Projets

Quel dialogue social dans l’entreprise après les ordonnances de 2017 ?

Terminé - en cours de valorisation
Kevin GUILLAS-CAVAN, Frédéric LERAIS
France Stratégie
Université Rennes I (Laboratoire IODE), Université Paris Dauphine, Université Paris Nanterre, Orseu, Syndex

L’Ires a remis le 8 décembre 2021 à France Stratégie un rapport sur le « dialogue social dans l’entreprise après les ordonnances du 27 septembre 2017 » dans le cadre des travaux d’évaluation de ces ordonnances (Guillas-Cavan, Lerais, 2021).

Mots-clés : dialogue social, entreprise, Ordonnances de 2017, instance de représentation du personnel, conseil social et économique (CSE)

Le rapport repose sur trois méthodologies complémentaires : l’analyse juridique des accords d’une dizaine de groupes d’entreprises par J. Dirringer (IODE, U. Rennes 1) et M. Sweeney (U. Paris-Dauphine), Y. Ferkane (U. Paris-Nanterre), huit monographies d’entreprise et les entretiens avec les expertes et les experts. Ces derniers permettent de situer les entreprises faisant l’objet de monographie dans un panorama plus large et ont amené à renouveler la coopération avec deux cabinets d’expertise, Orseu (N. Farvaque et D. Messaoudi) et Syndex (C. Taudière, M. Meixner et J. Dulac).
L’analyse juridique, quant à elle, porte sur une dizaine de groupes. En matière d’architecture des instances représentatives du personnel, les ordonnances ont innové en laissant aux acteurs d’entreprise le soin de configurer par eux-mêmes et pour eux-mêmes leur propre modèle. Le rapport permet d’apporter un regard sur l’effectivité de ce principe d’auto-administration et les formes de rationalité qu’il exprime. D’un point de vue juridique, nous avons distingué une rationalité procédurale visant à légitimer les décisions prises dans le cadre du dialogue social, et une rationalité instrumentale procédant à une appréciation économiciste du dialogue social.
L’analyse monographique aboutit à cinq grandes conclusions. On relève ainsi :
1. Une concentration plutôt qu’une centralisation des instances, au sens où on ne constate guère la mise en place de CSE unique mais une remontée des prérogatives des DP et des CHSCT au niveau des anciens établissements CE et une fusion de plusieurs d’entre eux en des établissements CSE aux périmètres bien plus larges ;
2. L’enjeu de la proximité, lié à ces périmètres plus larges et à la disparition des DP que les représentantes et représentants de proximité n’ont pas remplacé ;
3. Les mutations de la figure des élu·es, avec (a) une concentration du travail représentatif sur les élu·es titulaires, notamment les secrétaires de CSE, et (b) une tendance à la réinvention du rôle des DS d’établissement qui apparaissaient vidé·es de leur substance par la centralisation de la négociation collective mais qui jouent de manière croissante le rôle de capteurs de ce qui se passe dans les collectifs concrets de travail, suppléant tant bien que mal les DP disparu·es ;
4. Une dynamique de (re)négociation qui n’est plus seulement liée à la seule appropriation de la nouvelle architecture et à la correction des dysfonctionnements mis en lumière par la pratique, mais à une transformation structurelle qui permet aux acteurs d’adapter en permanence les périmètres et les moyens des instances.
À partir de ces analyses, le rapport conclut en discutant la notion de « rationalisation des instances » au cœur des ordonnances. À cette occasion, il montre que le terme peut être entendu de multiples manières. La réduction quantitative du nombre d’élu·es n’a pas nécessairement conduit à une réduction du temps consacré aux instances. De même, le passage de trois instances à une seule n’a pas nécessairement permis une approche plus transversale des enjeux et des économies d’échelle.
Au cours de l’année 2022, le rapport a été présenté à de nombreuses reprises, aux acteurs interrogés au cours du rapport (Comité de groupe), devant les cabinets partenaires, au CESE lors d’un événement organisé par Miroir Social. Une première valorisation portant sur la question de la proximité des représentantes et représentants du personnel a été présentée lors du congrès de l’International Labour and Employment Relations Association à Barcelone par Kevin Guillas-Cavan et Marcus Kahmann, puis dans une version retravaillée dans le cadre du séminaire de recherche de l’Institut für Gesellschafts- und Sozialpolitik de l’Université de Linz. L’article proposé interroge la question de la proximité sous l’angle de la démocratie industrielle dans le contexte de son affaiblissement par la suppression des délégués du personnel et identifie différentes stratégies mises en place par les équipes de représentantes et de représentants pour faire face à l’érosion de leur pouvoir institutionnel. Une version retravaillée sera discutée au séminaire interne de l’IRES au mois de mai et soumise dans un journal international.