Entre 2008 et 2014, 9 115 citoyens de l’Union européenne (UE) résidant en Belgique se voient délivrer une mesure d’éloignement du territoire belge, appelée « ordre de quitter le territoire ». En d’autres mots, ils sont expulsés 1, non pas pour des raisons d’ordre ou de sécurité publics mais pour des raisons « économiques ». Il s’agit de personnes qui demandent ou bénéficient d’une prestation sociale, de demandeurs d’emploi et même de certaines catégories de travailleurs. Le motif invoqué pour justifier la mesure d’expulsion est que ces citoyens représenteraient une « charge économique déraisonnable » pour la Belgique. Ces décisions sont habillées juridiquement en se fondant sur le droit de l’UE en vigueur. Dit autrement, ce serait l’Union européenne qui l’exigerait, « le but de l’Europe n’étant certainement pas d’encourager le tourisme social 2 ».
Ces pratiques sont cependant contestables d’un point de vue politique et juridique. Du point de vue politique, les études existantes, dont celles de la Commission européenne, ont démontré que les migrations ne constituent pas une menace pour l’équilibre budgétaire des pays d’accueil, la population étrangère apportant globalement par ses contributions davantage aux caisses de l’État et caisses sociales que ce qu’elle reçoit. Au plan juridique, ces pratiques d’expulsion des citoyens de l’UE s’appuient sur une interprétation nouvelle et contestable de la législation européenne, qui contredit la lettre et l’esprit de la construction européenne. En 1957, les fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE) avaient compris qu’un marché « unique » exigeait la suppression des obstacles à la libre circulation des travailleurs, et que la libre circulation devait être une des libertés économiques fondamentales, en évitant que les travailleurs migrants ne soient lésés en matière sociale, ce qui supposait un socle de droits minimaux et l’égalité de traitement.
Le droit à la libre circulation est l’un des avantages de la construction européenne les plus palpables et le plus cité par les citoyens de l’UE, comme le rappelle sans cesse la Commission européenne (2013a). Environ 14 millions d’Européens, presque 2,5 % de la population, vivent aujourd’hui dans un pays de l’UE dont ils ne sont pas les ressortissants et exercent ce droit. Tous les citoyens de l’UE sont potentiellement concernés. Ceux et celles qui n’ont jamais quitté leur pays ne peuvent exclure d’avoir à plier bagages à un moment donné de leur vie, comme en attestent les flux importants d’émigration de jeunes Portugais, Italiens, Grecs ou Espagnols depuis le déclenchement de la crise économique et financière en 2007-2008. Même le nombre de citoyens belges vivant à l’étranger est passé d’un peu moins de 300 000 à plus de 380 000 en dix ans selon le ministère des Affaires étrangères. En croisant ces chiffres avec les statistiques de l’ONU et des pays de destination, le nombre de Belges vivant régulièrement à l’étranger peut être estimé à plus de 500 000. La France est leur destination préférée, suivie par les Pays-Bas, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la Suisse, ou encore, majoritairement pour les pensionnés, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Il en est de même pour d’autres pays. Par exemple, 1,7 million de Français vivent officiellement hors des frontières nationales, soit une croissance moyenne de l’ordre de 3 % observée au cours des dix dernières années 3.
Face aux milliers de migrants d’États tiers à l’UE refoulés aux frontières européennes, l’idée d’« expulsion » associé aujourd’hui au destin d’un citoyen ou d’une citoyenne de l’UE a pu prendre au dépourvu, voire inquiéter, au regard du projet d’intégration européenne, surtout dans un des pays fondateurs de la construction européenne. Ce phénomène touche désormais bien d’autres pays, dont la France 4.
La libre circulation, un principe fondateur de l’Union européenne
Dès la signature du traité de Rome, la CEE s’est attachée à mettre en place la libre circulation, et à coordonner les règles de sécurité sociale des travailleurs migrants en son sein.
Des règles de sécurité sociale applicables aux travailleurs européens dès la création de l’UE
En septembre 19 58, alors que le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la CEE n’était en vigueur que depuis quelques mois 5, et que seuls les langues officielles et le statut des fonctionnaires venaient d’être établis, le tout jeune Conseil – c omposé par les gouvernements des six pays fondateurs – a pris son premier acte véritablement politique : le règlement (CEE) n° 3/1958, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants au sein de la CEE, posant les bases de ce qui deviendrai t le règleme nt (CEE) n° 1408/71, puis le règlement (CE) n° 883/2004 actu ellement en vigueur (voir infra).
Avec les trois autres libertés de circulation – des marchandises, des services et des capitaux –, la libre circulation de la main-d’œuvre devenait ainsi l’un des piliers du nouveau marché commun 6. Si la mobilité géographique des forces de travail est d’une manière ou d’une autre un phénomène aussi ancien que l’humanité, cette liberté, plutôt inédite, implique un droit fondamental à la sécurité sociale pour tout travailleur se déplaçant d’un État membre à un autre. Pourtant, la finalité n’est pas sociale. Cette liberté est plutôt conçue comme un d es moyens nécessaires à la mobilité des facteurs de production. Un des principes était ainsi l’interdiction de toute discrimination vis-à-vis des travailleurs ressortissants d’un autre État membre, dans le but de ne pas créer d’obstacle ou de dissuasion à leur libre circulation.
Le règlement 3/1958 pose ainsi les bases d’un tout nouveau système supranational, dit de coordination des systèmes de sécurité sociale, visant à faire parler entre eux les différents régimes nationaux, à faire en sorte que ces derniers s’arrangent et se coordonnent pour offrir des garanties aux citoyens européens allant travailler dans un autre pays, et surtout pour leur éviter des pertes de tout ou partie de leurs droits en matière de sécurité sociale lorsqu’ils circulent d’un État membre à un autre. Le but de la coordination n’est pas de fixer les règles des régimes nationaux de sécurité sociale, ni de les harmoniser : ces régimes ont donc pu continuer à demeurer très différents d’un État membre à l’autre.
La libre circulation et la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le droit européen
En 1958, la liberté de circulation concernait les travailleurs ressortissants de la CEE. Elle a par la suite été graduellement généralisée aux non travailleurs 7 et n’a cessé d’être révisée et adaptée au fur et à mesure des changements institutionnels, de l’élargissement de l’Europe et de l’évolution des phénomènes migratoires.
Aujourd’hui, la liberté de circulation revêt une double dimension : une dimension socioéconomique de régulation du marché du travail axée sur la libre circulation des travailleurs telle qu’affirmée dès le traité de Rome en 1957 8, et une dimension politique avec l’affirmation du droit de citoyenneté européenne, institué par le traité de Maastricht en 1992 et complété par celui d’Amsterd am en 1997 9.
Deux principaux actes de droit dérivé en codifient les règles actuellement : la directive 2004/38/CE et le règlement 883/2004 10.
La directi ve 2004/38 (encadré 1) reprend pour l’essentiel en un seul texte tous les textes précédents définissant les droits des citoyens européens et des membres de leur famille en matière d’entrée et de séjour dans un autre État membre que le leur.
Le règlement 883/2004 s ur la coo rdi nation de s systèmes de sécurité so cia le (et son règlement d’appl ication 9 87/ 2009) vise quant à lui à éviter q ue le trava ille ur migrant se trouve dans une situatio n défavorabl e du seul fait d’avoir fait usage de sa liberté de circulation en ayant travaillé dans plusieurs États membres 11.
Cette coordination repose, aujourd’hui comme hier, sur quatre principes fondamentaux en matière de sécurité sociale.
Le premier principe est celui dit de la totalisation des périodes ou du maintien des droits acquis. Celui-ci impose que les périodes de résidence, d’emploi ou de toute autre activité économiqu e effectuées dans un État so ient re connues dans les autres États. Le d euxi ème princi pe affirme l’égalité de traitement, c’est-à-dire le fait d’être soumis aux mêmes devoirs et aux mêmes dr oits que les res sortiss ants natio naux. Les deux derniers principes portent sur l’unicité de la législation applicable – toute personne est soumise à la législation d’u n seul pays, normalement le pays de travai l 12 – et l’exportabilité des prestations, c’est-à-dire la possibilité de continuer à conserver certaines allocations en espèces (pensions de retraite ou d’invalidité, rentes d’accidents du travail, etc.) en c as de transfert de résidence dans un autre État membre.
Autour de ces quatre principes fondateurs, la coordination a été adaptée et modifiée, depuis 1958, plus de 500 fois par voie législative, et au moins autant par la jurisprudence de la Cour de justice. En 2003, cette même coordination a été étendue aux ressortissants de pays tiers résidant légalement dans un pays de l’UE et se déplaçant dans un autre pays de l’UE 13. Cette coordination intéresse principalement les quelque 14 millions de citoyens de l’UE et leurs familles qui vivent dans un autre État membre que le leur, mais également plus d’1 million de travailleurs frontaliers qui traversent chaque jour ou chaque semaine les frontières internes de l’UE, ou encore l’ensemble des personnes résidant dans l’UE qui peuvent être amenées à recevoir des soins à l’occasion d’un déplacement dans un autre État membre.
La libre circulation a longtemps été réservée aux travailleurs. Des pays comme la Belgique, alors en pénurie de main-d’œuvre, en ont d’ailleurs largement bénéficié. Au gré des avancées de la construction européenne, cette liberté s’est élargie, sous certaines conditions, aux personnes économiquement non actives. Néanmoins, des obstacles à cette libre circulation subsistent, comme en témoigne le nombre croissant de citoyens de l’UE expulsés de Belgique ces dernières années.
Des milliers de citoyens européens expulsés
Entre 2008 et 2014, les autorités belges ont mis fin au droit de séjour de 9 115 citoyens européens, en leur livrant un « ordre de quitter le territoire » pour des motifs tenant à leur situation économique (graphique 1).
De 8 en 2008, le nombre d’expulsions est passé à 2 712 en 2013. En 2014, il est retombé à 2 042, grâce à l’indignation et aux réactions d’une partie du tissu associatif, syndical et académique, amenant les autorités belges à cesser au moins les expulsions de travailleurs en contrats aidés (voir infra).
En 2013, la Commission avait déjà demandé à la Belgique de respecter les règles de l’UE en matière de libre circulation 14, mais ceci n’a eu comme résultat qu’un alignement formel de la législation nationale sur celle de l’UE, sans que la pratique ne soit remise en question. La preuve est que les premiers chiffres partiels de l’année 2015 font déjà état de 1 115 expulsions entre janvier et juin 15.
Les citoyens de l’UE concernés qui ont pu être éloignés du pays pour des raisons économiques sont ceux qui n’ont pas encore obtenu un droit de séjour permanent qui s’acquiert, selon l’article 16 de la directive 2004/38, après y avoir résidé légalement de façon ininterrompue pendant cinq années. Dans ce cadre, trois catégories de citoyens ont particulièrement été la cible de l’Office des étrangers 16: les personnes considérées comme « économiquement non actives », les travailleurs demandeurs d’emploi et bénéficiaires d’une allocation de chômage, et même certaines catégories de travailleurs en activité. Selon les autorités belges, ils représenteraient une charge économique « déraisonnable » pour le système d’assistance sociale.
Une expulsion des citoyens de l’UE « économiquement non actifs », sans examen des situations personnelles
Les personnes considérées « économiquement non actives » dans le collimateur de l’Office des étrangers sont les bénéficiaires du revenu d’intégration, le revenu minimum garanti belge, ou d’autres mesures d’aide sociale.
La directive européenne 2004/38 prévoit en effet que tout cito yen économiquement non actif (c’est-à-dire qui n’a ni le statut de travailleur, salarié ou indépendant, ni celui de demandeur d’emploi) n’a en principe le dr oit de s éjourner dans un autre État membre que s’il dispose d’une assurance-maladie et de « ressources suff isan tes », ceci afin de ne pas devenir u ne « charge déra isonnable » pou r le « systè me d’assi stance sociale » du pays d’accueil (et non de l’ensemble du système de protection sociale en général, en particul ier du système de sécurité sociale).
Cette même directive ajoute cependant qu’« une mesure d’éloignement ne peut pas être la conséquen ce automatique du recours à l’assistance sociale » (considérant n° 16 et article 14.3 de la directive). Par ailleurs, avant de procéder à un éloignement, les autorités du pays d’accueil sont tenues d’évaluer la situation particulière et concrète de la personne au cas par cas, selon un critère de proportionnalité, en tenant compte non seulement du montant des prestations éventuellement accordées et de la charge que peut représenter le citoyen de l’UE pour le système d’assistance sociale du pays, mais aussi de critères tels que la durée préalable du séjour dans le pays ou le caractère éventuellement temporaire des difficultés (considérant n° 16 et article 28 de la directive).
Les témoignages recueillis par nombre d’offices syndicaux 17, ainsi que par d’autres associations de défense des droits des étrangers 18, montrent cependant combien ces expulsions sont très souvent l e ré sulta t de décisions pr ises de façon automatique sans que ne soient examinées au fond les situations spécifiques des personnes, tel les que l’ éta t de santé , la situation familiale, la scolarité des enfants, etc.
Dans le s dizaines de dossiers d’ex pu lsion traités par l’Inca CGIL (encadré 2), la présence d’enfants à charge n’empêche pas, par exemple, l’Office des étrangers de faire exécuter des ordres de quitter le territoire durant l’année scolaire.
Une expulsion systématique des travailleurs de l’UE indemnisés par l’assurance chômage depuis plus de six mois…
La directive 2004/38 ne peut pas non plus être utilisée comme prétexte pour justifier des expulsions systématiques de demandeurs d’emploi. C’est en s’appuyant sur l’article 7.3 que les autorités belges mettent automatiquement fin au séjour de citoyens de l’UE qui ont travaillé moins de 12 mois avant le chômage et qui sont inoccupés pendant six mois consécutifs.
Or, la directive 2004/38 fixe les conditions du droit de séjour de manière extensive et positive. Elle établit, par exemple, que le citoyen de l’UE qui a involontairement perdu son travail « conserve le statut de travailleur » (et donc son droit de séjour) s’il a travaillé au moins 12 mois. Et s’il ne peut pas satisfaire à ce dernier critère, c’est-à-dire si son contrat de travail a duré moins d’un an, il a également le droit de conserv er son statut de travailleur et donc son droit de séjour « pendant au moins six mois » (article 7.3.c). Et une fois ce délai expiré, le travailleur en question a le droit de garder son titre de séjour « tant qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé » (article 14.3).
En dépit de ces dispositions, la motivation automatiquement invoquée par l’Office des étrangers est que la personne « ne remplit plus les conditions de séjour d’un demandeur d’emploi, sa longue période d’inactivité démontrant qu’il n’a aucune chance réelle d’être engagé ». L’Office des étrangers considère qu’une période de six mois de recherche infructueuse d’emploi est, malgré la situation difficile sur le marché du travail, un délai bien trop long, et à ce seul titre justifie pleinement une sanction sous la forme d’un ordre de quitter le territoire. Or, indépendamment des aspects purement juridiques, en Belgique, la durée moyenne d’inoccupation est de plus de six mois pour la plupart des demandeurs d’emploi, y compris les ressortissants nationaux (tableau 1). Ne serait-il pas plus logique de tenir compte de cette réalité collective du chômage avant de prendre une telle décision ? Et surtout, une autorité comme l’Office des étrangers, censée normalement traiter la délivrance des visas et les demandes d’asile, a-t-elle vraiment les moyens d’estimer la « chance réelle d’être engagé » d’un travailleur citoyen européen ?
Rappelons que l’allocation de chômage est une prestation d’assurance sociale qui ne relève pas de l’assistance ou de l’aide sociale. Elle est contributive, elle n’est pas attribuée sans versement préalable de cotisations. Il s’agit, au sens même de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, d’un système basé sur des principes assurantiels dans lesquels les personnes contribuent en proportion de leurs revenus et reçoivent des bénéfices proportionnels à leurs contributions 19. Par ailleurs, la directive 2004/38 permet de remettre en cause, en examinant de façon proportionnée chaque situation, le droit au séjour et à l’égalité de traitement d’un citoyen de l’UE qui constituerait une « charge déraisonnable » pour le système d’assistance sociale. Or ce motif ne peut être étendu au système d’assurance sociale, ce que font également mine d’ignorer les autorités belges pour pouvoir expulser des chômeurs.
… et même des citoyens de l’UE qui travaillent
La nouvelle chasse aux « touristes sociaux » amorcée depuis quelques années a fini par atteindre des travailleurs, pourtant en principe protégés par le droit de l’UE. Jusqu’en 2014, les autorités belges retiraient en effet le droit de séjour à des travailleurs citoyens de l’UE si ceux-ci travaillaient dans le cadre d’un contrat relevant de l’article 60 de la loi sur les Centres publics d’action sociale (CPAS) 20. Pour retirer le droit de séjour à des salariés européens, l’Office des étrangers arguait qu’il s’agissait d’emplois aidés (subsidiés). Pour l’Office des étrangers, mais également pour la juridiction de première instance (le Conseil du contentieux des étrangers 21), il ne s’agissait pas de travailleurs car ces emplois créés dans un but de réinsertion ne pouvaient être assimilés à des « activités économiques réelles et effectives ». Or, cette considération est fondée sur une ancienne jurisprudence de la Cour de justice de l’UE depuis lors modifiée 22.
Si le terme « travailleur » n’est pas précisément défini par les traités européens eux-mêmes, la Cour de justice de l’UE estime que la notion de « travailleur », qui détermine le champ d’application du principe fondamental de la liberté de circulation, ne doit pas être interprétée d’une manière restrictive. Elle définit que ce terme désigne toute personne qui : 1) entreprend un travail réel et effectif, 2) sous la direction de quelqu’un d’autre, 3) pour lequel elle est rémunérée. Cette définition s’applique indépendamment tant du temps de travail 23 que de la qualification donnée au travailleur, celle d’apprenti par exemple 24, et cela, même si la rémunération est inférieure au revenu minimum garanti fixé dans l’État membre d’accueil et que la personne pourra donc percevoir ce minimum social en complément de son salaire 25. De la même manière, les personnes ayant des contrats à durée déterminée sont considérées comme des travailleurs si elles satisfont aux trois conditions susmentionnées. Pour la Cour de justice, la qualité de travailleur salarié ne dépend ni de « la nature juridique sui generis de la relation d’emploi », ni du niveau plus ou moins élevé de productivité du travailleur, ni de « l’origine des ressources » permettant de payer sa rémunération, ni du niveau de celle-ci (Mormont, Neven, 2014). Seul compte « le caractère réel et effectif » de l’activité. Or, il paraît difficile de dénier ce caractère aux activités prestées à temps plein au profit de différents acteurs du secteur public comme de l’économie sociale, uniquement parce que celles-ci sont encadrées par l’article 60 d’une loi à finalité sociale. Au contraire, le raisonnement de l’Office des étrangers reproduit bien une vision de la société qui, implicitement, hiérarchise les personnes et leurs activités en fonction de leur statut administratif et de leur plus ou moins grande utilité supposée 26.
En janvier 2014, Maggie De Block, secrétaire d’État à l’Asile, à l’Immigration et à l’Intégration sociale de l’époque et aujourd’hui ministre des Affaires sociales, n’avait pas hésité à affirmer que « conformément à la jurisprudence [européenne], les personnes employées dans le cadre de l’article 60 ne possèdent pas le statut de salarié 27 ». Son successeur Theo Francken a finalement dû admettre que les travailleurs article 60 sont bien des « travailleurs » au sens du droit de l’UE, et en conséquence qu’ils ne peuvent pas être expulsés. Depuis fin 2014, « un employé sous contrat article 60, § 7 (emploi subsidié par un CPAS pour ouvrir le droit aux allocations de chômage ou acquérir de l’expérience professionnelle), est considéré comme un travailleur salarié à part entière, et aucune décision de refus de séjour ou de retrait de séjour ne peut plus être prise sur cette base […] 28 ».
Et pourtant, les expulsions de travailleurs ne se sont pas totalement arrêtées. Cette marche arrière concernant les contrats aidés n’empêche en effet pas le Conseil du contentieux des étrangers de statuer encore aujourd’hui sur le bien-fondé de certaines décisions de l’Office des étrangers visant à faire expulser des citoyens européens, effectivement au chômage au moment du contrôle de leur situation et ayant entre-temps trouvé un nouvel emploi, tout en gardant le même motif d’expulsion, selon lequel la personne n’aurait « aucune chance réelle d’être engagée ».
Une généralisation et une automatisation des contrôles en vue des expulsions
Le changement de comportement des autorités vis-à-vis des travailleurs relevant de l’article 60 explique très probablement la diminution sensible du nombre d’expulsions en 2014 par rapport à l’année 2013 (2 402 contre 2 712). Reste que ce nombre avait été multiplié par sept entre 2010 et 2013, passant de 343 à 2 713 (graphique 1, supra).
La banalisation de ces expulsions est devenue courante dans les discours. On invoque des personnes indéfendables car ayant « fraudé » le système social belge. Or, selon les statistiques même de l’Office des étrangers, les abus et les fraudes ne concernent qu’un faible pourcentage des décisions d’expulsion, entre 5 et 10 % des cas (graphique 2). Pour justifier les moyens, on s’appuie également sur des discours stéréotypés flirtant avec le racisme ou la xénophobie pour montrer que c’est un moindre mal puisqu’il ne s’agit « que » de ressortissants de l’Europe de l’Est… Si les ressortissants roumains et bulgares sont majoritaires parmi les expulsés, en raison principalement du nombre important de nouveaux arrivants venant de ces deux pays, d’autres ressortissants espagnols, néerlandais, italiens, français ou allemands pâtissent également de ces pratiques légalement douteuses (tableau 2).
La forte augmentation des ordres de quitter le territoire depuis 2010 n’est donc pas liée à un plus grand nombre de fraudes sociales, ni à des comportements plus ou moins abusifs en fonction du pays d’origine. Cela s’explique plutôt par une procédure tout à fait spéciale, orchestrée par les autorités belges à partir de 2011, qui permet à l’Office des étrangers de recueillir automatiquement une multitude de données à caractère personnel concernant l’ensemble des étrangers via notamment la Banque carrefour de la sécurité sociale 29. L’Office des étrangers reçoit ainsi des données personnelles sur différentes catégories de citoyens de l’UE qui ne bénéficient pas d’un droit au séjour permanent (Myria, 2015:128), et plus précisément de la part d’institutions telles que :
- le Service public de programmation Intégration sociale, qui transmet des données personnelles sur les citoyens de l’UE bénéficiant d’une aide sociale (revenu d’intégration sociale ou équivalent) ;
- l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants, qui transmet des informations sur les citoyens de l’UE ayant déclaré l’exercice d’une activité professionnelle indépendante ;
- l’Office national de l’emploi, qui transmet des informations sur les citoyens de l’UE sans emploi pendant six mois consécutifs et ayant travaillé moins de 12 mois avant cette période de chômage ;
- l’Office national de sécurité sociale, qui transmet toute une série d’informations résultant du croisement de différentes banques de données, concernant les travailleurs étrangers salariés, indépendants et stagiaires, frontaliers, détachés, etc.
Comme si cela était légitime, les textes qui autorisent ces flux d’informations affirment explicitement que « l’Office des étrangers a besoin de ces données afin d’identifier les personnes concernées de manière univoque et de décider du maintien de leur droit de séjour 30 ». À l’encontre du droit de l’UE qui prohibe toute forme de contrôle systématique 31, des délibérations affirment que « l’Office des étrangers est informé au moyen des flux automatiques lorsqu’un citoyen a bénéficié d’un revenu d’intégration sociale ou d’une aide financière à charge de l’État 32 ».
Même une autorité publique indépendante comme le Centre fédéral migration Myria 33 a récemment dû rappeler aux autorités fédérales belges – c’est-à-dire à l’Office des étrangers, au Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration et au Parlement fédéral – que « le contrôle et éventuel retrait du droit de séjour de citoyens UE doivent être traités au cas par cas et pas systématiquement », et que « l’Office des étrangers ne peut pas retirer automatiquement leur droit de séjour aux citoyens de l’UE qui reçoivent une aide sociale, mais doit effectuer une évaluation individuelle ». Et il a subséquemment recommandé « de prendre toutes les mesures pratiques pour empêcher le contrôle systématique des données personnelles de ces citoyens pour respecter l’interdiction prévue par la directive sur la libre circulation » (Myria, 2015:232).
Réactions et stratégies des acteurs sociaux
En juillet 2012, les médias européens découvrent un fait jusque-là inimaginable : la Belgique expulse des citoyens européen s. Choquée par le sort de ses concitoyens, la presse française relate que de nombreux Français sont expulsés par les autorités belges 34.
Pour mettre un frein à ces pratiques, à l’initiative de l’Inca CGIL, 14 personnalités du monde syndical et académique de différentes nationalités lancent un appel en mai 2014, à la veille d es dernières élections européen nes 35. Grâce au soutien de la Confédé ration européenne de s synd icats, l e su jet est éga lem ent plusieur s fois mis à l’ordre du jour du Comité consultat if pour la libre circulation des travailleurs, chargé d’assister la Commission européenne dans l’examen des questions couvrant la libre circulation des travailleurs 36. Quatre organisations particulièrement actives en matière de droits sociaux et de libertés civiles – Inca CGIL, la FGTB, EU Rights Clinic et Bruxelles Laïque – déposent le 4 novembre 2014 une plainte formelle à la Commission européenne lui demandant d’intenter une procédure en manquement contre l’État belge 37. La note qui accompagne la plainte présente le cas d’un travailleur citoyen européen ayant reçu le 29 août 2014 un « ordre de quitter le territoire » malgré une très longue carrière professionnelle en Italie et en Belgique. Sur cette base, la Commission européenne ouvre une procédure dite « EU Pilot 38 » ayant pour objet l’« expulsion des citoyens européens ayant perdu leur emploi en Belgique ».
Le 19 juin 2015, les services de la Commission informent finalement les plaignants de la réponse des autorités belges. Selon la Commission, « ces autorités signalent que conformément aux dispositions de la directive 2004/38, avant de prendre une décision d’éloignement à l’égard d’un citoyen de l’Union, le ministre ou son délégué procède à une analyse individuelle et approfondie du dossier de l’intéressé. » Compte tenu de cette réponse, les services de la Commission demandent de leur fournir « tous les éléments susceptibles de permettre à la Commission de prouver qu’une telle analyse individuelle et approfondie du dossier de l’intéressé fait défaut ».
Déconcerté par le laconisme de cette réponse, ignorant les éléments circonstanciés produits au moment de la plainte, le syndicat socialiste belge FGTB reprend le relais de l’affaire et met sur pied un comité d’experts afin de constituer un dossier juridique complet pouvant démontrer, preuve à l’appui, les mensonges des autorités belges. Ce dossier est remis à la Commission européenne en mars 2016 et, en attendant la réponse, le comité continue de récolter des dossiers d’expulsions et d’élaborer des arguments socio-juridiques.
Conclusion
La Belgique n’est pas le seul pays à remettre en question la libre circulation des travailleurs et l’accès à la sécurité sociale.
La lettre commune envoyée en avril 2013 à la Présidence de l’UE par quatre ministres, représentant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Autriche et les Pays-Bas en est un antécé dent fort inquiétant 39. Tout en soulignant les « avantages de la libre circulation des citoyens européens», leur principal argument était que « ces migrants en provenance d’autres États membres engendrent des coûts supplémentaires pour la société ». « En plus de la pression sur les services locaux de base, un nombre significatif de nouveaux immigrés a accès aux allocations sociales des pays de séjour, souvent sans y avoir droit, en soumettant à rude épreuve les systèmes de sécurité sociale des pays d’accueil.»
Les ministres ne répondront jamais à l’invitation de la Commission européenne de produire « les faits et chiffres pertinents, en ce y compris des preuves statistiques ». En effet, les chiffres contredisent largement la thèse des abus ou des coûts supplémentaires. Selon une étude publiée par la Commission européenne, la très grande majorité des migrants intra-UE s’établissent dans un autre pays pour y travailler et, par leurs cotisations, sont en moyenne contributeurs nets au régime de protection sociale des pays d’accueil (ICF GHK, Milieu, 2013), et d’autres analystes ont confirmé cette conclusion (Giulietti, 2014). Une étude basée sur des données officielles du budget du gouvernement britannique a montré qu’entre 1995 et 2011, les ressortissants européens ont contribué à hauteur de 10 % de plus que les autochtones (Dustmann, Frattini, 2014). Et selon l’OCDE, la contribution nette des immigrés, c’est-à-dire la différence entre les contributions sociales et fiscales payées et les prestations sociales perçues, est positive dans la quasi-totalité des pays (OCDE, 2013).
L’annonce de la mesure étant plus importante que son efficacité, les arguments rationnels n’empêchent pas les dirigeants politiques de faire appel à des discours autant démagogiques qu’infondés.
Au Royaume-Uni, le Premier ministre David Cameron prend des mesures abusives pour lutter contre le « tourisme social » des citoyens de l’UE, amenant la Commission européenne à traduire cet État devant la Cour de justice de l’Union européenne en mai 2013 40. Fin 2014, Cameron annonce son intention d’aller plus loin : l’accès au marché du travail serait refusé aux ressortissants d’autres États membres, « jusqu’à ce que leurs économies soient comparables à celle du Royaume-Uni », autant dire pas avant des décennies pour certains citoyens de l’UE. Les travailleurs étrangers au chômage seraient expulsés après six mois de recherche infructueuse d’un emploi 41 et les allocations familiales pour enfants vivant à l’étranger seraient supprimées, mesure purement démagogique, car, au Royaume-Uni, moins de 0,3 % des allocations familiales sont effectivement versées à des enfants vivant à l’étranger (Batsaikhan, 2016). Les conservateurs proposent aussi que les immigrés européens soient exclus de toute prestation liée à l’emploi, au cours au moins des quatre premières années de résidence. Certains responsables de l’opposition travailliste se rangent à ces arguments, telle la députée Rachel Reeves, ministre de l’Emploi et des Pensions au sein du cabinet fantôme du Parti travailliste, affirmant que « les ressortissants de l’Union européenne ne devraient avoir aucun accès aux prestations de chômage au moins pendant les deux premières années de résidence au Royaume-Uni 42 ».
Les mêmes discours sont tenus en Allemagne 43 où, le 27 juillet 2014, le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière a annoncé un train de mesures visant à limiter les droits à la libre circulation des ressortissants européens, notamment en mettant fin aux allocations familiales réclamées par des migrants pour des personnes à charge vivant à l’étranger 44. L’impact réel sur les finances serait encore une fois négligeable, puisque seulement 0,6 % des 14 millions d’enfants ayant droit aux prestations familiales vivent à l’étranger, mais la mesure serait préjudiciable aux quelque 144 000 travailleurs polonais vivant en Allemagne et ayant au moins un enfant encore en Pologne.
Fin 2014, le Parlement allemand a encore adopté une loi permettant de prononcer de nouvelles interdictions d’entrée sur le territoire fédéral à l’encontre de citoyens européens, notamment ceux qui auraient produit des documents falsifiés ou inexacts. La législation européenne donne pourtant déjà aux États les outils pour se défendre, y compris en permettant l’expulsion des fraudeurs (Commission européenne, 2013b).
La tentation de limiter les droits des citoyens de l’UE concerne d’autres pays que la Belgique, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le Luxembourg avait introduit des restrictions en 2000 à l’encontre d’étudiants enfants de travailleurs étrangers 45, jusqu’à ce que la Cour de justice de l’UE en ordonne, en 2013, le retrait, précisant pour la énième fois que le travailleur migrant « bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux » (affaire C-20/12).
En France, de nombreuses associations dénoncent les expulsions de citoyens de l’UE qui s’élèvent à environ 10 000 par an, visant principalement les personnes dites Roms. Malgré les nombreuses informations apportées par différentes associations, rappelées également à l’occasion d’une pétition devant le Parlement européen 46 ou de plaintes devant la Commission européenne 47, celle-ci s’est toujours refusée à ouvrir une procédure d’infraction contre la France.
Le fait qu’il s’agit d’une stratégie, et non d’un enchaînement d’épisodes isolés, est devenu évident lors de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 février 2016 48. Afin de « trouver des solutions mutuellement satisfaisantes » aux conditions présentées par le Premier ministre britannique pour le maintien de son pays au sein de l’UE, les 28 chefs d’État ou de gouvernement ont alors approuvé à l’unanimité un arrangement juridiquement contraignant qui brise – de facto – 60 ans de législation et de jurisprudence européennes en matière de libre circulation. Cet arrangement prévoit, entre autres, un mécanisme dit « d’alerte et de sauvegarde » permettant de limiter (empêcher) l’accès des travailleurs de l’UE aux « prestations liées à l’emploi à caractère non contributif 49 » pendant une durée totale pouvant aller jusqu’à quatre ans à partir du début de l’emploi. En plus de cela, une proposition de modification du règlement 883/2004 sur la coordination de la sécurité sociale sera présentée par la Commission européenne, visant à réduire le droit aux allocations familiales pour enfants résidant dans un État membre autre que celui dans lequel le parent travailleur exerce ses activités. Si le premier dispositif pourra être activé « à la demande » d’un État, le deuxième sera automatiquement applicable dans tous les États de l’UE.
Et quant à la Commission européenne, en principe « gardienne des traités », elle aussi fait de plus en plus preuve d’une attitude pour le moins ambiguë. La pression semble désormais telle que l’idée de restreindre les droits des travailleurs migrants, en limitant l’accès aux indemnités de chômage et en diminuant les allocations familiales, est devenue l’une des pistes capitales de son nouveau paquet mobilité, connu sous le nom de Labour Mobility Package (Caldarini, 2016).
Un observateur distrait pourrait considérer qu’il ne s’agit, au fond, que de petits arrangements de bon sens : la lutte contre les fraudes et les abus, l’adaptation des allocations au coût de la vie, etc. Mais il nous parait clair qu’en réalité, l’objectif est de limiter l’accès à la sécurité sociale à des travailleurs qui en ont acquis le droit sur la base de leurs cotisations : voici la « fraude ».
Le constat que le populisme et la xénophobie, qu’ils visent les réfugiés, les migrants ou les citoyens de l’UE, se généralisent aux instances européennes, révèle le danger qui menace le projet européen lui-même. Comme le Vice-président de la Commission européenne l’a d’ailleurs dit assez clairement, le but est de séparer l’accès au marché du travail de l’accès à la sécurité sociale 50. Et si c’est le cas aujourd’hui pour les « étrangers », il n’est pas certain qu’à l’avenir ce ne sera pas le cas pour tout le monde.
Carlo CALDARINI
* Sociologue, directeur de l’Observatoire des politiques sociales en Europe (Inca CGIL) à Bruxelles (c.caldarini@numericable.be).
Sources
Assfam, Forum Réfugiés, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte (2014), Centres et locaux de rétention administrative, Rapport 2014.
Batsaikhan U. (2016), « Child benefits for EU migrants in the UK », Bruegel.org, http://bit.ly/20SYI6u.
Caldarini C. (2016), « Labour Mobility Package: A European Fraud Against Mobile Workers and Their Countries of Origin? », Inca CGIL – Observatory on European Social
Policies, http://bit.ly/1VpbcBs.
Commission européenne (2013a), Circuler et séjourner librement en Europe. Guide de vos droits en tant que citoyen de l’Union européenne, http://bit.ly/1DDkDVy.
Commission européenne (2013b), « Libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leur famille : cinq actions pour faire la différence », Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM(2013) 837 final, 25 novembre, http://bit.ly/1K1oMFR.
Dustmann C., Frattini T. (2014), « The Fiscal Effects of Immigration to the UK », The Economic Journal, vol. 124, n° 584, November, p. 593-643.
Giulietti C. (2014), « The Welfare Magnet Hypothesis and the Welfare Take-up of
Migrants », IZA World of Labor, n° 37, May, http://bit.ly/1QLSVdN.
GRASPE (2015), « La citoyenneté européenne à l’épreuve de la crise économique », Cahier n° 24, février, http://bit.ly/1FAhiJB.
ICF GHK, Milieu (2013), A Fact Finding Analysis on the Impact on the Member States’ Social Security Systems of the Entitlements of Non-active Intra-EU Migrants to Special Non-contributory Cash Benefits and Healthcare Granted on the Basis of Residence. Final Report, DG Employment, Social Affairs and Inclusion via DG Justice Framework Contract, October 14, http://bit.ly/1BxQkf8.
Mormont H., Neven J.-F. (2014), « Le droit à l’aide sociale et le droit à l’intégration sociale en faveur des étrangers : questions d’actualité », in Clesse J., Hubin J. (dir.), Questions spéciales de droit social. Hommage à Michel Dumont, Bruxelles, Larcier, p. 13-49, http://bit.ly/1wGGSp5.
Myria Centre fédéral Migration (2015), La migration en chiffres et en droits 2015, Bruxelles, septembre, http://bit.ly/1PNeWJR.
Neven J.-F. (2014), « Citoyens européens, CPAS et expulsions : le mode d’emploi de l’Office de étrangers », La Revue nouvelle, n° 4-5, avril-mai, http://bit.ly/1Q3C2yE.
OCDE (2013), Perspectives des migrations internationales 2013, Paris, Éditions OCDE, http://bit.ly/1DaVfqG.
Office des étrangers, Rapports d’activités, http://bit.ly/1vHzUyt.
Pascouau Y. (2013), « Strong Attack Against the Freedom of Movement of EU Citizens: Turning Back the Clock », EPC, April 30, http://bit.ly/1FzCtvl.
1Dans cet article, nous utilisons les termes « expulsion », « retrait du titre de séjour » et « ordre de quitter le territoire » pour désigner la même procédure d’éloignement, dénommée plus précisément « Décision mettant fin au droit de séjour de plus de trois mois avec ordre de quitter le territoire ». Les autorités belges contestent parfois l’emploi du mot « expulsion » (qui est par contre utilisé par la Commission européenne) car, même s’il est déchu de son droit de séjour, avec tout ce qu’il en résulte, dans la procédure habituelle le citoyen européen n’est pas matériellement expulsé par les forces de police. Néanmoins, la décision qui lui est à cet effet notifié dit textuellement que « à défaut d’obtempérer à cet ordre de quitter le territoire le prénommé s’expose à être ramené à la frontière et à être détenu à cette fin ».
2. Réponse de M. Theo Fancken, Secrétaire d’État à l’asile et la migration, à la question parlementaire n° 230 du 23 juillet 2015 de M. Benoît Hellings (F), député.
3. Registre des Français établis hors de France au 31 décembre 2014.
4. La France a expulsé 1 713 citoyens de l’UE en 2014 rien que depuis ses centres de rétention administrative, à 84 % des Roumains (Assfam et al., 2014).
5. Le traité CEE réunit la France, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux dans une Communauté
qui a pour but l’intégration par les échanges en vue de l’expansion économique. Après le traité de Maastricht, la CEE devient l’Union européenne, exprimant la volonté des États membres d’élargir à des domaines non économiques les compétences communautaires.
6. Le traité de Rome prévoyait déjà dans son article 48 que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté ». Les articles 48 à 51, portant sur la libre circulation des travailleurs, ont été repris presque sans modification dans le traité de Lisbonne.
7. Notamment par un paquet de directives du 28 juin 1990 : n° 90/364 relative au droit de séjour, n° 90/365 relative au droit de séjour des travailleurs ayant cessé leur activité professionnelle, n° 90/366 relative au droit de séjour des étudiants.
8. Aujourd’hui : articles 45 à 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
9. Aujourd’hui : articles 18 à 25 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
10. D’autres textes de droit dérivé européen interviennent également en la matière et principalement, s’agissant des travailleurs, le règlement (UE) n° 492/2011 pour l’accès à l’emploi dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et la directive 2014/54/UE relative à l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation.
11. La règle générale, au sens de la Cour de justice de l’Union européenne, est que les travailleurs migrants ne doivent pas subir de réduction du montant des prestations de sécurité sociale du fait qu'ils ont exercé leur droit à la libre circulation.
12. On compte toutefois des exceptions importantes, notamment pour les travailleurs détachés.
13. Règlement (CE) n° 859/2003.
14. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-122_fr.htm.
15. Réponse de M. Theo Francken, Secrétaire d’État à l’asile et la migration, à la question parlementaire n° 230 du 23 juillet 2015, précitée.
16. L’office des étrangers est l’organisme public qui s’occupe en Belgique de la police des étrangers ou législation sur l’immigration.
17. Notamment de l’Institut syndical italien – Inca CGIL – et de la Fédération générale du travail de Belgique – FGTB.
18. Par exemple le Centre d’éducation populaire André Genot – CEPAG –, le Centre régional d’action interculturelle du Centre – CERAIC –, la Comune del Belgio, Europe 4 People, EU Rights Clinic, le Foyer et l’Association pour le droit des étrangers – ADDE.
19. Au sens de l’arrêt de la CJUE du 19 septembre 2013 dans l’affaire Brey (C-140/12, points 61 et 62), les allocations de chômage perçues en contrepartie des contributions sociales ne peuvent être considérées comme de « l’aide sociale », cette dernière concernant « des régimes d’aides institués par des autorités publiques… auxquels a recours un individu qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face à ses besoins élémentaires ainsi qu’à ceux de sa famille » et qui « est intégralement financée par les pouvoirs publics sans aucune contribution des assurés ».
20. Le Centre public d’action sociale (CPAS) est l’équivalent du Centre communal d’action sociale (CCAS) français. L’article 60 est un contrat de travail à durée déterminée, institué en Belgique par la loi de 1976, permettant aux CPAS de procurer un emploi à une personne éloignée du marché du travail afin de la réintégrer dans le régime de la sécurité sociale et dans le marché du travail (base légale : la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale, article 60, § 7).
21. Le Conseil du contentieux des étrangers est en Belgique la juridiction administrative indépendante qui peut être saisie des recours contre les décisions de l’Office des étrangers.
22. Le Conseil du contentieux des étrangers se basaient sur l’arrêt Bettray (CJUE, C-344/87, 31 mai 1989), sans tenir compte des arrêts Birden (CJUE, C-1/97, 26 novembre 1998) et Trojani (CJUE, C-456/02, 7 septembre 2004). Voir à ce propos Neven (2014).
23. Affaire 171/88, Rinner-Kuhn, 13 juillet 1989.
24. Affaire C-27/91, Le Manoir, 21 novembre 1991.
25. Affaire 139/85, Kempf, 3 juin 1986.
26. D. Decoux, « La Belgique expulse des travailleurs européens : et l’idéal européen alors ? », Alter Échos, 3 avril 2014, http://bit.ly/1rR5XdT.
27. http://bit.ly/1EgCbZS.
28. Chambre des Représentants de Belgique, Note de politique générale. Asile et Migration,
28 novembre 2014, pages 27-28, http://bit.ly/1aIKz8F.
29. La « Banque carrefour » est une institution publique belge, chargée de la collecte et de l´échange de données entre les institutions de sécurité sociale.
30. Voir, par exemple : Comité sectoriel de la sécurité sociale, Délibération n° 13/051 du 7 mai 2013, http://bit.ly/1QojRG3.
31. L’utilisation à ces fins des banques de données sociales constitue en effet une violation de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/38 qui interdit toute vérification systématique du droit de séjour des citoyens européens. A. Bailleux, J.-Y. Carlier, D. Dumont, P. Martens,
J.-F. Neven, « Libre circulation des citoyens européens: du mauvais usage par la Belgique de ses banques de données sociales », La Libre Belgique, 5 février 2015, http://bit.ly/1ANCuVF.
32. Comité sectoriel de la sécurité sociale, Délibération n° 12/054 du 3 juillet 2012, modifiée le 5 mai 2015, http://bit.ly/1oOFgMh.
33. Le Centre fédéral migration, dénommé aussi Myria (www.myria.be), est un organisme public belge qui depuis le 15 mars 2014 exerce « en toute indépendance » trois missions légales : veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers, informer sur la nature et l’ampleur des flux migratoires, stimuler la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains.
34. Voir par exemple A. Mazoué, « Face à la crise, la Belgique expulse les chômeurs européens », France 24, 30 juillet 2012, http://f24.my/23abpOl.
35. « Les expulsions de citoyens et citoyennes européens. Un phénomène qui nous alarme, et nous mobilise. Carte blanche », Inca-CGIL, http://bit.ly/1x0C0R5.
36. Ce comité est composé de six membres titulaires pour chacun des États membres, dont deux représentent le gouvernement, deux les organisations syndicales de travailleurs et deux les organisations syndicales d’employeurs.
37. http://bit.ly/11sIGZZ.
38. Si une infraction est suspectée par la Commission européenne ou dénoncée dans une plainte, la Commission tente de résoudre le problème avec l’État membre concerné au moyen d’un dialogue structuré, dénommé EU Pilot. Les États membres peuvent alors fournir un complément d’informations factuelles ou juridiques sur un cas présumé de violation du droit de l’Union – le but étant de trouver une solution rapide et conforme à la législation européenne, et donc d’éviter le recours à une procédure formelle d’infraction.
39. http://bit.ly/1ReNzb5.
40. « Social Security Benefits: Commission Refers UK to Court for Incorrect Application of EU Social Security Safeguards », European Commission Press Releases, Brussels, May 30, 2013, http://bit.ly/1LpLGLZ.
41. C. Barbière, « Cameron promet de nouvelles restrictions contre les immigrés européens »,
Euractiv, 28 novembre 2014, http://bit.ly/1Ln4R8C.
42. « EU Migrants Would Have to Wait Two Years Before Claiming Jobseekers’ Allowance Under Labour », www.labourlist.org, November 18, 2014, http://bit.lyZ/1gHoPhj.
43. « Germany Readies Response to “Poverty Immigration” », Euractiv, January 9, 2014, http://bit.ly/1RTuk8y.
44. « Staatssekretärsausschuss: Kabinett beschließt Abschlussbericht », Ministère de l’Intérieur de la République fédérale, August 28. 2014, http://bit.ly/18nIs91.
45. Loi du 22 juin 2000, modifiée par une loi du 26 juillet 2010, concernant l’aide financière de l’État pour études supérieures.
46. Pétition au Parlement européen relative à l’éloignement et à l’enfermement des citoyens européens, 25 février 2015, http://bit.ly/1eQm2At.
47. « EU: A Key Intervention in Roma Expulsions », Human Rights Watch, September 14, 2010, http://bit.ly/1SQ7Yry; « Le respect par la France de la Directive européenne relative à la liberté de circulation et l’éloignement de ressortissants européens appartenant à la communauté Rom », Human Rights Watch, 28 septembre 2011, http://bit.ly/1PtBHB4.
48. Conclusions du Conseil européen, 18 et 19 février 2016, http://bit.ly/1oSttgy.
49. Au Royaume-Uni, il existe actuellement deux types d’allocation de chômage : l’allocation à caractère contributif est versée pendant six mois au travailleur ayant versé suffisamment de cotisations à l’assurance nationale ; l’allocation à caractère non contributif est liée au revenu, et est versée au travailleur qui n’a pas cumulé assez de cotisations, et en tout cas à ceux qui ont déjà bénéficié des six mois d’allocation contributive.
50. « Timmermans Backs UK Push Against “Welfare Tourism” », Euractiv, March 17, 2015, http://bit.ly/20IlspV.