La qualification de « contrat de travail » permet la définition d’une catégorie unique de « salariés » qui déclenche l’application du Code du travail et du Code de la sécurité sociale. A une catégorie juridique, les « salariés », correspond ainsi en principe un régime juridique, le « droit social ». Et cette unité est confirmée par l’application d’un principe d’égalité de traitement applicable à tous les « salariés ».
Cette logique unitaire et égalitaire se heurte à la diversité du monde du travail et à la segmentation sociologique, statistique, économique et juridique des branches, des métiers, mais aussi des catégories professionnelles. La segmentation du monde du travail recouvre des utilités diverses – rattachement à une identité sociale, organisation du travail, qualification professionnelle, création des grilles de salaire, définition et encadrement du pouvoir de direction de l’employeur... Elle peut aussi provoquer des lignes de fracture, des hiérarchies, voire des inégalités répréhensibles. Cette difficulté est particulièrement présente au sujet de catégories professionnelles transversales, interprofessionnelles, comme le sont les catégories d’ouvrier, d’employé, d’agent de maîtrise, de cadre. Plus générales et donc plus abstraites que les classifications des métiers par branches, ces grandes catégories transversales sont aussi plus difficiles à justifier, et plus enclines à être contrôlées au nom du principe d’égalité.
La pertinence et la justification des catégories professionnelles sont débattues en France, particulièrement depuis 2008, date à laquelle la jurisprudence a décidé de généraliser le principe d’égalité de traitement et de l’appliquer à des salariés de catégories professionnelles différentes. Désormais, les différences juridiques entre catégories professionnelles doivent, pour être valides, « reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Certes, ce contrôle est mené avec beaucoup de modération, voire de timidité, par les juges, surtout depuis quelques années. La question n’en demeure pas moins posée. Diversité des catégories professionnelles et unité du salariat sont en tension. Et la question s’avère particulièrement importante en France, pays dans lequel les catégories professionnelles structurent plus qu’ailleurs le mouvement syndical, le droit du travail et le droit des régimes de protection sociale et de retraite.