L’essor de l’intelligence artificielle constitue un fait majeur tant le champ des applications apparaît sans fin pour nombre d’activités (médecine, banques, véhicules autonomes, assistants personnels…). Dans le domaine des relations sociales, les effets de l’IA sont également perceptibles et cette étude en aborde les principaux enjeux afin d’identifier la manière dont les acteurs s’en saisissent mais aussi les risques associés. Elle s’appuie sur la réalisation de nombreux entretiens individuels et collectifs, ainsi que sur l’analyse de la littérature disponible.
Après avoir défini le périmètre d’action de l’intelligence artificielle et ses usages par les responsables des Ressources Humaines, les partenaires sociaux et les managers, il s’agit d’évaluer les freins à la diffusion de l’IA et de saisir les facteurs de complexité en matière de dialogue social. Dans un second temps, cette recherche s’intéresse aux mécanismes des impacts de l’IA sur deux dimensions essentielles pour le dialogue social. D’une part, la transformation du travail en envisageant les effets concrets de l’IA sur le fonctionnement des entreprises et plus généralement des organisations alors que plusieurs études d’impact de l’IA sur les métiers ont surtout contribué à opacifier le débat. D’autre part, le management du contrat de travail et des relations sociales, autrement dit comment l’introduction de l’IA influe sur les pratiques des ressources humaines (recrutement, formation professionnelle, gestion des compétences et des parcours, qualité de vie au travail) et modifie les rapports sociaux au sein de l’entreprise.
L’ensemble des organisations syndicales ont travaillé sur les opportunités et les risques associés à l’intelligence artificielle, notamment leurs sections d’encadrement. Les entretiens réalisés font émerger une grande convergence dans leurs approches et reflètent la prise de conscience des effets concrets de l’IA en matière de dialogue social sur les représentants du personnel qui sont en prise directe avec les salariés les plus directement affectés par ces technologies.
Les pouvoirs publics s’attellent à sécuriser, certifier et fiabiliser les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle afin de répondre au mieux au besoin fondamental du développement de la confiance. A travers les cas présentés dans cette étude et les prises de position des partenaires sociaux, des professionnels RH et des experts, il ressort en particulier la nécessité de prouver la conformité, l’efficacité et l’efficience des nouvelles applications logicielles. Pour ce faire, tous les acteurs appellent au développement d’outils dans le but d’étoffer cette confiance et de dépasser les complexités inhérentes à la diversité des compétences mobilisables qu’elles soient juridiques, économiques, mathématiques, informatiques, cognitiques ou encore psychométriques.
Cela doit s’accompagner de pratiques innovantes pour faire évoluer les modalités de collaboration entre les acteurs, sachant que la distribution des pouvoirs dans l’organisation d’un projet à base d’IA apparaît moins compatible avec un organigramme hiérarchique pyramidal et davantage fonction de la maîtrise des liens et des flux d’information entre acteurs. Cela passe enfin par une nouvelle approche de l’intelligence collective, reposant moins sur les outils mobilisés que sur les connexions entre individus dans la mesure où les atouts indéniables de l’intelligence artificielle ne sont réalisables qu’à la condition de mettre en œuvre des régulations adaptées et en accord avec les collectifs de travail. Il revient au dialogue social de relever ce défi majeur pour l’avenir des relations professionnelles.