Alors qu’il avait fait l’objet d’une recherche en 2009, le Centre Henri Aigueperse - UNSA Éducation publie dans le cadre des agences d’objectifs de l’IRES un nouveau travail sur la thématique du lien entre éducation et territoire. Ce dernier, mené par Alexandra Vié avec la participation de Jeanne Pelletier et sous la coordination de Denis Adam, cherche à interroger ce qui se cache derrière ce mot valise tant à la mode.
Dans cette recherche, il s’agit de saisir les enjeux institutionnels et scientifiques qui traversent les relations entre "éducation" et "territoires". Si la littérature scientifique met en avant des conceptions divergentes de l’éducation et du territoire, plusieurs questions se posent : comment les acteurs de terrain s’en saisissent-ils et les interprètent-ils ? Comment le sens donné à ces concepts vient-il influencer la mise en œuvre de la politique éducative, tant dans des territoires d’éducation prioritaire que ruraux ? Dans quelle mesure l’éloignement de l’administration centrale peut-il permettre une forme d’émancipation des politiques éducatives locales, notamment en territoire isolé ? Comment l’éducation prioritaire, pensée initialement comme une adaptation au territoire, peut-elle finalement devenir une politique de l’ordinaire ? Dans la mesure où l’action éducative s’inscrit aujourd’hui dans un système pluripartite, comment dans les territoires prioritaires et ruraux s’établissent les relations entre les acteurs ? Comment les acteurs territoriaux se saisissent-ils de leur double positionnement, dans et hors l’école, et comment les conjuguent-ils pour la mise en œuvre d’une seule politique éducative ?
Pour parvenir à répondre à ces questions, plutôt qu’une analyse linéaire, la présentation choisie opte pour des explorations "de côté", alliant études de terrains et approches théoriques. Indépendant, chaque élément de cette recherche met en évidence des aspects de cette articulation. Ainsi une première monographie concerne la Guyane française. De par son statut de DROM, l’histoire de l’implantation de l’école républicaine ne peut se défaire de son passé colonial. Depuis la rentrée 2015, l’éducation prioritaire couvre l’intégralité de l’académie, lui conférant finalement le statut d’une politique ordinaire et masquant les écarts entre ses territoires. De plus, cet espace géographique compris entre le Brésil et le Suriname vient poser la question de la mise en place d’une politique éducative rurale, sur un territoire à 90% forestier. Dès lors, la Guyane française apparaît comme un laboratoire novateur pour interroger les relations entre « éducation » et « territoires ».
Un autre territoire municipal rural étudié est lui situé à la frontière de quatre départements dans le sud-ouest de la France. Le contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19 a également imprégné cette recherche. Il est apparu impossible d’ignorer les conséquences des mesures de confinement sur le monde éducatif, qui, plus que de créer de nouvelles problématiques, mettent en exergue des enjeux anciens et prégnants présentés tout au long de cette recherche. Ces "cheminements" sont encadrés par un travail d’enquête mené en 2019 auprès de militants syndicaux, lequel introduit quelques grands enjeux soulevés dans ce rapport et présentés sous la forme d’un billet de recherche. La dernière partie vise à une mise en perspective de l’ensemble des questions soulevées, explorant les territoires éducatifs dans leurs diverses dimensions tant physiques que symboliques.
Ainsi articulés ensemble, en synergie, les différents éléments de cette approche constituent un cheminement qui révèle à la fois les défis de l’éducation et les enjeux des approches par territoire.