Alors que la pauvreté était longtemps restée un sujet tabou en France, cette question a commencé depuis une dizaine d'années à faire l'objet d'études et de publications de la part du système statistique public. Ces travaux ont fait état de seuils de pauvreté qui tendent, de fait, à s'imposer comme des normes sociales dans le débat public et à servir de référence pour la comparaison avec des barèmes sociaux. Cet usage pose problème pour deux raisons. D'abord, parce qu'aucune administration n'a mission en France de produire des normes sociales de cette nature. Si c'était le cas, les choix nécessairement normatifs qui sous-tendent la construction de seuils de pauvreté devraient faire l'objet d'un large débat informé permettant de déboucher sur des choix collectifs qui ne sauraient être laissés à la responsabilité des statisticiens. Ensuite, parce que les seuils publiés par l'INSEE et les autres administrations sous-estiment très fortement le niveau des seuils de pauvreté, notamment en raison de la sous-estimation considérable des revenus dans les enquêtes auprès des ménages. L'article plaide pour une mesure plus réaliste des seuils de pauvreté qui s'appuie sur des données macroéconomiques. Cette approche permet de situer aujourd'hui le niveau du seuil de pauvreté pour une personne seule entre 800 _ et 1 000 _ par mois selon les conventions retenues, soit à peu près l'équivalent du SMIC net mensuel perçu par un salarié à temps plein.