Au printemps 2003, l'activité économique, en France et en Europe, est au point mort. Le chômage a repris un cours croissant. Cette situation critique révèle des difficultés structurelles, à situer dans une perspective plus longue que la conjoncture du moment. C'est à cette démarche que se livre cet article. Il revient d'abord sur la nature des dynamiques qui ont caractérisé l'Europe au cours des années 1990 et sur la manière dont la France s'y est insérée. Il passe ensuite en revue une série de problèmes d'ordre structurel qui ont pesé sur ces dynamiques et dont le traitement conditionne la sortie de la phase dépressive en cours. Il termine sur la mise en évidence de certains enjeux clefs soulevés, dans ces conditions, par la réorientation de la politique économique et sociale française depuis mai 2002.
Cette politique est confrontée à une double question de cohérence et de justice : si elle choisit, après une phase où l'accent a été mis sur l'enrichissement de la croissance en emploi, d'arbitrer en faveur d'une croissance de nouveau assise sur des gains de productivité plus importants, il importe alors d'inciter à une juste participation de la progression des salaires, aux différents niveaux de qualification, à ces gains. La demande d'origine salariale risque en effet de faire aujourd'hui défaut après avoir été un facteur de croissance et de résistance au ralentissement, tandis que l'investissement des entreprises est au point mort. L'effort pour une nouvelle sécurisation de la condition salariale autoriserait les acteurs de la vie économique à retrouver des fondements plus solides à leurs anticipations de croissance.