Après près de quarante ans de quasi-stabilité, l’ensemble des instances de représentation des salariés dans l’entreprise a été bouleversé par les ordonnances de 2017. Les instances représentatives du personnel (IRP) ont été remplacées par une nouvelle structure, le comité social et économique (CSE). Celle-ci regroupe les missions des trois IRP : le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le comité d’entreprise (CE) et les délégué∙es du personnel (DP). Les entreprises publiques ou privées de plus de onze salarié·es sont tenues de mettre en place un CSE.
Cette recherche se penche sur la transformation des IRP dans la branche du transport urbain de voyageurs (TUV) avec deux axes d’intérêt principaux : (1) l’impact de la nouvelle architecture représentative et (2) les transformations de l’activité militante face à ce changement institutionnel. Elle vient compléter sur un secteur spécifique des résultats déjà présents dans de nombreux rapports de recherche commandés notamment dans le cadre du comité d’évaluation des ordonnances ainsi que dans un certain nombre d’articles souvent tirés de ces derniers.
La première partie analyse l’entrée dans le droit commun de la mise en place des CSE à la RATP. Le remplacement des anciennes IRP par les CSE a fait entrer les entreprises publiques dans le droit commun. La RATP était régie par un statut national ad hoc et disposait d’IRP spécifiques, le Comité Régie d’entreprise (CRE) qui concentrait la gestion des activités sociales et culturelles (ASC) ainsi que l’ensemble des prérogatives économiques et les comités départementaux économiques et professionnels (CDEP) remplacés par les CSE d’établissement et qui, jusqu’alors, étaient dépourvus de la personnalité juridique des comités d’établissement de droit commun. La décentralisation des IRP du niveau des départements à celui des établissements, niveau inférieur au département n’est donc pas sans poser d’importants problèmes de gouvernance. En outre, la RATP, du fait de sa taille bien plus importante que toutes les autres entreprises de la branche TUV, pose des questions spécifiques en termes de coordination. Au sein de cette branche, le caractère spécifique du statut de la RATP (et sa perte) joue un rôle important, plus structurant encore que le statut public.
La deuxième partie du rapport analyse les multiples obstacles rencontrés suite à la mise en place des CSE dans deux grandes entreprises situées hors de l’Île-de-France, la RTM à Marseille et les TCL à Lyon. L’enquête a été menée de façon comparative et parallèle sur les deux sites. Bien que de statuts différents, public et privé, les deux entreprises présentent des problématiques assez proches. Une entrée par la catégorie analytique de travail syndical permet d’éclairer la façon dont la fusion des IRP se répercute sur l’activité syndicale au quotidien alors que les enjeux d’une représentation de proximité sont forts dans ce secteur. La mise en place du CSE s’inscrit ainsi dans un processus long et continu d’affaiblissement de la représentation syndicale et d’éloignement du terrain, lequel est accéléré avec la disparition des DP, leur non-remplacement par les représentant∙es de proximité et la suppression du CHSCT. L’enquête montre combien le CSE tend à devenir une instance très éloignée de ce que vivent les agents au quotidien et ne permet pas aux représentants du personnel d’y faire remonter les problèmes structurels qui traversent l’entreprise, sur les conditions de travail, les horaires, mais aussi différentes formes de discrimination. Ce qui n’est pas sans rappeler les observations de la première partie.
Un travail syndical sur ordonnances ? De la représentation des salarié·es dans le transport urbain de voyageurs
