Les questions migratoires constituent un thème central du débat public et même souvent omniprésent dans le champ médiatique, comme en ont témoigné une nouvelle fois les dernières campagnes électorales, non seulement en France mais aussi dans de nombreux pays européens (Italie, Suède, Danemark, Royaume-Uni pré-Brexit), dans un contexte marqué par une succession de « crises » se traduisant par l’afflux de réfugiés, la dernière en date suite à la guerre en Ukraine.
Après avoir rappelé les subtilités des catégories légales, institutionnelles et statistiques, cette étude présente les grandes tendances des migrations en longue période et leurs principaux facteurs explicatifs. Elle procède ensuite à une plongée dans les racines historiques de l’immigration en France et à un examen des étapes marquantes de leur traitement politique et social, une mise en perspective indispensable pour mesurer à quel point les angoisses identitaires et leur instrumentalisation politique permanente ne sont pas propres à notre époque. Cette étude revient par ailleurs sur les principales conclusions relatives aux effets macroéconomiques de l’immigration, tant dans les pays d’accueil que dans les pays de départ. Elle confronte enfin les politiques migratoires européennes aux réalités des mobilités, à l’obsession sécuritaire – qui alimente par ailleurs toute une économie florissante, assise sur un lobbying intense et de puissants réseaux d’intérêt – et aux contradictions de modèles nationaux concurrents qui s’insèrent pourtant dans un espace de plus en plus intégré.
Bien qu’ayant changé de nature au cours des dernières décennies, l’immigration reste majoritairement perçue comme un problème, aussi bien social et culturel qu’économique. Elle est trop peu souvent évoquée sous un angle favorable et encore moins comme une chance et une nécessité économique ou démographique. Les flux migratoires sont pourtant constitutifs de l’histoire européenne, singulièrement dans un vieux pays d’immigration comme la France. Tout en étant la première destination migratoire au monde, l’Europe persiste en effet à ne pas se considérer comme un continent d’immigration.
Le recours à la main-d’œuvre étrangère était ainsi envisagé comme ponctuel pour répondre à un besoin transitoire lors des Trente Glorieuses et cette perception datée semble toujours irriguer les opinions. Le fait migratoire s’est pourtant imposé en tant que phénomène structurel, régi par des tendances mondiales profondes au premier rang desquelles figurent les inégalités de développement humain. Globalement, l’immigration ne constitue pas une charge économique et budgétaire et participe même activement à la dynamique de croissance, tant au niveau français que pour l’ensemble de l’Union européenne. Dans la période récente, la crise sanitaire a d’ailleurs mis en évidence le rôle fondamental des travailleurs immigrés et de leurs descendants dans les métiers et les emplois de secteurs particulièrement exposés pendant la pandémie, ceux correspondant aux activités dites « essentielles » à l’occasion du premier confinement et que l’on classifie dans les fonctions de la première ligne mais aussi de la deuxième ligne. En dépit de ces faits établis, les politiques migratoires européennes demeurent fondées sur une obsession des frontières.
Cette étude se propose donc de contribuer à éclaircir les enjeux liés au fait migratoire avec la volonté de mêler les questions sociales propres au monde du travail et celles liées aux dynamiques historiques de l’immigration en puisant dans les recherches qui croisent plusieurs domaines de connaissances.