Ce rapport, « Quel dialogue social dans l’entreprise après les ordonnances du 27 septembre 2017 », répond à un appel à projets de recherche lancé par France Stratégie dans le cadre des travaux d’évaluation de ces ordonnances.
La recherche repose sur trois méthodologies complémentaires : l’analyse des accords d’une dizaine de groupes d’entreprises, huit monographies d’entreprise et les entretiens avec les expertes et les experts. Ces derniers permettent de situer les entreprises faisant l’objet de monographie dans un panorama plus large.
L’analyse juridique porte sur une dizaine de groupes et entreprises. En matière d’architecture des instances représentatives du personnel, les ordonnances ont innové en laissant aux interlocuteurs sociaux le soin de configurer par eux-mêmes et pour eux-mêmes leur propre modèle. Notre rapport permet d’apporter un regard sur l’effectivité de ce principe d’auto-administration et les formes de rationalité qu’il exprime. D’un point de vue juridique, nous avons distingué une rationalité procédurale visant à légitimer les décisions prises dans le cadre du dialogue social, et une rationalité instrumentale procédant à une appréciation économiciste du dialogue social.
L’analyse monographique aboutit à cinq grandes conclusions. On relève ainsi :
• Une concentration plutôt qu’une centralisation des instances : on ne constate guère la mise en place de CSE unique mais une remontée des prérogatives des DP et des CHSCT au niveau des anciens établissements CE et une fusion de plusieurs d’entre eux en des établissements CSE aux périmètres bien plus larges ;
• L’enjeu de la proximité, lié à ces périmètres plus larges et à la disparition des DP, est mal pris en charge par les représentants de proximité ;
• Les mutations de la figure des élus, avec une concentration du travail représentatif sur les élus titulaires, notamment les secrétaires de CSE, et une tendance à la réinvention du rôle des DS d’établissement qui apparaissaient vidés de leur substance par la centralisation de la négociation collective mais qui jouent de manière croissante le rôle de capteurs de ce qu’il se passe dans les collectifs concrets de travail, suppléant tant bien que mal les anciens DP ;
• Une dynamique de (re)négociation qui n’est plus seulement liée à la seule appropriation de la nouvelle architecture et à la correction des dysfonctionnements mis en lumière par la pratique, mais à une transformation structurelle qui permet aux acteurs d’adapter en permanence les périmètres et les moyens des instances.
À partir de ces analyses, le rapport conclut en discutant la notion de « rationalisation des instances » au cœur des ordonnances. À cette occasion, il montre que le terme peut être entendu de multiples manières. La réduction quantitative du nombre d’élus n’a pas nécessairement conduit à une réduction du temps consacré aux instances. De même, le passage de trois instances à une seule instance n’a pas nécessairement permis une approche plus transversale des enjeux et des économies d’échelle.