La commande formulée par la Confédération générale du travail (CGT) à l’origine de cette recherche interroge les impacts de la métropolisation sur le travail et l’emploi en Ile-de-France.
L’équipe de recherche y répond dans le présent rapport à partir d’une enquête sur les « travailleurs essentiels », une catégorie considérée comme « nécessaire » à l’économie métropolitaine mais qui ne peut pas vivre dans le coeur de la métropole. La recherche présentée s’attache à rendre compte de cette contradiction. Pour ce faire, elle considère plus spécifiquement cinq secteurs d’emploi : le transport et la logistique ; la santé ; l’enseignement secondaire ; la grande distribution ; la production de la nature en ville. La catégorie des « travailleurs essentiels » n’a toutefois pas de valeur analytique ou explicative dans l’analyse menée. Il s’agit plutôt d’examiner dans quelle mesure et à quelles conditions un syndicat comme la CGT peut s’en saisir comme une catégorie critique de la métropolisation. L’analyse des conditions de travail, d’emploi et de vie de cette catégorie de travailleur·euses fait en effet apparaître des dimensions centrales mais invisibilisées de la métropole francilienne. Elle remet tout d’abord en cause la prétendue « exceptionnalité » (économique, sociale, culturelle) de la métropole à l’échelle nationale, dans la mesure où le poids des « travailleurs essentiels » dans l’économie de l’aire d’attractivité parisienne est équivalent à la moyenne nationale : les travailleur·euses étudié·es sont soumis·es aux mêmes types de restructurations des services publics ou marchands, et aux mêmes risques sanitaires et psycho-sociaux induits par ces restructurations que la moyenne des travailleur·euses français·es.
L’analyse de la fabrique matérielle de la métropole francilienne à partir des pratiques, expériences et représentations des travailleur·euses considéré·es, met aussi en évidence les conditions et les coûts spécifiques de « l’exceptionnalité » affichée par la métropole francilienne aux échelles internationales et globales : si la densité offre d’inestimables ressources et opportunités pour une très grande variété d’activités et de populations, elle favorise aussi la flexibilité des emplois et des implantations, la volatilité des investissements, une très grande précarité des existences et une incertitude croissante quant à l’habitabilité future de la métropole et de la planète.