Diversité des pratiques de négociations collectives et pluralité des formes d’articulation entre entreprise et branche.
Dans un contexte de réformes institutionnelles visant à promouvoir la négociation collective « au plus près des salariés » et des « réalités économiques », cette recherche vise à réexaminer la dynamique des négociations collectives d’entreprise, au regard de leur articulation avec les accords de branche. Plus précisément, il s’agit d’analyser les évolutions de la négociation collective en étudiant l’effectivité d’un basculement progressif de la négociation de branche vers l’entreprise tel que voulu par le législateur. D’un point de vue méthodologique, notre travail s’appuie sur la mobilisation croisée d’une exploitation statistique de l’enquête REPONSE 2017 (Relations professionnelles et négociations d’entreprise) et la réalisation d’enquêtes de terrain au sein des établissements et des branches.
Trois chapitres structurent ce rapport de recherche. Dans le chapitre 1, nous précisons nos hypothèses de travail en inscrivant notre réflexion dans une mise en perspective économique, historique et juridique de la notion « d’articulation » entre négociations collectives de branche et d’entreprise et son évolution au gré des réformes législatives. Cette analyse nous amène à poser l’hypothèse selon laquelle il se trouve une variété de configurations et de formes d’articulation entre négociations de branche et d’entreprise. Ces dernières dépendent tout à la fois des dynamiques des secteurs d’activité, des thèmes négociés, des modèles économiques et productifs des entreprises, des trajectoires de relations professionnelles, des stratégies poursuivies aux différents niveaux, des capacités d’action, etc. Le chapitre 2 propose ensuite de rendre compte, à partir de nos analyses statistiques et qualitatives, de la dynamique des négociations collectives de branche. Afin d’étayer l’hypothèse d’une diversité des formes d’articulation entre branche et entreprise, nous présentons une typologie, élaborée sur la base de l’enquête REPONSE, des modes d’articulation entre ces deux niveaux de définition de normes d’emploi et de travail.
Sur cette base, sont sélectionnées les branches – Bâtiment et Travaux publics, Propreté et services associés, Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, Bureaux d’études – et les entreprises qui ont fait l’objet d’enquêtes de terrain. La mobilisation croisée des analyses quantitative et qualitative met en évidence une diversité de modes d’articulation entre branche et entreprise dans la définition des normes d’emploi et de travail, en dépit d’un modèle d’articulation entre branche et entreprise porté par le législateur visant à renforcer le rôle de ces dernières. Enfin, dans le troisième et dernier chapitre, nous questionnons, à l’aune de nos analyses monographiques essentiellement, les effets des ordonnances portant réforme du Code du Travail. L’analyse transversale des pratiques dans quatre branches – le BTP, la Propreté, le commerce et les bureaux d’études – suggère que le nouveau contexte institutionnel posé par les Ordonnances de 2017 a peu modifié la conception qu’ont les acteurs du rôle de la branche et de la négociation collective d’entreprise, mais les rôles historiquement dévolus à la branche, en particulier ceux consistant à réguler la concurrence par les salaires et à mettre à disposition des entreprises des ressources, se trouvent potentiellement fragilisés. Du côté des entreprises, l’analyse des pratiques d’entreprise révèle que le basculement de la branche vers l’entreprise, promu par les ordonnances de 2017, n’a pour le moment pas encore produits d’effets notables. Même s’il convient de rester prudent du fait d’un manque de recul temporel et de l’installation récente des CSE, c’est même une certaine inertie aux réformes institutionnelles qui est observée dans les secteurs étudiés.