L’Index de l’égalité professionnelle mis en place par la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » introduit pour la première fois dans les politiques de lutte contre les inégalités liées au sexe une obligation de résultat pour les entreprises et non seulement une obligation de moyens. Les entreprises privées de plus de 50 salarié·e·s ont en effet l’obligation de rendre publics chaque année depuis 2019 les résultats obtenus à l’Index. La mise en place de cet Index a-t-elle permis de réduire les inégalités entre les sexes observées dans les entreprises ?
Ce rapport propose de répondre à cette question en s’appuyant sur des données administratives très détaillées (incluant les rémunérations perçues et les heures travaillées chaque année par l’ensemble des salarié·e·s du secteur privé) combinées aux données issues de la base « Indexegapro » qui contient les valeurs déclarées (note globale et composantes) par les entreprises depuis 2018, dans le cadre de l’obligation de déclaration et de publication l’Index. Cet appariement permet de mesurer les proportions d’entreprises et de salarié·e·s effectivement concerné·e·s par la mise en place de l’Index de l’égalité professionnelle, mais aussi de comparer l’ampleur des inégalités femmes-hommes dans les entreprises qui déclarent un Index et celles qui n’en déclarent pas ou déclarent que celui-ci ne peut être calculé. En outre, les notes déclarées par les entreprises à l’Index sont comparées aux inégalités entre les femmes et les hommes telles que mesurées à partir des données de sécurité sociale exhaustives.
Quels sont les principaux résultats de cette étude ? En premier lieu, la proportion d’entreprises et de salarié·e·s couvert·e·s par l’Index est très imparfaite. En raison des critères d’exclusion stricts qui empêchent les entreprises de pouvoir calculer une note globale à l’Index, un quart des entreprises normalement assujetties à déclaration de l’Index le déclarent non calculable. Un autre quart des entreprises ne déclarent pas d’Index. Près d’un·e salarié·e du secteur privé sur deux (44 %) est par ailleurs exclu du calcul car iel travaille dans une entreprise de moins de 50 salarié·e·s.
En second lieu, l’Index tend à invisibiliser les inégalités réelles entre les femmes et les femmes en raison de deux choix méthodologiques discutables faits pour le calcul de l’indicateur d’écart de salaire de l’Index. L’application d’un seuil de pertinence permet aux entreprises ayant des écarts inférieurs à 5 % de les ramener à 0 et l’utilisation du salaire des hommes comme catégorie de référence pour normaliser les écarts a tendance à réduire les écarts de salaire (les femmes étant généralement moins bien payées que les hommes).
Par ailleurs, l’étude reconstruit les valeurs prises par les différents indicateurs du décret en application stricte des règles de calcul, et les compare aux valeurs déclarées. En moyenne, les entreprises déclarent de meilleures notes que l’étude reproduit, ce qui peut s’expliquer par le fait que les entreprises adaptent la catégorisation des salarié·e·s en catégories socio-professionnelles. L’étude s’attache ensuite à détecter des indices de manipulation des notes déclarées par les entreprises. Sans trouver d’indices d’une manipulation d’ampleur, l’étude constate néanmoins que les entreprises déclarant un Index non calculable présentent des inégalités plus importantes telles que mesurées dans les données administratives. Par ailleurs, le fait de ne pas pouvoir déclarer l’indicateur d’écart salarial est corrélé avec de mauvaises performances sur les autres indicateurs.
Enfin, l’étude conclut que la mise en place de l’Index n’a pas d’effet détectable sur les inégalités femmes-hommes dans les entreprises concernées durant les premières années après sa mise en place, et ce, malgré une augmentation des notes obtenues par les entreprises assujetties à l’Index. Dans les petites entreprises concernées par la mise en place de l’Index, et dans les petites entreprises non concernées par cette mise en place, les tendances en matière d’inégalités sont parallèles, aussi bien avant qu’après la mise en place de l’Index, ce qui indique qu’à court terme au moins, son impact sur les entreprises concernées n’est pas détectable.