Ce numéro spécial de La Revue de l’IRES est consacré au salaire minimum. En France, l’année 2020 marque à cet égard un double anniversaire puisqu’un salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) y a été créé en 1950, avant d’être substantiellement amélioré en 1970 avec sa transformation en salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Depuis 50 ans, le Smic constitue ainsi un des piliers de la régulation des salaires dans notre pays. Si cet anniversaire a été relativement passé sous silence, l’actualité du salaire minimum n’en demeure pas moins forte.
À la mi-janvier 2020, la Commission européenne a ainsi lancé une initiative pour engager une consultation des partenaires sociaux afin de « relever les défis liés à un salaire minimum équitable ». La démarche n’est pas nouvelle mais elle s’inscrit dans un contexte où le débat sur la nécessité d’une hausse des salaires a été relancé dans plusieurs pays européens, ce qui peut laisser augurer d’une conclusion plus concrète de cette initiative européenne.
Par ailleurs, l’épidémie de Coronavirus qui s’est déclenchée fin 2019/début 2020 et le confinement qui l’a accompagnée ont remis dans l’actualité la question des emplois à bas salaires, en particulier pour certains métiers peu rémunérés souvent considérés comme non qualifiés. Ces métiers se sont révélés non seulement indispensables mais aussi exposés au risque d’infection. Cette tension entre le caractère indispensable de ces métiers et leur faible reconnaissance sociale, notamment en termes de salaire, a remis à l’ordre du jour la question de la reconnaissance de ces emplois et de leur revalorisation. Cette question a bien évidemment des conséquences concernant le salaire minimum, même si cet outil ne saurait être le seul instrument de revalorisation des bas salaires.
C’est dans ce contexte renouvelé que les contributions de ce numéro spécial proposent d’apporter quelques éclairages sur les débats qui entourent la définition d’un salaire minimum.
L’idée d’un salaire minimum repose sur le principe selon lequel tout salarié devrait pouvoir obtenir par son salaire des moyens d’existence décents lui permettant de participer, au moins de façon minimale, à la société. Cette idée s’est très tôt heurtée à une forme de théorème d’impossibilité dans la mesure où, pour la théorie économique dominante, cet objectif ne peut être atteint sans engendrer des pertes d’emploi et du chômage. Le salaire étant tout à la fois un coût pour l’employeur et un revenu pour le salarié, toute hausse du salaire minimum aurait des conséquences néfastes pour l’emploi et, in fine, pour les salariés dans leur ensemble. Les deux premiers articles de ce numéro spécial considèrent les deux faces de cette question : celui de Michel Husson aborde la question des effets du salaire minimum sur l’emploi et celui de Torsten Müller et Thorsten Schulten s’interroge sur les critères qui permettraient de fixer un salaire minimum décent (living wage) à l’échelle européenne.
Dans chaque pays, les règles qui encadrent la définition du salaire minimum s’insèrent en outre dans un paysage institutionnel spécifique qui est notamment marqué par le système de relations professionnelles qui gouverne la négociation des salaires. Les articles suivants décrivent les expériences et les débat autour du salaire minimum dans deux grands pays relativement typés à cet égard – le Royaume-Uni et l’Allemagne –, ce qui permet de mettre en perspective dans le dernier article les débats actuels sur le salaire minimum en France.