Cet article est consacré à la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. La première partie documente cette tendance repérée par divers organismes internationaux comme le FMI ou l'OCDE et qui concerne la plupart des pays développés depuis le début des années 1980. Elle montre qu'elle s'accompagne d'un double écart : entre profit et investissement, d'une part, et entre salaires et dividendes, d'autre part. Autrement dit, la baisse de la part des salaires n'a pas été consacrée par les entreprises à un surcroît d'investissement mais à une distribution accrue de dividendes à leurs actionnaires. La deuxième partie passe en revue les études qui cherchent à expliquer ce phénomène à partir de changements dans les conditions de production ; elle montre que cette ligne d'analyse manque de cohérence théorique et qu'elle ne conduit pas à une lecture globale de l'ensemble des faits stylisés. Ni la substitution du capital au travail, ni les chocs exogènes (prix du pétrole ou taux d'intérêt réel) ne fournissent une explication satisfaisante des évolutions à l'œuvre depuis plusieurs décennies. Enfin, la troisième partie propose un schéma d'interprétation et une esquisse de modélisation qui visent à rendre compte de cette cohérence d'ensemble. La conclusion résume les principaux enseignements de cette étude et souligne les liens entre les faits stylisés repérés et la trajectoire de la crise.