Le rapport analyse les pactes sociaux (conclus ou échoués) depuis les années 1990 dans sept pays européens. L’analyse comparative s’appuie sur sept monographies-pays détaillées. Ces pactes sont des accords bi- ou tripartites interprofessionnels nationaux d’une certaine complexité qui comprennent, d’un point de vue syndical, des avancées, mais aussi des concessions, le plus souvent salariales. Pour chaque pays, les monographies présentent les principaux pactes et analysent leur contenu, en les situant dans le contexte économique et dans le cadre des systèmes nationaux de négociation collective. Elles identifient les acteurs qui étaient à l’initiative des négociations, leurs objectifs, ainsi que les concessions et contreparties obtenues dans la négociation. Le cas échéant, les monographies expliquent également ce qui a fait échouer la négociation.
Dans cinq des sept pays analysés (Pays-Bas, Belgique, Irlande, Italie et Espagne), la concertation au sommet a d’abord connu grande régularité et est ensuite entrée dans une phase de turbulences. Aux Pays-Bas et en Belgique, elle était essentiellement bipartite, mais s’est effectuée « à l’ombre de la loi », l’Etat intervenant en cas d’échec de la négociation. Dans les trois pays de la périphérie européenne (Italie, Espagne et Irlande), elle était plutôt tripartite. Ici, ce sont les gouvernements qui ont rompu une concertation qui semblait solidement implantée. Dans ces trois pays, les institutions européennes sont intervenues pour imposer une décentralisation de la négociation collective et une réforme du droit du travail. Si en Irlande la régularité de la concertation s’est terminée de façon abrupte et sans perspective de reprise, elle s’est finalement poursuivie en Italie et en Espagne, mais de façon bilatérale et à l’écart du gouvernement.
Deux pays, l’Allemagne et la Suède, se distinguent des cinq pays précédents car ils n’ont connu ni concertation tripartite régulière, ni échec final. En Allemagne, l’autonomie de négociation collective de branche, respectée par le gouvernement, n’a pas favorisé la conclusion de pactes sociaux tripartites, sauf momentanément comme en 1998-2002 et en 2008-2009. En Suède, la confédération patronale a définitivement mis un terme à la négociation salariale centralisée en 1993. Depuis, deux tentatives de réactiver la négociation centralisée ont échoué. En 1997, un accord interprofessionnel, renouvelé en 2011, a toutefois créé une recentralisation de la négociation salariale au niveau de l’ensemble du secteur industriel.
L’analyse comparative montre que les stratégies des acteurs sont mieux à même d’expliquer la réussite ou l’échec d’un pacte social que les facteurs institutionnels. Sur ce plan, chaque pays suit un sentier qui lui est propre. Malgré des pressions économiques communes, notamment dans la crise, il n’y a pas de convergence générale, ni vers une régularité sans heurts des concertations, ni vers une disparition définitive des pactes sociaux. Néanmoins leur négation se heurte dans la plupart des pays analysés à des difficultés croissantes.