercheur es, la réalisation de séminaires et de recherches-actions, et la définition d’une « stratégie revendicative à partir du travail », fréquemment désignée par « démarche travail » dans l’organisation. Nombre de militant·es ont suivi la formation confédérale mise en place pour cette démarche.
Si ces enquêtes sont souvent perçues par les participant·es comme passionnantes et amènent souvent, au moins à court terme, un renforcement de la légitimité des acteurs syndicaux auprès de leurs collègues qui apprécient l’intérêt porté à leur travail réel, il existe cependant « des incertitudes sur la capacité du dispositif à atteindre ses objectifs dans la durée ». Ces enquêtes donnent lieu à des usages variés et reposent sur des méthodologies très diverses, dont on peut penser qu’elles ne sont pas sans lien avec la qualité et la durabilité des transformations opérées. Or on ne dispose aujourd’hui d’aucune recherche systématique visant à décrire, analyser et comparer, avec un recul suffisant, un ensemble diversifié d’enquêtes syndicales sur le travail réel. Le projet ici proposé viserait à commencer à combler une telle lacune, et à ouvrir un champ d’investigation encore peu exploré
Les objectifs de la recherche sont donc les suivants :
– retracer l’historique de ces démarches dans la CGT et les organisations concernées ;
– caractériser, grâce à des entretiens avec les principaux acteurs de terrain impliqués (et des observations lorsque cela est possible), la diversité des expériences de recherches-actions ou enquêtes syndicales sur le travail réel, et leur articulation avec les modes d’action plus classiques ;
– analyser leurs conséquences à moyen-long terme sur les situations de travail et sur les trajectoires des militant·es impliqué·es, en prenant en compte les caractéristiques spécifiques de ces militant·es qui expliquent leur engagement dans la démarche d’enquête;
– proposer des éléments d’évaluation, dans la mesure du possible, des apports et enseignements méthodologiques de ces expérimentations.
Les questions investiguées seront plus précisément : les circonstances de l’engagement dans la démarche d’enquête syndicale sur le travail réel, l’impact de la pratique d’enquête sur la vie syndicale, la mise en œuvre et l’impact de l’enquête sur la constitution d’un collectif mobilisé, l’impact sur l’organisation et les conditions de travail, les rapports avec la recherche scientifique.
La recherche a commencé en décembre 2023 par la sélection d’une quinzaine de terrains d’enquête et le début des entretiens avec des acteurs de niveau confédéral, fédéral et local. Le rapport final sera remis en juin 2025.
Mots-clés : travail réel, enquête ouvrière, enquête syndicale, pouvoir d’agir, recherche-action, collectif de travail, conditions de travail, organisation du travail, santé au travail