En matière de financement et d’attribution des droits sociaux, la notion de « contributivité », néologisme surtout utilisé en France depuis les années 1980, est souvent présentée comme allant de soi. Sa pertinence est, de fait, très rarement discutée. Ne l’est pas davantage la conception normative relative aux principes de solidarité que véhicule le recours à cette notion pour organiser les politiques sociales et leur financement. Ce numéro de La Revue de l’IRES vise à apporter plusieurs éclairages et éléments de discussion autour de cette notion de contributivité, ses origines, ses acceptions et ses usages.
Les articles de ce numéro puisent dans l’histoire longue de la construction des différentes prises en charge des risques sociaux : les retraites, l’indemnisation du chômage et les prestations familiales. Il ressort de ces contributions un leitmotiv commun : loin d’être univoque et indiscutable, la notion s’avère polysémique et marquée par une grande plasticité. On en constate également des usages multiples et fluctuants, qui questionnent les implications en termes d’organisation du financement. Ce terme contribue à occulter d’autres représentations et choix de société, en particulier ceux ayant présidé à la construction de la Sécurité sociale au coeur du XXe siècle. La question de la pertinence de cette catégorie à la fois technique et normative est donc posée : elle doit être appréhendée avec prudence et ne peut pas constituer pour une société un repère indépassable pour analyser et orienter les mécanismes de solidarité et leur financement.
Ce numéro s’appuie sur une recherche réalisée dans le cadre de l’Agence d’objectifs de l’IRES pour la CFE-CGC et sur deux apports importants, l’un de Elvire Guillaud et Michaël Zemmour autour de la contributivité dans les assurances sociales, financée par l’EN3S, le HCFiPS et Sciences Po, l’autre de Jacques Freyssinet sur les évolutions de l’indemnisation du chômage en France.