Comme d’autres organisations internationales, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) fait le constat d’un essoufflement de sa capacité à faire émerger de nouvelles normes servant de base à la régulation internationale du travail et d’un épuisement des outils traditionnels de déploiement des normes en vigueur. Dans ce contexte, les interrogations sur la contribution de l’OIT à la régulation de la mondialisation se multiplient alors même que cette organisation est à la veille du centenaire de sa naissance, en 1919. Par ailleurs, les modalités de négociation et de mise en œuvre des normes de régulation pratiquées par l’OIT sont aujourd’hui concurrencées par les actions de régulation entreprises par des organisations non gouvernementales, les audits sociaux, l’agenda de la « responsabilité sociale et environnementale des entreprises » (RSE), les régulations produites dans le cadre d’accords commerciaux internationaux, ou encore les initiatives portées par d’autres organisations internationales (ONU, OCDE) ou par les acteurs des branches. Ces myriades d’initiatives, dont un grand nombre sont le fait d’acteurs privés et mobilisent des segments spécifiques du droit international, posent directement la question de la responsabilité des donneurs d’ordre dans la mobilisation du travail dans le contexte de la globalisation, et sont soutenues, souvent de façon désordonnée, par les Etats. L’enjeu de la concurrence entre les Etats sur la « normalisation » de la globalisation est un élément de contexte important dans toute réflexion portant sur l’avenir de l’OIT.
Cette étude de nature exploratoire répond à une double demande de la CFDT. En premier lieu, il s’agissait de dresser un bilan critique et prospectif de l’action de l’OIT face à la mondialisation en éclairant le processus de construction des normes internationales du travail à l’heure de la mondialisation et de l’intensification des activités économiques transnationales. Les activités des entreprises ne restent aujourd’hui qu’exceptionnellement confinées à l’intérieur des frontières d’un Etat. Cette évolution pose un défi de régulation d’autant plus saillant face aux entreprises multinationales dont les chaînes d’approvisionnement font intervenir des travailleurs, des fournisseurs et des sous-traitants souvent localisés dans des pays à moindre coût salarial et protection sociale sur d’autres continents. En second lieu, il s’agissait d’apporter un éclairage, par l’étude de sources secondaires, sur les moyens de mise en œuvre des normes internationales dans les entreprises dans cet environnement complexe (qui inclut des Etats ne garantissant pas l’état de droit et des activités marquées par le travail informel).
La recherche vise à la fois à donner des clés de lecture permettant d’esquisser un bilan critique de l’action de l’OIT et à restituer les différentes visions de son rôle portées par les acteurs en interne et à l’extérieur de l’organisation. Enfin, l’étude considère l’OIT dans son environnement relationnel. Elle propose des pistes permettant de comprendre comment les normes issues du tripartisme à l’OIT s’articulent avec d’autres formes de régulation, et les enjeux de cette articulation.