En 1942, le gouvernement britannique demande un rapport à William Beveridge afin de mettre fin à un empilement de dispositifs hétérogènes, non-coordonnés et inégalitaires créés par étapes au Royaume-Uni depuis la Révolution industrielle. L’auteur déborde largement de ce mandat restreint pour proposer un dispositif global d’assurance sociale qui assure une protection universelle sans conditions de ressources en cas de perte de revenus du travail. C’est un régime contributif qui n’assure qu’un revenu de subsistance. Il est complété par un service de santé gratuit et des allocations familiales. Sa mise en œuvre est conditionnée au maintien du plein emploi.
Jusqu’au milieu des années 1970, il existe un apparent consensus bipartisan sur la mise en œuvre du modèle beveridgien dans le cadre d’une politique keynésienne de plein emploi. Ce diagnostic global doit être nuancé. Si les principes fondamentaux du modèle beveridgien ne sont pas ouvertement mis en cause, de multiples réformes partielles conduisent à s’en éloigner.
Les dix-huit années de gouvernements conservateurs (1979-1997) laissent présager une offensive radicale contre un Welfare State jugé coûteux, bureaucratique et inefficace. Divers facteurs font que son importance quantitative n’est pas réduite. Au lieu du démantèlement attendu, s’opère une recomposition en particulier par le développement des prestations sous conditions de ressources aux dépens du principe contributif et par la multiplication de modalités de privatisation.
Le « New Labour » de Tony Blair (1997-2007), s’il accroît significativement les ressources du Welfare State, lui donne en même temps une nouvelle fonction : il doit accorder la priorité aux incitations, plus ou moins contraignantes, qui favorisent l’accès à l’emploi (Welfare to Work). Il n’est plus seulement un outil de protection sociale. Il devient une composante de la politique active de l’emploi.
Après la crise financière, le retour durable des conservateurs au pouvoir (2010-2024) se traduit par une nouvelle stratégie de réforme structurelle inscrite dans une sévère politique d’austérité budgétaire. Une assistance ciblée sous conditions de ressources et sous conditions de comportement devient la forme principale d’intervention en direction de la population d’âge actif.
Dans une société où l’individualisme domine, où les priorités sont accordées à la compétitivité et à la flexibilité, le modèle de Beveridge ne semble avoir plus guère de raison d’être. Les systèmes de protection sociale ne disparaissent pas pour autant : leurs fonctions changent, donc leur composition et leur contenu, au service de nouvelles formes de régulation économique et sociale.
N°01.2025 : Le Welfare State au Royaume-Uni : Beveridge, es-tu là ?