Depuis le démarrage de la production en 2001, l'usine Toyota de Valenciennes est affectée par une crise du travail inattendue et un turnover impressionnant de sa main-d'œuvre. S'agit-il de problèmes liés à la cohérence locale du Système de Production Toyota ? Ou bien faut-il en déduire que derrière la façade de l'emploi à vie et du salaire à l'ancienneté traditionnellement associés à ce système, se cache une réalité moins reluisante ? Afin de répondre à ces questions, l'article met en parallèle le système de relations salariales que Toyota a mis en œuvre au Japon et les difficultés qu'implique sa transposition en France. D'une part, cette analyse montre que l'emploi à vie et le salaire à l'ancienneté ne concernaient au Japon qu'une très petite minorité de la main-d'œuvre, d'où une intense compétition des salariés pour parvenir à ce statut privilégié. D'autre part, celle-ci souligne les difficultés rencontrées par l'usine française de Toyota en montrant que les conditions qui ont permis à ce système d'être viable au Japon - à savoir l'organisation en keiretsu de la sous-traitance, l'institutionnalisation du syndicalisme d'entreprise et la croissance régulière de la production - ne peuvent être reproduites en France. Bien qu'exceptionnelle, la situation de crise sociale dans laquelle l'usine se trouve depuis le démarrage de la production apparaît ainsi comme la conséquence inhérente à son système de production et aux contraintes que celui-ci impose aux managers et aux salariés.