Au premier rang des transformations marquantes du système des relations professionnelles français, l'extension des possibilités de conclure des accords dérogatoires au droit de la négociation collective a entériné, au plan juridique, la liberté des entreprises de « dire le droit ». Les statistiques rendent-elles compte de cette mutation ? Au vu de l'accroissement constant du nombre d'accords déposés par les entreprises auprès des directions départementales du ministère du Travail, on est tenté de répondre par l'affirmative. Mais le seul dénombrement des textes ne suffit pas : la pratique d'une négociation collective régulière reste un phénomène limité aux grandes firmes. Si, pour ces dernières, la négociation formalisée est un outil de régulation habituel, pour la grande majorité des entreprises ce sont avant tout les mécanismes d'incitation et de contrainte instaurés par l'Etat qui conditionnent leur activité conventionnelle. En outre, la question de la mesure renvoie à la difficulté croissante de distinguer la négociation collective stricto sensu d'un ensemble de textes hybrides validés par le législateur mais aux marges du droit commun.