La mobilité géographique a pris une place prépondérante dans les discours contemporains, incitant les salariés à se déplacer et à se considérer comme des travailleurs « nomades ». Pourtant, selon les contextes de vie et d'emploi des individus, la mobilité géographique peut recouvrir des réalités très différentes. À la diversité des situations répond une grande disparité dans les dispositifs d’accompagnement. Cette disparité est accentuée par une méconnaissance de l’existant, ainsi qu’un manque de formation des services ressources humaines, entretenant des inégalités dans la prise en charge de la mobilité. Ce rapport se propose de donner des éléments de compréhension sur les mobilités géographiques dans leur diversité, afin d’affiner le regard posé sur ce phénomène.
Ce travail repose sur une revue de la littérature académique (économie, géographie et sociologie en particulier), ainsi que de la littérature institutionnelle (ministères, INSEE, Commission européenne, etc.) portant sur les mobilités des salariés, les dynamiques économiques et territoriales des entreprises, le développement infrastructurel et technologique, et les politiques publiques d’accompagnement de la mobilité. Enfin, le rapport est nourri par une dizaine d’entretiens auprès d’adhérents de la CFTC ayant, de près ou de loin, connu des mobilités géographiques, permettant de mettre les grandes évolutions des mobilités en France au regard de cas pratiques et concrets.
La première section de ce rapport explore la racine des enjeux associés à la mobilité géographique des salariés. Dans cette section, nous revenons d’abord sur les fondements de la mobilité géographique des travailleurs, en examinant les principes et les infrastructures sur lesquels l'idéal de mobilité s'appuie. La suite de cette première section suggère précisément d'observer cette diversité de contextes et de souligner les enjeux méthodologiques inhérents à l’analyse des mobilités. Plusieurs approches ont historiquement été développées pour observer les mobilités des salariés. Nous en étayons deux : les approches économiques et statistiques mettant en évidence des variables déterminantes dans la mobilité et les stratégies d’entreprises comme facteur de mobilité, ainsi que les approches sociologiques et géographiques, qui prennent davantage en compte les groupes et le contexte social au sein duquel les individus prennent leurs décisions, et posent un regard plus critique sur les injonctions à la mobilité.
La deuxième section du rapport est consacrée à l’exposé des évolutions récentes de la mobilité des salariés en France. Si l’on observe les mobilités géographiques durant ces dernières décennies, on constate une augmentation générale des mobilités courtes comme longues jusque dans les années 2000, puis une diminution jusque dans les années 2010. Ces évolutions apparaissent fortement contrastées selon les régions observées, notamment entre le Nord-Est et Sud-Ouest, par le biais d’un phénomène de littoralisation, mais également au sein des régions à travers un phénomène de périurbanisation. Une perspective européenne donnée à ces résultats nous permet d’affirmer que bien qu’étant mouvante, la mobilité des travailleurs européens présente des régularités année après année. Enfin, nous constatons que la propension des salariés à articuler leurs mobilités à des formes de travail à distance fait du télétravail un sujet majeur des mobilités dans les années à venir. Dans la fin de la deuxième section, nous proposons de mobiliser des entretiens réalisés auprès de membres de la CFTC pour observer ces évolutions des mobilités géographiques directement à travers les trajectoires et le vécu des salariés.
Dans le troisième temps de ce rapport, nous analysons les rôles joués par la panoplie d’acteurs susceptibles d’agir sur la mobilité des salariés et d’avoir des effets sur le vécu professionnel et personnel des salariés en mobilité : entreprises, institutions publiques et syndicats. Nous montrons notamment que ces acteurs ne procèdent pas des mêmes logiques et ne répondent pas aux mêmes intérêts. En effet, les entreprises doivent répondre aux contraintes juridiques, réglementaires, internes ou externes, tout en intégrant la priorité de la rentabilité. Les acteurs publics cherchent à encadrer, par le droit et les instruments d’action publique, les mobilités des entreprises comme des salariés, en prêtant une attention particulière aux enjeux d’inclusion et aux problématiques écologiques. Les syndicats enfin jouent un rôle important d’intermédiaire, de médiateur voire parfois de contradicteur des projets de mobilité de l’entreprise et de réforme des politiques publiques.
Le rapport conclut à la nécessité d’affiner, voire de dépasser, la dichotomie usuelle entre mobilité subie et mobilité choisie, et d’identifier la multiplicité des facteurs qui contribuent à améliorer ou détériorer le vécu des salariés dans la mobilité.