L’étude propose de manière rétrospective une analyse parallèle de l’évolution du modèle de formation des adultes en France entre 1959 et 2014 au prisme de la Fédération de l’Éducation nationale, puis, après la scission de 1992, de l’Union nationale des syndicats autonomes. Le travail réalisé permet de retracer et de déconstruire certains éléments historiques, souvent tenus pour « acquis » ou comme « allant de soi » dans le milieu professionnel de la formation. Les auteurs portent aussi un intérêt particulier sur l’utilisation des termes et les changements sémantiques opérés. Cette dimension fait notamment l’objet d’analyses tout au long de l’étude et éclaire certains virages idéologiques au fil du temps.
L’étude reprend en détail la construction légale progressive qui a amené la loi de juillet 1971, avec des approches inabouties comme le projet Billères de 1956. Sur le plan syndical, l’étude revient avec précision sur les approches très longtemps « scolaro-centrées » de la FEN, la prééminence que revêtaient pour elle les interactions avec les enjeux de formation initiale (notamment professionnelle), jusqu’au « choc » de l’accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970. Elle évoque ensuite la manière dont elle s’est emparée du problème avec le projet d’« École de l’éducation permanente » (1973-1981) et ses avatars successifs. Elle souligne l’importance du dossier « formation des adultes » dans la construction de l’objet interprofessionnel qu’est l’UNSA depuis 1993. Une perspective politique est également présente en vue d’apporter des clés de compréhension contextuelle, des étapes qui ont jalonné cette histoire de la formation des adultes.
La dernière partie de l’étude, volontairement thématique, se concentre sur des caractéristiques et des enjeux repérés par les acteurs professionnels du champ de la formation. Un basculement des logiques de formation est présenté comme un socle d’analyse pertinent des mouvements de responsabilisation et d’individualisation de la formation à l’œuvre notamment dans les dernières évolutions légales. Les acteurs, les dispositifs ainsi que les outils de la formation des adultes, désormais pensée presque exclusivement dans une logique professionnelle, sont analysés.
Il ressort de cette recherche un sentiment partagé entre, d’un côté, un formidable levier possible d’épanouissement et de développement social et professionnel jamais réellement abouti, et, de l’autre, un mécanisme au service des catégories les plus favorisées, inscrit dans des logiques concurrentielles et court-termistes. Les analyses proposées invitent dès lors les acteurs, notamment syndicaux, à poursuivre la réflexion sur des problématiques telles que la justice sociale ou la nécessité d’inscrire nos politiques éducatives et de formation dans une temporalité longue, sans s’enfermer dans un vocabulaire ou des schémas « idéaux » qui donnent bonne conscience.