A partir d'un matériau ethnographique (observation participante et entretiens), cet article s'intéresse aux implications de la sous-traitance et de la précarisation de l'emploi dans un métier particulier du bâtiment francilien, le ferraillage. Il cherche à articuler deux tendances contradictoires : d'un côté la mise en concurrence universelle des travailleurs, notamment par le recours massif à l'intérim ; de l'autre la fidélisation sélective de certains d'entre eux, qui prend à l'occasion la forme de discriminations racistes. L'externalisation récente du ferraillage par les grandes entreprises a conduit à comprimer les salaires et fragiliser les emplois. Ces emplois apparaissent désormais réservés à des étrangers aux titres de séjour précaires ou sans papiers. Cependant, ce ne sont pas n'importe quels étrangers précaires : pourquoi les ferrailleurs sont-ils majoritairement des immigrés maghrébins arrivés récemment en France, alors que des immigrés d'autres origines ont des profils similaires ? Diverses causes sont repérables, depuis les politiques migratoires jusqu'aux discriminations intentionnelles effectuées par les employeurs, en passant par cette discrimination indirecte que constitue le recrutement par cooptation. Un tel mode de recrutement (comme la fidélisation de quelques ouvriers) témoigne de la nécessité de « réinjecter » des loyautés dans un ordre marchand qui, lorsqu'il prétend s'appliquer sans limite à la force de travail, comporte des dangers pour la production même.