Le micro-travail consiste en la réalisation de tâches en ligne (comme l’identification d’objets dans des images ou la modération de contenus) pour alimenter des bases de données, principalement utilisées dans le développement de l’intelligence artificielle. Il est généralement effectué à distance et sous-traité à des prestataires hors des frontières des entreprises technologiques, le plus souvent par le biais de plateformes numériques qui permettent de redistribuer les tâches à des micro-entreprises individuelles.
Le micro-travail a connu une expansion significative depuis la crise du COVID-19, et concerne aujourd’hui environ 16 millions de personnes dans le monde selon la Banque Mondiale. Il s’inscrit dans un système de production mondial caractérise par de longues chaines de sous-traitance internationale, qui connectent les entreprises du secteur de la technologie des pays riches avec des fournisseurs dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus faible. Au niveau planétaire, les flux du micro-travail s’agencent selon des axes Est-Ouest (de l’Asie vers les Etats-Unis) et Sud-Nord (de l’Afrique et de l’Amérique ´ latine vers l’Europe et l’Amérique du Nord). Ce système génère une offre excédentaire qui tire les rémunérations vers le bas.
Malgré cela, le micro-travail est toujours pratiqué en France et en Europe Occidentale, et cette étude en examine les caractéristiques et transformations récentes. Elle s’appuie sur une enquête empirique par questionnaire, menée en 2024, tout en la mettant en perspective historique par des comparaisons avec des études précédentes.
On note que le micro-travail est plus pratiqué dans les pays du sud de l’Europe, ainsi qu’en Allemagne, par rapport à la France. La population des micro-travailleurs et travailleuses est jeune, la moitié ayant moins de 28 ans, et relativement plus masculine, avec 58% d’hommes. Une personne sur cinq pratiquant le micro-travail, est immigrée.
En Europe, le micro-travail constitue une source de revenus complémentaire, qui se pratique à côté d’un emploi principal souvent instable, à durée déterminée ou à temps partiel, surtout pour les femmes. Le micro-travail se pratique généralement du lundi au vendredi, aux horaires de bureau (9h-18h), dans les interstices d’une autre activité principale souvent peu “dense”. Il forme donc partie de la sphère professionnelle, certes fragmentée, des travailleurs et travailleuses. On peut le pratiquer le micro-travail sur des périodes assez longues, parfois en alternant des phases d’activité plus ou moins intense.
Deux tendances générales sont mises en avant. Premièrement, une “dédensification” du temps de travail, qui amène les travailleurs et travailleuses à rester disponibles pendant de longs créneaux pour réaliser des temps de travail effectif très réduits. Nous relevons aussi un paradoxe de la qualification : malgré un niveau d’éducation élevé et des connaissances numériques et linguistiques croissantes, les micro-travailleurs et travailleuses peinent à faire reconnaitre leurs compétences, et manquent de repères pour s’évaluer aussi bien que pour se mettre en valeur auprès des plateformes et des employeurs. La dernière partie du rapport propose des actions possibles pour faire face à ces nouvelles tendances.