Cet article cherche à évaluer l'insistance de la Commission sur la RSE par rapport au droit du travail européen (dans le sens de communauté européenne) et de l'agenda social de la Commission. Il analyse le contenu et les répercussions du Livre vert publié par la Commission sur la RSE et procure un aperçu de la manière dont la Commission entend le concept de RSE : ce qui a débuté comme un projet ambitieux d'établir un cadre légal pour la RSE a abouti à un discours en creux sur la RSE en tant que telle. L'idée de mettre en place un instrument spécifique et exhaustif afin de s'attaquer aux problèmes légaux engendrés par la RSE a ainsi été abandonnée. Malgré l'absence d'une telle démarche, certains développements dans l'agenda social de la Commission ainsi que dans l'approche générique du « mieux légiférer » sont pertinentes pour s'attaquer à des problèmes légaux et plus en lien avec l'actualité, posés par la RSE. Mises bout à bout, elles devraient donner lieu à une approche fragmentée de la législation. De plus, le discours sur le mieux légiférer pourrait servir d'alibi afin de ne pas mettre en œuvre de cadre aussi complet. En outre, ce même discours pourrait être utilisé afin de développer la RSE au détriment du droit du travail proprement dit (« hard » labour law). Enfin, l'auteur se demande si le développement de la RSE constitue une remise en question des perspectives traditionnelles sur les sources du droit du travail de même que sur son renforcement. Ces questions légales soulevées par la RSE s'entremêlent au rôle historique qu'ont joué les acteurs collectifs dans le développement des standards du droit du travail. On peut alors se demander si le développement de la RSE dévalue la position des syndicats au profit des représentants des travailleurs élus. Le discours sur la RSE met aussi en lumière un nouvel acteur collectif du côté de l'employeur. Tandis que les entreprises mères multinationales étaient au cœur de la déclaration tripartite sur les entreprises multinationales publiée par l'OIT et des principes révisés de l'OCDE, des codes de conduite plus récents se concentrent sur la responsabilité des entreprises « hubs » à la tête d'un réseau d'entreprises.