Une des caractéristiques des relations sociales espagnoles de l'après-franquisme est d'être traversé par la recherche d'un pacte social. La quête de légitimité par des organisations syndicales et patronales encore jeunes et faiblement implantées s'est principalement réalisée au travers d'une macro négociation centralisée. Ce texte poursuit deux objectifs : d'une part, examiner les développements du système de relations sociales espagnol depuis 30 ans ; d'autre part, mettre en regard les solutions que les différents acteurs sociaux ont élaborées depuis la transition démocratique avec les analyses du néo-corporatisme.
L'histoire des pactes sociaux en Espagne comprend deux périodes distinctes. Dans les premières années de l'après-franquisme et jusqu'au milieu des années 80, le pays a connu une phase de concertation sociale impulsée par l'Etat pendant laquelle de nombreux accords macro sociaux ont vu le jour. L'enjeu partagé par l'ensemble des acteurs, était de soutenir la transition politique de l'autoritarisme à la démocratie, mais aussi le rattrapage économique du pays, en liant d'une part, une modération salariale et une flexibilisation du marché du travail au développement de la protection sociale et l'élaboration d'un droit syndical d'autre part. La seconde période débute en 1994 mais prendra de l'ampleur à partir de 1996. La négociation se déroule désormais autour de thèmes spécifiques. Contrairement aux pactes de la période précédente et à ceux conclus au même moment dans d'autres pays européens, la nouvelle phase de négociation sociale se caractérise par l'absence de liens explicites globaux entre réforme de la protection sociale, politique fiscale et des revenus.
La conclusion d'accords a un temps masqué la fragilité des relations sociales espagnoles. Les accords se sont révélés instables et davantage de nature conjoncturelle que le signe d'une structuration et d'une institutionnalisation de relations tri ou bipartites. Contrairement à ce qui a pu se produire dans d'autres pays européens à la fin des années 90, cette forme de dialogue social n'a pas constitué une sorte d'équivalent fonctionnel des institutions néo-corporatistes. De ce fait, sa pérennisation reste dépendante des évolutions stratégiques des acteurs.