Le syndicalisme CFDT fonctionne avec « deux jambes » : l’une « pro » et l’autre « interpro ». L’étude ASIT, consacrée aux actions syndicales interprofessionnelles sur les territoires, s’intéresse à la seconde qui est aussi la moins bien connue des deux. Comment fonctionnent ces solidarités qui transcendent les appartenances sectorielles ? Quels sont leurs apports, leur originalité et leur légitimité ? En posant ces questions à des responsables régionaux et à des porteurs·euses de projets sur les territoires, l’étude donne à voir la richesse d’un syndicalisme aussi incontournable que fragilisé par les réformes récentes (loi Notre de 2015, ordonnances Macron de 2017) et par la crise sanitaire. L’interpro assure cependant de nombreuses missions essentielles : elle porte la voix de la CFDT dans les organismes paritaires, apporte son soutien aux équipes et aux syndicats qui le demandent, se mobilise sur des projets nationaux – le Pacte pour le pouvoir de vivre, les campagnes de développement –, innove et expérimente sur les territoires, et ouvre des perspectives de militantisme alternatives aux solidarités professionnelles. Grâce à leurs capacités d’adaptation et de mobilisation, les structures interpro jouent un rôle majeur dans l’organisation, qu’il s’agisse d’intégrer les syndicats et d’associer les adhérent·e·s à des projets collectifs multi-professionnels, ou au contraire d’intervenir auprès de catégories ou publics plus spécifiques. Cette plasticité de l’action interpro en fait un outil particulièrement riche et pertinent pour assurer une proximité syndicale.
L’étude l’illustre à partir de nombreux témoignages de terrain qui rendent compte de la variété des pratiques dans cinq régions métropolitaines. Ces exemples permettent d’aborder des considérations très pratiques – les moyens disponibles, les collaborations avec les syndicats, les contraintes d’organisation avec les partenaires des territoires – mais également des dimensions plus politiques, sur les périmètres d’action du pro et de l’interpro, les complémentarités et concurrences dans la production des solidarités et dans le travail de représentation des salariés.
L’étude conclue sur l’importance de l’interpro locale et les menaces qui pèsent sur elle, notamment en termes de ressources militantes, tandis que les ordonnances de 2017 ont eu pour effet de les réorienter vers l’entreprise. L’étude invite également à redonner, en interne, une visibilité plus importante au syndicalisme interprofessionnel de la CFDT.