Les discussions françaises sur la protection sociale en général et sur les retraites en particulier reposent souvent sur l'hypothèse implicite que les dispositifs d'entreprise pourraient en partie compléter, remplacer ou prendre le relais des dispositifs nationaux. Nous montrons dans cet article que ces deux formes de protection sociale ont des effets fondamentalement différents de par leur nature même. Nous esquissons d'abord un cadre d'analyse de la protection sociale qui prend en compte la variété de ses formes institutionnelles. Ensuite, nous analysons les rôles joués par les acteurs impliqués dans la protection sociale en France - employeurs, syndicats, pouvoirs publics et organismes assureurs - selon son niveau de fonctionnement : interprofessionnel, branche ou entreprise. Enfin, nous examinons, à la lumière d'exemples tirés des Etats-Unis, pays où la protection sociale d'entreprise est particulièrement répandue, les solidarités opérant dans les dispositifs couvrant des groupes restreints de salariés en les comparant à la solidarité à l'œuvre dans les dispositifs fonctionnant à une échelle nationale. Cette solidarité là a un impact sur l'économie et sur la société qui est souvent occulté dans les débats. L'une des raisons en est que la solidarité nationale est tellement prégnante en France que l'on perd parfois de vue ses conséquences. Dans cet article nous essayons de les mettre en lumière.